Chapitre 6

Claire se souvient comment Stéphanie l'a sortie d'un mauvais pas. Et elle se revoit lui dire qu'elle lui devait une fière chandelle. Elle se souvient lui avoir répété souvent, je te revaudrai ça, quelque soit le moment, je n'oublierai pas, je te rendrai service, quitte à laisser en plan tout ce que je suis en train de faire. Sauf que Stéphanie ne se rappelle pas que ce lundi, elle sera partie loin, loin, loin.

Claire travaille trop. Elle ne prend pas de vacances. Elle ne décroche pas. Elle ne sait pas s'arrêter. Et, son mari est pareil. Ce sont des forcenés. Des bourreaux de travail. Ils sont à fond. Elle est très amoureuse de son mari, vous savez. Elle en est persuadée. Mais, Olivier, lui, voudrait le samedi soir, de temps en temps, faire l'amour. Pas tous les samedis. Il voudrait la voir dans de la dentelle, caresser son corps, l'embrasser. Ils ne le font pas. Et, puis, ils ont trente ans. Il évoque parfois l'idée d'un bébé qui pourrait être bienvenu. Alors, elle le regarde et un feint un fou rire. Il s'éloigne. Elle pense qu'il s'éloigne.

Pourtant, cette année, et justement, à partir de lundi, il a organisé un séjour. Même pas une semaine. Six jours pour être exact. Mais, ils vont partir. Ils vont se retrouver loin de chez eux, pour la première fois (ils ne sont même pas partis en voyage de noces). Depuis, longtemps, elle a indiqué à ses patients durant ces dates-là son cabinet serait fermé. Elle a un peu hésité. On peut avoir besoin d'elle. Mais, elle ne veut pas qu'il s'éloigne plus. C'est le moment ou jamais. C'est évident. Une semaine, loin. Un hôtel luxueux, avec du personnel serviable, un jacuzzi, des promesses gastronomiques, de la randonnée dans une nature immaculée. Honnêtement, elle a cédé. Elle s'est acheté deux ensembles sexy et a demandé au Docteur Myriam Passam, sa gynéco, de lui retirer son stérilet. De lui prescrire une pilule ; et peut-être qu'elle ne la prendra pas cette pilule.

Elle ne devrait pas avoir de stérilet, ce n'est pas préconisé, mais elle l'avait obtenu, arguant qu'elle était une femme active, libre et débordée, et Myriam était une amie d'enfance, donc elle avait cédé.

Il faut qu'elle trouve une solution. Certes, sans Stéphanie, aujourd'hui, elle ne pourrait envisager ces vacances avec Olivier, ce moment de lâcher-prise avec Olivier, un enfant avec Olivier, mais, elle n'allait pas sacrifier cela non plus. Une solution acceptable par toutes les parties, forcément à posteriori, mais acceptable devait être trouvée.

Claire va appeler des gens de confiance. Mais comment faire ?

Claire a conçu un tableau sous les yeux, multi-critères, C'est un travail d'équilibriste. Il faut qu'ils puissent accueillir une jeune inconnue, certes, tout le monde connaît Stéphanie, mais bon. Il faut qu'ils ne soient pas partis de chez eux ; les gens sont pénibles à prendre tous leurs vacances en même temps, en août, non ? Enfin, Il faut que cela ne remonte pas aux oreilles de Stéphanie prématurément, donc, il ne faut pas quelqu'un de trop proche. Il faut tout de même que Stéphanie puisse accepter que c'eut été une bonne alternative. Claire en connaît des Roméo de pacotille, qui se rendrait accessible à une jeune étrangère, malgré la promiscuité de leur logement l'inconfort du canapé-lit. Elle a classé les noms de son répertoire téléphonique sur des cercles concentriques, les personnes s'éloignant du centre au fur et à mesure que la pertinence d'un tel choix s'amenuise.

Quatorze refus, pas possible, pas disponible, pas compris. Qui est la quinzième personne ?

Joseph.

Quinzième ? Si haut ?

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