- S’il vous plait je vous en supplie, retiré là moi.
- Il faudra vous dire combien de fois que nous ne savons pas de quoi vous parlez, lui renvoya Bardhyl.
- C’est faux ! Vous le savez pertinemment, mais vous avez peur qu’on vous…
- Fermez la, je vous dis que nous ne savons rien ! Je ne sais pas qui a été votre informateur mais il se trompe. Maintenant, foutez le camp et que je ne vous retrouve pas dans les parages. Ma famille va être en danger et ça sera uniquement votre faute.
Le rouge monta jusqu’aux oreilles du grand homme. Sa femme le regarda et fut si surprise de sa rage que la tasse de thé qu’elle s’apprêtait à tendre à Ludvénia lui échappa des mains et se brisa sur le sol. Des secondes semblables à des minutes passèrent avant que les deux femmes ne se rendirent compte de l’incident. Elles se levèrent toutes deux pour pouvoir s’éclipser de la pièce. L’ambiance était morose et Bardhyl soutenait encore son regard sur son interlocuteur. L’autre commençait à se renfrogner sur lui-même.
- R77 je sais très bien que c’est vous alors retirer la moi, sinon…
- SINON QUOI ? coupa Bardhyl.
- Vous savez très bien la réponse…
- Partez, maintenant.
- Si c’est ce que vous voulez,
Il s’apprêtait à partir, mais finit par se tourner vers le chef de clan avec un regard menaçant :
- Vous courez à votre perte R77.
- FOUTEZ LE CAMPS.
La porte claqua et juste après plus rien. Plus un bruit. Le vide avait envahi la pièce comme si plus jamais personne ici ne pourrait rigoler à nouveau. Le silence devenait si lourd, si oppressant que même Sumi debout, l’oreille collé à la porte n’osait bouger.
Bardhyl se rassit, les deux mains tout d’abord jointes mais finis par lever celles-ci à son visage ainsi pour se cacher d’une honte secrète. Ludvénia et sa mère revinrent se mettre dans l’encolure de la porte et regardèrent leur proche qui semblait désemparé. On aurait pu voir le dos de ce dernier, qui était recroqueviller sur la table, trembler et entendre sa respiration saccadée. La fille ne l’avait jamais vu dans cet état. Elle s’avança tout de même vers lui et lui tendit le poste de radio. L’homme tenta de remettre la bonne fréquence de leur émission et la machine répandait des sons ignobles et perçant dans toute la pièce. Puis un decrescendo s’exerça.
« Bonjour ici radihope, la radio d’Hope qui donne l’info. Il est 11 heures. L’heure de l’info et après ça notre cher présentateur va nous dévoiler son nouveau poème de la journée, n’est-ce pas Jean ?
-Bien sûr, comme tous les jours après tout. Mais chers auditeur, toutes les bonnes choses ont une fin…
-Oh vraiment ? Tu ne vas pas me laisser tout seul, nan ?
-Eh bien si, aujourd’hui est le dernier poème que je lirais, je suis comme qui dirait victime de mon succès, on dirait que certaines personnes jalousent mon talent *un rire s’échappa, il semblait un peu crispé *.
Cher lecteur je m’excuse de me retirer de la vie de la radio, mais je commence à fatiguer en réalité et je pense bien mériter ce repos. Mais bon passons aux informations du jour.
-Aujourd’hui et dans les prochains jours, une très grosse tempête est en approche, entre pluies, violents torrents, grêlons, et sans oublier inondations, nous avons beaucoup de raisons de penser qu’il serait mieux de rester chez soi *il s’agissait d’une voix féminine* »
- Oh mon dieu, tout s’écroule. Jean, cette nouvelle femme, l’incident de tout à…
- Ne t’en fais pas mon chéri, ces bras s’enroulant autour de son mari, on va s’en sortir ! tenta de Neith pour le rassurer.
- J’espère bien…
- Puis peut importe ce qu’il pourra nous arriver, on sera toujours là, les uns et les autres pour se soutenir. N’est-ce pas ?
- Bien sûr, lui répondit -il en attrapant sa main, mais je ne pourrais jamais supporter qu’on te fasse du mal.
Sur le visage de Neith, un petit liquide coulait le long de ses joues, sans aucun son, laissant simplement la tristesse de cette femme si forte s’évaporer.
« …. Faites attentions à vous. D’ailleurs bonne nouvelle, une dépression croît au-dessus de nos têtes et il semblerait que cette hiver une sorte de tempête de neige viennent nous attaquer. C’est très étrange, mais cela veut dire que la terre commence à refroidir et c’est sans doute une bonne chose, peut être que le niveau des mers va redescendre et que la chaleur non-viable de certains endroits de la terre va se dissiper elles aussi. Enfin bref, voici la météo du jour et des prochains jours.
Maintenant passons aux informations. Une baisse de natalité d’Hope se fait ressentir avec une population vieillissante. Le souverain parle d’un retrait de la restriction de la loi de l’enfant unique dans l’enceinte de la grande muraille d’ici la fin d’année, ou en 2179. Cette mesure ne sera pas appliquée plus loin de la muraille entourant le Capitol pour préserver la vie des plus démunis qui ne peuvent pas assurer leur propre existence.
Une nouvelle exécution se fera ce dimanche. Une promesse de 39 résistants vient d’être faites, 20 de plus qu’il y a trois jours. Donc faites attentions à vous chers auditeurs, il ne s’agirait de se retrouver dans ce genre d’histoire.
-On vous laisse avec une courte pause et on revient juste après avec le poème du jour. »
Le reste des adultes du clan, qui avait entendu le son de la radio grimpèrent les marches de la maison quatre à quatre. Une rangée d’une vingtaine de paires de chaussures étaient étalées dans l’entrée. Ils se ruèrent dans le couloir manquant de faire tomber celle qui espionnait. Un homme ouvrit la porte de la cuisine et ils virent les trois, main dans la main enlacer comme si c’était la dernière fois. Bardhyl se tourna sur l’amassement de personne, et vit sa fille au premier plan.
- Sumi, qu’est-ce que tu fais ici, je t’ai déjà dit que je ne voulais pas que tu essaie d’écouter nos conversations. En plus tu devais surveiller les plus jeunes, tu es vraiment irresponsable !
- Mais je leur fais faire le pain dans la grande salle. Je peux très bien les surveiller de la cuisine et être avec vous.
« Aujourd’hui les fleurs fanent, les pétales tombent
Une par une, membre par membre
Aujourd’hui tout n’est plus qu’hécatombe
Dans l’enfer entouré de cendre
Plus bas que terre, plus loin que l’or,
Aujourd’hui encore, les ombres dansent »
-C’est vraiment beau Jean. Magnifique poème, ça clôture bien cinq ans ici sur radihope !
-Merci, j’espère qu’il plaira aussi à nos auditeurs et je sais que ce poème est très différent de ce que je fais d’habitude. J’espère aussi que vous comprendrez le symbole de ce poème.
-Tu en dis trop… *dit une voix sans doute camouflée par une main sur le micro*
-Bon maintenant, il est temps pour moi de partir. Aïe *bruit de coup violent*. Ne vous inquiétez pas, je viens juste de me taper le coude sur la table. Alors au revoir à tous et prenez soin de vous, ! *la voix s’éloignait au fur et à mesure de la phrase comme si on le tirait et jean parlait de plus en plus fort jusqu’à crier* c’était Jean merci beaucoup ! *interruption de la fréquence* »
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Sumi
- Tu n’es pas censée être au courant et on a tous décidé que tu ne le serais que si ta vie en dépendait, dit une femme en riant, alors ne t’inquiète pas, ce n’est pas près d’arriver.
- Ce qu’elle essaye de dire c’est que tu seras au courant seulement quand le temps sera venu, répliqua Neith.
- Ouais je vois, quand il sera temps, soupira -t-elle.
Sumi tourna les talons, claquant la porte en partant. Elle était rouge de honte. Comment faisaient-ils pour la considérer comme une enfant alors que c’était elle qui prendrait la tête du clan, comment pouvait-elle gérer la tribu si elle n’était au courant de rien ! Elle se sentait tellement infantilisée, elle avait aussi l’impression que le monde était contre elle, qui pouvait la comprendre… personne. Sa famille l’excluait de toutes conversations, son clan respectait son père et ne la respectait que parce qu’elle était la descendance du chef. Tout son entourage était contre elle, si elle partait on ne s’en soucierait que très peu. C’était une envie qu’elle avait depuis petite. Savoir ce que cela faisait de vivre dans une vie sans aucune responsabilité, aucun rôle à jouer, aucune pression posée sur les épaules qui manque de te couper la tête à chaque faux pas.
Elle s’imaginait dans une toute petite maison un peu délabrée avec des plantes qui en pendent, un chien, un amant et un enfant, courant dans un potager. Seuls loin du monde, loin des lois, loin du clan. Elle rêvait de rencontrer l’amour, peut être même qu’un des hommes du clan viendrai lui déclarer sa flamme. Mais jamais cela n’arriverait, elle était la future cheffe et les intimidait trop pour pouvoir les intéresser un jour.
Un petit tira sur sa jupe et la tira de sa rêverie. Le visage de Sumi se fronça, perplexe, elle venait de trébucher sur le sac et avait renverser de la farine sur le sol. Elle se dépêcha de nettoyer son erreur avant que le reste des adultes ne reviennent et lui passe encore soufflantes et sermons.
Mais avant qu’elle n’ait finit, Bardhyl suivit du reste de la tribu se ruait dehors. Cela devait être pour se préparer à la tempête pensa la jeune femme tandis qu’elle les fixait s’éloigner, appuyée sur la serpillère manquant de tomber.
Le clan semblait vraiment inquiet alors qu’il avait survécu à de nombreuse d’autre. Sumi se demanda aussi ce qu’était la neige, peut être était-ce ce genre de pluie radioactive, certes très rare mais craint de tous.
Ludvénia vint dans la grande salle et félicita tous les enfants pour leur participation à la vie collective du clan et enfourna tous les petits pains, mais Sumi ne bougeait pas. Les gouttes d’eau tombaient en trombe et glissaient sur les fenêtres, elle se remémorait de tous les souvenirs qu’elle avait eu ici. Lorsqu’elle y réfléchissait, son enfance fut très joyeuse.
Douée dans tout ce qu’elle entreprenait, adulée par ses parents et par Ludvénia, sa « grande sœur » a toujours été pour elle un modèle. « Que serais-je devenue sans elle ? » s’était-elle surprise à penser. Une vague de nostalgie embruma ses yeux, et dans cette rivière elle pouvait apercevoir des silhouettes familières tourniller dans la pièce. Elle voyait successivement les gros repas de famille les lancers de pomme de Ludvénia, le feu de cheminé après la session jardinage sous la pluie, les cheveux tout froids et humide et les chaussettes trempées. Après les nombreux rhumes collectifs et les nez rouges vécus tous ensemble, puis les fêtes rocambolesques dans des chapiteaux, les danses folkloriques. Que de bons souvenirs … Malgré tous les reproches que Sumi pouvait avoir, elle considérait son clan comme sa famille depuis toujours. Elle regarda les petits courir autour de la grande table et se rappela qu’elle aussi a fait partie de ce monde-là avant. Elle se revoyait elle aussi cavaler partout essayant d’embêter le monde pour un minimum d’attention. La jeune adulte aurait aimé grandir comme ces petits là mais même leur univers, si semblable de prime abord, était différent. Des larmes coulèrent le long de ses joues, la tristesse était remarquable à des années lumières.
Pourquoi pensait-elle à tout ça ? Seul le temps pourra nous le dire mais l’amertume d’une page qui se tourne se faisait ressentir. Puis la vie d’un enfant normal doit être bien plus agréable que celle d’une personne à responsabilité.
La pluie tambourinait les fenêtres au rythme des battements du cœur de Sumi. Elle se sentait aujourd’hui plus seule qu’elle ne l’avait jamais ressenti. Sa sœur l’avait remarquée alors elle s’approcha et enlaça la plus jeune. Toutes deux face à la fenêtre, elles voyaient Bardhyl qui courait accrocher quelque chose que Sumi n’aurait pas pu identifier. Puis une masse d’individus se regroupèrent sur le porche. Bardhyl était sur le point d’annoncer à son clan que leur vie était dans un tournant décisif et qu’il fallait s’y préparer.
Le chapitre porte bien son nom ! Je trouve qu'il est meilleur que les autres car il est plus concret. On sent que le danger approche, qu'on va bientôt passer aux choses sérieuses...
Tu marques très bien la différence entre Sumi quand elle était enfant et quand elle est devenue adulte. J'ai compris qu'elle avait grandi avant même que tu l'écrives explicitement. Bref. Que de bonnes choses ! J'ai tout de même remarqué quelques erreurs, même si je ne me souviens pas de toutes (à la vérité je ne me rappelle que de deux d'entre elles ^^') :
"Mais chers auditeur">>> "mes chers auditeurs"
"Un décrescendo s'exerça">>> Tu veux dire que le son de la radio augmente ? Parce si c'est ça, ce n'est pas un décrescendo mais un crescendo.
Voilà voilà ! Merci pour la lecture !
A bientôt !
Très heureuse de te revoir ici !
Je te remercie pour ton retour et ton avis, effectivement le chapitre porte bien son nom. Le mystère risque peut être de s'éclaircir un peu bientôt !
Je vais revoir pour les fautes... Il y en a toujours qui passent à la trappe...
Pour le décrescendo, je viens de voir que ce n'est pas très clair, je voulais parler des fréquences indésirables qui sont de plus en plus rare avant de donner un son bien perceptible.
Merci à toi !
En espérant te revoir bientôt !