Chapitre 3 partie 2 : À partir de Calgary

Aussi rapidement qu’il est apparu, l’orage s’éloigne. Thor va secouer sa barbe sur d’autres contrées et le fracas fait par son char, tiré par deux boucs, sèmera encore longtemps, chez les bêtes et chez les humains, l’ancestrale crainte des colères du ciel.

Le rougeoiement du soleil levant fait lentement sortir du néant les pentes escarpées des contreforts des Rocheuses. Quelques nuages s’accrochent encore aux arbres, avant de regagner paresseusement, comme à regret, les cieux et de reprendre leurs courses vers l’horizon.

« — Voilà, terminé ! Je vais attendre quelques minutes que l’eau s’écoule, et tendant son index vers les hauteurs qui, peu à peu, se dévoilent il rajoute, là-haut cela doit être complètement impraticable pour le moment.

— On va là-haut ?

— Hé oui monsieur Ayling, on va là-haut ! J’espère qu’il n’y aura pas d’arbre tombé en travers de…du… disons du chemin. Pour votre gouverne, monsieur Ayling, on va là-haut pour redescendre vers une entrée de la base.

— Pourquoi passer par là, alors qu’il existe une route directe pour atteindre l’entrée principale de Black Phantom ?

— Comme je l’ai déjà dit : les ordres, monsieur Ayling, les ordres ! Vous devez, vous quatre, faire une entrée très discrète dans la base. Les hauts gradés ont estimé que le meilleur moyen pour cela est de passer par où nous allons passer. Sincèrement, je pense que ces messieurs dames n’ont jamais mis les pieds par cet accès.

— Il y a un problème avec cet accès ?

— Vous verrez, monsieur Ayling. Vous verrez. Je n’en dirais pas plus, je ne tiens pas à ce que vous et les autres passagers m’abandonniez  maintenant. Allez ! en route !

La lourde limousine s’ébranla lentement. Sigmund, songeur, se tassa sur son siège.

— Je ne sais pas pour vous autres, mais pour moi cette nuit quasi blanche commence à se faire sentir. Je ne suis plus d’âge à ce genre de jeu ! Je vais faire une petite sieste avant de reprendre mon récit.

— Certes, nous autres n’avons pas votre grand âge, répondit Liame avec un petit sourire, mais notre nuit écourtée n’a pas été aussi réparatrice que nous l’aurions voulu. Il faut être un ro… un robuste gaillard, comme le lieutenant ; pour passer plusieurs heures au volant et hardiment continuer sa mission sur des voies de plus en plus mauvaises, pour ne pas dire plus.

— Discipline, entrainement des commandos d’élite, un peu de Glucuronamide et de la vitamine C, un litre de café fort pour faire passer… rien de tel.

— Merci Lieutenant pour la recette, c’est noté ; quoique pour ma part il est un peu tard pour l’entrainement commando. J’en suis à l’entrainement intensif d’enfilage de chaussons. - » Répondit Sigmund entrainant une hilarité collective. 

Une demi-heure plus tard, Sigmund reprenait son récit.

« — J’en étais à ?... Ah oui : la réponse des gouvernants à la création d’Hope1.

 Bien entendu, quelques attaques furent lancées contre la base, quand les gouvernements de l’époque et leurs alliés se rendirent compte que sans la conquête de ce nouveau « pays », ils ne pouvaient reprendre le contrôle de leurs armes. Les attaques menées se soldaient, inexorablement, par de retentissants échecs. Ces échecs démontraient que la grande majorité des scientifiques et des techniciens qui composait la population de ce nouvel État avait dissimulé, à leurs anciens financeurs, les meilleurs fruits de leurs recherches, pour les offrir à l'Armée spatiale.

— Attendez, je ne comprends pas comment l'Armée spatiale a pu, en pleine guerre, ou juste avant, réunir suffisamment de ressources et de moyens physiques, pour se permettre de faire évoluer leurs découvertes, du plan à la maquette, de la maquette au prototype pour finir avec des engins suffisamment fiables pour assurer une défense extrêmement efficace des lieux, comme cela est stipulé dans les livres d'histoire, fit Liame d’une voix interloquée.

Le lieutenant éclata de rire :

« — Ha ! les civils vous n'imaginez pas comme nous autres aimons prévoir large. Vous ne vous doutez pas de la taille réelle de cette base…

Bon ! nous sommes encore à, plus ou moins, une heure du but. Dans quelques secondes, nous serons à hauteur d’un dégagement, comme vous avez pu en voir plusieurs depuis que nous avons emprunté cet accès. Je propose donc de faire une pause pour, entre autres, nous dégourdir les jambes. En effet, le reste du chemin va me demander pas mal de concentration, surtout avec une limousine qui n’est absolument pas adaptée au tout terrain et un soleil qui se lève plus ou moins devant mon nez…

Nous y voilà ! Le cyberhomme va mettre de l’huile dans ses rouages et faire une vidange. À ce sujet, j’allais oublier : pour les besoins physiologiques, ne vous éloignez pas de plus d’une trentaine de pas. Le terrain doit être miné, tout du moins je pense qu’il l’est. Dans le doute… ! »

Pendant quelques minutes l’espace de dégagement sur lequel était stationnée la limousine est déserté. Puis réapparaissant un à un, les passagers se regroupent autour de la voiture, prêts à reprendre leur place. Mais le lieutenant les stoppe dans leur élan.

« — Avant de reprendre le volant, j’aimerais continuer de me reposer un peu. J’en profiterais pour vous parler de la grotte et de Hope1. Si monsieur Ayling est d’accord !

— Faites Lieutenant, Faites.

— Tout d’abord, sachez que Black Phantom est immense. Immense, pas tant du fait de l’homme, mais de celui de la nature. Le lieu d’implantation fut choisi en raison de plusieurs critères, dont la présence de grottes naturelles et d’eau. Dès les premiers coups de pioches, nous avons compris, passez-moi le jeu de mots, que nous avions fait une bonne pioche. Un couloir, des ramifications et une assez vaste caverne au sol plat s’offraient à nous. Sous couvert d’exploitation de carrière, nous avons pu rapidement creuser les premiers kilomètres. Un campement en dur fut installé dans la caverne avec tout ce qu’il faut pour faire vivre quelques centaines de personnes. Le ravitaillement était assuré par une noria de camions qui évacuait les déblais. Certes, ils étaient bâchés pour le retour, mais personne n’a jamais posé de questions à ce sujet. Son éloignement de toutes zones habitées, la première bourgade se trouve à trente-deux kilomètres, nous protégeait de tout visiteur indésirable. Tout l'espace fut classé en zone de réserve et la chasse strictement interdite. Un nombre important de ‘’garde-chasse’’ la surveillait. Comme elle devait rester secrète, elle ne fut que tardivement entourée d’une haute barrière grillagée. Des panneaux ne portant que la mention -Propriété privée entrée interdite- furent posés. Ce n’est que plus tard que la seconde enceinte, électrifiée cette fois, fut construite. Voilà ce qui en est de la genèse.

Pour poursuivre le récit de monsieur Ayling, les attaques contre nous se firent rapidement plus sporadiques, car la guerre se durcissait sur d’autres fronts. Et comme nous nous étions déclarés dès le début comme neutre dans ce conflit mondial, les États en lice prirent la décision de régler ce problème quand ils pourraient y accorder suffisamment de troupes et de matériels.

Durant les années qui suivirent, le monde commença à nous négliger. Et ceci à cause de la guerre devenue totalement mondiale. Elle ravageait de plus en plus la planète, détruisant peu à peu toute forme de gouvernement organisé. Durant ce temps, que nous appelons couramment les années du crépuscule, nous établîmes la structure d’un nouveau type de gouvernement pour le futur, prenant en compte l'état de la planète et celui des populations civiles à la fin de ces guerres. À cette époque, notre préoccupation première était d’interdire à tous les belligérants d’utiliser sur les populations leurs plus puissantes armes chimiques ou nucléaires. Grâce à Dieu, pendant longtemps ils ne firent pas, jusqu’à ce funeste jour d’août 2078. Ce jour-là, le pas fut franchi et une grande partie des grands centres peuplés furent soumis au blast atomique. C'est cette attaque qui décida nos dirigeants à réagir. Le 12 août 2078, un communiqué textuel et vidéo fut diffusé simultanément sur toutes les fréquences utilisées par l'homme, et ce, sans permettre aux belligérants de le brouiller ou de le couper.

— Oui, je m'en souviens, je l'ai entendu à l'entrée de la grotte où ma femme et mes enfants, du moins les deux qui survivaient encore, mouraient d'une simple grippe. Mais bande de salopards, vous ne pouviez pas agir avant ? hurla Derek.

— Personnellement, si je n'avais pas eu accès à certains éléments classifiés, je pense que je réagirais comme vous. Je suis sincèrement désolé pour vos enfants et pour votre femme et pour toutes les fois où nous enragions de ne pas intervenir. Je peux juste vous dire que non, on ne pouvait pas agir avant ! Mais reprenons pour les plus jeunes d'entre nous qui ne se souviennent peut-être pas du déroulement exact des événements. Donc ce communiqué demandait que, dans un délai de cinq mois, toutes les hostilités cessent, tous les États renoncent à leur souveraineté et la mise en place d'un gouvernement mondial. De plus, le même communiqué prévenait que des sanctions drastiques seraient prises contre ceux qui ne voudraient pas obéir aux exigences de cet ultimatum. Et là, je vous l'accorde, nous avons commis une erreur ! Au lieu de frapper directement dans les premiers jours qui ont suivi notre message, nous avons accordé un délai bien trop long aux belligérants. Ce trop long délai leur donna à penser que notre menace n'était que du vent.

Et c'est ainsi que le 12 janvier 2078, en constatant que personne n’avait fait le moindre pas vers la paix, nous avons été obligés de sévir. L'Hadès fut activé en direction de Paris, après qu'un second communiqué bref et clair ait été diffusé. Celui-ci prévenait, voici notre première sanction. En une fraction de microseconde, trois armées belligérantes qui livraient bataille dans un Paris en ruine furent volatilisées. Dans le même temps, le socle rocheux d'une partie de la région parisienne se brisa en multiples fractures, donnant naissance à de multiples failles volcaniques dont les laves et les éjectas recouvrirent rapidement les vestiges subsistants des cités alentour. Le troisième communiqué contenait une vidéo de la démonstration de force tournée à partir d’un satellite, suivie d’un ordre de capitulation immédiate à destination de tous les belligérants et indiquant que, désormais, nous prenions le pouvoir au niveau mondial, et ce, sans aucune négociation possible.

Derek l’interrompt :

— La suite nous la connaissons. Mais dites-moi, comme vous semblez être très bien renseigné, qu'était l'Hadès au juste ? Une arme cinétique, une arme énergétique, genre un gigantesque canon laser, ou autre chose ?

— Pour cette question, vous en saurez plus auprès du Général Styrr. Et si ce que je soupçonne est vrai, vous aurez, bientôt, la possibilité de lui poser toutes celles que vous voudrez. Cependant, je vous préviens, il est fort possible que les réponses que vous obtiendrez soient les prémices de nouveaux et dérangeants questionnements.

À la suite de cette remarque du lieutenant, un ange passe.

Le chauffeur s’étant réinstallé au volant, et ayant mis le contact… le lieutenant se pince le nez et annonce :

— Les passagers à destination de Hope1, terminus Black Phantom, veuillez monter en voiture et veiller à la fermeture des portières. Il est interdit de parler au chauffeur. Prochain arrêt : le pont de l’enfer.

La voiture s’engage au pas, sur les vestiges de ce qui fut les vestiges d’un mauvais chemin. D’une largeur à peine supérieure à celle du véhicule, parsemée de fondrières, enserrées entre une falaise abrupte et un vertigineux précipice, l’allégation du lieutenant concernant la dangerosité de la voie n’est pas vaine.

— Non, mais ce n’est pas vrai ! On ne va pas continuer là-dessus ? On va se foutre la gueule en l’air. Il n’y a qu’un stupide robot, sans jugeote, pour vouloir continuer, s’exclama Liame.

La voiture pile net. Les poings du militaire se crispent sur le volant, il se retourne en foudroyant Liame du regard. 

— Autorisation de parler librement, Monsieur Xerwake ?

— Certainement mon cher !

— Avec tout le respect que je vous dois et pour reprendre l’expression que vous avez utilisée lors de notre rencontre : faites chier ! …

Liame ouvre en grand les yeux, visiblement secoué.

— À bon, j’en prends note !

— Maintenant, ou vous la fermez pour de bon, ou je vous débarque et vous continuerez les quelques kilomètres qui reste, à pied. JE SUIS CLAIR, CETTE FOIS ? »

Sous les regards ahuris et amusés des autres passagers, tout en bougonnant, Liame se tasse sur son siège et se fait tout petit.

Le lieutenant passe la première, et précautionneusement reprend sa conduite entre les fondrières.

Il règne un profond silence, juste troublé par de très légers coups d’accélérateur. Héléna et Derek, assis en vis-à-vis côté ravin, regardent le majestueux paysage des Rocheuses qu’offre le panorama. Au bout d’un instant, leur regard revient sur le bord de la piste, ils mesurent la hauteur du précipice au bord duquel ils évoluent : les cimes des arbres qu’ils dominent sont beaucoup, beaucoup plus basses que le chemin.

« — Beueu.. fait Helena en détournant les yeux et en pointant son pouce vers la vitre.

— Pareil pour moi Helena, soupire Derek.

Helena esquisse un léger sourire.

— Mademoiselle, Messieurs, nous arrivons au pont de l’enfer. Deux minutes d’arrêt.

La voiture s’arrête et le chauffeur tourne la tête vers ses passagers :

— Je vais vérifier, visuellement, l’état du pont. Il y a pratiquement quatre cents mètres de vide à partir du tablier. On nomme ça pompeusement un pont, mais je vous conseille de ne pas vous retourner, une fois franchi le « pont », pour voir sur quoi on a roulé.

Il fait une dizaine de pas, stop net et sort une bordée d’injures. Il revient vers la voiture en se grattant le crâne.

— Alors Lieutenant, ce pont, on l’emprunte ou pas ?

— Pour l’utiliser, il faudrait qu’il soit là, monsieur Ayling.

— Pardon ?

— Comme je vous dis, y’a plus de pont. Je vais commencer par les contacter pour….

Il est brusquement interrompu par un puissant bruit de moteur. Sans mot dire, il se précipite vers le son. Arrêté à l’endroit où devait se trouver le pont disparu, il met ses poings sur ses hanches et se met à crier :

— Tabarnak ! sergent, what the fuck are you doing ?

Une voix forte couvrant le bruit lui répond

— Unité de franchissement. On remplace ce que l’on a enlevé tôt ce matin. Lieutenant, pour rendre le procédé plus rapide, je vous envoie le cordeau gradué. Vous connaissez la manœuvre ?

— Bien entendu ! Vous pouvez envoyer !  Dans son dos une voix l’apostrophe :

— C’est qui ? Ils font quoi ?

Ayant reconnu la voix, sans se retourner il répond d’un ton sec

— C’est le génie ! j’ai frotté ma lampe de secours et ils sont apparus. On est vendredi soir et ils vont faire le pont. On traversera lundi !

Bouche bée, Liame le regarde d’un drôle d’œil, se demandant, si le lieutenant n’est pas en train de se moquer de lui. 

Quinze minutes plus tard, deux solides passerelles, posées côte à côte, enjambent l’obstacle. Le lieutenant demeure quelques instants à s’entretenir avec le sous-officier ayant supervisé le travail.

— Quand j’ai vu que la chose qui nous servait de pont avait disparu, je vous prie de croire, sergent, que je l’ai trouvé saumâtre. Que s’est-il passé ?

— Ordre du Général. Depuis quelque temps, il était question de tracer une vraie route. Une voie certes étroite, mais avec ses dégagements agrandis. De la drainer, de l’empierrer et de camoufler le tout. Cette décision a été prise pour deux raisons : une, votre venue par ce chemin. Il aurait été stupide de vous perdre sur le pont, nous avons déjà perdu trop de monde sur cette voie. Morts étant essentiellement dus à ce qui servait de pont. Deux, l’État-Major a trouvé sensé de se pourvoir d’une sortie de secours diamétralement opposée à l’entrée principale, c’est-à-dire de l’autre côté de la montagne. D’ailleurs, quand vous emprunterez le tunnel, vous allez y trouver des changements. 

— Ok Sergent. Merci, vous pouvez disposer.

Il se retourne vers le groupe de civils

— Mademoiselle, Messieurs, embarquement immédiat. Le but est au bout du tunnel.»

Après avoir enfin franchi l’obstacle par la nouvelle passerelle, moins d’un kilomètre plus loin, la progression de la limousine est stoppée à l’entrée du tunnel.

— Avant-dernier contrôle avant l’entrée dans la base intramuros, avertit le lieutenant.

Barrière levée, feu au vert, la voiture s’ébranle. Au bout de quelques minutes, le conducteur constate que les gars ont vraiment fait du bon boulot : un tapis sous les roues ; une glissière et un muret quand le véhicule traverse une zone entre deux tunnels. Une dizaine de minutes s’écoule dans un silence à peine troublé par le léger bruit du moteur et le chuintement des pneus sur l’asphalte.

—Doivent tous dormir, se dit le lieutenant.

Quelques minutes passent encore et la voix d’Helena l’interpelle. 

— Heu, on va continuer à descendre encore longtemps ? Personnellement, j'ai toujours imaginé que la base, même si elle était souterraine, n'était pas à plus d'une dizaine de mètres de profondeur ; là on a déjà franchement dépassé ce que je croyais.

— Quand j'ai dit inexpugnable, c'est qu'elle l'est vraiment ! Si elle avait été à simplement dix ou vingt mètres sous le sol, un simple missile destructeur de bunker aurait pu l'atteindre. En fait, elle se trouve, en moyenne, à cent mètres de profondeur pour la partie située dans la vallée et à plus d'un kilomètre sous le sommet de la montagne. Quant à sa taille, aux dernières nouvelles elle faisait, dans sa surface maximum, environ deux kilomètres de large sur trois de long. Elle s’étage sur six niveaux. Ça, c’est pour la partie maçonnée. Des couloirs plus ou moins larges furent aménagés pour relier les nombreuses cavernes de différentes tailles que cette partie de la montagne recèle.

— Vous avez dû faire un sacré massacre dans les concrétions.

— Si monsieur le géologue pense aux stalagmites, stalactites et autres concrétions, pas tellement ! Nous avons eu l’avis d’un expert qui nous précédait dans nos travaux. Un certain Monsieur Gensen, professeur à l’université de Calgary, vous connaissez monsieur Xerwake ?

— Oui, c’est le Doyen de la Fac ! Vous m’apprenez que notre cher Anselme est un sacré cachottier… Il ne nous a jamais fait part de ce travail dans les Rocheuses. Je l’entends encore « Les Rocheuses ? Bof ! on a fait le tour, pas grand-chose à glaner… quelques grottes et cavernes sans grand intérêt…on trouve mieux ailleurs. »

— Comme tous ceux qui ont travaillé pour ériger Black Phantom, il est tenu au secret. Vous verrez qu’il a fait un bon travail de protection et de mise en valeur des concrétions les plus remarquables. Il y a même une très exceptionnelle colonne qui lui est dédiée, plus de vingt-cinq mètres de hauts pour une circonférence de quatre mètres, son nom : Le Bel Anselme. Sur un des côtés de la base, courent, sur près de huit cents mètres et sept mètres de haut, des drapés mis en valeur par un éclairage permettant de voir toutes les nuances chromatiques liées au lessivage-dépôt des terrains précédemment traversés.

— Pardon ? Ce que vous venez de dire n’est pas censé être dans le vocabulaire courant d’un lieutenant de l’armée !

— Monsieur Xerwake, j’ai eu un excellent prof, une personne qui est devenu, d’après vos dires, Doyen de votre Fac. J’avais une dizaine d’années, mes parents travaillaient à la construction et à l’époque, je fus un des rares enfants nés sur le site. Il a su m’intéresser. Je peux par exemple vous dire que les Rocheuses canadiennes n’ont pas la même structure géologique que les Rocheuses américaines. Nos Rocheuses ont été formées par chevauchement, les Rocheuses américaines l’ont été par soulèvement tectonique. Les Américaines sont granitiques, les nôtres sont sédimentaires, une des raisons pour laquelle on y trouve des grottes.

— Alors là bravo ! vous m’en bouchez un coin…

 — Maintenant j'aimerais vraiment que vous ne me dérangiez pas, car le dernier tronçon de cette route se situe dans le début des cavernes qui ont servi de socle à la construction du QG. Une bonne partie de la voie qui reste à parcourir est constituée d'une série d'épingles à cheveux taillées dans la paroi, et ce, avec, entre vingt et trente mètres de vide sur le côté. Donc, si vous voulez arriver en un seul morceau, j'aimerais un peu de silence.

— Dangereux non ? interroge Liam.

— Il n’y a que des robots bien programmés qui circulent ici répondit le lieutenant avec un sourire narquois- »

              

 

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