Alec reprit connaissance dans un sursaut violent, les yeux s'ouvrant sur le néant oppressant d'un entrepôt désaffecté. L'odeur d'humidité mêlée à celle du métal rouillé l'envahit brutalement. Une douleur lancinante lui martelait l'arrière du crâne, là où le coup l'avait assommé. Suspendu torse nu à un vieux crochet de boucher, ses bras étaient tirés en arrière dans une posture douloureuse, les poignets entravés. Sa peau frissonnait sous l'effet du seau d'eau glacée qui venait de lui être lancé.
« Alors princesse, on fait la sieste ? » lança une voix railleuse.
Alec releva lentement la tête, croisant le regard d'un homme grand et carré, le sourire froid illuminé par la lumière brute d'une ampoule pendante. La tension dans ses muscles rendait chaque mouvement douloureux, mais il s'efforça de rester impassible.
Un deuxième homme s'avança, plus rond mais avec une allure tout aussi menaçante. Il le détailla avec une expression de dégoût avant de lâcher d'un ton moqueur : « T'as une belle gueule, mon mignon. J'vais me faire un plaisir de te la refaire. J'ai jamais pu blairer les petits connards dans ton genre. »
Malgré la menace, Alec esquissa un sourire narquois. Il avait mal physiquement et il était en colère : en colère contre ces hommes qui allaient se servir de lui pour atteindre Elena, en colère contre lui-même pour avoir un temps cessé de croire en eux, en colère contre la vie elle-même, cette salope qui décidément jamais ne l’épargnerait… Alors, avec arrogance il cracha méprisant tout ce flot d’émotions qu’il ne parvenait plus à contenir, en dépit de la raison qui lui intimait de se taire, « J'imagine que c'est pas de ta faute si t'es né avec une sale gueule, »
L'homme, explosa de rage et lui asséna un coup violent dans l'abdomen. Alec plia sous l'impact, la douleur se répercutant à l’intérieur de ses entrailles. Il s'efforça de ne pas crier, il était hors de question qu’il donne satisfaction à cette ordure. Ce qui ne fit qu’accentuer la hargne de son agresseur. Alors que ce dernier s’apprêtait à porter un nouveau coup, il fût stopper dans son élan par une voix plus grave, « Carlos ! »
Ce dernier pivota brusquement vers lui, visiblement agacé. « Quoi ? Tu crois que j'vais me laisser insulter par ce merdeux ? »
L'homme plus âgé, s'avança calmement, une autorité naturelle émanant de lui. Il regarda Carlos avec autorité. « Pour l'instant, on doit le garder dans un état correct. C'est moi qui dirige ici, alors garde la tête froide. »
Carlos pesta, marmonnant des jurons tout en s'éloignant de quelques pas. « Fais chier... Si on peut même plus taper les connards prétentieux... J'vais faire un tour, j’ai besoin de prendre l’air et j'ai plus de clopes. »
Le premier homme, était resté assis, observant la scène avec amusement, se réjouissant de façon malsaine de la violence du spectacle. Il s’adressa à son complice sans détourner son regard d’Alec. « Hé, ramène-moi des cigarios pendant que t'y es. »
Carlos se contenta d'un grognement en guise de réponse, quittant l'entrepôt d'un pas lourd.
Alec, se mit à observer les lieux ainsi que ses agresseurs, espérant mettre le doigt sur un détail qui pourrait lui sauver la vie. Déjà, il était claire qu’ils avaient besoin de lui et ne pouvaient pas se permettre de le blesser, ce qui en soit était une excellente nouvelle. L’autre crevure ne pourrait pas le toucher impunément. Ensuite, il y avait une hiérarchie dans cette équipe et il était évident que le troisième homme était leur chef vu la façon dont ils s’exécutaient. Cependant, ce dernier dégageait quelque chose de dangereux : tant par rapport à l’aura effrayante qu’il imposait que par rapport au regard perçant démontrant une intelligence certaine. Si Alec avait espéré un instant pouvoir user de manipulation, ce dernier ne serait pas homme facile à duper. Alec se nota mentalement de faire plus attention à lui. Il devrait agir avec prudence en sa présence pour ne pas laisser transparaître ses plans. Alec analysait méticuleusement et silencieusement la situation, sous le regard scrutateur de son cerbère, essayant de trouver une faille pour se sortir de cette situation, particulièrement mal engagée. Le crochet qui le suspendait grinçait légèrement chaque fois qu'il bougeait, ses poignets tiraillés par les liens rugueux. Il avait déjà compris qu'il n'y avait pas de miracle à attendre, il devrait se débrouiller seul pour se sortir de cette histoire. Il était piégé, dans un bâtiment dont il ne connaissait ni l’adresse, ni le plan. Il devait trouver une solution pour se tirer de là sans se précipiter. Il n’aurait qu’une seule occasion et il devait apprendre à connaître les lieux, trouver une arme, ou n’importe quoi pouvant servir à son évasion. Ensuite, il n’aurait plus qu’à trouver de l’aide dehors pour partir loin de ses ravisseurs.
L'homme âgée, qui jusqu’alors nettoyait méthodiquement son arme, brisa soudainement sa réflexion, « Je m'appelle Abraham. Écoute bien, gamin. Personne ne viendra te sauver. On a débloqué ton téléphone et envoyé des messages à tes potes. Kylian, là-bas, veille à maintenir l'illusion. Tes amis ne se douteront de rien. Et au cas où tu te poserais la question, on est au milieu de nulle part. Si tu tentes quoi que ce soit, tu ne feras pas cent mètres dehors. Si tant est que tu puisses atteindre la zone extérieur… vivant. »
« Merde ! Cela va considérablement compliqué les choses... » pensa-t-il. Il n’avait pas envisagé qu’ils avaient pu quitter la ville et c’était pourtant évident. Alec, déglutit, ravalant sa frustration. Ses yeux étaient fixés sur Abraham, cherchant à comment faire parler cet homme, qui cela ne lui avait pas échappé, lui avait consciemment révélé son prénom et des informations importantes, « Pourquoi vous me dites tout ça ? »
Abraham esquissa un sourire glacial. « Parce que je connais ce regard. Celui du type qui ne perd pas son sang-froid et qui est prêt à faire une connerie. Ta copine avait le même avant que je m'amuse un peu avec elle. Elena... »
À ces mots, une rage pure envahit Alec. Il tira sur ses liens, ignorant sa raison et la brûlure des liens sur ses poignets. « Connard ! » cracha-t-il, la voix tremblante de colère. « C’est toi qui a fait du mal à Elena ?! T'es qu'une merde pour t'en prendre à une femme ! »
Abraham éclata de rire, un rire froid et cruel. « Bah, dans mon métier, y'a pire que taper des femmes. En tout cas, on doit lui reconnaître ça à la jolie brune. Elle est sacrément coriace ta p'tite copine. Après les coups que je lui ai donné et les balles qu'elle a prises dans le buffet, je comprends toujours pas comment elle a pu survivre. J'aurais dû viser la tête. »
Alec serra les dents, essayant de contenir la haine que lui inspirait ce monstre. Il savait que perdre le contrôle ne ferait que leur donner l'avantage mais, il ne pût se taire pour autant, « Elle est comme ça, Elena, elle ne plie pas le genou. Devant personne ! Et c'est pour ça que ton boss va tomber. Elle ne se taira pas ! »
Abraham haussa un sourcil, amusé par le défi. Il s'approcha lentement, son ombre se projetant sur Alec sous la lumière de l'ampoule. « Je sais que t'es jeune et impétueux, gamin, mais ne me pousse pas trop. »
La menace était claire et quelque chose dans son ton faisait penser à Alec qu’il ne valait mieux pas insister. Pourtant, son regard parlait pour lui. Il n’abandonnerait jamais et il ne leur donnerait pas la satisfaction de le briser.
Alors qu'Abraham se reculait, son téléphone sonna. Il regarda le message reçu puis se tourna avec un sourire sadique vers Alec. « Ils parlent du procès dans les médias et je sais pas ce qui s'est dit mais, le boss est en rogne : il veut qu'on soit plus explicite dans nos menaces et donc concrètement ça veut dire que tu vas déguster... Je te caches pas que comme Carlos, ça va m'faire extrêmement plaisir. »
Alec serra les dents en le voyant approcher tout en se retroussant les manches. Il allait passer un mauvais moment mais il se jura de tenir coûte que coûte.