Le bon service, mais quel bon service ? Chaque recoin de cet hôpital était occupé de gens blessés, les salles d’attente étaient désormais occupées par des lits d’hôpitaux tellement le nombre de blessés graves était important.
Il était difficile de se repérer correctement tant les couloirs étaient occupés. J’avançais tant bien que mal, évitant les obstacles qui obstruaient notre chemin tout en portant Tom sur mon dos.
Avec un peu de mal, Tom aurait pu marcher tout en me tenant la main pour avancer vers notre destination, mais avec toute cette foule, les sols étaient devenus boueux et je ne voulais pas qu’il risque de faire une infection ou alors de se surinfecté sachant qu’il montrait il y quelques instants, de nombreux signes d’infection et d’inflammation. De plus, s’il était sur mon dos, j’étais sûr de ne pas le perdre, même si cela devait accentuer ma douleur.
Nous avions deux objectifs à accomplir : nous devions d’abord nous soigner puis retrouver la mère de Tom. Je sentais que chacun de ces objectifs allaient être difficile à atteindre, mais j’espérais de tout cœur que la mère de Tom soit en vie.
Après avoir passé l’entrée, nous avons dû prendre un couloir qui menait à l’aile est de l’hôpital, un couloir rempli de gens, certains avait l’air d’avoir été soignés, mais je ne sais pas pour quelle raison, ils sont restés dans ce couloir. Il y avait quelques personnes qui parlaient entre elles, il me semble qu’ils parlaient le néerlandais, peut-être était-ce une même famille.
C’est à cet instant que je fus très heureuse que mes amies soient reparties hier, parce que je n’aurais pas pu supporter de ne pas savoir où elles étaient et ce qui leur serait arrivé si je les avais perdues. Je pense que c’est ce que Tom doit ressentir, ça doit le rendre fou de ne pas savoir où se trouve la personne qu’il aime le plus au monde. Malheureusement, je ne connaissais pas assez sa mère pour m’inquiéter réellement pour elle, je m’inquiétais plus de ce que Tom pouvait ressentir.
En continuant d’avancer dans ce couloir, j’aperçus tout type de personne : un homme assez vieux essayait tant bien que mal de faire fonctionner son téléphone pour désespérément appeler sa famille, une petite fille s’était endormie sur les genoux d’un homme qui devait être probablement son père, elle devait certainement être la seule personne à pouvoir dormir après tout ce qui s’est passé.
Il y avait un jeune homme qui n’avait pas l’air blessé, mais il fixait le mur qui se trouvait devant lui, rien ne pouvait le perturber, peut-être essayait -il d’oublier tout ce qui venait de se passer, et tout le malheur qui l’entoure, comme moi auparavant, lorsque j’étais dans la voiture qui m’emmenait dans cet hôpital.
Et enfin, il y avait les blessés, heureusement que Tom avait les yeux fermés, parce que je pense que je n’allais pas tarder à vomir après ce que je venais de voir.
Quelques personnes attendaient devant une porte qui devait certainement être celle d’un médecin, mais ces personnes avaient réellement perdu une part d’elle-même, au sens propre : un homme avait un énorme bandage rempli de sang autour de son avant-bras qu’il maintenait avec son autre main, sa main droite a dû lui être arrachée par la vague, je n’imagine même pas la douleur que l’on peut ressentir l’lorsque l’on est démembré.
La femme qui se tenait en face de lui avait un bandage autour du visage, une personne en blouse blanche, certainement une soignante, lui a retiré le bandage et je ne me serais jamais attendu à cela : l’entièreté de sa joue gauche avait disparu, on pouvait voir l’intérieur de sa bouche, sa langue, ses dents du côté droit, lorsque la soignante lui remit le bandage et le serra, la femme poussa un gémissement si fort que cela me coupa le souffle instantanément.
Le jeune homme assis qui attendait devant la porte du médecin avait quant à lui la jambe gauche dégoulinante de sang, cela avait créé une petite flaque ou bout de son pied, et en remontant mon regard vers la source de ce sang, je vis que l’homme avait un éclat de branche planté dans sa cuisse gauche et dépassant d’une dizaine de centimètres, et il devait faire trois à quatre centimètres de diamètre.Le jeune homme assis qui attendait devant la porte du médecin avait quant à lui la jambe gauche dégoulinante de sang, cela avait créé une petite flaque ou bout de son pied, et en remontant mon regard vers la source de ce sang, je vis que l’homme avait un éclat de branche planté dans sa cuisse gauche et dépassant d’une dizaine de centimètres, et il devait faire trois à quatre centimètres de diamètre. J’espère qu’il sera pris en charge assez vite pour ne pas se vider de son sang.
J’entendais des gémissements et des cris de douleur qui provenaient de la pièce où était le médecin.
Au moment où je passais devant la porte du médecin, celle-ci s’entrouvrit, le médecin sortit pour chercher sa collègue soignante et le temps que je pus passer devant la porte, je regardai l’intérieur de la pièce.
Un homme était assis sur la table d’auscultation, il regarda droit devant lui puis au dernier moment, il tourna sa tête dans ma direction et je vis que son œil gauche avait été arraché, il n'y avait plus rien, juste un trou béant, d’une rougeur incandescente. Mon souffle s’entrecoupa de nouveau, peut-être par peur ou par effroi, je ne pus que baisser les yeux devant cet homme comme pour me protéger de quelque chose, mais j’avais déjà vu son malheur alors de quoi devais-je me protéger. Je pense que je ne savais pas du tout comment réagir face à ce genre de situation, alors je continuai mon chemin vers la fin de ce couloir.
En y repensant aujourd’hui, j’ai honte d’avoir eu ce comportement envers cet homme, car c’est le comportement que beaucoup de gens auront avec lui à l’avenir à cause de sa différence, ils ne lui accorderont que de l’indifférence, je déteste donner ce sentiment au SDF que l’on peut croiser dans la rue où à des gens qui ont subi ce type de malheur alors je me sens encore plus honteuse d’avoir certainement été la première personne indifférente que cet homme a pu voir.
Le couloir déboucha sur un hall qui était maintenant rempli de lits d’hôpitaux tous occupés par des personnes qui ne pouvaient sûrement plus être capables de se déplacer. Je demandai à nouveau à Tom de fermer ses yeux, car je ne savais pas ce qui pouvait se trouver dans cette pièce. Le visage de Tom me montra qu’il accepta péniblement ma requête, mais il n’ajouta rien de plus.
De nouveau, nous avions eu à faire face à cette multitude de cris, de peurs, de haines, de souffrances… Des gens sur ces lits d’hôpitaux avaient des membres arrachés, je vis un homme être transporté en urgence vers certainement une salle d’opération, ses intestins étaient sortis de son abdomen qui avait dû être lacéré encore et encore jusqu’à l’ouverture totale de celui-ci. Voir cet homme me fit presque vomir, alors je détournai le regard pour me concentrer sur Tom.
Parmi toute cette foule hurlante, quelques personnes étaient là, allongées sur leur lit d’hôpital, silencieuses, calmes, mais à la différence de quelqu’un de normal, leurs yeux étaient grand ouvert, fixant le vide et remplis de larmes, ce que ces personnes venaient de vivre était tellement violent que cela leur avait ôté la parole, le mouvement, et peut-être toute vie ou espoir en eux, c’est certainement une résultante du trouble de stress post-traumatique. Il faut donc que je reste concentré pour ne pas en arriver là et me laisser détruire par cet événement.
Nous devions traverser ce hall pour enfin atteindre le service indiqué. Une fois arrivé, je fis descendre Tom de mon dos et l’asseyais à côté de moi, nous avons pu nous asseoir sur un rebord de fenêtre qui n’était pas occupé en attendant que le médecin ouvre sa porte pour nous accueillir.
L’attente fut longue, je n’avais réellement aucune notion du temps, mais cela me semblait être une éternité. Plus nous attendions devant cette porte, plus l’envie de tomber dans les bras de morphée se fit ressentir, mais je ne savais pas si je voulais réellement dormir malgré le fait que tout cet événement fût épuisant ou si cela est dû à ma blessure, à mes multiples blessures devrais-je dire.
Je ne pouvais m’empêcher de repenser à tous ces gens que j’avais croisés dans l’hôpital, ces blessés physiquement et mentalement, ces âmes perdues, ces médecins et soignants qui les aides, cette dame qui nous a guidé jusqu’ici. Par ailleurs, je me demande si elle savait vraiment quel genre de patients se trouvaient dans cet hôpital, à quel point cette journée les a blessés, elle m’avait paru assez froide et assez indifférente à notre cas, presque en manque d’humanité. Elle a dû voir des gens en pire état que nous, et je pense qu’elle essaye certainement de se protéger de toute cette souffrance.
C’est aussi pendant ce temps que je pensa à ma mère, qui devait certainement être morte d’inquiétude, n’ayant aucune nouvelle de moi depuis des heures, elle a certainement dû voir aux informations de la télé qu’un tsunami venait de frapper une petite île en Indonésie, elle à certainement tenter de me joindre une centaine de fois sans réponse, elle a dû tout faire pour joindre mes amis pour avoir ne serait-ce qu’un petit espoir, puis appeler la police pour essayer de me retrouver par tous les moyens, et si cela n’aboutissait toujours pas à quelque chose, elle aurait pris le prochain avion pour venir sur cette île et me trouver elle-même. Étant plus jeune, je lui reprochais de ne pas faire assez attention à moi ou au contraire d’être trop sur mon dos, mais à cet instant, la seule chose que je souhaitais était de la serrer dans mes bras pour la rassurer et lui demander pardon.
Tom s’était assoupi sur mes jambes, il paraissait calme, détendu et paisible, tout ce voyage avait du énormément le fatiguer. Je mis ma main sur son épaule pour le rassurer mais, je sentis qu’il tremblait :
- Tom, est ce que ça va ? As-tu peur ?
- J’ai très chaud. Me dit Tom en entrouvrant légèrement ses yeux.
Je compris que cela ne prédisait rien de bon, s’il ressentait une sensation de chaleur, mais que son corps tremblait, cela signifiait que son organisme se battait contre une bactérie ou quelque chose qui avait produit une réaction inflammatoire, je ne voulais pas prendre le risque que cela puisse empirer. Alors je me suis levé en le laissant endormi sur le bord de fenêtre, je lui avais dit auparavant que j’allais revenir, car je ne voulais pas qu’il puisse se sentir abandonné, puis je suis allé toquer devant la porte du médecin devant laquelle nous attendions. Des gens attendaient aussi, mais nous étions presque les suivants et la condition de Tom commençait à m’inquiéter. De plus, le médecin était depuis un bon moment dans son bureau avec un patient, ou l’inquiétude aurait-elle raccourci le cours du temps ?
Je dus toquer deux ou trois fois à la porte avant que le médecin ne m’ouvre, il avait l’air surpris que je toque ainsi et me demandai de retourner m’asseoir, car il m’appellera quand viendrait mon tour, je dus alors lui expliquer que cela ne me dérangeait pas d’attendre, mais l’état de santé de Tom se dégradait et je craignais pour lui. Le médecin regarda derrière lui puis me dit d’attendre encore cinq minutes pour qu’il puisse finir de soigner le patient dans son bureau et ensuite, Tom serait le patient suivant.
J’alla me rasseoir en espérant qu’il ne prendra pas plus de cinq minutes, car je voulais vraiment que Tom puisse se faire soigner.
Le médecin respecta sa promesse et quelques instants après avoir toqué à sa porte, il me fit signe et me demanda d’entrer avec Tom. Je réveillai doucement Tom pour lui dire que nous allions voir le médecin et celui-ci m’aida à porter Tom jusqu’à son bureau.
Le bureau du médecin était assez rangé, en face de la porte se tenait une table sur laquelle les patients étaient auscultés, le bureau du médecin était quant à lui au fond de la pièce, une pile de papier était disposé dessus, certainement de la paperasse qu’aucun médecin ne souhaite traiter, il y avait aussi un meuble en plastique dans lequel était certainement rangé du matériel médical, un stéthoscope était posé sur ce meuble, quelques cartons étaient disposés un peu partout dans la pièce, mais je ne savais pas ce qu’ils contenaient.
La pièce semblait plutôt propre, mais je pouvais déceler une odeur de sang, à côté du meuble contenant du matériel médical se trouvait une poubelle avec un sac plastique jaune, j’avais vu dans une émission que ce genre de poubelle était réservé aux déchets médicaux, c’est donc certainement de ça que provenait l’odeur de sang.
Le médecin quant à lui était un homme âgé d’une quarantaine d’années, il n’était pas très grand, n’avait que quelques cheveux blancs et portait une barbe taillée, il avait aussi d’énormes cernes, il devait être épuisé après tous les patients qu’il avait soignés aujourd’hui. Il posa Tom sur la table afin de l’ausculter. Tom n’arrivait pas réellement à rester éveillé, combattre l’infection devait lui demander énormément d’énergie. Je restai à côté de Tom tout en laissant le médecin s’occuper de lui. Il commença par nettoyer son pied avec de l’eau pour retirer de la boue ou des saletés qui se seraient collés à son pied pendant tout notre périple. Puis il désinfecta une grande partie de son pied avec un produit jaune, certainement de la bétadine. Il sortit de son meuble une aiguille qu’il planta dans un produit, puis me demanda si Tom était allergique à certains produits, je lui répondis que je n’en avais aucune idée, j’aurais dû demander à Tom avant qu’il ne soit plus capable resté éveillé, mais un enfant de son âge sait-il vraiment ce à quoi il peut être allergique ?
Le médecin me disait que la piqûre était un antidouleur et un antibiotique permettant d’aider le système immunitaire de Tom à vaincre l’infection, puis il sortit un fil et une aiguille provenant du meuble et recousu la plaie qu’il eût au pied avec six points de suture, il y appliqua par la suite un bandage qu’il enroula autour de son pied.Le médecin me disait que la piqûre était un antidouleur et un antibiotique permettant d’aider le système immunitaire de Tom à vaincre l’infection, puis il sortit un fil et une aiguille provenant du meuble et recousu la plaie qu’il eût au pied avec six points de suture, il y appliqua par la suite un bandage qu’il enroula autour de son pied.
Une fois l’auscultation terminée, le médecin me dit que j’avais bien fait de demander que Tom soit pris en charge assez vite, car il aurait pu risquer une infection grave, mais maintenant il se portera beaucoup mieux, l’antibiotique va le remettre d’aplomb. Il faudra veiller en revanche à ce que sa plaie ne se réouvre pas ou ne s’infecte pas. Quant à son dos, il s’agissait seulement d’un coup qu’il a dû recevoir lorsque la vague a frappé, il aura un ou plusieurs bleus sur la colonne, rien de grave n’est apparent, mais le médecin me dit qu’il serait judicieux de le refaire ausculter de nouveau une fois rentré dans nos pays.
Le médecin, porta Tom et le posa sur une chaise à côté de son bureau pour qu’il puisse continuer de se reposer, puis il me demanda de me placer à mon tour sur la table d’auscultation. Il commença par retirer le bandage qui entourait ma tête, cela m’avait fait un peu mal, car le sang qui était sorti de ma blessure, c’était colmaté et avait collé mes cheveux au bandage. Le médecin n’avait pas l’air très content en voyant ma blessure ce qui m’inquiéta quelque peu.
- Vous avez pris un sacré coup sur la tête, le crâne ne semble pas être fracturé, mais il s’agit d’une assez grande plaie et je veux éviter tout risque d’infection à l’avenir donc je vais devoir vous raser une petite partie de la tête pour pouvoir retirer le sang colmaté, nettoyer la plaie, puis je vais vous faire comme le jeune garçon une piqûre d’antibiotique et d’antidouleur pour ensuite pouvoir vous recoudre.
Lorsqu’il parla de raser ma tête, mon visage montra facilement une expression de peur, mais le médecin me rassura en me montrant exactement la taille de la surface qu’il allait raser sur mon crâne. Il s’agissait d’un petit carré d’environ trois à quatre centimètres de côté… Je me suis dit que de toute manière, ça aurait pu être pire et mes cheveux finiront de toute façon par repousser.
L’antidouleur qui devait certainement être de la morphine, n’avait pas agit aussi bien que je l’aurais voulu, je sentais l’aiguille passer dans mon crâne et me faire mal à chaque passage, je pense que le médecin ne pouvait pas nous donner quelque chose de plus fort. De plus, je devais rester assez lucide pour retrouver la mère de Tom.
Lorsque le médecin eut terminé ce qu’il m’avait indiqué précédemment, il regarda ensuite mon bras, et il me dit que j’avais bel et bien le poignet droit cassé, alors il me dit qu’il allait me mettre une sorte de plâtre qui me permettrait de ne pas bouger mon poignet mais il faudrait en retournant en France que j’aille faire une radiographie car à ce moment-là, l’hôpital était tellement occupé par des patients dans des états plus critiques les uns que ls autres qu’il était inutile de nous faire attendre des heures voir des jours pour faire une radiographie d’une simple fracture du poignet. Mais le médecin me conseilla de faire cette radiographie afin de m’assurer qu’une brisure d’os ne se serait pas détaché d’un de mes os et pourrait sectionner les veines et artères alentours, le plâtre me permettrait de limiter mes mouvements un maximum, ainsi, je pourrais éviter assez grandement qu’une brisure ne se déplace.
Quant à ma cheville, il s’agit d’une légère entorse, le médecin me dit que normalement, je devrai marcher avec des béquilles, mais avec la situation actuelle, je devrai me contenter d’éviter de m’appuyer trop sur ce pied. Il sortit une poche de glace d’un meuble réfrigéré au fonde de la pièce et s’occupa de mon dos le temps que la glace puisse agir malgré la chaleur ressentie dans la pièce.
Le simple fait de me pencher vers l’avant pour que le médecin puisse m’ausculter ne m’empêcha pas de laisser échapper un gémissement de douleur. Il écouta le rythme des battements de mon cœur avec son stéthoscope et descendit jusqu’en bas de ma colonne vertébrale, puis il me demanda de m’allonger sur la table, mais cette fois-ci, je devais m’allonger sur le ventre. Au moment où je changeai de position, il veilla à ce que mes mouvements ne soient pas brusques et m’indiqua de bouger très lentement. Au départ, je me suis dit qu’il était très avenant, mais je compris que c’était pour éviter d’aggraver ma blessure.
Il mit des lunettes avec des lampes intégrées à celle-ci pour regarder plus attentivement ma blessure :
- Ce que je vais vous dire peut ne pas vous rassurer, mais il se trouve que vous n’avez pas qu’une simple blessure dans le bas de votre dos. En regardant de plus près avec mes lunettes, j’ai aperçu un débris dans la plaie, je ne sais pas s’il s’agit de bois ou de métal, heureusement la blessure se situe sur votre côté gauche de votre dos et est donc assez loin de la moelle épinière donc vous n’aurez pas de problème pour marcher, mais il faut de nouveau que je vous fasse une piqûre pour vous endormir légèrement, car la douleur risque d’être assez importante, j’espère que vous n’êtes pas allergiques aux anesthésiants locaux ?
Je lui répondis qu’il pouvait faire la piqûre, puis ce fut une expérience assez étrange à vivre, et quelque peu effrayante : je ne pouvais pas sentir ce qu’il faisait, mais j’entendais lorsqu’il prenait un nouvel outil dans le meuble situé à côté de lui ou lorsqu’il posait sur une sorte de plaque métallique. Je ne ressentais aucune douleur, mais je continuai de bouger mes orteils par peur de ne plus pouvoir marcher même si le médecin venait de me dire que ça n’arrivera pas, ce n’était pas que je ne lui faisais pas confiance, mais je pense que c’était surtout un moyen de me rassurer. Ma blessure au dos, fut celle qui aura été traitée avec plus de temps que les autres. Je ne sentis rien jusqu’à ce qu’il m’applique un pansement.
Une fois terminé, le médecin me demanda de me rasseoir doucement, puis il me montra sur la plaque métallique ce qu’il avait retiré de ma blessure : c’était un bout de bois d’environ quatre centimètres et assez pointu. Je ne pus m’empêcher d’écarquiller grandement mes yeux quand je vis la taille de cette chose. Le médecin me dit que le bout de bois a dû être enfoncé plus profondément à force de porter Tom sur mon dos et que la longueur de celui-ci avait perforé un de mes muscles et aurait pu perforer un de mes reins s’il s’était enfoncé plus profondément, mais heureusement nous l’avons retiré à temps. Le médecin m’expliqua qu’il a pu recoudre mon muscle ainsi que la plaie, mais ce sera encore douloureux quelques jours.
- Donc Tom et moi sommes sortis d’affaires ? Demandais-je au docteur
- Oui, le plus gros risque maintenant pour vous deux est le risque d’infection et votre bras, c’est pourquoi il faut impérativement refaire un check-up de vos blessures lorsque vous serez revenu dans vos pays respectifs.
- D’accord merci pour tout docteur, puis je prendre encore une ou deux minutes de votre temps pour vous demander où je pourrais retrouver sa mère ?
Le médecin regarda Tom qui dormait encore paisiblement puis me regarda dans les yeux :
- Savez-vous si sa mère est en vie ? Me dit-il en soupirant avec désespoir
- Je n’en ai aucune idée. Lui répondis-je sur la même intonation
- D’accord. Si elle est en vie, elle n’a peut-être pas encore été amenée dans l’hôpital ou elle est au contraire à l’intérieur de cet hôpital dans un autre service, il faudra alors la rechercher, mais faite attention à ne pas attraper une maladie ou quoi que ce soit avec vos récentes blessures. Mais je dois aussi parler de l’éventualité dans laquelle elle ne serait plus de ce monde, vous pouvez mettre sa photo sur le panneau à côté de l’entrée de l’hôpital avec un numéro de téléphone joignable, car si quelqu’un la retrouve, morte ou vivante, il pourra quand même vous prévenir. Sinon je pense que vous avez dû le voir, mais des corps sont entreposés à l’extérieur de l’hôpital, vous pouvez demander au personnel soignant qui se trouve à l’extérieur de vous aidez à chercher cette dame parmi ces gens allongés au sol. Je vous conseille de commencer par cela, car ça vous évitera de perdre du temps et de l’espoir.
Tout en l’écoutant, je ne pouvais m’empêcher de perdre espoir, car je m’approchais de plus en plus de la sure réalité de la vie, sa mère pouvait être morte, et même si cela m’était inconcevable, c’était une possibilité.
- Cela ne m’enchante pas vraiment, mais je n’ai pas le choix, je dois le faire pour Tom. Puis-je vous poser une dernière question ?
- Oui bien sûr.
- Est-ce que vous allez bien ? Comment vous sentez vous ?
Le médecin laissa échapper un soupir accompagné d’un léger sourire :
- Vous venez de vivre le pire et c’est vous qui me demandez comment je vais. Soit la vie est faite d’une ironie assez intéressante, soit vous êtes une personne remplie de la plus grande compassion que je n’ai jamais connue.
- J’ai subi cette vague et je crois avoir passé le plus dur, mais vous en subissez encore les conséquences et ce n’est pas parce que vous n’avez pas eu à faire face à cette tragédie de la même manière que moi, que vous ne ressentez rien du tout.
- Je vous remercie de votre compassion mademoiselle, que tous les dieux vous bénissent. Pour être tout à fait honnête, je n’ai jamais rien vécu de tel de toute ma carrière, les gens afflux tous dans des états plus graves les uns que les autres, vous avez vécu la même histoire mais pas de la même manière et pourtant, vous vous entraidez les uns et les autres pour que tout le monde puisse s’en sortir. Nous perdons notre humanité en entreposant les corps de nos défunts sous des bâches à l’extérieur de cet hôpital, mais nous la regagnons en aidant son prochain. Pour ma part, les prochains jours vont être rudes, mais je sais que le meilleur est à venir, car nous sommes en train de vivre le pire. De votre côté, je pense que le chemin n’est pas terminé, mais vous êtes sorti des enfers en vie tout en sauvant ce petit garçon. Ne vous torturer pas l’esprit avec toute la misère qui nous côtoie en ce moment, mais avancez, la tête haute et fière de pouvoir dire : « je suis vivante ».
Ses paroles décrochèrent mon premier sourire depuis ce matin.
- Merci monsieur, bon courage.
- Bon retour jeunes gens.
J’allai réveiller Tom, puis le portai cette fois si, non sur mon dos, mais à l’avant de mon corps pour ne pas trop appuyer sur mon dos, puis je sortis du bureau du docteur, me retournant une dernière fois en lui souriant avant de franchir le pas de la porte, il me sourit à son tour et je repris mon chemin en direction de là l’entrée de l’hôpital soigné et rassurée par les paroles du docteur.