Le week-end arriva vite pour le groupe de Rokoujou vivant encore tous chez lui, sans la présence d’Emi, mais sous la surveillance de Yuki. Ce Dimanche 13 janvier 2013, ils devaient tous rentrer chez eux. Les maisons de Ko et Kotai furent détruites il y a un peu plus d’une semaine de cela, et elles étaient déjà reconstruites grâce aux menuisiers Honmas des Empires. L’intérieur était comme au premier jour, les objets étaient revenus à leur même place, même si tout n’avait pas pu être retrouvé ou reconstitué. On s’était demandé pourquoi Uchikina était resté chez Rokoujou, sa maison n’étant pas endommagée. La demande venait directement de ses parents, voulant qu’il soit sous la responsabilité des Empires en attendant leur accord officiel pour se sentir prêt à recevoir leur fils. Ils sortaient de table lorsqu’ils devaient partir, Rokoujou resta chez lui, il n’allait pas suivre Sezuni chez leur grands-parents dont la maison fut aussi reconstruite, il espérait que sa mère rentre aujourd’hui pour lui poser beaucoup de questions.
Les atmosphères apparaissaient comme tendue lorsque Kotai, Ko et Uchikina arrivaient chez eux. Un long silence pesant s’imposa et chacun avait réagit à sa manière. Chez Kotai, ce dernier faisait les cent pas attendant une réaction quelconque de ses parents. Sa grande sœur était aussi présente et affichait la même hésitation à prendre la parole. Kotai n’arrivait plus à attendre et manifesta son impatience :
« - C’est quoi ce silence ? On m’a dit qu’on m’expliquerait et quand j’arrive tout le monde se tait. Qu’est-ce qui se passe ? De quoi vous avez peur ?
- Kotai calme-toi s’il-te-plaît. Lui demanda sa mère tremblotante.
- J’étais calme avant que vous restiez silencieux et enfermés dans le secret. »
La crainte qu’avait sa famille été qu’il s’emporte et frappe quelque part. Sous l'énervement, Kotai pouvait engager un coup pour évacuer le stress, même s'il n'avait jamais frappé sur un membre de sa famille, il ne se le permettait pas. Seulement s’il venait à frapper avec sa force actuelle, il risquerait de détruire un mur complet. Sa sœur restait collée au fond du siège, sa mère assise devant l’ordinateur, mais tournée vers lui essayait de trouver ses mots, tandis que son père, debout à côté d’elle semblait encore réfléchir à ce qu’il allait dire.
« - Kotai, comprends nous, c’était bien trop tôt pour toi. On ne voulait pas t’imposer ça. Continua sa mère.
- Mais, je le sais tout ça, je vous fais pas de reproche pour ça. Ce qui m’a fait le plus chier, c’est que vous me le cachiez depuis le début ! Que je sois prêt ou pas, je m’en fous, - personne n’aurait été prêt pour ça, personne ! Mais j’aurais préféré pouvoir l’anticiper si j’avais été au courant. Ça me paraît logique !
- Écoute, les Empires sont strictes avec ça, on ne peut pas faire à notre bon vouloir. Il faut préserver-
- Je me fiche bien de ce que disent vos sois disant Empires. Qu’est-ce que vous attendez de moi hein ? Surtout qu’on m’a dit que Papa avait coupé les ponts avec eux pour ne pas nous impliquer dans leur galère, alors pourquoi vous suivez encore leurs règles ?
- C’est dans l’histoire, c’est la famille, c’est ton héritage.
- Eh bah il est beau l’héritage !
- Kotai ! S’exclama sa mère coupée par son mari très calme.
- Delphine, attend…. »
Kotai s’était tût aussi lorsque son père interrompit leur échange. Yasu Koeda était un homme ayant, d’apparence, la cinquantaine. Il n’avait pas vraiment la carrure d’un soldat d’un Empire, il n’était qu’un père de famille qui voulait vivre tranquillement dans cette maison de la petite ville de Vierges-Chelles. Il se retrouvait dans une situation qu’il redoutait depuis bien longtemps et qu’il avait dû confronter il y a quelques années avec la grande sœur. Heureusement, cette dernière était beaucoup plus compréhensive que son petit frère. Il ne voulait pas mâcher ses mots et aller droit au but, ne pas tourner en rond et avouer au plus profond ce qu’il ressentait à l’instant présent, sans avoir à se justifier d’une quelconque manière, car il n’avait rien à justifier, il fallait vivre, continuer ce voyage au travers du temps qui désormais leur serait tous différent. Yasu leva les yeux vers son fils, le fixant dans les yeux sans l’intention de se montrer supérieur par sa figure parentale, il le regardait dans l’espoir qu’il comprenne :
« -Fiston… … je suis content que tu n’es rien. »
Kotai perdit cette colère qui l’habitait plus tôt. Ses yeux s’agrandissaient, il baissa les épaules et desserra les poings. Il s’avançait lentement vers son père, tête baissée et s’excusa en le prenant dans ses bras, sa mère compléta l’accolade. Ces mots étaient justes et ils se rapprochaient le plus de ce que souhaitait entendre Kotai de leur part. À la question : ‘‘Qu’est-ce que vous attendez de moi ?’’, la seule réponse attendue était celle qu’on lui offrit. Son père, sa mère, sa famille n'avait prié que pour une seule chose : sa sécurité, sa survie, sa bonne santé.
Chez Ko, l’atmosphère était différente. Il était assit dans un fauteuil devant la cheminé. Il demeurait silencieux et les yeux rivés sur son père : Christophe. L’odeur légère d’un feu tout juste éteint de la veille rendait Ko nostalgique des soirées passées en famille, agrémentées d’un repas copieux et d’une douce lumière extérieur, comme celle qui traverse la fenêtre et les fins rideaux blancs, éclairant à peine le visage immobile du père marqué par le temps. Il fixait ses pensées, cloué dans son fauteuil, sa jambe avait déjà oublié comment bouger. Une main sur sa cuisse et l’autre sur l’accoudoir, il déplaça son regard vers la lumière, son visage vieux et fatigué laissait penser qu’il n’avait pas encore réalisé que la réalité l’avait rattrapé. Engouffré dans ses sentiments, il revint dans le salon lorsque son fils lui demanda délicatement :
« - Papa tu vas bien ?
- Excuse-moi… j’étais, dans mes pensées. Répondit-il de sa voix grave et un peu enrouée.
- Tu sais, quelqu’un m’a parlé de maman… continua-t-il avec cette délicatesse dans la voix.
- Qui est cette personne ?
- Si je le savais je te l’aurais dis.
- Que t’as-t-il dit alors ?
- Que maman était une femme qui s’est sacrifiée pour moi, qu’elle me considérait comme la chair de sa chair. J’ai une question pour toi.
- Concernant ?
- Maman… comment elle était avant ?
- Ta mère… était une femme qui m’a rendu la vie dure… mais au moins elle lui avait donné un sens. Tout commença... quand j’eus 20 ans… »
‘‘Avril 1980, ce mois-ci s’annonçait pluvieux et ma vie n’en était pas à l’abri. Mon dernier parent fut emporté par la maladie, j’étais seul avec cette grande maison sur les bras. Mon frère, qui possède un manoir dans le sud, était beaucoup trop bon avec moi. Il voulait me donner assez d'argent pour une année, mais j'ai refusé. J’avais assez dépendu de lui par le passé, je voulais m'en sortir, seul. Il me donna suffisamment d'argent pour un mois, le temps d'entamer mon nouveau boulot. Il ne put s’empêcher de m’envoyer une de ses domestiques : Myriam, pour m’aider aux différentes tâches dans la maison.
Un mois durant j'ai enchaîné les petits boulots, mais je ne pouvais même pas apporter la moitié de ce qu’il me fallait. J’ai vite abandonné et ai annoncé à mon frère que je partirais d’ici la fin du prochain mois, je trouverais un appartement d’ici là.
Quelques semaines plus tard, je me prélassais, comme j’en avais pris l’habitude, dans le canapé du salon. C’est alors qu’un grand fracas me fit passer debout en une fraction de seconde et me poussa à sortir devant la maison malgré la pluie torrentielle. Le bruit ressemblait plus à une explosion qu’à un coup de tonnerre, d’où ma surprise et ma précipitation. Une fois sur le pas de la porte, je m’étais demandé ce que j’étais venu faire ici jusqu’à ce que mon regard se pose sur une femme, allongée devant l’entrée, un filet de sang lui parcourant le front et trempée des pieds à la tête. Ces détails ne me sautaient pas tout de suite aux yeux, son visage m’avait subjugué le temps d’un instant et tout s’était arrêté en la découvrant. Au-delà de ça, je m’étais précipité pour la porter à l’intérieur et la poser dans le grand lit à l’étage. J’examinai son front, mais un rictus et un réflexe de sa part me fit comprendre qu’elle avait mal autre part. Je soulevais son t-shirt pour voir un énorme bleu au niveau de ses côtes.
Au bout de quelques heures, elle se réveilla et me vit à ses côtés. J’étais assis par terre, un peu avachis sur le lit et la regardait attentivement. Elle n’avait pas paniqué comme je le craignais. Elle restait calme, elle soupira longuement et me posa une question qui me fit comprendre qu’elle savait garder les pieds sur terre, qu’elle restait sur le droit chemin de ses convictions :
« - Depuis quand est-ce que je suis là ? Demanda-t-elle.
- Environ quatre heures. Je vous ai récupéré juste devant chez moi, vous étiez blessés.
- Alors, je dois me reposer.
- Non, vous êtes guérit.
- Tu… … je suis grillé c’est ça ? Soupira-t-elle.
- On va dire ça comme ça. Souriais-je. Mais vos côtes ne sont pas encore en bonne état, restez une petite heure supplémentaire et ça devrait aller.
- Tu es incroyable, une sorte d’alien qui guérit d’une blessure grave en seulement quelques heures atterrit devant chez toi, et tu lui offres hospitalité sans te poser de questions.
- Ça dépend, est-ce que vous considérez les anges comme des aliens ?
- Je vois. Oublie ça tout de suite. Je ne suis pas une femme pour toi.
- Vous m’avez compris, c’est un début. Si vous commenciez par me raconter ce qu'il vous est arrivez.
- Tu m’écoutes au moins ?
- Très attentivement. Répondis-je alors qu’elle plongeait son regard dans le mien.
- Tu ne me croirais pas.
- Habituellement j’aurais dis ‘‘si, j’en serais capable’’, mais bizarrement vous m’avez convaincu que je n’arriverais vraisemblablement pas à y croire.
- Dans ce cas, je te dois des excuses.
- Ah oui ?
- Oui, je m’étais trompé sur ton compte. Tu es sincère et honnête. Fais attention, ces valeurs peuvent devenir un point faible.
- Je prends note. Vous avez soif ?
- Un verre d’eau, avec des glaçons. Si tu n’as pas de glaçon, de l’eau très froide s’il-te-plaît.
- D’accord… hésité-je, c’est vous qui voyez. Dis-je en commençant à partir, mais revenant pour lui demander une dernière chose. Au fait, vous vous appelez… ?
- Mama Kaen.
- Original.
- Je suis asiatique, c’est normal.
- Même pour une asiatique je trouve ça original, Mama. »
Lorsqu’elle fut en mesure de se mouvoir sans problème, elle resta encore quelques heures chez moi, nous avons discuté de banalité et je ne me suis pas plus intéressé à la raison pour laquelle elle était tombée ici bas. Nous parlions du temps, du quotidien, de cuisine, d’émission de télévision, de mode… j’essayais de m’intéresser un maximum sur cette femme dont le visage s’était ancré dans mon esprit. Au moment de partir, elle me salua d’une poignée de main et me remercia de m’être occupé d’elle. Elle n’hésita pas à s’envoler grâce à ses flammes. Je ne pouvais qu’être subjugué quand je voyais cette silhouette angélique repartir dans le ciel. Son départ fut suivit par les rayons du ciel qui transperçaient et dégageaient les nuages noirs. Je ne pensais jamais la revoir, mais le destin en décida autrement.
Elle avait oubliée son téléphone portable, un modèle beaucoup trop avancé pour l’époque à laquelle nous étions, il était tactile, moi-même je ne savais pas à quoi j’avais affaire en voyant cette appareil. Elle était venue le récupérer le lendemain. Elle s’était précipitée à l’intérieur de chez moi et me demanda, avec beaucoup d’autorité, de le lui rendre immédiatement. Sa précipitation m’étonna, même si je l’avais connu durant une demi-journée seulement, j’avais vite compris qu’elle n’était pas du genre à brusquer les choses d’elle-même. Quelque chose la poussait à agir ainsi, et ce n’était aucunement agréable pour elle. J’ai avoué posséder l’objet de ses désirs, mais je ne lui cédais pas. Elle continua d’insister, nos voix grimpaient jusqu’à que l’ouverture fracassante de la porte d’entrée ne nous surprenne, elle plus que moi. Un homme entra en hurlant des choses que je ne compris pas sur l’instant. Il ne semblait pas plus âgé qu’elle, mais il avait une autorité conséquente sur elle.
« - Je t’ai dit de te dépêcher ! Arrête de t’amuser et viens nous aider !
- Je ne m’amuse pas ! Papa, j’ai honte là !
- Ah, je te fais honte !? »
Il la gifla sans retenu, elle tomba au sol en se tenant la joue. Mon sang ne fit qu’un tour et bien qu’ayant compris que cet homme dans la trentaine était son père, je n’hésitais pas. Je lui tapotais l’épaule pour attirer son attention et une fois retourné vers moi, je lui décrochais une droite en y mettant toute ma rage d’un seul coup. Il fut déstabilisé et s’appuya sur la table. Il allait revenir me charger, mais Mama paniqua et s’interposa plus de peur que je me fasse tuer que de nous voir nous battre. Encore emporté par ma colère je lui criai :
« - Je ne sais pas de quel niveau sont vos priorités et je m’en fiche pas mal ! Mais pour aucune raison un père ne devrait lever la main sur sa fille, qui plus est lorsque sa fille en question a dépassé l’âge d’en recevoir !
- Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un jeune insouciant qui n’a même pas vécu un quart de siècle ! Je suis père depuis bien plus longtemps que tu ne peux l’imaginer !
- Oh que si, j’arrive très bien à l’imaginer ! Je me fiche des années passées ! Un enfant comprendrait mieux le concept de respect que vous ! Vous n’êtes qu’un vieil homme sénile qui n’a plus que les cris et les mains pour maintenir son autorité !
- Je ne me laisserai pas marcher sur les pieds de la sorte ! Mama, lâche-moi tout de suite !
- Regardez votre fille ! Sa peur n’est pas naît de votre autorité, mais de votre dangerosité ! Si elle vous respectait en tant que personne, elle n’aurait pas à vous craindre, car elle saurait que vos actes ne seraient pas irréfléchis et irresponsables !
- Papa ! Je t’en supplie calme-toi ! Je ne remettrais plus jamais les pieds ici je te jure !
- Elle en vient même à supplier, vous n’avez pas honte ! Enchérissais-je
- Arrête d’en rajouter toi ! Me cria-t-elle.
- Je ne m’arrêterai pas ! Je ne peux pas tolérer ça !
- Et pourquoi ça ? Qu’est-ce qui te prends ?
- Parce que je vous aime ! »
Mon cri venait de tout arrêter. Son père s’était calmé et baissa même les bras. Mama me regardait, elle était sur le point de me répéter que nous n’étions pas fait pour être ensemble. À entendre par là, qu’on ne pouvait pas vivre dans le même monde. Le geste de son père nous sidéra tous les deux. Tombant à genoux, la tête face contre terre tout comme ses mains, il resta ainsi alors que nous étions figés de stupeur avant qu’il ne relève la tête et ne m’adresse de sages paroles :
« - Je m’excuse platement. Je suis désolé. Ma femme aurait honte de moi. Je me rends compte que je ne fais que répéter des erreurs d’antan.
- Papa, de quoi tu parles ? Relève-toi ! Lui dit-elle gênée de le voir dans cette position.
- Elle a raison, relevez-vous. Je ne comprends pas. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
- Inutile de t’expliquer. Mama, que penses-tu de ce jeune garçon ? Je ne poserais aucun jugement, je peux te le jurer. Ne soit pas timide.
- Quoi ? Attendez, je suis là moi, ne parlez pas de ça devant moi. M’exclamais-je ne sachant pas où me mettre. »
Après tous, ses yeux venaient de plonger vers son cœur, ils m’annonçaient que ses prochaines paroles allaient décider de mon avenir. Les derniers événements qui avaient suivi sa chute devant chez moi, ne l’avait pas laissé de marbre, quelque chose s’était produit au plus profond d’elle et je pouvais le sentir. Était-ce en bien ou mal ? La crainte me porta à la gorge et me fit avaler plusieurs fois ma salive, comme si ce moment se répétait sans cesse jusqu’à la réponse finale :
« - Si tu le veux bien… accorde-moi un peu de temps. »
Si c’était du temps qu’elle voulait, je lui aurais accordé celui du monde entier. Soulagé, mais naïf, j‘avais interprété ses paroles et les avais prises pour acquises. J’ai souri sans me laisser submerger par mes émotions. Confiant envers l’avenir, je lui ai répondu :
« - À une seule condition… acceptez-vous de dîner avec moi ce soir ?
- À une seule condition… oublie le vouvoiement.
- Je prends note, Mama. »’’
« - Nous n’avions pas vu le temps passer et notre amour a mûri jusqu’au jour de ta naissance où elle décida de tout plaquer. Elle a suivi son cousin Daiko dans l’abandon de leur appartenance aux Empires pour offrir à leur enfant une vie normale.
- Alors il y a quelque chose qui m’échappe, comment n’a-t-elle pas pu survivre à l’accident si elle était si extraordinaire ?
- Il y a des choses qui sont fatales autant pour un Humain que pour un Honma. Votre force est un point faible lors d’accident de ce genre. Vous seriez capable d’arracher le volant, vous cogner violemment la tête un peu partout, mais le pire c’est lorsque vos pieds s’enfoncent jusque dans le capot de la voiture. Littéralement, vous avez les pieds dans le moteur.
- C’est vraiment possible ?
- Malheureusement… … quand j’ai demandé à la police quel était l’état de la voiture, et en me rappelant ce qu’avait dit Rokoujou en te sortant de là, j’ai tout de suite comprit. Ta mère était encore consciente, mais pas assez pour utiliser proprement ses flammes. Ses pieds étaient dans le moteur, le moindre mouvement aurait tout fait exploser. Elle a feint l’inconscience et espérait que vous puissiez sortir saint et sauf. Jusqu’au bout elle n’a pensé qu’à ton bien être et son seul regret aura été de ne pas avoir assez remercié Rokoujou de t’avoir sauvé. Elle est partie heureuse… c’est tout ce qui compte pour moi.
- Je n’en savais rien… »
Ko était heureux d’entendre cette histoire. Il n’avait connu sa mère que durant treize années, treize courtes années où il n’avait pas pu apprendre qui elle était vraiment. La seule chose dont il était sûr à l’époque, c’était la gentillesse et la force de sa mère. Ce qui l’avait le plus surpris, c’était les révélations de son père sur ses agissements, son comportement. Une nouvelle forme de respect naquit envers son père, il n’avait pas imaginé une rencontre de la sorte, ni une complicité si forte à ses prémices. En réalisant qu’il était le résultat de leur union, il ne pu s’empêcher de ressentir une immense fierté. Il posa ses mains sur celle de son père sur l’accoudoir. Persuadé que des larmes s’échapperaient de cette histoire, il en fut tout autre, il souriait à son père :
« - Papa, merci. Merci beaucoup.
- Bon sang… … tu as vraiment tout de ta mère. Je suis persuadé que tu deviendras un grand homme, bon et fort. Persévère mon fils. Ta mère et moi en seront très fiers. »
Beaucoup d’épreuves furent surmontées pour que cette petite famille en arrive à cet instant si important, iconique. Le père s’était révélé à son fils. Ko s’était aperçu de la valeur de sa famille, de l’incroyable histoire qui les avait mené ici et qui le portera jusqu’au sommet… cette conviction était cette étincelle qu’incarnait la mémoire de sa mère qui ne sera pas un simple souvenir, mais une légende à ses yeux.
L’ambiance était beaucoup plus électrique chez Uchikina. Ses parents étaient du genre sévères. Ils savaient que la timidité de leur fils était un handicap pour lui, mais persévérance et ténacité étaient les mots d’ordres chez eux. Ils poussaient souvent leur fils à se mettre en avant, à être sur le devant de la scène malgré son opposition. Encore aujourd’hui, ils élevaient leur voix pour lui faire comprendre leur inquiétude, l’envie les habitaient, voulant porter leur fils afin de l’aider au mieux dans cette adversité, de l’assister. Les mots s’enchaînaient et ne laissaient place à aucun calme, à aucune pause. Uchikina subissait cela, il avait fermé les yeux et serrait les dents dans l’espoir de ne plus y penser. Ce flot de paroles lui rappelait ces passages de sa vie, où il se répétait dans sa tête les insultes et brimades de ses camarades de classe, qui lui avait causé autant de mal. Il en venait même à espérer que ses amis viennent une fois de plus l’aider à s’en sortir… mais aujourd’hui, tout était différent. Uchikina avait changé, il ne voulait pas répéter les tragiques événements qui avaient apporté la souffrance autour de lui. Il serra les poings pour agripper son courage. Tremblant, il finissait par se lâcher et crier :
« - Ça suffit ! Arrêtez !
- Uchikina ! S’exclama sa mère.
- Attends Patricia. S'interposa Daiko.
- Vous savez ce que j’en pense moi !? Vous savez ce que j’en pense ?
- Euh… c’est une vraie question ? Demanda sa mère incertaine.
- Évidemment ! Avant j’avais peur, je me laissais guider par vos conseils et je les suivais à la lettre en espérant que ça change. Sauf que je ne faisais que rester assis dans un radeau au milieu de rapides qui menaçaient de me couler au prochain virage. Jusqu’au jour où j’ai décidé de m’y jeter moi-même ! J’ai reçu l’aide des mêmes personnes à chaque fois et je n’ai jamais réussi à changer ça, les rapides étaient devenus un fleuve tranquille, mais je me laissais toujours guider par ce radeau, je n’avançais pas de mes propres moyens et je ne savais pas comment m’en sortir ! En vous écoutant me hurler dessus j’ai compris. Ce radeau c’était vous.
- Uchikina, qu’est-ce que tu veux dire ? Continua sa mère craintive des paroles de son fils.
- Je ne sais pas ! Je n’y avais jamais songé jusqu’à aujourd’hui, je n’en avais même pas conscience ! Durant l’épreuve, j’ai ressenti l’oppression des coups et en hurlant, j’ai à peine aperçu l’origine de mon problème. J’étais attaché, étreint dans des chaînes. Je savais que ce n’était pas en mal qu’on m’avait contraint, on a voulu prendre soin de moi, me préserver… mais c’était beaucoup trop oppressant à vivre.
- Uchikina…
- Papa… Maman… lâchez-moi un peu, laissez-moi grandir seul pour une fois. Déclara-t-il à moitié souriant, à moitié larmoyant. »
Il ne se rendit pas compte que les yeux de sa mère s’étaient comme figés et qu’elle était sur le point de quitter la pièce sans dire un mot. Le père arrêta sa femme dans son action irréfléchie. Il savait ce qu’il venait de se passer, il resta fort et lucide face à son fils qui commençait à prendre sa vie en main. Il prit conscience des maux de son fils et de ses erreurs. Cependant, en tant que parent il ne pouvait pas s’empêcher de vouloir garder un œil sur lui, de le protéger de ce qu’ils considéraient comme dangereux pour lui… mais le temps était venu de lâcher du lest, de le laisser respirer. Il savait que ce jour finirait par arriver, même si au fond de lui, il espérait que jamais il n’ait à y faire face. Il s’approcha de son fils et posa ses mains sur ses épaules pouvant se rendre compte à quel point il tremblait, jusqu’où il avait pu puiser ses forces pour leur tenir tête.
« - Mon fils… tu as toujours été fragile. Ta mère et moi voulions le meilleur pour toi, et je me rends compte aujourd’hui que nous t’avons fermé à beaucoup de choses sans en avoir conscience. Je suis content que tu te sois délivré par toi-même, j’ai honte de ne pas l’avoir fait pour toi. Tu possèdes quelque chose de fort, nous ne serons pas en mesure de t’aider pour arriver à le maîtriser… dis-moi simplement si tu es vraiment prêt à affronter un insurmontable obstacle.
- Il suffit d’y croire pour que ce ne soit plus insurmontable. Je suis certain qu’à partir d’aujourd'hui, je peux le faire.
- Ne bouge pas. Je reviens tout de suite. »
Son père quitta la pièce suivi par sa femme. Ils s’étaient absentés une petite minute avant que son père ne revienne, seul, venant prendre la main de son fils pour déposer quelque chose au creux de celle-ci. Uchikina découvrit une montre à gousset en argent bien entretenue. On distinguait encore les gravures d’un style bien trop ancien pour définir son origine. Beaucoup de courbes se dessinaient et formaient quelques spirales et vagues. Il ouvrit la montre pour découvrir qu’une photo ou un dessin avait été arraché de l’emplacement qui y était destiné. Daiko, lui demanda de garder cet objet tout le temps sur lui, afin de trouver la voix qui lui dira que faire et de remplir le vide de cette montre quand il saura ce qu’il devra à tout prix protéger. Intrigué, Uchikina demanda quel genre de photo ou dessin se trouvait là avant :
« - C’est le genre de chose que l’on doit garder pour soit. Répondit son père. Le secret sera aussi pur que les sentiments que tu attacheras à ce que tu auras conservé dans cette montre. Promet-moi d’en prendre soin.
- Comptes sur moi.
- Merci mon fils. Excuse-moi encore une fois. »
Toutes les familles s’étaient retrouvées et avaient consolidé leur lien. Sezuni bien qu’ayant revu ses grands-parents, tout autant Honma qu’elle, la discussion ne porta pas sur cette question. Sezuni était du genre à ne pas se soucier de ce type de détails, la vie suivait son cours et elle la prenait comme elle le voulait. Elle n’avait pas envie de se fatiguer à réfléchir sur ces choses qu’elle ne comprenait pas encore très bien, comme à son habitude elle répétait inlassablement sa phrase fétiche : ‘‘Ouais, ça va, t’inquiète.’’.
Enfin, Rokoujou avait déjà été prévenu par Yuki qu’il ne devait pas garder beaucoup d’espoir quant au retour immédiat de sa mère. Elle avait énormément de travail aux Empires. C’était la première fois qu’elle s’absentait aussi longtemps pour le travail, elle avait toujours veillé à ce que ses enfants ne soupçonnent rien quant à sa double vie de Honma. L’actuel Rokoujou était perplexe, il ne savait quoi choisir entre l’acceptation et le doute, toute cette histoire le mettait sans dessus-dessous. Son portable vibra, il venait de recevoir trois SMS, venant de Kotai, Ko et Uchikina. Comme ils se l’étaient promis, ils devaient s’envoyer toutes les informations concernant les Honmas par SMS dans le but de créer une banque d’informations pouvant être utile à l’avenir. Rokoujou lu tout sans vraiment comprendre ce qu’il pouvait en faire, cependant, le véritable Rokoujou tapis dans l’inconscient de son corps avait déjà tout assimilé, il se frotta le menton, déjà certain de ce qu’il allait faire une fois libre de ses mouvements.
Lundi 14 janvier 2013, lycée Manon Russi rénové, 10 heures :
Une matinée déjà bien entamée pour les lycéens, elle leur paraissait si longue qu'ils ne firent même pas attention aux quelques gouttes de pluies qui ruisselaient à la fenêtre. Une morosité volant en éclat à l'annonce d'un élève transféré dés ce jour-ci, à la moitié de l’année. Même le professeur ne savait pas pourquoi ce nouvel élève eu ce soudain changement, mais il rappela à ses élèves de l’accueillir convenablement. Le transfert d’un élève si tard dans l’année pouvait soit signifier qu’il avait crée beaucoup des problèmes dans son ancien établissement, soit qu’il eu un problème familial très grave, ce qui pouvait créer chez l’élève transféré un sentiment d’inconnu assez oppressant en général, d’où les instructions de leur professeur quant à leur bienveillance pour leur nouveau camarade. Il invita ce dernier à entrer en classe. Rokoujou ne le regarda pas entrer, il avait les yeux collés sur un dessin qu’il était entrain de faire sur son cahier. Quand le nouveau prit la parole, le sang de Rokoujou ne fit qu’un tour, il se leva d’un seul coup, découvrit le visage du nouveau qu’il avait déjà en tête, tout en s’exclamant :
« - Quoi ?!
- Euh… un problème Rokoujou ? Demanda le prof. »
Rokoujou balbutia plusieurs fois avant de s’asseoir à nouveau en affirmant qu’il n’y avait aucun problème, qu’il avait cru voir quelqu’un d’autre. Pourtant, il ne s’était pas trompé et la présentation du nouvel élève ne pouvait que confirmer ses craintes.
« -Bonjour à tous, je suis Mpanzu Elwik ! Enchanté ! Déclara-t-il enjoué. »
Rokoujou craignait pour ce qui allait arriver par la suite. La présence d’Elwik lui faisait croire soit que leur surveillance était renforcée, soit que des problèmes allaient encore survenir autour d’eux.