Chapitre 47 - Narhem - Doutes

- La rencontre devait se passer au bout de ce couloir ! lança Aymar, le chef du groupe.

Narhem fonça pour découvrir une bonne dizaine de gardes au milieu du couloir. Que la comtesse ait fini par comprendre et appeler la garde était une évidence. L’autre avait bien réagi mais il était en train de perdre.

- Faites-le tour ! Par le passage secret !

Quelques hommes disparurent en courant au bout du couloir. Un autre s’empara d’une hache et commença à attaquer le battant en bois lourd.

- La porte se fissure ! hurla l’un des soldats tandis que l’autre abattait sa hache avec force. Encore !

Narhem transperça le cœur du bûcheron de son épée avant de se tourner vers les autres soldats qui réagirent au quart de tour. L’argent donnait du pouvoir et le couple Dacil en avait assez pour se payer la crème de la crème. Les hommes du commanditaire restèrent en arrière, loin du combat. Dans ce couloir étroit, Narhem dansa. Heureux de sa liberté retrouvée, il frappait, tournait, esquivait, paraît, relançait, attaquait, feintait, sautait, glissait, évitait, blessait, tranchait sans relâche.

Enfin, ils furent tous à terre sous les visages souriants et admiratifs des hommes l’ayant sorti de son trou.

- Vous pouvez sortir. Il n’y a plus de danger. Ils sont morts, lança Narhem vers la porte close lardée de coups de hache.

Seul le silence lui répondit. Le commanditaire était-il blessé et incapable de répondre, en train de se vider de son sang, une dague dans le ventre ?

- Que vous les ayez tués me semble évident. Qu’il n’y ait plus de danger, en revanche…

Une voix féminine, étouffée, crispée, que Narhem ne reconnut pas. Le commanditaire était une femme. Narhem ne s’y attendait pas. Que de surprises ces derniers temps !

- Où est la comtesse ?

- Enfuie, par le passage secret qu’elle a refermé derrière elle. Il refuse de s’ouvrir.

- Dans votre sens, peut-être, probablement pas dans l’autre. Si des gardes entrent par là, je ne pourrai rien pour vous.

- Je sais. La question étant, Narhem, entre vous et les soldats, où est la plus grande menace ?

Narhem se crispa. Encore quelqu’un qui connaissait son identité réelle. Décidément, cela se produisait bien trop souvent ces derniers temps.

- J’aurais pourri dans ce trou pendant des siècles sans votre intervention. Je vous suis redevable. Je ne pense pas que je viens de vous sauver la vie. Vos hommes s’en seraient très bien chargés sans moi. Il y aurait sûrement eu des pertes mais vous vous en seriez sortie tout de même. J’ai une dette envers vous et je compte bien la rembourser. Des soldats sont en chemin pour votre position via le passage secret.

Il y eut un instant de silence puis le bruit d’objets lourds qu’on déplace se fit entendre. Narhem entra dès que la porte s’ouvrit. Ce fut l’exact moment que choisirent les soldats pour pénétrer la pièce via le passage secret. Narhem les réduisit au silence. La menace venait de disparaître. Narhem se tourna vers la commanditaire, qui avait passé le combat protégée derrière la porte ouverte.

- Katherine ? lança Narhem ahurie.

Il connaissait bien sûr le parcours de la princesse royale, s’en étant informé lors de ses écoutes à Falathon. Elle demeurait dans le duché de son époux. Elle était décrite comme froide et hautaine, lointaine et secrète, parlant peu, méprisée et insultée par son mari qui la réduisait régulièrement au silence. De nombreuses rumeurs circulaient sur ce couple au mariage forcé, souvent pris en exemple de la raison pour laquelle l’amour prévalait dans les unions.

Que faisait-elle ici ? Et surtout, même si elle avait eu vent de l’enfermement de Narhem, pourquoi le sortir de là ? Elle avait plus que tout le monde une bonne raison de se réjouir de sa disparition. Qu’elle le haïsse était une évidence. Ne l’avait-il pas enlevée, avant de transformer une princesse en simple assistante, la forçant jour après jour à constater, impuissante, le déclin et la pourriture de son propre royaume ?

Le visage de la princesse ne montrait que de la peur. Elle le craignait. Elle le connaissait mieux que personne à Falathon. Elle avait vécu avec lui, proche de lui, durant des lunes. Elle savait parfaitement ce dont il était capable.

- Je ne te ferai aucun mal, Katherine, promit-il. Je te suis infiniment reconnaissant de m’avoir sorti de là même si je ne m’explique pas du tout ton geste.

- Duchesse ! Il faut y aller, s’écria Aymar.

- Non, dit Katherine d’une voix ferme et nette.

Son regard, sa posture, son visage, tout se transforma à l’instant où elle quitta Narhem des yeux pour se tourner vers ses hommes. Elle devint droite, sûre d’elle et charismatique.

- Ce domaine est à moi, annonça-t-elle en secouant un parchemin dans sa main droite. Je viens d’en chasser les Dacil. Je veux que vous le fouilliez, de fond en comble.

- Que cherchons-nous ? interrogea Aymar.

- Des elfes, annonça Katherine.

- Quoi ? s’exclama Narhem tandis que les hommes partaient passer le domaine au peigne fin.

- La famille d’Imrane enlèvent des elfes dissidents depuis des décennies. Après les avoir torturés pour les briser, ils en emmènent un, de temps en temps, de l’autre côté de la frontière pour les vendre à Eoxit.

- Ça existe, des elfes dissidents femme ? s’étonna Narhem.

- Non, ce sont des hommes, indiqua Katherine.

- Qu’en font-ils ?

- De l’élevage, indiqua la princesse.

- Ils tentent… une reproduction ?

Katherine hocha la tête. Narhem en fut bouleversé et pourtant, il eut beau retourner en tout sens les lois d’Eoxit, rien n’interdisait de réaliser un élevage d’elfe. La vente et l’achat d’elfes n’étaient pas interdits. Seul le viol l’était. Restait à voir dans quelles conditions ces bébés étaient crées mais après tout, on forçait bien la reproduction entre un taureau et des vaches, ou un étalon et des juments. Les eoxans considérant les elfes comme des animaux ne verraient certainement pas ces élevages comme problématiques.

- C’est de là que vient leur fortune, continua Katherine. Chaque tête rapporte de quoi faire vivre luxueusement une génération toute entière.

- Imrane voulait que je lui fournisse un laisser passer pour Eoxit, gronda Narhem.

- Les eoxans n’apprécient pas trop la venue des falathens qui les méprisent. Le passage de la frontière est très risqué. La marchandise se fait souvent voler. Un des passeurs d’Imrane a dû vous reconnaître. Après tout, votre visage est connu là-haut.

- Elle s’est drôlement bien renseignée sur moi, maugréa Narhem.

- Votre immortalité est de notoriété publique à Eoxit et de nombreuses anecdotes circulent librement.

- Comment as-tu su que j’étais là ?

- Je ne laisse pas le connard qui a détruit ma chance de marier ma fille cadette à l’aîné d’un duc puissant s’en tirer aussi facilement.

Narhem blêmit.

- Je me renseigne. Je fouille. Je cherche. Je suis les traces, continua Katherine.

- C’est toi, comprit-il.

Il sourit pleinement, une immense fierté s’emparant de lui. Cette femme était son apprentie. Lorsqu’il l’avait rencontrée, elle ne savait rien. Il lui avait tout montré. Il lui avait dévoilé ses secrets, ses méthodes et ses feintes. Le marionnettiste n’était autre que son poulain.

- Que d’occasions ratées ! s’exclama Narhem, se souvenant des intrigues perdues.

- Mon salopard de mari m’empêche de bouger, maugréa Katherine. Je peux à peine faire un pas. Ma venue ici va me valoir des semaines d’enfermement, à n’en pas douter. Cela va…

- C’est hors de question, la coupa Narhem.

Katherine resta silencieuse, pétrifiée. Il lui faisait peur, à n’en pas douter.

- Un mari doit prendre soin de sa femme, pas lui nuire. Tu es merveilleuse et il n’est pas capable de s’en rendre compte ? Il ne te mérite pas.

- Il ne m’a pas choisie, rappela Katherine. De mon côté, je ne fais aucun effort. Après tout, c’est un traître. Il ne mérite pas ma considération et encore moins mon admiration.

- Agis-tu contre lui ?

- Bien sûr ! s’exclama Katherine. Je suis fidèle à mon royaume et le serai toujours. Combien de messages destinés à Eoxit ai-je détruit ? Je ne les compte plus. Ces pauvres oiseaux… innocentes victimes d’une situation critique.

- Il s’oppose au royaume, comprit Narhem.

- Il fomente complots sur complots. Il a déjà tenté à deux reprises d’assassiner le roi. Maintenant, il tente de s’en prendre à ma nièce Amanda, le bijou de ma sœur. C’est intolérable. Je perds énormément de temps et d’énergie à déjouer les intrigues nouées par mon propre mari. Il l’ignore mais me soupçonne, d’où son attitude très négative. Ma venue ici va finir de mettre le feu aux poudres. J’ai grillé pas mal de mes cartes dans cette aventure.

- Pourquoi ? Katherine… Pourquoi as-tu fait cela pour moi ?

- Parce que je n’y arrive pas, admit Katherine. Les Dacil sont les amis de mon mari. Je crains qu’il ne soit impliqué dans le commerce d’elfe. J’ai cherché des preuves… en vain.

- Nous n’avons rien trouvé, annonça Aymar en apparaissant soudain dans la pièce. S’il y a des elfes ici, ils sont trop bien cachés.

- Le problème est qu’ils peuvent être enfermés sous terre sans eau ni nourriture et survivre quand même, pleura Katherine. Le lieu peut être intouché depuis des dizaines d’années, recouvert de végétation, emplacement seulement connu des Dacil.

- Où est Imrane ? Je vais la faire parler ! promit Narhem.

Katherine frissonna.

- Je lui ai promis la liberté en échange de l’acte de propriété du domaine… qui est maintenant à mon nom, annonça Katherine en secouant de nouveau le parchemin dans sa main droite. Elle était terrorisée à l’idée que vous la retrouviez.

- Elle a raison d’avoir peur. Je vais à sa poursuite tant que les traces sont fraîches.

Narhem se dirigea vers le passage secret maintenant grand ouvert.

- Encore merci, princesse, lança-t-il en passant à travers le mur.

Katherine répondit un petit « Majesté » poli accompagné d’une légère révérence. Narhem pénétra dans le couloir sombre dans lequel il voyait parfaitement. Il le suivit jusqu’à déboucher sur une chambre. Un tapis replié, une porte entrouverte, de la poussière recouverte prouvant qu’un vase avait déplacé par le souffle d’une personne pressée, il suivit les indices jusqu’aux écuries. Un palefrenier se trouvait là, lui interdisant l’entrée.

- Qui êtes-vous ? gronda l’homme bourru.

- Un ami de la taulière, répondit Narhem. Où est partie la comtesse Imrane ?

- Vous le sauriez si vous étiez réellement un de ses amis ! répliqua l’homme.

- La propriétaire des lieux a changé, annonça Narhem. C’est de la nouvelle taulière dont je suis l’ami, pas de l’ancienne, je le crains. Quelle direction a prise la comtesse ?

- Nouvelle taulière ? répéta l’homme. Je ne suis pas au courant. Tant que…

Le palefrenier s’écroula inconscient sur le sol. Narhem n’avait pas le temps en échanges stériles. Il observa rapidement les chevaux et emprunta la meilleure monture. Elle le porta aisément dehors, suivant ses indications à la poursuite de la comtesse en fuite qui laissaient des traces partout. Elle était très facile à suivre.

Il la rattrapa à quelques lieux de là. La faire tomber de son cheval fut d’une immense facilité. Lorsqu’elle reconnut son agresseur, elle blêmit de terreur.

- Narhem ! Je vous en supplie !

- Où les elfes sont-ils maintenus prisonniers ? interrogea Narhem.

La comtesse ne montra qu’un visage choqué et perdu.

- Les… elfes ? bafouilla-t-elle. Je n’ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez !

- Vous les vendez à Eoxit, gronda Narhem.

- Vous avez parlé à Katherine Eldwen, comprit-elle. Elle a réussi à vous embobiner. Il faut dire que c’est sa spécialité, cette sale vipère. C’est elle qui vend les elfes dans le nord. Elle a vécu à Irin pendant son enfance. Elle parle leur langue. Elle connaît leurs manières. Elle sait se faire apprécier. Ils lui font confiance et se retrouvent enfermés dans une cage avant d’avoir pu dire ouf. Son enlèvement dans le nord lui a permis de découvrir ce marché très spécial. À son retour, elle a commencé à le monter. Son mari s’y oppose mais il a beau lui mettre des bâtons dans les roues, elle avance tout de même. Je le sais car nos familles sont amies depuis longtemps. Je le plains. Avoir une femme aussi détestable !

Narhem grimaça. Avait-il réellement été assez bête pour se laisser berner ? Après tout, Katherine avait de quoi en vouloir aux elfes. Elle les considérait sûrement comme sa famille, et ils l’avaient abandonnée, d’abord en l’envoyant auprès des humains, puis en ne l’aidant pas après son enlèvement. Personne n’était venu à son secours. Lorsqu’Elian avait finalement gagné, elle était partie sans se préoccuper d’elle. Elle devait sacrément en vouloir à sa marraine. Qu’elle ait envie de se venger n’était pas impossible.

- C’est la raison pour laquelle elle vous en veut ? Parce que vous soutenez son mari contre elle ?

- Non, c’est parce que… j’ai suivi son exemple… mais pas avec des elfes, finit-elle rapidement. Nous avons décidé de vendre du Sapelli à Eoxit.

Narhem fronça les sourcils. Il ignorait totalement ce à quoi elle faisait référence.

- C’est une essence particulière de bois, expliqua-t-elle, totalement inconnue à Eoxit mais merveilleuse pour réaliser des meubles fins. Le potentiel commercial est énorme. Sauf qu’en étant plusieurs à monter au créneau, nous attirons davantage l’attention et les patrouilles se font plus nombreuses aux frontières, mettant Katherine davantage à l’épreuve. Si nous perdons une cargaison, la perte est minime. Pour elle, c’est une catastrophe. Elle veut me faire cesser mes activités. Ce que je fais est illégal, je l’admets. Ses actes sont bien pires. De l’esclavage, de nos alliés qui plus est !

Narhem sentit son ventre se serrer. Venait-il réellement de se faire avoir en beauté ?

- La garce ! Elle a dû apprendre ce que je vous ai fait… et d’ailleurs, je comprends que vous soyez en colère contre moi. Je le serais aussi sacrément à votre place. Mais elle… Elle vous a sauvé juste pour que vous ayez une dette envers elle et vous demande à son tour un laisser passer.

Katherine n’avait rien demandé mais après tout, le faire immédiatement aurait été bien trop évident. Elle attendrait quelques lunes après lui avoir fait la cour. Narhem se sentit tellement bête. Bien sûr que le sauvetage par Katherine était intéressé. Elle ne l’avait pas sauvé sans raison, surtout qu’elle devait profondément le haïr.

Narhem observa la comtesse. Il avait indiqué à Katherine qu’il courait à sa poursuite. Cette dernière n’avait rien fait pour l’en empêcher. Le but était de faire parler Imrane. Katherine prenait donc un sacré risque en le laissant la poursuivre. Pensait-elle qu’il ne parviendrait pas à la rattraper ? Non, elle connaissait très bien ses compétences. Narhem eut du mal à croire qu’elle aurait pu se mettre autant en danger.

Il réfléchit posément. Pour vendre des elfes, il fallait en avoir or depuis le retour d’Elian, plus aucun dissident n’était présent à Falathon. Tous étaient revenus à Irin, comme par magie. Elian avait réussi à unir les siens.

À sa connaissance, le seul elfe présent à Falathon était Curunir, l’ambassadeur, demeurant en permanence à Tur-Anion. De temps en temps, un autre venait lui tenir compagnie avant de repartir. Elian avait ainsi retrouvé les siens tout en améliorant ses relations avec le pouvoir humain. À la connaissance de Narhem, jamais un elfe n’avait élu domicile en Falathon. C’était une première, très appréciée de toute la noblesse. Un vrai geste d’amitié, prouvant qu’Elian s’y connaissait tout de même en politique et savait prendre de bonnes décisions.

Où Katherine aurait-elle pu trouver des elfes, elle qui n’était revenue à Falathon qu’après Elian ? Pour en posséder, il aurait fallu s’y prendre bien plus tôt. Katherine n’en aurait pas eu les moyens. À son retour, des lunes entières auraient passé avant qu’elle ne monte son réseau. Il n’y aurait alors eu plus aucun elfe à Falathon.

Les Dacil n’avaient pas ce problème. Implantés depuis des siècles, cette famille enlevait des elfes sans difficulté. Après tout, les dissidents ne donnant jamais signe de vie, une disparition était difficile à suivre.

Narhem commença à comprendre. La comtesse Imrane était douée, très douée. Elle mentait remarquablement bien. Elle avait presque réussi à le convaincre.

- Où entreposez-vous vos prisonniers, prêts à être vendus ? interrogea Narhem d’une voix douce et sifflante.

- Allez poser la question à Katherine. Je ne peux que vous dire où est stocké le Sapelli.

Nul doute qu’ils en vendaient réellement, ce commerce permettant de masquer la précieuse cargaison.

Narhem dégaina et trancha net la première phalange du petit doigt de la main gauche de la comtesse. Elle hurla.

- Je vous jure que je ne sais pas. Demandez-le à Katherine !

La comtesse finir par succomber à la torture sans avoir craché le morceau. Elle avait tenu son mensonge jusqu’au bout, faisant douter Narhem. Et si elle disait la vérité ? Et si Katherine vendait réellement des elfes ? Il grogna. Il détestait tellement le mensonge !

Il retourna au manoir du Brueil. Il y retrouva Aymar.

- Où se trouve la duchesse ?

- Son mari est venu la chercher. Il l’a ramenée chez eux, sous la menace et la force, non sans s’être approprié le manoir au passage.

Narhem fronça les sourcils.

- Ils sont mariés. Ce qui est à l’un est à l’autre, expliqua Aymar. Je suis les ordres de la famille Salind. Cela reste très compliqué lorsque les deux ne sont pas du même avis.

- Elle vous a demandé de l’aide et il vous a ordonné de ne pas intervenir, comprit Narhem.

- Il nous a demandé de ne pas intervenir et elle n’a rien demandé. Elle ne voulait pas nous mettre en porte-à-faux. Elle l’a suivi sans sourciller. Elle sait qu’elle n’a pas le choix. Elle vient de commettre un acte d’opposition ouvert. Les Dacil sont les alliés des Salind, depuis des générations. Kurt va lui démonter la tête.

Narhem grimaça.

- Façon de parler, précisa Aymar. Il ne peut pas s’en prendre à elle physiquement. Ce serait politiquement bien trop risqué. C’est la sœur de la reine tout de même, ainsi que la mère de ses enfants. Elle lui a donné un fils et deux filles. C’est largement assez pour mériter du respect.

- Que va-t-il lui faire ?

- L’enfermer, dans la plus haute tour du plus haut donjon, avec interdiction de voir quiconque. Le repas sera transmis par une sourde et muette, via une petite ouverture et son pot de chambre vidé de la même façon. Elle n’aura droit qu’à une petite fenêtre avec pour seule possibilité de liberté le saut dans le vide soixante pas plus bas.

Narhem frissonna.

- Il espère qu’elle se suicidera. Ce serait tout bénef’ pour lui. Il va l’y pousser. Combien de temps tiendra-t-elle enfermée, sans voir ses enfants, mourant d’ennui, loin du monde ? Katherine a vécu en pleine forêt toute son enfance, sans mur, sans porte. Elle peut passer des heures à marcher dehors. Passer la nuit en forêt ne la dérange pas, au contraire.

Narhem sentit une rage monter en lui. Katherine lui avait sauvé la vie. À son tour de lui rendre la pareille… à condition qu’elle ne soit pas une PE, auquel cas elle n’aurait droit à aucune miséricorde.

Il se rendit sur les terres des Salind, loin à l’ouest, à Fabar, demeure de cette famille depuis des décennies. Malgré sa vitesse, il arriva après le duc, preuve qu’il avait changé de montures très souvent et mené une cadence infernale. Les prévisions du soldat s’avérèrent justifiées. Katherine se trouvait effectivement enfermée dans les combles du donjon. Il était trop tard. Narhem allait avoir besoin d’entrer par la grande porte.

Il retrouva sa troupe à l’endroit où il l’avait laissée. Ils furent heureux de le revoir, demandant de ses nouvelles et des explications. Pourquoi avait-il disparu aussi longtemps ? Des lunes qu’ils l’attendaient ! Ils avaient tous eu très peur pour lui.

Il les rassura puis les emmena vers Fabar, où l’intendant fut ravi de leur présence et leur ouvrit volontiers ses portes. Ils jouèrent le soir-même au repas. Narhem put observer le duc Kurt, dégustant tranquillement son dîner tandis que sa femme mourrait à petit feu à plusieurs dizaines de pas du sol.

Narhem profita de sa présence au château. Pendant des jours, il découvrit les lieux, enregistra les allées et venues des gardes, prit note des heures où la servante sourde et muette montait et descendait les marches du donjon. Il fut rassuré de voir le plateau vide. Moins en découvrant que la servante en dégustait en fait une bonne partie.

Narhem restait le plus possible près de Kurt afin de vérifier ses faits et gestes. S’il était de mèche avec les Dacil, il comptait bien le découvrir. Son bureau était trop bien gardé pour être fouillé et il le fermait précautionneusement à clef à chaque fois qu’il en sortait. Les barreaux aux fenêtres prévenaient toute tentative d’intrusion. Narhem dut se résoudre à le suivre.

Rien dans ses gestes ne montra une quelconque activité illicite de commerce. En revanche, qu’il soit opposé au couple royal et tente de les faire disparaître n’était pas à remettre en question. Kurt s’avéra être très mauvais. Narhem n’eut aucune difficulté à contrer ses tentatives. Cela regonfla la confiance en lui du roi d’Eoxit. Quelques réussites politiques faisaient du bien.

Katherine restait enfermée, intouchable, tout en haut de cette tour. Narhem enrageait. Il voulait l’interroger. Il devait savoir. S’était-elle jouée de lui ? La surveillance du duc ne donna rien. Pas un elfe à l’horizon. Narhem tournait en rond. Bientôt, sa troupe allait devoir partir. Aucun musicien ne restait des lunes au même endroit. Ils allaient commencer à attirer l’attention, ce que Narhem ne voulait surtout pas.

Il prit la décision en grognant. Ça allait faire mal ! Il s’avança le moins chargé possible du mur extérieur du donjon. En plein crépuscule et sur ce versant, aucun garde ne pouvait le voir. Pieds et mains nus, seulement vêtus de cuir léger, il entreprit de grimper.

Là-haut, la fenêtre le narguait. Pas de barreaux, évidemment, sinon comment Katherine aurait-elle pu offrir son suicide à son gardien ? Quant à imaginer qu’elle escalade la muraille, c’était tout simplement impossible. Nul ne pouvait…

Narhem tomba et se brisa une cheville, qui se ressouda instantanément. Il enregistra le chemin et l’endroit où il avait échoué avant de recommencer. Impossible cette ascension ? Pour un être humain classique, peut-être, mais lui…

Il chuta de nouveau.

Cette fois, il avait dérapé de beaucoup plus haut. Le choc fut violent. Il s’obligeait à tomber en silence, sans crier, afin de ne pas attirer l’attention et cela lui demanda un effort incommensurable. Sa colonne vertébrale rompue mit un peu plus de temps à retrouver sa forme normale.

Narhem remonta, choisissant avec soin ses prises, déterminant le trajet, apprenant de ses erreurs. Plus que quelques pouces…

L’atterrissage fut brutal.

Narhem perdit connaissance. La lune était bien haute lorsqu’il rouvrit les yeux. Le temps filait. Atteindrait-il le sommet avant le levé du soleil ?

Il se releva, respira profondément puis reprit l’ascension. Il dérapa et se fit quelques frayeurs pour finalement atteindre le rebord de la fenêtre. Ne pas perdre sa concentration. Maintenir l’effort jusqu’au bout. Chuter maintenant serait psychologiquement très ardu. Rester vigilant, resserrer ses prises, choisir judicieusement…

Enfin ! Narhem se tenait sur le rebord de la fenêtre ouverte par ce beau temps chaud. Il pénétra dans la chambre. Un lit recouvert d’une couverture chaude, voilà le seul mobilier de la pièce. Ni malle, ni table, ni chaise, ni tableau, ni bougie. Katherine vivait sans possibilité de se changer, de se laver, de prendre soin d’elle. Le pot de chambre était probablement caché de l’autre côté du lit.

La princesse dormait sur le côté, tournant le dos à la fenêtre et Narhem la prit en pitié. Lui aussi avait connu l’enfermement et il ne souhaitait cela à personne. Il se sentit proche d’elle. Il soupira pour chasser ses sentiments. Elle était peut-être une esclavagiste de la pire espèce. Peut-être méritait-elle sa situation. Il fallait qu’il en ait le cœur net.

Dehors, l’aube naissante jetait ses ombres sur le château. Katherine s’ébroua, se frotta les yeux et s’assit en silence, hagarde. Elle dut se rendre compte du regard qui pesait sur elle car elle se tourna en tremblant vers l’intrus.

- Narhem ? s’exclama-t-elle. Comment êtes-vous entré ?

Elle se tourna, ahurie, vers la porte toujours close. Son visage exprimait trop d’émotions à la fois pour que Narhem puisse en déduire quoi que ce soit. Que Katherine ait peur de lui était logique. À l’époque, il l’avait rouée de coups pour avoir osé lui transpercer le cœur de sa dague de métal noir. Sa terreur ne démontrait pas sa culpabilité, juste sa sagacité.

- Par la fenêtre, annonça-t-il.

Katherine regarda dehors. Elle n’y croyait clairement pas.

- La montée est impossible ! Même le meilleur grimpeur s’y briserait les os.

- Je me suis brisé les os, précisa Narhem. Trois fois.

Katherine frémit. Elle le savait immortel, puisqu’elle l’avait poignardé et avait constaté sa survie, mais cela restait apparemment difficile à intégrer pour elle.

- Tout ça juste pour venir me voir ?

- J’ai retrouvé Imrane, précisa Narhem.

- Je l’ignorais. Kurt m’a enfermée ici et nul ne vient me voir, pas même lui.

- Je sais, précisa Narhem. Je l’ai torturée.

- Vous savez où sont les elfes ? Vous les avez sauvés ? demanda Katherine, les yeux brillants d’espoir.

Si elle mentait, elle le faisait drôlement bien.

- Imrane m’a assuré, jusqu’à en mourir, que c’était toi, la PE.

Katherine blêmit, trembla, puis ricana avant de secouer la tête.

- Bien sûr… Sa famille, son commerce, elle a été jusqu’à mourir pour eux. Elle savait que vous la tueriez de toute façon alors elle a protégé les siens. Je peux lui reconnaître cela : son courage. Je ne sais pas si je serais capable de tenir comme ça face à vous. Je suis épatée. Elle était mon plus féroce adversaire.

Narhem eut l’impression de se revoir face à Elian, heureux qu’elle ne craque pas aisément. Savoir que son opposant était à la hauteur lui avait lui aussi gonflé le cœur. Savoir qu’on échoue face à un minable est déconcertant. Apprendre que nos échecs sont dues à une personne forte et admirable est revigorant.

- Comment puis-je vous convaincre que ce n’est pas moi ? Aucun mot ne pourrait le faire.

Elle haussa les épaules. Elle s’en fichait de mourir. Son mari l’avait déjà condamnée. Qu’un autre l’affuble de la même sentence ne la dérangeait pas spécialement.

- Torturez-moi puisque vous en crevez d’envie. N’ayez pas fait tout ce chemin pour rien, finit-elle en désignant le vide par delà la fenêtre.

- Je ne le souhaite pas, Katherine. Tu m’as sauvé la vie. Tu m’as libéré des Dacil. Je te suis redevable. Je suis juste… perdu.

- Le grand Narhem Ibn Saïd, perdu ? C’est une première.

- Le monde évolue trop vite pour moi, admit Narhem. J’ai l’habitude d’Eoxit, d’être obéi, d’être écouté, qu’on ne me mente pas. Ici, je ne suis rien, ni personne. J’ai beau essayé de suivre, je n’y parviens plus. Trop de mouvements ces derniers temps. Et puis, tes manœuvres ne m’ont pas aidé. Tu as été extrêmement subtile.

- C’est fini, annonça-t-elle. Je vais mourir ici et il y a fort à parier que ma sœur et ma nièce me rejoindront bientôt dans l’au-delà.

- J’ai déjà empêché trois complots contre eux, précisa Narhem.

Katherine le transperça des yeux.

- Je n’ai pas chaumé depuis mon arrivée à Fabar, indiqua-t-il en souriant.

- Merci, dit-elle, mais pourquoi faites-vous cela ?

- Je souhaite monter sur le trône de Falathon. S’il y a complot, il doit venir de moi et de personne d’autre.

Katherine rit en hochant la tête.

- Je comprends. Merci quand même d’avoir sauvé ma famille.

- De rien. Katherine ?

La jeune femme leva les yeux sur lui.

- Es-tu une PE ?

- Non, Narhem.

Il ne lut aucun mensonge, aucune tentative de duperie dans cette réponse, tant dans le ton de la voix que les mouvements du visage ou du corps. Il avait devant lui une personne lasse et fatiguée, révoltée et triste, mais pas une menteuse.

Des jurons résonnèrent dans l’escalier. Quelqu’un venait. Narhem, en un éclair, se plaça derrière la porte. Un cliquetis accompagné de ronchonnements plus tard et elle s’ouvrait à la volée. Kurt fit son entrée. Fou de rage et concentré sur son épouse, il ne se rendit pas compte de l’intrus dans son dos.

- Nous avons retrouvé le corps d’Imrane, siffla-t-il entre ses dents serrées de rage.

Katherine ne broncha pas.

- Des morceaux d’elle étaient éparpillés un peu partout dans l’herbe environnante. On lui a tranché les phalanges, une à une. Elle a eu les yeux crevés. Un bâton lui emplissait le cul et son chemin de vie était parsemé d’orties et de piments.

Katherine esquissa un léger sourire. La torture subie par son adversaire la ravissait. Narhem sourit pleinement en lui lançant un clin d’œil. Elle n’en sourit que davantage.

- Ça te fait sourire, salope ? Tu veux subir la même chose ?

- Tu n’oseras pas. Je suis…

- Une putain qui n’a pas le droit de parler ! hurla Kurt et Katherine baissa les yeux en signe de soumission.

Narhem avait envie de crier. Katherine valait tellement mieux que ce connard prétentieux et incapable. Il aurait dû s’agenouiller devant elle et la vénérer.

- Imrane était mon amie, la personne la plus brillante qu’il m’ait été donné de rencontrer, la plus belle, la plus intelligente, la plus…

Sa voix humide se brisa. Il hoquetait, bafouillait. Ses émotions le submergeaient. Narhem comprit que Kurt aimait la comtesse, d’un amour profond et sincère. L’amoureux comptait bien venger sa belle. Katherine était en très mauvaise posture.

- Imrane a titillé la mauvaise personne, susurra-t-elle. Elle s’est crue à sa hauteur et s’est trompée.

Narhem sourit. Qui était cette petite comtesse présomptueuse pour s’imaginer rivaliser avec le grand Narhem Ibn Saïd ?

- Elle aurait réussi sans ton intervention, répliqua-t-il.

- Je ne vous laisserai pas vendre des elfes, gronda Katherine. Ce sont des êtres intelligents et nos alliés qui plus est !

Kurt allait parler mais Katherine fut plus rapide.

- Sans eux, les elfes noirs et les orcs auraient décimé Falathon ! Sans eux, tu ne serais pas vivant, devant moi, prêt à m’égorger ! Tu leur dois la vie et voilà comment tu les remercies ? Tu n’as pas d’honneur !

- Ceux que je vends ne m’ont pas sauvé, répliqua Kurt. Notre réserve provient des premiers elfes, chassés du nord par les eoxans.

Katherine sourit pleinement.

- Qu’est-ce qui te fait sourire ? gronda Kurt.

- Tu viens d’admettre faire le commerce des elfes.

- Et alors ? Confesser cela à une morte n’est guère problématique, fit-il remarquer en soulevant la dague dans sa main droite.

Katherine sourit encore davantage avant de tourner la tête pour regarder Narhem dans les yeux. Il était fou de rage. Kurt suivit le regard de sa femme et sursauta en découvrant la présence d’un intrus dans la pièce.

- Qui êtes-vous ? s’écria Kurt abasourdi.

- C’est celui qui a éparpillé Imrane sur le sol, indiqua Katherine. Laisse-moi te présenter Narhem Ibn Saïd, roi d’Eoxit et des elfes noirs.

Kurt blêmit et se recula, sa dague tenue tremblante devant lui. Narhem s’avança mais Katherine s’interposa, lui posant doucement une main à plat sur la poitrine.

- Non, souffla-t-elle. S’il meurt dans cette pièce, je serai accusée et je perdrai tout. Sa mort doit passer pour un accident.

Narhem se tourna vers elle. Il voulait le massacrer, morceau par morceau, saleté d’esclavagiste.

- Accident ? répéta Narhem. Cela veut dire que je ne peux pas le torturer ? Comment trouver les elfes et les sauver ?

- Il nous reste Juden et qui sait, peut-être que Farid ou Anaïs, le frère et la sœur de Kurt sont dans la confidence, eux aussi.

- Non, ils ne savent rien ! s’exclama Kurt. Je suis l’aîné. Je gérais cette affaire. Mieux valait qu’il y ait peu de gens dans le secret afin d’éviter les fuites.

- Si tu nous dis où sont retenus les elfes, nous n’aurons pas besoin d’aller les voir pour vérifier, menaça Narhem.

En réponse, Kurt frissonna, baissa les yeux et entra dans un silence mutique.

- Il ne dira rien. Sa disparition ne passera plus longtemps inaperçue, indiqua Katherine.

Narhem hocha la tête, s’avança vers Kurt, se prit sa dague en plein cœur, ne sourcilla pas puis lui brisa la nuque. En silence, il porta le corps du duc dehors, ferma la porte à clef derrière lui puis amena le cadavre en bas des marches du premier étage. Celles-ci menaient aux remparts sud.

Il jeta le corps en contrebas. Était-il possible qu’empli de rage et de colère, il ait raté une marche pour se retrouver explosé plusieurs dizaines de pas plus bas ? Oui, le scénario était plausible. De toute façon, nul ne pourrait prétendre que Katherine, enfermée dans la chambre une centaine de marches plus haut, était responsable.

Narhem sauta de l’autre côté des murailles, se brisant de nombreux os. Lorsqu’il retrouva sa troupe une fois guéri, le château était en ébullition. Le corps démembré du duc avait été retrouvé. L’intendant était en route vers la chambre de la duchesse afin qu’elle prenne en charge les affaires du domaine. Narhem sourit. Aucune rumeur ne l’accusait. Tous parlaient d’un homme enragé ayant malencontreusement glissé.

Katherine prit les rênes. La troupe était censée partir. Narhem aida ses hommes à remballer le matériel, remplir les roulottes. Son ventre se serrait. Sa gorge était sèche. Il comprit qu’il ne voulait pas s’en aller. Il voulait aider Katherine à trouver les elfes. Il désirait lui parler, passer du temps près d’elle. Lorsque la troupe fut prête, il désigna son successeur et la laissa s’en aller après des adieux mouillés.

Narhem observa le château. Accepterait-elle sa présence près d’elle ? Après tout, ce n’était pas parce qu’elle l’avait sauvé qu’elle souhaitait qu’il la colle ! Il se rendit vers la partie privée du château, naturellement protégée par des gardes qui lui interdirent le passage.

- Dites à Katherine que je souhaite lui parler.

- Qui devons-nous annoncer ? interrogea poliment le garde.

Narhem ne comptait pas donner son vrai nom à ce simple soldat. Katherine reconnaîtrait l’un de ses pseudonymes mais il ne voulait pas non plus en donner un qui pourrait être répété à de mauvaises personnes. Il réfléchissait encore lorsqu’un jeune homme en passant lança au garde :

- Laisse-le entrer ! Maman a dit qu’il pouvait.

Narhem regarda l’enfant en souriant. Voilà que le fils de Katherine lui ouvrait la porte. Il sourit. Elle acceptait sa présence. Il entra sous le regard neutre des gardes. Après tout, logique que l’entourage de la duchesse change maintenant qu’elle était libérée de toutes ses chaînes.

Il retrouva Katherine dans un jardin, en pleine discussion avec un homme richement vêtu. En s’approchant, il reconnut un comte du duché de Fabar. Narhem se plaça à droite de Katherine, en silence. Il écouta la conversation sans intervenir. Elle portait sur diverses mesures : les routes, la mise en place de patrouilles sur la frontière nord, l’augmentation des impôts sur la province nord, la validation de la guilde des bûcherons en échange d’une régularisation de la coupe du Sapelli.

- Le Sapelli ? répéta le comte. Pourquoi pensez-vous qu’il est trop coupé ?

- Je le sais, c’est tout, indiqua Katherine. Le commerce illicite par delà les montagnes doit cesser.

- Par delà les montagnes ? répéta le comte en s’étranglant à moitié. Vers les royaumes maudits vous voulez dire ? Qui oserait…

- Un laisser passer permettrait… commença Narhem mais Katherine le coupa.

- Le commerce avec les royaumes maudits est interdit par le couple royal. Je ne compte pas m’opposer à cette règle. Je vais tenter de faire changer d’avis Ses Majestés, les convaincre d’ouvrir le dialogue avec les terres du nord. En attendant, ces échanges monétaires illégaux n’auront plus lieu.

Narhem hocha la tête en silence. Il vit en Katherine une femme forte, charismatique et droite. Elle le surprenait positivement. Son poulain avait tout compris et appliquait à merveille ses enseignements.

- Le duc… commença le comte, peu certain de ne pas insulter son interlocutrice en finissant sa phrase accusatrice.

- Avec l’aide des Dacil, précisa Katherine. Juden est malheureusement introuvable. Il a fui, le lâche… Impossible de mettre la main dessus.

- Je peux me charger des recherches, annonça Narhem. Où a-t-il été vu pour la dernière fois ?

- Rejoignez Aymar au manoir du Brueil. Il vous fournira les informations dont il dispose et mes hommes suivront votre commandement.

Narhem sourit. Katherine lui offrait de la main d’œuvre de qualité. La mission n’en serait que plus facile. Il hocha la tête et s’éloigna.

- Comment suis-je censée vous appeler en public ? demanda-t-elle alors qu’il s’éloignait.

Narhem se tourna à moitié et lança :

- Hastur, lui lança-t-il avant de s’éloigner définitivement.

Il allait devoir faire vite. La piste disparaîtrait rapidement.

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blairelle
Posté le 10/09/2023
Je suis d'accord avec Narhem : ça va très vite, toutes ces années résumées en quelques chapitres.
Je pense que Narhem va épouser Katherine, intriguer pour que ce soit Katherine sur le trône et pas Althaïs (une histoire de jumelles échangées ?), devenir roi de Falathon, essayer de franchir les Terres Noires pour attaquer les elfes noirs, mais se faire choper par Bintou et compagnie et ne pas pouvoir mener à terme son macabre projet. Est-ce qu'il va mourir ou plutôt devenir un bon roi pour Falathon ? Je dois avouer que je préfère la deuxième option.
Nathalie
Posté le 10/09/2023
La suite dira si tes suppositions sont bonnes ou pas. Narhem ne peut-il pas d'abord être un bon roi pour Falathon puis mourir ? Les deux sont-ils vraiment incompatibles ? Narhem va-t-il réussir à monter sur le trône de Falathon (d'ailleurs, bravo ! Tous les noms sont corrects dans ton message. Tu t'améliores !) ? Si oui, comment ? La suite au prochain épisode !

Bonne lecture !
blairelle
Posté le 10/09/2023
En tout cas, il est plus probable qu'il devienne un bon roi puis meure, que l'inverse (mourir puis devenir un bon roi). Quoi que...
blairelle
Posté le 24/10/2023
« Il connaissait bien sûr le parcours de la princesse royale, s’en étant informé lors de ses écoutes à Falathon. » etc => Je pense que ce serait bien de le mettre un peu plus tôt, quand Narhem erre encore dans Falathon. D'avoir quelques rumeurs du style "le comte de machin a été nommé marquis, un complot a été déjoué contre le couple royal, les récoltes de blé s'améliorent, tiens Katherine s'est mariée, sympa d'avoir de ses nouvelles, et sinon le trafic d'opium dans les bars de la capitale »

Par contre les retrouvailles avec Katherine, la tentative de la libérer, le « je me suis cassé les os trois fois » c'est sympa (cébolamour)
Nathalie
Posté le 24/10/2023
Salut blairelle

Je me mets ça en note : rajouter des phrases concernant Katherine au milieu d’autres informations sans importance. Merci !

Quand Narhem veut quelque chose, il n’hésite pas à persévérer quitte à s’y casser les dents (ou autre chose). On ne peut lui reprocher cela, c’est certain !
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