Est-ce que l’on peut vivre sans coeur ?
Parce que j’ai l’impression de n’être que l’ombre de moi-même.
Ok, je vais mieux.
Je prends des douches récurentes, j’ai un cycle de sommeil à peu près régulier et je ne m’alimente plus qu’avec des glaces. Je crois que les visites de l’équipe me font du bien. Les garçons ont décrété que si je n’allais pas les voir à l’entraînement alors ils viendraient me voir quand ils le souhaitaient et hors-de-question d’être une nouvelle fois Gollum devant eux. J’aimerais cependant bien limiter les visites d’Isaac et d’Elyas, Entre Elyas qui se canalise difficilement et qui risque de faire exploser ma maison à chaque instant et Isaac qui me tire les vers du nez à chaque fois qu’il me parle, je n’en peux plus.
Je suis HS. Je préfère garder mes sentiments et mes états d’âme pour moi. Sauf que j’ai plus de nouvelles d’Owen en leur parlant. Ok, j’ai tout le temps des nouvelles d’Owen, je sais exactement ce qu’il fait, ses statistiques, comment il va. C’est le passage obligatoire pour chaque visite, j’accepte de vider mes batteries sociales que si j’y gagne quelque chose. Et je deviens complètement cinglée si je n’ai pas mon quota d’Owen, donc des mini-descriptions des entraînements ce n’est pas tant demandé que ça.
Aujourd’hui, c’est au tour de Camille de me rendre visite. J’ai l’impression d’être malade en disant ça, comme si je ne pouvais pas rester seule une seule journée. Ce n’est pas si faux, ce n’est pour si long. J’ai été loin de lui pendant des périodes bien plus longues. Le temps sans lui passe à une lenteur insupportable.
Mais cela m’a permis de réfléchir. Je sais qu’il n’a rien dit à son père, ni à ses coéquipiers. Je peux lui faire confiance, il ne ferait rien pour me faire du mal. Je le sais et j’en suis persuadée. Je me doute que de penser que j’influence ses statistiques est imbue de moi-même. Je n’ai pas assez d’influence sur lui pour ça. La seule chose qui me pousse à ne pas retourner vers lui est la certitude d’être un amour passager.
Mais cela ne m’empêche pas de penser qu’il me manque.
Il me manque tellement que je regarde des putains d’animes parce que ça me fait penser à lui.
Des années que je refuse de regarder le moindre anime. Tout cela réduit à néant.
Et le pire ? C’est que j’ai pleuré devant Haikyu.
Haikyu qui m’a fait penser à tous les entrainements que je manque. Où je me retrouve à devenir accro à une nouvevlle forme de personnage fictif parce qu’il me fait penser à mon putain d’ex.
Merde, j’ai dit ex ?
Heureusement que Camille est là. Parce que j’ai une arme de destruction massive dans ma main, j’ai mon téléphone bien trop proche et je lutte contre l’envie de l’appeler. Le silence est revenu, nous avons terminé de regarder toutes les saisons. Je ressens de nouveau ce vide à la place de mon coeur. Putain, je ressens normalement que ça lorsque je termine une saga de livres.
- Maintenant que l’on a terminé de regarder ton truc sur le volley-ball, est-ce que l’on peut mater un truc normal sur Netflix ?
J’ai l’impression de la torturer.
- J’ai envie de regarder un anime mais promis on ne regarde pas d’anime sur du sport.
- Mais pourquoi tant de haine ? Tu veux pas faire une pause et en regarder un plus tard ? Je sais, il y a super série qui vient de sortir sur Netflix, il faut absolument que tu la regardes en plus les acteurs sont hyper sexy.
Je secoue la tête comme une enfant. Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Normalement, je devrais sauter sur l’occasion de découvrir un nouvel acteur sur qui fangirler.
- Très bien mais tu n’as plus le droit à des ragots sur Tiago et moi jusqu’à nouvel ordre.
C’est l’une des meilleures nouvelles que j’ai eu. Je crois que je n’ai pas été excitée pour un événement comme ça depuis longtemps. Mon petit Tiago et ma meilleure copine sortent ensemble. Et la cachotière ne m’avait rien dit alors que ça avait commencé dès la soirée d’Isaac. Elle sait très bien qu’ici nous sommes face à un acte de haute trahison. Pour se faire pardonner de ne pas me l’avoir dit et de m’avoir oblig&é à démaquer leur imposture, elle m’a promis de me raconter tout en long, large et en travers.
- Mais laisse-moi vivre ma vie sentimentale à travers toi !, je lui hurle en lui balançant un coussin.
- Tu n’as qu’à la vivre avec Owen, on aura alors deux volleyeurs comme copain. En plus, Isaac t’a raconté ce qui s’est passé la dernière fois, tu as toutes les cartes en main.
- Je te l’ai déjà dit, même si ma mère est l’inquisitrice de cette discussion avec le père d’Owen cela a tout de même soulevé des points de vérités.
Oui, je ne vais pas lâcher, parce que je suis persuadée d’avoir raison.
- Mensonge ! Tout l’équipe t’a dit que tu ne nuisais pas à ses performances alors arrête de ruminer et va le voir. Tu sais très bien qu’il ne fera pas le premier pas à cause de ton stupide voeu.
- C’est mieux comme ça, de toute façon ça allait se terminer un jour, il ne m’aimait pas vraiment, c’était un mini attachement passager.
- Combien de fois, on va devoir te répéter qu’il t’aime depuis qu’il t’a vu ? Tu m’énerves quand tu fais ta bourrique !
Je ne réponds pas à sa pic, je sais que c’est l’un de nos plus grans sujets de discorde donc autant éviter le conflit si je le peux.
- Lui, il a l’air sympa et triste ! dis-je en sélectionnant au hasard un anime. Your Lie in April tu connais ?
- Est-ce que j’ai une tête à regarder tes trucs ? D’habitude je ne cède même pas pour tes dramas coréens.
- Enfin… Tu ne dis plus mes films chinois, je baragouine.
- Tu disais ? me reprend-elle.
- Que ça parle d’Arima un jeune prodige qui joue du piano. Il est tellement doué qu’on l’appelle métronome humain, je détaille les lignes du résumé avant de continuer. Il excelle dans toutes les compétitions auxquelles il participe en donnant une prestation reproduisant avec exactitude une partition. Cependant, il rate un concours parce que sa mère meurt, je te résume hein sinon ça va être long et chiant. Et en gros, il abandonne le piano et son passé. Sauf qu’il rentre plus tard en dernière année de collège et fait connaissance de Kaori, une violoniste du même âge. Purée ce résumé est long, j’en peux plus, j’ai plus de salive. Ok, il va la kiffer et se laisser convaincre de devenir son pianiste accompagnateur pour ses compétitions de violons. Tu en penses quoi ?
- Je n’ai pas vraiment le choix non ?
- Non, je réponds avec un sourire fier.
Le bruit de l’anime se répand dans le salon. Camille soupire et s’installe confortablement pour mieux regarder son téléphone. L’épisode commence, chaque scène frappe une corde sensible. Je me retrouve à rire avec les personnages, à pleurer avec eux. Je suis complètement immergée dans l’histoire avant que les premières notes de la musique d'ouverture me saisissent, comme une invitation à un voyage émotionnel.
“Kimi da yo kimi nanda yo oshiete kureta.
Kurayami mo hikaru nara hoshizora ni naru.
Kanashimi wo egao ni mou kakusanaide.
Kirameku donna hoshi mo kimi wo terasu kara.”
Cela me prend quelques secondes.
Mais je la reconnais.
C’est ma musique.
C’est la sonnerie qu’il a mit pour mon contact depuis aussi longtemps que je le connais. Comme une folle, je me précipte sur mon téléphone. Balançant toutes les couvertures sur le sol pour le retrouver. Je tape comme une cinglée le nom de l’anime pour comprendre la signification des paroles. C’est bien l’opening non ?
“Même l’arc-en-ciel après la pluie, même les fleurs qui ont éclos avec le froid débordent de couleurs.
Je suis tombée amoureuse de toi alors que tu levais les yeux vers le ciel rouge.
Aucune scène de la pellicule de cet instant dramatique ne disparaîtra,
Je les ai toutes gravées dans mon cœur.
C'est toi, oui, c'est bien toi qui m'a appris
Que si même les ténèbres se mettent à briller, elles deviennent un ciel étoilé.
Cesse donc de cacher ta tristesse derrière un sourire,
Car chacune de ces étoiles étincelantes t'illumine.”
Les images s'animent à l'écran, dévoilant un monde d'émotions qui résonnent étrangement avec celles qui sommeillent en moi. Les frontières entre la fiction et la réalité s'estompent, créant une synergie où les larmes versées pour des personnages animés deviennent des gouttes d'émotion authentique.
Putain, je pleure.
Je pleure vraiment, les larmes glissent silencieusement le long de mes joues alors que les souvenirs se déversent, que j’assimile tout.
Je vois tout.
Certains diraient enfin.
Les regards échangés.
Les mots, les conversations que je refusais de comprendre.
Sa présence, son soutien.
Lui, tout entier.
Notre connexion qui transcende l’amitié, une harmonie que j’ignorais et dont j’étais inconsciente jusqu’à présent.
Je crois que pour la première fois de ma vie, je ne fais pas l’autruche.
PUTAIN, IL M’AIMAIT DEPUIS TOUT CE TEMPS ET JE N’AI RIEN VU ?
J’ai envie de me gifler.
Boum-boum.
Je le sens battre.
Un coeur fragile, pleins de fissures, mais un coeur qui bat.
Le monde extérieur poursuit sa danse indiférrente et même Camille ne semble pas remarquer la tempête qui fait rage en moi. Je me lève une nouvelle fois, choquée mais pas déçue :
- IL M’AIMAIT PENDANT TOUT CE TEMPS ET TU M’AS RIEN DIS ?, j’hurle à Camille en prenant mon téléphone et en courant dans la maison pour enfiler mes chaussures.
- Je peux s’avoir de quoi tu parles et pourquoi tu te prépares à partir ?
- Owen, putain, l’opening de l’anime, c’est lui, c’est moi.
- Tu te fous de ma gueule, j’espère ? Je te l’ai dit, il y a même pas 15 minutes, dit-elle en se redressant. Et qu’est-ce que tu me raconte avec ton histoire d’anime ?
- Owen il met une chanson pour ses contacts importants et ça veut dire ce qu’il pense de la personne et j’avais une chanson japonaise, je savais que ça venait d’un anime mais il n’a jamais voulu me dire lequel et c’est lui, je lui montre l’écran de la télévision comme si ça pouvait répondre à ses questions.
Elle cligne des yeux plusieurs fois, voyant mon état d’excitation et ne comprenant sûrement pas où je veux en venir.
- Putain Owen m’aime, ce n’est pas si dur à comprendre. Prends tes clés de voiture, on y va.
- Je peux savoir où on va ?, dit-elle en se levant rapidement et en enfilant à son tour ses chaussures.
- J’ai mon mec à récupérer.