Baptiste sortit de transe. Il se sentait reposé, détendu mais son esprit retourna instantanément au brouillard dès l'ouverture des paupières. Pendant la transe, il dormait, loin de tout, de la réalité, de la douleur, du cauchemar. Il regarda son frère, toujours dans son monde idéalisé. Il comprenait que Paul y passât tout son temps jusqu'à s'y perdre. Cette douceur apaisait l'âme torturée. Cependant, cela ne réglait rien.
Sans éveiller son frère, Baptiste sortit pour constater que le temps avait passé. Il erra, de ci, de là, à la recherche d'une date. Il parcourut des ruelles, passa sous les arbres du parc Lezama, respira l'air de l'océan Atlantique.
Son errance l'amena en face d'un bowling. Baptiste ignorait tout de ce loisir. Il entra, écoutant la musique rugissant par les hauts parleurs. À l'intérieur, l'ambiance était enfumée et de nombreuses personnes se pressaient autour des pistes.
Baptiste s'installa au bar. Il sirota un soda et mâcha consciencieusement un hot dog tout en regardant les joueurs. Deux d'entre eux attiraient l'attention de tous. Ils marquaient strike après strike. La boule partait avec une précision remarquable et les quilles tombaient avec régularité, jusqu’à devenir lassant. Les spectateurs s'éparpillèrent au bout d'un quart d'heure. Les deux joueurs haussèrent les épaules et discutèrent tout en ôtant leurs chaussures. Baptiste capta aisément leur conversation, ce qui, pour n'importe quel humain à sa place, n'aurait pas été possible vu la distance et le bruit.
- Il va falloir trouver autre chose, dit le plus jeune.
- On ne pourra jamais se départager là-dessus. Nos capacités surnaturelles rendent le jeu totalement inintéressant. Tu as une autre idée ? demanda le plus vieux.
- Il faut trouver un truc beaucoup plus difficile…
- Tu as une idée ?
- Pour le moment, non. Manger m'éclairera peut-être.
- Pizza ?
- Je parlais de manger, pas de consommer de la nourriture !
- Ok, excuse-moi.
- On va dans les bas quartiers. J'ai envie de tuer.
- Ça me va.
Les deux hommes sortirent tout en continuant à discuter. Baptiste affichait un air détendu. Pourtant, son sang bouillait intérieurement. Ses angoisses lui sautèrent au visage. Il avait eu raison de douter. Ils n'étaient pas seuls. D'autres Vampires au contrôle arpentaient ce monde. Baptiste tenta de recoller les morceaux. Avaient-ils tué Kol ? Baptiste ne put s'empêcher son âme et ses pensées de voler vers l'amour de vie. Il grimaça, tapa du poing sur la table et se prit la tête entre ses mains. Il voulait que ça cesse. Il rêvait de pouvoir enfin penser correctement.
Baptiste retourna auprès de Paul et le tira de sa transe.
- J'ai été me promener et dans un bowling, j'ai croisé deux Vampires parfaitement au contrôle. Avant de les avoir entendus échanger, je n'avais pas remarqué leur nature de Vampire et s'ils n'avaient pas parlé ouvertement, cela m'aurait échappé. Paul, nous ne sommes pas seuls.
- C'est impossible, rappela Paul.
- Pourquoi ? dit Baptiste. Nous avons appris seuls. Certains Vampires américains ont pu le faire aussi.
- Nous avons exterminé jusqu'au dernier Vampire sans jamais tomber sur un qui soit un minimum capable de quoi que ce soit.
- Ils ont pu se cacher et laisser passer l'orage, proposa Baptiste.
- Pourquoi auraient-ils agi de la sorte ?
- Pour pouvoir nous abattre aisément une fois que nous nous pensions en sécurité, murmura Baptiste qui avait l'impression que la solution était là, à portée de main, et lui échappait tout de même.
- Tu les as suivis ? demanda Paul.
Baptiste n'y avait même pas songé. Plongé dans son désarroi, sa peine et sa colère, il s'était réfugié auprès de son frère, dans le cocon familial rassurant. Il secoua négativement la tête.
- Retournons ensemble au bowling, proposa Paul.
- Ils ont dit que c'était inutile. Ils veulent savoir lequel des deux est le meilleur et ce loisir est inadapté. Ils étaient tout le temps à égalité. Non, ils n'y retourneront pas.
- Promenons-nous et ouvrons grand les yeux, indiqua Paul. Si nous devions nous comparer, que choisirions-nous ?
Baptiste sourit. Se mettre à la place de l'ennemi. Kol aurait pu proposer cela. Un voile de tristesse envahit les pensées de l'Aar.
- Baptiste ? lança Paul.
Pour une fois, l'aîné semblait plus en forme que le second. Baptiste secoua la tête et tapa du pied. Il voulait que le sine condicione s'en aille. Tout serait tellement plus simple sans.
Cela prit un mois mais Baptiste finit par tirer le bras de son frère et lui indiquer deux hommes dont l'apparence leur permettait une totale transparence dans ce pays. Ils ressemblaient à n'importe quel habitant, l'un d'une trentaine d'années et l'autre de cinquante. Habillés sans extravagance, ils se fondaient dans le paysage, n'attirant ni les yeux ni les oreilles de quiconque.
- Ces deux-là me semblent bien banals, indiqua Paul.
- Ils ne le sont pas et leur ouïe est bonne, chuchota Baptiste d'un volume à peine audible pour Paul pourtant juste à côté de lui.
L'aîné indiqua d'un geste qu'il avait compris. La conversation continuerait sur un volume réduit au maximum.
- Ils ne vont pas s'éterniser, annonça Baptiste.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Ils s'ennuient.
Les deux Vampires s'éloignèrent de l'endroit quelques minutes plus tard. Ils n'échangèrent pas un mot. Perdus dans leur recherche de la sensation forte suivante, ils ne se rendirent pas compte de la filature en cours. Ils traversèrent la ville pour se rendre au port. Depuis un ponton délabré et désert, ils plongèrent dans les eaux froides de l'océan et disparurent sous la surface.
- Ils vivent sous l'eau, comprit Baptiste.
- Est-ce possible que Félix soit impliqué ? interrogea Paul.
Baptiste comprit la raison du rapprochement de son frère. Après tout, Félix leur avait annoncé avoir vécu des siècles sous l'eau.
- N'allons pas trop vite, calma Baptiste. C'est peut-être une coïncidence. Après tout, d'autres Vampires ont pu se rendre compte de la capacité à vivre sous l'eau. Je suis déjà abasourdi que cela nous soit passé sous le nez aussi longtemps.
- Ma pagode a été détruite par une bombe atomique moins d'une heure après que Félix soit apparu, rappela Paul.
- Explosion dans laquelle il a trouvé la mort.
- Tu n'en sais rien, cingla Paul. Tu supposes. Il a pu, comme toi, partir juste au bon moment.
Félix était-il impliqué ? L'esprit embrumé de Baptiste rajouta cette pièce au puzzle sans parvenir à l'imbriquer. Félix avait-il tué Kol ? Baptiste cracha par terre. De nouveau, encore et toujours, ce retour vers Kol. Il n'en pouvait plus. Il voulait que ça cesse. Cette torture durait depuis trop longtemps. Il aurait tout donné pour en être enfin libéré.
- Il est vrai que nous n'avons pas pensé à chercher des Vampires sous l'eau, admit Paul.
- Parce que nous ignorions qu'il en existait au contrôle. Et même si c'était le cas, nul ne peut fouiller les océans du monde ! s'exclama Baptiste. C'est… impossible… trop grand… immense…
- On les suit ? proposa Paul.
- Sous l'eau ? Dans leur élément ? Où ils auront le dessus ?
- Nous avons l'élément de surprise, ajouta Paul.
- Je préfère recueillir davantage d'informations. Ils avancent à découvert sans prendre de précautions. Je te parie qu'ils entrent et sortent toujours ici. Je te propose une surveillance. Ça te va ?
Paul hocha la tête. Il laissait Baptiste prendre les commandes et suivait plutôt que de commander. Baptiste secoua la tête. Décidément, plus rien n'allait. Paul semblait comme assommé, endormi, lointain, inaccessible et insensible au présent.
Baptiste choisit le dernier étage d'un entrepôt inusité depuis des années. À côté d'une fenêtre sans carreau, ils s'assirent et attendirent, les oreilles aux aguets.
Pendant une semaine, ils observèrent. Ils virent et entendirent sortir de l'eau une dizaine de Vampires, a priori différents mais ceux-ci étant au contrôle, il était difficile de savoir s'il s'agissait des mêmes ayant changé d'identité ou non.
- Nous sommes clairement en infériorité numérique, dit Baptiste à un volume sonore réduit au maximum.
- Comment avons-nous pu en rater autant ?
Baptiste plissa des yeux. Que eux aient pu les rater, passe encore, mais les yeux de Malika n'auraient pas pu les ignorer. Baptiste comprit que ses doutes méritaient d'exister. Il essayait de recoller les pièces, se perdait parfois des jours dans sa mémoire parfaite, en vain. Son esprit le ramenait à Kol, lui faisait perdre le fil de sa réflexion, l'obligeant à recommencer, encore et encore.
- On en tue deux et on prend leur place ? proposa Paul.
- Sans rien connaître d'eux ? On serait repéré immédiatement ! On ne connaîtrait pas leur nom ni l'emplacement de leur planque. Qui sait ? Un mot de passe est peut-être requis !
- Tu as raison, admit Paul. Il faut trouver autre chose.
- Baptiste et Paul ne sont pas là. Il va falloir continuer nos recherches.
Les deux Aars jetèrent un œil vers le ponton délabré. Deux femmes se tenaient dessus, très belles, jeunes, les cheveux longs, la peau blanche légèrement bronzée. Leurs fines jambes attiraient les regards sous leur mini-jupe. Elles étaient sèches et leur visage portait un maquillage qu'un bain aurait dû détruire. Elles étaient douées, sans aucun doute.
- Si j'étais eux, je me terrerai au fond d'un trou. Tu imagines ! Ils ont perdu tous les leurs. Moi aussi je serai terrorisée ! dit la blonde.
- Moi je chercherais à les venger, indiqua la brune qui avait parlé la première. Je voudrais comprendre. Je ne me cacherais pas. Non, je ferais en sorte d'attaquer.
- Et ça serait suicidaire, maugréa la blonde. S'ils cherchent à s'en prendre à d'Helmer et son organisation, ils sont perdus.
- Pas sûr. Ils sont vieux, très vieux, dit la brune avec un puissant respect dans la voix.
- Deux contre des milliers ? rit la blonde. Même pas en rêve ! Je ne dis pas que les avertis de d'Helmer en sortiront indemnes mais oui, ce connard de maître de l'Atlantide gagnera.
Baptiste et Paul ne se quittaient pas des yeux pendant l'échange nonchalant des deux femmes.
- Des milliers ? gémit Paul.
- Connard ? répéta Baptiste. Elle ne semble pas porter notre adversaire dans leur cœur. L'ennemi de mon ennemi…
- Pourquoi ce d'Helmer devrait-il être notre ennemi ? demanda Paul. Je ne sais même pas qui c'est !
- Elles semblent penser qu'on va l'attaquer en cherchant à venger les nôtres. J'en conclus qu'il est responsable. Elles l'ont appelé "le maître de l'Atlantide". Atlantide, répéta Baptiste. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que ce sont ses hommes qui vivent sous l'eau.
- Mais alors, qui sont celles-là ? demanda Paul. Y a-t-il un autre groupe de Vampires au contrôle ? Mais combien sont-ils ? Comment avons-nous pu être aussi aveugles ?
Baptiste connaissait la réponse mais la dire à voix haute aurait été l'admettre et la rendre réelle. Le sine condicione doublé de la trahison de Malika, voilà la cause. Cependant, même si Baptiste était persuadé de ces deux éléments, ils ne constituaient qu'une enveloppe immense dont il ignorait le contenu exact.
- Notre mission est de les trouver, rappela la brune. S'ils cherchent à s'en prendre à l'Atlantide, je crains que nous ne soyons pas en mesure de les sauver. Ils nous surpassent largement en nombre. Nous n'avons pas les moyens de surveiller les alentours. La zone à couvrir est bien trop importante.
- S'ils s'enterrent dans un trou, c'est encore pire. Le champ de recherche est la Terre entière. Super… maugréa la blonde.
- On se venge ou on s'enterre ? demanda Paul.
Baptiste garda une fois de plus le silence. Il lui semblait qu'il existait d'autres options et que se contenter de ces deux-là étaient par trop réducteur mais ses pensées s'enfuyaient. Les deux femmes avaient confirmé ses craintes : tous les siens étaient morts. Kol n'était plus.
- Baptiste ? Elles s'éloignent ! Que fait-on ? Baptiste !
Paul avait monté le ton afin de faire sortir son frère de sa torpeur.
- Juste devant notre porte ? Trop aimable, dit un homme en apparaissant devant les deux frères.
L'entrepôt délabré fut envahi de Vampires au contrôle. Baptiste soupira en secouant la tête. Ils venaient de perdre. En perdant ses nerfs une seconde, Paul venait de les condamner. Baptiste ne lui en voulait même pas. Son frère aîné subissait autant que lui le martyre de la perte de son sine condicione. Il ne pouvait qu'admettre la défaite.
- Allez donc rendre compte à vos sœurs, cracha l'homme. Moi, je les emmène.
Baptiste constata que les deux femmes se regardaient tristement.
- Je vous accompagne, afin de m’assurer que votre maître va respecter les règles, dit la brune d'un air hautain.
La blonde disparut, pour transmettre les informations à leurs sœurs, supposa Baptiste. Le Vampire haussa des épaules. La présence de la femme semblait l’indifférer.
- Maître d'Helmer souhaite s'entretenir avec vous, annonça le Vampire. Voudriez-vous bien nous suivre, je vous prie ?
Baptiste hocha la tête en se levant. Paul lui lança un regard noir.
- Tu combats si tu veux mais je ne t'aiderai pas, prévint Baptiste. Je sais reconnaître quand j'ai perdu.
Paul grimaça puis suivit son frère, la tête baissée. Il tapa dans le premier caillou innocent venu, qui ricocha contre un ponton avant de tomber à l’eau.
- Je veux bien parler à ce gars, précisa Baptiste à Paul. Je ne le connais pas. J'aimerais réellement comprendre.
- Il a tué Kol. Ça ne te suffit pas ? répliqua Paul d’un ton acerbe.
- Tu n'en sais rien, répliqua Baptiste. Ce n'est pas parce que deux femmes pensent qu'il devrait être la cible de notre vengeance qu'il a tué quiconque. Le monde n'est pas blanc ou noir.
Tout en parlant, Baptiste ne lâchait pas des yeux la brune qui gardait un visage fermé et indéchiffrable. La conversation ne put continuer car le groupe entrait dans l'eau. Les deux frères se retrouvèrent entourés d'une bulle de Vampires, à l'extérieur de laquelle ondulait la brune.
Ils nagèrent une bonne heure avant de voir apparaître une montagne sous l'océan. C'était magnifique. Elle était recouverte d'algues et grouillaient de poissons. Les Aars suivirent leur escorte dans un trou où ils disparurent, les uns après les autres.
Le trajet traîna en longueur. La descente fut interminable puis il y eut un coude et ils remontèrent, presque à la verticale. Baptiste reconnut là un siphon. Son stress et ses angoisses remontèrent en flèche. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il allait trouver une fois arrivé. Il n'aurait su dire s'il aurait préféré rester dans l'ignorance ou souffrir en entendant la vérité.
Finalement, ils émergèrent hors de l'eau. Baptiste en fut abasourdi : il y avait de l'air sous cette montagne ! La pression n'aurait pas été supportable pour un être humain mais il y avait bien de l'air… et une impressionnante quantité de gens, allant et venant, visiblement très occupés. L'endroit était bruyant et animé. Des milliers de Vampires se déplaçaient tranquillement.
- Bienvenus dans l'Atlantide, dit le Vampire qui leur avait parlé à la surface.
Baptiste resta bouche bée. Pendant un moment, il ne put parler, se contentant d'observer et Paul semblait dans le même état.
Il était évident que l'endroit n'était pas naturel. Les parois portaient les traces de creusage artificiel. Cependant, la ville était magnifique. Des bâtiments bruns à un étage ou moins étaient disposés de ci, de là. Il n'y avait aucun véhicule. Tout le monde se déplaçait à pied. Les chemins étaient faits de pierres simples et brunes. Les parois de la montagne, noires, étaient éclairées par de nombreux spots faisant apparaître les couleurs des pierres et algues qui s'y trouvaient. Malgré le bruit, la ville était apaisante.
- C'est magnifique ! fut forcé d'admettre Baptiste avant de suivre son escorte le long d'un chemin de cailloux blancs.
Ils longèrent le mur de la ville sans jamais vraiment pénétrer à l'intérieur. Ils marchèrent une bonne demi-heure avant d'entrer dans un tunnel gardé. L'endroit n'était pas accueillant. Tout le contraire du reste de la cité. Une caverne de grande taille se découpa dans la roche.
- Si vous voulez bien plonger, annonça le Vampire en désignant un trou d'eau.
- Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? interrogea Paul.
- Un autre siphon, plus petit, qui mène à l'endroit où vous attend maître d'Helmer.
- Vous ne venez pas avec nous ? demanda Paul.
- Non, dit le messager.
Paul ne bougea pas. Baptiste observa le trou puis plongea. Il n'avait pas d'autre choix. Les deux frères se trouvaient dans une cité engloutie habitée par des milliers de Vampires au contrôle. Ils n'avaient aucune chance.
Baptiste descendit de quelques mètres avant de remonter de l'autre côté. Il découvrit une grande pièce aux murs brillants. Paul le rejoignit rapidement puis un bruit sourd se fit entendre. Nul doute que le passage venait d'être bouché.
Baptiste observait l'endroit et surtout, le plafond, à une dizaine de mètres plus haut, composé d'une grille solide. L'atteindre serait déjà difficile car les murs, gluants d'une substance étrange et visqueuse, étaient impossibles à escalader. En sautant, les Aars pourraient atteindre la grille mais ils ne doutaient pas qu'elle fut en acier indestructible. Et qu'en bien même ils parviendraient à sortir, il y aurait toujours mille Vampires au contrôle pour leur barrer la route. Ils étaient piégés.
Un homme apparut sur les abords de la grille. De taille moyenne, il portait une barbe de cinq jours qui agrémentait joliment son visage. Il semblait avoir une quarantaine d'années. Sa peau hâlée mettait en valeur ses yeux verts. Il portait un polo en lin, un pantalon bleu et des mocassins clairs.
- Je suis Gilles d'Helmer, le maître de l'Atlantide, se présenta l'homme.
- Vous êtes un connard, répondit Paul.
Baptiste sentit son âme vibrer et au plus profond de son cœur, il le sut : ce Vampire était son petit. Il l’avait transformé. Quand ? Comment ? Plus rien n’avait de sens.
- Si ça vous fait plaisir, répondit Gilles.
Le maître des lieux sortit de derrière son dos un livre. Il se pencha, fit passer l'ouvrage entre les barreaux en le pliant un peu et lâcha. L’objet tomba dans un bruit sourd. Lorsque Baptiste regarda de nouveau en l'air, d'Helmer avait disparu.
- Pourquoi devrais-je lire ça ? interrogea Paul tandis que Baptiste se dirigeait vers le petit carnet en cuir relié.
- Parce que c'est ce qu'il veut, répondit Baptiste en attrapant le livre.
Un nouveau regard vers la grille lui permit de constater la présence de la brune. Elle semblait prendre très à cœur sa mission, quelle qu'elle fut. Baptiste se força à se concentrer sur l'ouvrage relié.
- C'est quoi ? interrogea Paul à voix haute.
- Ça s'appelle "Le livre des origines", lut Baptiste.
Paul haussa les épaules. Baptiste se demanda s'il fallait vraiment lire ça. Les réponses se trouvaient-elles à l'intérieur ? Avait-il vraiment envie de savoir ? Après tout, passer l'éternité dans ce trou ne valait-il pas mieux que la douleur de la trahison ? Baptiste soupira. Lire ce livre était la seule activité à leur disposition, la seule échappatoire à ses pensées qui pleuraient Kol. Les deux frères auraient pu se plonger en transe méditative et ne jamais plus en sortir. Baptiste secoua la tête. Non, il voulait vivre, plus que jamais. Si lire ce bouquin était la solution, alors…
- Auriez-vous l'amabilité de le lire à voix haute ? murmura la brune.
Baptiste leva les yeux vers la femme libre de l'autre côté de la grille. Elle gardait un visage neutre mais la demande semblait d’importance. Baptiste hocha la tête. Paul s’assit et écouta son frère narrer à haute voix le contenu de l'ouvrage relié.