Clave mit un moment à remarquer que l’arrosoir en bois qu’elle utilisait pour arroser les fleurs de la cour du château était vide. La jeune fille était totalement perdue dans ses pensées, comme si son esprit était parti virevolter dans le ciel gris d’automne.
Depuis qu’elle avait vaincu Arthur, elle n’avait eu aucun moment de repos. Griselda lui avait confié des tas et des tas de papiers, principalement des documents et des lettres à propos des problèmes avec les pays voisins. Certes, l’ambassadrice l’avait aidée, mais Clave n’y comprenait honnêtement pas grand-chose. De plus, la tante de Noah avait tenu à ce que le couronnement se fasse le plus vite possible. Elle craignait les représailles des Silverwood, mais Noah avait affirmé que sans Arthur, qui était maintenant en prison jusqu’à nouvel ordre, ils n’étaient rien de plus qu’un poulet sans tête, courant partout, mais sans but et pour un moment très court.
Clave jeta un coup d'œil aux fleurs pâles devant elle, puis se décida à rentrer au chaud, un petit vent frais commençant à souffler. Quand elle pénétra dans le grand salon du premier étage, Noah était là, lisant un livre, les jambes croisées, assis dans une pose que Clave trouva très classe. Elle eut un sourire, puis se glissa discrètement derrière lui pour tenter de le surprendre, mais il lança :
– Je t’ai vue, princesse.
Puis il se retourna et lui déposa un léger baiser sur la joue.
– Oh, c’est pas drôle ! Tu aurais pu au moins faire semblant !
– La prochaine fois peut-être.
Clave contourna le canapé et se laissa lourdement tomber dessus, poussant un long soupir de fatigue.
– Ce n'est pas de tout repos de gérer les affaires du pays… Je me demande comment Griselda peut faire ça et aimer le faire.
– Elle, c’est un autre niveau.
– Elle est née pour vivre dans les papiers, on dirait. Pas moi. Heureusement qu’elle est là pour m’aider.
Noah posa sa tête sur l’épaule de Clave. La jeune fille avait remarqué qu’il semblait las depuis quelque temps. Sans doute à cause d’Arthur, mais la blonde n’osait pas lui poser la question. Elle ferma simplement les yeux, mais pas pour longtemps. Corentin toqua à la porte du salon, puis entra, et aussitôt, Noah se redressa et croisa les bras, une expression agacée sur le visage. Lui et le métamorphe ne s’entendaient toujours pas.
– J’ai une mauvaise nouvelle… Enfin, c’est relatif, mais je… Bon, si quand même… C’est assez grave.
Il soupira. Il hésitait, ce qui n’était pas courant chez lui.
– Comment le dire ?...
Clave se leva et s’approcha de lui.
– Je t’écoute, Corentin, dit-elle, inquiète.
– Arthur est… Mort.
Noah se retourna et se leva brutalement du canapé.
– Pardon ? s’écria-t-il.
– Il s'est suicidé…, souffla Corentin, paraissant avoir peur que le télépathe s’en prenne à lui. Dans sa cellule. Béa vient de me l’apprendre… Je… Je suis navré.
Noah, toute son énergie retombée, s’assit lourdement sur le canapé, qui protesta en grinçant. Le jeune homme n’avait aucune expression. Il ne savait sans doute pas comment réagir. Clave se mordit la lèvre. Elle non plus ne savait pas quoi faire, quoi dire. Devait-elle le laisser seul ?
Quand elle se tourna vers Corentin pour le remercier, il avait déjà quitté la pièce.
– Noah, je…
– Je sais. Tu es désolée. Mais tu n’as pas à l’être. Je ne sais même pas s’il mérite que je le pleure. Je n’en sais rien, et j’en ai vraiment pas envie.
Clave s’assit doucement à côté de lui.
– Qu’est-ce que tu veux faire ?
– Je ne… Je ne sais pas… Je crois que j’ai besoin de temps pour comprendre ce que je ressens.
– Je suis là si tu as besoin de moi, murmura la jeune fille. Mais je peux aussi partir, si tu veux.
– Non, c’est bon… Je préfère que tu restes.
La blonde sourit, puis se blottit contre son petit ami et le serra dans ses bras. Ils restèrent ainsi pendant plusieurs minutes, et même plus, dans un silence réconfortant. Ce ne fut que lorsque la nuit tomba qu’ils quittèrent la pièce, main dans la main.
Oui, c'est en effet un grand chose, mais Clave est là pour le soutenir.