A chaque fois que je venais ici, je me demandais qui habitait là.
Il y avait bien une route avant, mais maintenant... Les fougères et les arbres ont tout recouvert. La route, comme les murs ou le toit. Enfin, le toit, le toit au sol. Le toit de la maison qui s'est écroulé. Le toit de tuile, rouge. Rouge comme le plancher de cette maison. Cette maison qui n'est plus vraiment une maison, juste quatre murs qui gardent en leur sein le mystère et le seul indice que nous ont laissé les fantômes qui habitaient là : un arbre.
Un acacia. Colossal. Qui avait poussé au milieu des tuiles et des fougères. Au sein de cette maison dont les propriétaires avaient été oubliés de tous.
Alors que ses fleurs bleus azur,
En grappe comme les souvenirs,
Suspendu dans l'air pur,
Sont gardées par le pire.
« Qui habitait là Vieux Gamin ? »
« Des voyageurs, fillette. » dis-je en entrant par la porte principale. « L'arbre aux fleurs bleues est un acacia. Cependant, je ne connais pas cette espèce, mais il y a beaucoup d'acacia en Afrique. Ils ont tous des épines acérées et de petites feuilles sur leurs branches. Les fleurs par contre, bleu ciel, c'est ça la particularité de cet arbre. Ce pourquoi nous sommes là. »
« Et vous allez en faire quoi de ces fleurs ? Un poison pour chasser les loups ? »
« Allons, on ne chasse pas les loups avec du poison. Comment veux-tu les manger après ? »
« J'imagine que ça dépend de quel poison on parle. Le venin de serpent rend le lapin piquant mais pas immangeable. »
« Évidemment... Mais non, ce n'est pas pour faire du venin. Et toi petit, tu en ferais quoi de ces fleurs ? »
Il me regarda, pensif, puis son visage s'éclaira et il courut cueillir des marguerites et les disposa sur les murs, et les marches d'escalier.
« Tu veux t'en servir pour décorer Gamin ? » lui demandai-je. Il hocha la tête. « Et bien non, ce n'est pas ça. » Déception sur son visage. « On va s'en servir pour cuisiner ! » Rayonnement sur son visage. « Mais tout d'abord, installons-nous dans la cuisine, j'ai deux trois trucs à vous dire avant qu'on aille cueillir ces fleurs. »