Chapitre 5

Mais, Claire n'est pas disponible. Elle ne peut pas le dire à Stéphanie. Elle lui doit bien ça. Elle a une dette envers elle. Donc, oui, elle promet à Stéphanie qu'elle ira chercher sa petite sœur à la gare de Gap vers vingt heures.

Stéphanie a fui sa famille. Il n'y a pas d'autres mots. Elle est partie loin. Avec pertes et fracas. Quand sa mère l'a appelée pour lui dire qu'elle se séparait de son père, et qu'elle souhaitait dépayser un peu Marie-Amélie pour ne pas la traumatiser, et surtout parce que c'est clairement une alliée de son mari, Stéphanie ne s'est pas sentie bien. La voix de sa mère ne provoquait qu'aversion en elle. Elle en aurait vomi. Plus calme, mais pas moins en colère, et avec les mêmes intonations qu'il y a dix ans, qui l'avaient pousser à fuir. Et, cette image de son père, cet écœurement dans ses yeux fixant le sol de la chambre rose. Et Henri, l'ami bienveillant de la famille, qui l'avait, quelques jours plus tard prise à part, pour lui expliquer la vie. Elle était mortifiée. Elle avait fui. Elle n'y avait plus jamais pensé. Mais, tout rejaillit d'un seul trait. Et, ce jour-là, elle voulait à nouveau fuir. Elle aurait dit oui à tout pour abréger la conversation. Elle a accepté d'accueillir jusqu'à la fin de l'été sa petite sœur.

Dommage collatéral. Elle avait également coupé les ponts avec sa cadette. Celle-ci, à sa connaissance, ne tentant pas de reprendre contact. Okay, je l'accueille, allez, adios !

Ses parents, ces petits bourgeois, prétendument de gauche, qui votaient Jospin. Ils n'avaient pas accepté qu'elle soit amoureuse de la mauvaise personne. Elle n'avait pas l'intention de rentrer dans la police, de militer à l'UMP ou de se faire baptiser. Elle était amoureuse. C'est tout. Mais, ce fut un scandale.

Stéphanie, c'était la sportive. Elle adorait courir, elle ne se déplaçait qu'en vélo, puis en skate-board, ensuite, elle avait refusée qu'on lui offre un scooter. Elle allait voir les matches de basket le dimanche après-midi. Elle était jolie et fine, elle avait un beau corps, bien proportionné de jeune femme, mais elle préférait se glisser dans des survêtements ou des pantalons et des gilets à capuche trop larges. Stéphanie, c'était aussi l'artiste. Elle s'est réfugiée dans sa chambre longtemps, à jouer ses arpèges sur son petit clavier électronique sur lequel elle branchait un casque afin de ne pas gêner sa famille. Elle lisait jusqu'à overdose des mangas, dont elle reproduisait à main levée les personnages sur de lourds carnets de croquis, et qu'elle mettait en scène dans des histoires de son cru. Ses doigts étaient noirs à cause des feutres. Stéphanie était sensible. Et amoureuse. Mais, elle n'était pas dans le moule.

Elle s'était débrouillée. Elle en était arrivée là seulement grâce à elle-même. Sa sœur pourra voir à quel point elle est accomplie, malgré tout, et le relater aux parents.

Mais, Claire n'est pas disponible. Elle ne peut pas le dire à Stéphanie. Elle lui doit bien ça. Elle a une dette envers elle.

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