Chapitre 4 : Puskesmas Kori
- HEY ; HEY !!!! Criai-je afin que le groupe d’indonésiens puisse m’entendre. J’espérais que ma voix serait assez audible.
Soudainement, je vis leurs regards se tourner vers moi. Je vis enfin une lueur d’espoir dans ce chaos infernal. Toujours en criant et en essayant tant bien que mal de courir malgré la douleur et le poids de Tom reposant sur mon dos, je me déplaçai rapidement jusqu’à ce petit groupe de cinq-six personnes. Il y avait trois hommes, une femme, un enfant et un nourrisson. Les adultes semblaient se hâter pour monter dans la voiture, certainement par peur ou par simple envie de fuir cet endroit.
Le nourrisson dormait paisiblement dans les bras de sa mère comme-ci rien ne s’était passé auparavant, les adultes n’avait pas l’air trop blessé, mais leurs vêtements étaient presque tous tachés de boue, peut-être avaient-ils pu se réfugier assez tôt pour ne pas subir les mêmes violences que nous. L’enfant avait tout de même l’air très calme, trop calme, ses mains tremblaient, mais le reste de son corps, y compris son regard, ne bougeaient pas d’un centimètre, comme s’il était tétanisé.
J’arrivai tout essoufflée devant eux et tentai de leur parler avec un anglais aussi simple que je sus me permettre d’exprimer pour voir s’ils étaient capables de me comprendre :
-Hello…..Do…Do you speak English ?
Je les regardais en attente d’une réponse dans la même langue et beaucoup d’espoir. Mais aucun mot que je ne pus comprendre sorti de leurs bouches. Il ne s’agissait pas d’une réelle discussion, je ne les comprenais pas même si je voyais qu’ils me disaient quelque chose et eux ne pouvaient pas répondre aux questions que je leur posais. Alors je devais essayer d’aller droit au but :
- Hospital, Hospital. Je répétais cet unique mot tout en montrant le pied blesser de Tom afin de me faire comprendre du mieux que je le pouvais.
Les adultes se regardèrent et continuèrent de parler en langue indonésienne, je savais qu’ils discutaient à mon sujet, car lorsqu’ils échangeaient, un des adultes me montrait parfois du doigt et les regards de certains d’entre eux se tournaient vers moi de temps à autre. Puis un des hommes vint vers moi et prit Tom dans ses bras, les autres hommes m’aidèrent à monter à l’arrière de leur camionnette.
Ne comprenant pas tout de suite, quelles étaient leurs intentions. Je mis quelques secondes avant de les remercier toujours en anglais, pour appuyer cela, je les saluais comme le font les Japonais, en m’abaissant devant eux. La femme tenant le nourrisson, un homme et l’enfant, montèrent à mes côtés dans le moyen de transport assez typique de ce que j’avais pu observer durant mon séjour.
Il s’agissait d’une camionnette de marchandise, un mix entre un tuk-tuk et un pick-up américain. Mais à la différence d’un pick-up, l’arrière de la camionnette était recouvert d’un toit arqué en bois dans lequel s’entremêlait des barres en métal sur lequel devait reposer une toile permettant de protéger la marchandise lors des jours de pluie. L’avant de la voiture était vert et ressemblait à n’importe quel véhicule.
Les deux autres hommes montèrent à l’avant et lorsque l’un d’entre eux démarra la voiture, le moteur fit un bruit aussi retentissant qu’un coup de tonnerre dans le ciel, ce qui me fit sursauter, alors je pris Tom dans mes bras afin de le rassurer, car il tremblait, mais certainement pour me rassurer moi aussi.
La voiture avança et j’espérais de tout cœur que ce groupe nous conduirait à l’hôpital pour que nous puissions nous soigner. En s’éloignant de plus en plus de l’océan, je pus voir l’impact de la vague sur la ville : de nombreux débris étaient éparpillés dans les rues ce qui rendait la route presque impraticable et expliqua pourquoi nous n’avancions pas à une vitesse normale. Mais comme auparavant, le schéma se répétait : les cris incessants et les pleurs, des cadavres gisant au sol, couvert d’algues et de boue. Je venais d’apercevoir un cadavre suspendu à un balcon qui n’avait étonnement pas céder à la puissance de la vague, le cadavre a dû être bloqué par celui-ci pour ne pas avoir été rejeté dans l’océan avec le reste des corps sans vie.
J’évitais de laisser mon regard se perdre dans cet environnement dramatique pour me concentrer sur des détails : une vis mal vissée, un clou rouillé, une peinture écaillée… Enfin tout ce qui me permettait de ne pas regarder la tragédie extérieure même si jusqu'à maintenant, rien ne pouvait être pire que ce que je venais de voir.
Une fois sorti de la ville, je regardai à nouveau à l’extérieur : nous nous étions enfoncés dans une forêt, il y avait très peu de route permettant de rejoindre la plus grande ville où se trouvait l’aéroport, et l’hôpital devait certainement aussi s’y trouver. La camionnette emprunta une petite route de terre qui devait certainement en rejoindre une plus grande avec du bitume. Ne pouvant comprendre ce que les adultes du groupe disaient, je me laissai à nouveau distraire par le paysage tout en gardant Tom près de moi.
Depuis le début du trajet, Tom n’avait pas prononcé un mot, n’avait pas versé une larme, et ne m’avait pas lancé un seul regard, ses sourcils étaient froncés et ses yeux regardaient le paysage avec mépris et colère :
- Quelque chose ne va pas, Tom ?
Il tourna ensuite son regard vers moi :
- Tu m’as dit que tu retrouveras maman, et là, on part loin, alors comment on va la retrouver ? Dit-il en marmonnant et en boudant
- Ces gens nous amènent à l’hôpital, où l’on va pouvoir se faire soigner et dans ce même hôpital, nous allons rechercher ta maman parce que si elle est blessée, elle a dû elle aussi venir te chercher là-bas et se soigner lui dis-je d’une voix aussi rassurante que je le pouvais.
J’évitais de mentionner l’hypothèse que sa mère pouvait être morte, car je ne voulais pas lui faire de la peine, de plus, cela m’était inconcevable.
Il haussa les épaules et me répondit « Mmm… » Puis il se mit de nouveau à regarder le paysage. Il ne semblait pas très convaincu, mais voyait bien qu’il n’avait pas d’autres choix que de suivre mes indications.
La route n’était pas très lisse, il y avait de nombreux nids de poules, branches et objets qui s’étaient déposés sur le chemin en terre, et lorsque la camionnette passait dessus, les tremblements ressentit à l’arrière ravivèrent d’insupportables douleurs dans mon corps. Mais je ne voulais rien laisser paraître pour ne pas inquiéter Tom.
Durant le trajet, la femme se rapprocha de moi, déchira un bout de tissus qui n’était pas taché par la boue de sa manche et remplaça le bandage qui avait été fait auparavant à l’arrière de ma tête. Le bandage qui avait été retiré était gorgé de sang, mais je ne préférai pas m’en inquiéter plus que ça.
Dans mes souvenirs, ce trajet fut assez rapide. Je pense que nous avons roulé pendant au moins quarante-cinq minutes avant d’atteindre la ville. Quarante-cinq minutes, ça peut paraître long pour la plupart des gens, mais quand cette vague a englouti tout sur son passage, c’est à ce moment-là que le temps me paraissait être une éternité.
Je fus assez étonné que rien ne soit détruit, mais cette ville n’était pas aux bords de l’océan, donc il était peu probable que la vague puisse arriver jusque-là.
De nombreuses voitures et scooters affluaient sur la même route que nous, tous ces moyens de locomotion allaient certainement en direction de l’hôpital ce qui me rassura.
Il nous fallut encore quinze minutes avant d’arriver devant l’hôpital, la voiture s’arrêta et les deux hommes sortirent du véhicule pour nous aider à descendre. Merci fut l’un des seuls mots que je réussis à apprendre ces derniers jours et c’est à cet instant que revint ce mot à mon esprit, alors je me tournai vers le petit groupe et leur dis merci dans leur langue tout en les saluant à la manière japonaise afin que mon intention soit comprise même si je prononçais mal leur langue :
- Terima kasih
La femme s’approcha de moi, posa une de ses mains sur mon bras, me regarda droit dans les yeux et me dit quelque chose pendant que son autre main tenait une des miennes Je ne pus comprendre ce qu’elle me dit à cet instant mais je pus voir de la compassion dans ses yeux. Elle remonta dans la camionnette avec le reste du groupe.
Ils me regardèrent et prononcèrent quelque chose que je ne pus comprendre puis remontèrent dans la camionnette, la démarrèrent et repartirent.
Je regardai ma main et vis que la femme m’avait donné le bracelet qu’elle portait autour de son poignet durant le trajet. J’avais pu voir lors de mon séjour, un petit groupe de jeunes femmes qui fabriquait des bracelets de ce genre dans un petit village. Il s’agissait de plusieurs cordes entremêlées dont une devait être du roseau ou une autre espèce végétale. Au centre de ce bracelet, y était accrochés de petites pierres bleues et violettes assez sombres trouvés dans un cours d’eau. À ce moment-là, je ne pouvais plus me rappeler la signification qu’avait ce type de bracelet. Pourquoi cette femme m’avait gentiment donné son bracelet ? Si elle voulait que je garde un souvenir de mon séjour, je crois que ma mémoire est assez bien remplie.
Je pris la main de Tom qui me regarda et me demanda :
- Qu’est-ce que tu leur as dit ? Avec une voix intriguée.
Sa colère semblait s’être absentée :
- Je les ai remerciés de nous avoir conduit ici, maintenant nous allons entrer dans l’hôpital.
Puis je réfléchis quelques instants et repris la conversation :
- Tom, je veux que tu m’écoutes attentivement.
- Oui ?
- On va entrer dans un endroit où il y a beaucoup de gens malades, qui souffrent et certains vont crier très fort, alors quand je te demanderai de fermer tes yeux, je veux vraiment que tu obéisses à cet ordre et que tu fermes tes yeux. D’accord ?
- D’accord, dit-il sans sourciller. Il semblait être quand même intrigué par cette requête.
Portant toujours Tom sur mon dos, je m’avançai en direction de l’entrée de l’hôpital. À l’extérieur, il y avait quelques voitures qui allaient et venaient, des camionnettes et pick up qui déposaient d’autres personnes blessées. Je vis une femme être transporté jusqu’à l’hôpital sur une planche de bois, peut-être était-ce une porte. Elle poussait des gémissements de douleur à chaque fois que la planche bougeait, elle devait être extrêmement blessée pour ne plus pouvoir se déplacer. En voyant cela, je compris que ma douleur serait certainement minime par rapport à celle de ce qui se trouve dans cet hôpital.
Jusqu'à maintenant, je pensais avoir rencontré l’apocalypse et vécu l’enfer : la vague, les cris, les blessés, les cadavres, mais ce que je vis devant l’hôpital restera à jamais gravés dans ma mémoire.
Plus j’avançai et plus mon souffle se saccadais et se coupais :
- Tom, ferme tes yeux. Lui dis-je d’une voix entrecoupée par mon souffle
- D’accord
Je ne pouvais pas être certaine qu’il ait fermé les yeux, mais je n’avais pas d’autres choix que de lui faire confiance.
À cet instant, mon regard se posa sur la chose la plus horrible que mes yeux ne puissent voir en toute une vie.
Ils étaient là, tous devant l’hôpital, recouverts de bâches en plastiques alignés en rang les uns à côté des autres. Tant de corps sans vie devant l’entrée de l’hôpital, de vies arrachées rapidement, mais dans la souffrance, la terreur et la peur, des vies arrachées à des proches et à des gens qui étaient attaché à eux.
En avançant dans le chemin central délimité de chaque côté par les cadavres, je vis deux hommes amener un corps qui semblait boueux et sale, le poser à côté d’un autre cadavre et le recouvrir d’une bâche. Je suppose que tous ceux qui avaient été déposés avant lui avaient connu le même sort.
Il y avait des tentes médicales à côté des lignes de cadavres. Je décidai de m’y rendre, car peut-être y aurait-il des gens qui parleraient anglais et pourraient nous aider concernant nos soins.
Il s’agissait de tentes en plastique, les mêmes que celles utilisées lors de campagne de vaccination ou celles que l’on pouvait voir dans les camps militaires situés à l’étranger sur la télévision.
J’ouvris ou plutôt soulevait ce qui semblait être la porte d’entrée. Dans cette tente, se trouvait quelques enfants portant autour de leurs cous, un papier accroché à une petite ficelle sur lequel était inscrit leurs noms, il s’agissait certainement d’enfants qui avaient été séparés de leurs parents. Ils étaient assis autour d’une table, certains s’étaient assoupis d’autres parlaient ensemble ou étaient silencieux.
Une dame était assise derrière un bureau dans l’angle de la tente, à ce moment-là, elle discutait avec un homme qui lui montrait une photo.
Mais au cours de la discussion, l’homme semblait de plus en plus fébrile et se mit à fondre en larmes devant la jeune femme. Il s’agissait d’un homme d’une trentaine d’année, je pense, un vacancier lui aussi et l’enfant sur la photo qu’il pointait du doigt semblait n’avoir pas plus de trois ans. La jeune femme, quant à elle, ne semblait pas pouvoir l’aider ce qui a du fortement désolé cet homme, elle le redirigea vers la sortie de la tente en lui parlant en anglais, ce qui était une bonne chose, car je pouvais partir de cette information pour instaurer un dialogue.
- Est-ce que je peux ouvrir les yeux ? Me dit Tom d’une voix agacée.
- Oui oui, tu peux les ouvrir.
Je ne vais pas nier que j’avais totalement oublié qu’il avait encore les yeux fermés.
Une fois qu’elle eut raccompagné ce monsieur vers la sortie, elle alla s’asseoir de nouveau derrière son bureau et me fit signe d’approcher. C’était une jeune femme qui devait avoir entre trente-et-quarante ans, qui ne semblait pas être indonésienne, mais devait sans doute connaître les lieux. Elle avait de longs cheveux noirs attachés correctement, et était vêtue d’un tailleur couleur taupe, ce qui me donna un léger sourire, car elle était dans un endroit où les trois-quarts des gens qui s’y trouvaient étaient dévêtues, plein de boues ou portaient des vêtements troués et déchirés par la vague.
Je m’approchai d’elle, espérant pouvoir avoir une discussion correcte en anglais qui puisse répondre à mes questions et nous sortir totalement de cet endroit :
- Bonjour. Dis-je d’une voix incertaine
- Bonjour, comment puis-je vous aider ?
- Nous sommes blessées et à la recherche de sa mère, est ce que vous pouvez nous aider ?
J’avais réellement espoir qu’elle nous vienne en aide.
- Pour commencer, je vais prendre vos noms et vos nationalités, est ce que vous êtes de la même famille.
- Non, pas du tout.
- D’accord
- Je m’appelle Lucy Galer, je viens de France et ce petit garçon s’appelle Tom Anderson, il vient des Etats-Unis.
- Très bien. Maintenant, pouvez-vous me dire si vous êtes blessés et si oui, pouvez-vous me dire où précisément et le degré de douleur s’il-vous plaît.
La jeune femme récitait ses questions pour remplir un dossier, je suppose que je ne devais certainement pas être la première personne à être venu la voir aujourd’hui.
- Je suis blessée au niveau de la tête, mais la douleur est supportable, mon bras droit doit certainement aussi être cassé, ma cheville est aussi douloureuse, mais je peux encore marcher et mon dos me fait atrocement, mal.
- D’accord, et pour le jeune garçon ?
- J’ai remarqué une grande entaille au niveau du pied qui risque de s’infecter s’il n’a pas de soins rapidement et il a mal au dos.
- D’autres blessures à constater ?
Il est vrai que jusqu’à présent, je n’avais pas redemandé à Tom s’il avait eu de nouvelles douleurs lors du trajet :
- As-tu mal autre part qu’à ton pied et au dos Tom ? Lui dis-je d’une voix assez inquiète.
- J’ai un peu la tête qui tourne et j’ai chaud, me dit-il tout en étant fatigué et quelque peu essoufflé.
Je savais qu’il pouvait s’agir des signes d’une infection et cela ne prédisait rien de bon à l’avenir.
- Très bien. Me dit la jeune femme sans aucune émotion.
À part répondre : « Très bien », la jeune femme ne faisait qu’écrire sur une feuille de papier en me jetant quelques regards de temps à autres. Mais que pouvait-elle bien marquer sur cette feuille qui prend autant de temps avant de nous conduire directement vers des soins appropriés ?
- J’ai fini de remplir mes documents, je ne vais pas vous mentir, l’hôpital est bondé de gens qui comme vous, ont subi de nombreux dégâts et beaucoup de personnes sont blessés très gravement, un médecin viendra vous soigner, mais vous allez avoir certainement de nombreuses heures d’attente.
- Cela ne me rassurait pas beaucoup, mais nous n’avions pas le choix.
- Savez-vous où je peux trouver un téléphone pour prévenir ma famille que je suis en vie ?
- Avec un accident de cette ampleur, les lignes sont toutes occupées par des gens qui appel à l’aide, et même avec le dernier iPhone, vous ne réussirez pas à joindre votre famille.
- OK d’accord… Dis-je tout en soupirant.
- En revanche, je peux vous indiquer où aller dans l’hôpital pour que vous puissiez être pris en charge dans le bon service, les médecins n’auront pas le temps de vous aider dans vos recherches donc vous devrez vous débrouiller. Si jamais vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, vous pouvez laisser le petit dans cette tente, je m’occuperais de contacter l’ambassade de son pays pour effectuer qu’une assistante sociale vienne le prendre en charge.
- C’est gentil, mais ce ne sera pas nécessaire, sa mère est encore en vie et elle doit certainement être dans cet hôpital.
La jeune femme me regarda en sachant que j’essayais moi-même de me convaincre avec ces paroles.
Elle me montra un plan de l’hôpital tout en m’indiquant quel chemin prendre pour arriver dans le bon service.
- Merci pour votre aide.
- Bonne chance, me dit-elle.
Je repartis vers l’entrée de la tente afin d’entrer dans l’hôpital.
Une fois arrivé devant la porte de l’hôpital, je m’arrêtai, les yeux rivés sur la poignée de porte :
- C’est ici que l’on va retrouver maman ? Me dit Tom.
- Je l’espère de tout cœur Tom. Je ne sais pas ce qu’il y a dans cet endroit donc ferme tes yeux s’il te plaît. Lui dis-je d’une voix peu rassurante.
Comme avant de plonger plusieurs minutes en apnée, je pris une grande inspiration avant de me glisser à nouveau dans l’inconnu, qui sait ce que nous allons découvrir ou voir encore dans cet hôpital, mon corps a certainement subi le pire, mais pas mon esprit.