La pluie battait à son paroxysme. Bardhyl se tenait debout, face à son clan. Des mots douloureux devaient être prononcer, mais il ne savait pas comment les leur communiquer.
- Ma très chère famille, je m’excuse, pardonnez-moi, je crois… je nous ai condamné …
Un homme posa sa main sur l’épaule de Bardhyl, et lui dit d’une voix forte :
- On est déjà au courant. On a entendu l’engueulade que tu as eu avec cet homme. Tu n’y es pour rien tu n’as rien fait. On était déjà condamné avant même qu’il ne rentre dans cette maison...
Il se tut, et un silence lourd prit place sous la pesante épée de Damoclès qui se tenait au-dessus de leur tête. Un silence morose prit place. Ils se rapprochaient tous les uns des autres et superposèrent leur main sur l’épaule de Bardhyl.
- Quels sont vos ordres chef ? demanda un homme, malgré la fierté dans sa voix on pouvait quand même déceler toute la peur qu’il ressentait.
- On met en place le protocole de sécurité à son maximum.
Tous hochèrent la tête. Le ciel prenait des airs annonciateurs d’un guerre. La noirceur l’avait recouvert. Les arbres se courbaient sous le poids du vent. Les éléments annonçaient la venue de quelque chose de mauvais. Quelque chose de noir. Un air de mort.
Bardhyl le savait et un gout amer venait envahir son palais. Il regardait ses compagnons comme si c’était la dernière fois qu’il pouvait le faire. Ils s’activaient de poser piège, caméra de surveillance, détecteur de mouvement. Tout ceci avait été préparer pendant des années dans la crainte de vivre une situation de ce genre. Malheureusement, ce jour était arrivé. Le clan arrivait à sa fin, et tout ceci allait se dérouler dans un bain de sang où leurs têtes seraient mises à prix.
Tout paraissait irréel pourtant, ils ne pouvaient pas laisser le doute prendre part.
* *
Je me tenais debout face à la vitre. Papa se trouvait dressé dans le froid aussi raide qu’un piquet, cependant il dégageait une aura peu courante. On aurait dit qu’il ressentait de la vengeance ou de la colère. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Ça m’énervait d’être dans cette incompréhension totale, quelque chose se tramait et personne ne voulait me le dire. Je ne pouvais même pas savoir si tout ceci était grave ou non.
Mais j’avais un mauvais présentiment. Une boule au ventre se noua directement lorsque j’en pris conscience. Ludvenia posa sa main sur mon épaule, et se mit à regarder Bardhyl avec moi. Dans ce simple mouvement j’eu la confirmation que nous étions en danger.
Ma sœur a toujours été très proche de moi, et notre lien n’avait cesser d’évoluer en laissant en transparence nos émotions. Elle était paniquée et elle connaissait la raison à tout cet empressement.
- Parle-moi s’il te plait, je sais que ça ne va pas, je ne suis pas aveugle non plus, je le sens alors toi ! Je t’en supplie, parles moi.
- Non, ne me force pas, je ne veux pas craquer devant les enfants. Je ne veux pas qu’ils aient peur eux. La situation est très difficile à gérer pour moi.
Elle baissait les yeux vers le sol. Ludvenia avait toujours été très forte, alors la voir dans cet état me fit mal au cœur.
- Je n’arriverai pas à en parler. Excuse-moi, juste promet moi de faire attention à toi et puis surtout tiens. Tu en auras vraiment besoin, c’est tout ce que je peux te dire pour le moment.
Elle chercha dans les petites poches de son sac qui était accroché à coté de la cheminée, et en sortit un petit objet. Elle ouvrit mes mains et le déposa aussi rapidement qu’elle ne referma mes mains. Il était froid au contact de ma peau et semblait être, aux yeux de celle en face de moi, la clé d’un trésor inavouable.
- Surtout n’en parle pas ! Je ne te l’ai pas donné d’accord ?
Elle me tendit son petit doigt en guise de promesse que je lui devais. J’y répondis aussitôt, je me devais de la rassurer. Après tout elle était la seule à avoir aborder un sujet que je ne devais pas savoir apparemment. Sa main vint lâcher la mienne et se poser délicatement sur son ventre et elle se remit à regarder par la fenêtre.
Une larme roula le long de sa joue et instinctivement elle coula sur la mienne également. Son regard se perdit sur les hommes dehors, elle semblait réellement inquiète. J’essayais de l’interpréter et d’un coup la voix de la raison s’alluma au-dessus de ma tête. J’avais compris.
- Il est beau n’est-ce pas ? me dit-elle.
- Tu t’inquiètes pour lui c’est ça ? Le problème concerne tout le clan, et on est tous dans le même bateau ?
- En gros, c’est ça oui, et tout les deux on se voyait cacher de la vue de tous, en même temps imagine ce que maman et Bardhyl auraient dit s’ils l’avaient appris ?
Un rire s’empara de nous, c’est sûr que si maman et papa l’avaient appris, ils auraient d’abord crié garde avant de les pousser au mariage sans attendre. Ils auraient organisé une énorme fête comme on en a peu. C’était peut-être mieux que cette merveilleuse nouvelle ne soit pas révélée au grand jour. Mais à travers ces yeux je voyais bien qu’elle regrettait de ne pas en avoir parler. On voyait bien à travers ses yeux que tout avait une fin et que la nôtre était proche. Mais autre chose la tracassait et je n’aurais su dire quoi.
- Je crois qu’il a prévu de prendre ma main avant qu’on ne doive être séparés si ça ne se passe pas bien. Ça serait vraiment ce que je voudrais aussi. J’aimerai être lié physiquement et psychiquement avec lui. Il compte énormément pour moi.
Pendant qu’elle se confiait, les hommes se regroupaient une seconde fois et se ramenèrent vers le manoir. Des trombes d’eau coulaient sur leur visage. Ils avançaient dans la grande salle, tous un regard morose sur le visage. Chacun tira fauteuil et se posèrent en arc de cercle de la cheminée jusque devant les fenêtres. Ludvenia vint se placer derrière le fauteuil d’un jeune homme aux cheveux blond. Elle déposa ses mains sur ses épaules et les laissa glisser jusqu’au torse de celui-ci.
Bardhyl n’y réagit pas, il devait surveiller les horizons, ne clignant que très peu des yeux. Le temps semblait s’être arrêté à partir de ce moment-ci.
Les jours se répétaient, les activités aussi.
Tout le monde était prêt à se battre.
Mais se battre contre qui ? Ça je ne savais pas.
La tension était à son comble.
Tous les jours, ces hommes faisaient le guet, assis, devant les fenêtres. Moi, je me tenais toujours derrière eux, à l’écart.
Tout le monde semblait m’éviter.
Ludvik ne passait me voir que le soir, lorsqu’il était persuadé que j’étais bien poser dans les bras de morphée. Il plaçait sa main sur mon poignet, comme pour s’assurer que mon cœur battait toujours. Puis il repartait en me laissant un petit baiser sur le front pour laisser le simple souvenir de sa venue. J’avais fini par prendre du plaisir lors de cette visite, c’était le dernier contact que j’avais avec lui, aussi l’un des seuls qui me restait avec le clan entier.
Ma solitude était si profonde que je me sentais persécuter par une présence secrète. Tout semblait vraiment étrange. Cela faisait déjà deux semaines que tout avait changé et j’avais le sentiment que rien ne serait jamais plus comme avant.
La pression devenait de plus en plus forte. Tout le clan était de plus en plus stressé. Même les enfants commençaient à ressentir de la terreur. Des ombres noires semblaient les poursuivre, y compris dans leurs cauchemars. L’épée de Damoclès se rabattait au-dessus de notre tête et personne ne savait quand notre heure allait arriver, ce qui rendait l’ambiance d’autant plus étouffante et invivable.
J’avais perdu l’envie de manger, l’envie de rire, tout me rongeait de l’intérieur et je me demandais quand tout ceci allait cesser.