Chapitre 43 : Une racine de ciel plantée dans la terre sereine

Par Kieren

« Des fourmis ? »

« Exact Gamine. Ce que tu vois sur cet arbre, ce sont des fourmis. »

« Mais elles sont bleues ! »

« Il y a bien des oiseaux bleus. »

« Mais... Il y en a trop ! Juste avant que vous ne lanciez le caillou sur le tronc, il n'y avait rien ; et maintenant le tronc entier est bleu... et il remue ! »

« Et encore Gamine, d'ici ce soir elles auront changé de couleur, comme les fleurs d'ailleurs. »

« … Je me sens perdue. »

« T'inquiète. Moi non plus je n'en croyais pas mes yeux quand Théo m'a montré cet arbre. »

« D'où elles sortent au juste ? »

« D'en dessous du tronc. J'ai déjà vu des arbres faire ça : ils ont tout un réseau de galeries sous leur écorce pour accueillir une colonie de fourmis. Ils les nourrissent avec leur sève et elles les protègent des agressions extérieures. »

« … Ce sont des fourmis. Elle ne peuvent pas nous faire de mal. »

« Tu vois leur nombre sur le tronc ? Elles sont déjà beaucoup. Imagine ce qu'il y a en plus à l'intérieur et dans le sol. Pourquoi crois-tu que nous soyons à six mètres de l'arbre ? »

« … Pour éviter leurs piqûres ? »

« Morsures, mais en effet, oui. Elles sont horriblement désagréables d'après ce que j'ai vu. Les personnes qui ce sont fait mordre m'ont dit qu'ils auraient préféré serrer une pierre brûlante dans leurs mains. »

« Et il y en a d'autres des bestioles comme ça dans la région ? »

« Je ne crois pas. Il n'y a qu'un arbre de cette espèce, ici. Je le soupçonne d'être lui-même un imago. »

« Pourquoi ? Il a un pouvoir magique ? »

« Il produit de la sève de très bonne qualité. »

« … Et tu appelles ça un pouvoir magique ? »

« Impertinente ! C'est déjà pas mal. Tu penses que tu as bon goût, toi ? »

« Allez bouffer des fourmis crus, Vieux Gamin. »

« Moi aussi, je t'aime bien, Gamine. »

...

C'était sorti tout seul. Ça m'avait moi-même étonné, les marques d'affections ne sortent pas souvent avec moi. Par contre, la plus troublée, c'était la Gamine.

Elle était complètement perdue. Puis le choc se transforma en colère, puis en panique. Elle se leva d'un bond, manqua de tomber, se rattrapa et tituba vers son frère.

« Tu vas rester là avec le Vieux. Tu es sage, tu écoutes ce qu'il te dit. Je reviens. »

Le Gamin voulu la prendre dans ses bras mais elle s'en dégagea. Elle pleurait.

Elle couru dans la forêt, alors je lui criai :  « On passe la nuit ici. On t'attendra ! »

Lorsqu'elle disparut dans les broussailles, je me tournai vers le Gamin. Lui aussi pleurait, sans pousser ne serait-ce qu'un sanglot.

Je ne pouvais rien faire d'autre que lui caresser la tête. Il ne réagit pas. Mais je ne m'arrêtai pas pour autant.

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