Il y avait un petit vent ce matin, il était doux et chaud, venant du sud, apportant avec lui du sable du Sahara. Les feuilles avaient pris une teinte orangée, elles portaient une fine pellicule de poussière, la même que l'on retrouve dans les caves, lorsqu'on veut se souvenir du passé. La forêt avait l'air d'avoir été oubliée pendant des années, avec les traces fraîches que laissent les sangliers et les chevreuils. Ces souris sont juste un peu plus grosses que celles que l'on trouve dans les caves.
Le Gamin jouait avec des pissenlits en les parachutant sur la tête de sa sœur. Cette dernière restait de marbre jusqu'à ce qu'on arriva dans une clairière dont le sol était recouvert de mousse. Là, la Gamine se jeta sur son frère, s'en suivit un roulé boulé qui finit dans le ruisseau en contre bas. Comme je n'étais pas pressé je le rejoignis tranquillement. Ma chienne était restée à la cabane pour surveiller les moutons.
« Que cela te serve de leçon, Vaurien ! » déclara la jeune fille en frottant de la boue dans les cheveux de son frère. « On ne peut pas s'en prendre à mes cheveux et s'en tirer indemne ! »
Cela n'empêcha pas le gosse de sourire devant la tignasse blanche de sa sœur. Si le vent avait été un peu plus fort, elle se serait envoler.
« Vous voulez vous poser un peu les gosses ? On a bien marché et il nous reste encore un bout de chemin. »
« Pourquoi Vieux Machin ? » me répondit la Gamine avec dédain. « Vos os vous font souffrir ? »
« Toi l'impertinente, tu feras moins la maline quand je t'aurais mis des clous dans tes souliers. Et toi Gamin ? Tu as faim ? »
Ce dernier se tourna vers sa sœur, le regard interrogateur. Elle acquiesça, alors le marmot hocha rapidement la tête à mon égard.
« Alors on mange. Prenez vos repas de votre sac à dos et trouvez vous un carré de mousse pas trop mouillé. »
Ils grimpèrent alors sur la branche d'un arbre pour manger leur sandwich, quant à moi je m'installai sur une grosse pierre à coté de la rivière, les pieds dans l'eau.
Les oiseaux des bois me zieutaient curieusement, tandis que les gosses pointaient du doigt les poissons dans la rivière. Le soleil filtrait gentiment parmi les feuillages. Je me sentais bien alors je sortis ma sansula de mon sac à dos et commença à en jouer.
« Qu'est ce que c'est Vieux Gamin, ce que vous avez dans vos mains ? »
« C'est un tambourin en peau de chèvre sur lequel est monté une série de languette de métal servant de piano à pouce. Écoutez donc vous deux, écoutez donc... »
L'avantage avec cet instrument, c'est la facilité d'improviser avec. La musique en sort comme un rêve. Elle a la caresse du velours. Elle transporte en faisant dormir un peu. Elle calme et réchauffe, comme une mère qui sert son enfant dans ses bras.
A la fin de la première partie, les deux gosses me fixaient en se tenant dans leurs bras. Ils ne parlaient pas, le Gamin souriait.
Alors je continuai.