Chapitre 5

 

Au fil du temps, la base s’agrandit. L’arbre fut rejoint par d’autres, entourés d’un tapis d’herbe et de fleurs et d’un jardin. De petites maisons individuelles avaient poussé tout autour et ils avaient tous plus de confort qu’ils n’en avaient jamais espéré. Jusqu’au jour où les alarmes du Bifrost les réveillèrent.

 

— Mon radar signale une météorite qui vient droit sur nous, prévint Mia.

— Je suis là, assura Sharon en se précipitant près d’elle. Dès qu’elle approche, je la fais descendre tout doucement.

 

Tout le monde s’était réuni autour de Mia et attendait un verdict. Cela faisait longtemps que rien n’était arrivé et c’était étrange, ce réveil inquiétant.

 

— Mes amis, annonça Nathan en se penchant sur son écran, on a un gros souci.

— Ouais, souffla Mia. C’est pas une putain de météorite. C’est une capsule qui est en train de ralentir et qui va amarsir tout près, consciemment.

— C’est Gérald, murmura Sixtine d’une voix blanche.

 

Et tous hochèrent la tête. C’était Gérald, ils en étaient tous absolument convaincus.

 

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Cassidie inquiète. Il ne va quand même pas nous ramener de force sur Terre, il ne peut pas, si ?

— Il le peut grâce à nous, répondit Mia. Le vaisseau possède tout ce qu’il faut pour rentrer. Et il n’a pas besoin de nous obliger à le piloter, nous devrons le faire pour ne pas mourir.

 

Nouveau silence gênant.

 

— On doit partir, soupira Tristan. Il faut qu’on aille plus loin.

— S’il nous a retrouvés jusque là, il nous retrouvera partout, gémit Sirius.

— On va se barrer dans l’espace ? demanda Mia d’une voix un peu trop aiguë. On peut dériver à l’infini, aucune technologie humaine ne nous rattrapera.

— J’aimais l’idée de pouvoir fouler un sol, mais si c’est notre seule option, on se casse, affirma Nathan.

— Je propose qu’on rassemble nos matières premières et que nous attendions la toute dernière limite pour partir, annonça Tristan. Si ce qui sort de ce truc est dangereux pour nous, alors nous décollons.

 

Tous approuvèrent, aussi assistèrent-ils à l’arrivée de l’intrus avec angoisse. Ami ou ennemi, Sharon aida l’atterrissage. Et au loin, tous observèrent la porte de la capsule qui s’ouvrait lentement. Un homme en armure noire apparut. Son visage était dissimulé par un masque à oxygène, mais ils voyaient ses cheveux gris éparpillés sur ses épaules, son corps étrangement stable malgré l’apesanteur, sa démarche toujours trop tranquille, les couteaux dans chaque repli de sa veste.

 

— Gérald ! cria Mia. On s’arrache ! 

 

Le décollage ne prit que quelques secondes, bien trop rapide pour que Gérald ne puisse les atteindre et déjà ils erraient dans le vide intersidéral. Mais cette fois, l’heure n’était plus à la fête. Il était à la déprime. Ils regardaient les profondeurs de l’espace et les étoiles d’un air blasé. Personne ne quitta son siège. Ils avaient eu une superbe base, la promesse d’un avenir pas forcément évident, avec beaucoup de contraintes, mais beau et heureux. Tout venait d’être réduit à néant.

 

— Je commence même à me demander si on ne ferait pas mieux de rentrer, murmura Tristan dans le silence. Si où qu’on aille on peut être atteint, autant abandonner.

— Non, gémit Sharon, ne dis pas ça. Tu ne peux pas baisser les bras maintenant.

— On a renoncé à tellement de choses pour avoir la paix, approuva Sixtine. Impossible de ne pas penser qu’on a fait tout ça pour rien.

— On en l’a pas fait pour rien, contra Sirius. C’était pire sur Terre. C’était de la traque institutionnalisée. On ne peut pas retourner là-bas de toute façon !

 

Le ton montait et Cassidie se sentait redevenir une petite fille effrayée. Elle cria quand elle entendit la radio crachoter.

 

— Quelqu’un essaie d’établir un contact, annonça Nathan.

— Réponds, souffla Tristan.

 

La gorge nouée, tous attendirent, puis Tristan prit la parole.

 

— Je suis le commandant du Bifrost. J’écoute.

 

Après un long silence, une voix grave et rauque résonna dans les haut-parleurs.

 

— Je…

 

Les mots suivants ne leur parvinrent pas, hachés, douloureux.

 

— Il manque d’air, murmura Sixtine.

 

Cassidie se mit à trembler.

 

— Laissez-moi… rester avec vous, souffla la voix rauque. Je… suis des vôtres. Laissez-moi… échapper à la Terre.

 

Mia se précipita vers le Micro.

 

— La serre ! cria-t-elle. C’est une bulle d’oxygène encore viable. Entre dans la serre et ferme tout à double tour.

 

Tout le monde la regardait.

 

— Bah quoi… je suis pas un assassin. Si je peux sauver la vie de quelqu’un, je le fais, même de Gérald.

— Est-ce que c’est un piège ? demanda Tristan qui avait l’air complètement sonné.

— Demi-tour, murmura Sirius. Je crois qu’il faut aller le chercher.

— Vous êtes sérieux ? s’inquiéta Nathan. S’il crève, on est libres.

— Mais s’il dit vrai ? insista Sharon.

 

Nathan consulta Tristan du regard, mais l’adolescent en faisait autant avec lui et avec tous les autres membres de l’équipe, perdu.

 

— Eh ! Tu m’entends ? cria-t-il dans son micro.

 

Et comme il ne répondait pas, tous pensèrent au pire.

 

— Demi-tour ! hurla Sixtine hystérique. On y retourne ! 

— Demi-tour, approuva Mia avec angoisse.

 

Tous étaient d’accord.

 

— On va faire une longue boucle, décida Nathan. Sans perdre de vitesse.

 

Tous assistèrent à la manœuvre, écoutant les ordres qu’il donnait à Tristan ou Sharon, puis au bout d’un moment, ils firent face à Mars. Ils entamèrent la descente au même endroit que la dernière fois et se posèrent en douceur.

 

— Là ! cria Cassidie. Il est là ! dit-elle en montrant le jardin.

 

Gérald était sous la serre, assis au pied du pommier. Il avait retiré le haut de son armure et son masque à gaz. Tous quittèrent leur siège pour regarder l’homme qui les terrifiait tant et il leva ses yeux vitreux vers eux. L’oxygène de la serre lui suffisait à peine, alors Mia et Sirius reconnectèrent le Bifrost à leur petite ville et Sirius se dépêcha de partager leur air. Prudents, tous ensemble, ils entrèrent dans le verger et entourèrent Gérald qui se redressa en prenant de grandes inspirations. Tout son corps, désormais torse nu, était marqué de cicatrices anciennes et profondes. Il faisait penser à un vieux guerrier qui avait multiplié les champs de bataille.

 

— Tu as dit que tu étais venu en paix, demanda Tristan d’une voix dure.

— Je suis venu en paix, dit-il d’un ton monocorde et encore un peu haché. En montant dans cette fusée, j’ai réussi à m’affranchir des signaux de l’équipement qu’on m’a installé.

 

Il montra son collier électronique que l’armure ne cachait plus et d’autres détails sous sa peau, des implants.

 

— Je suis hors de portée. Je voudrait leur échapper aussi.

 

Mia n’hésita pas et récupéra ses outils.

 

— Je vais t’enlever ça. Si tu veux.

— Je veux bien, dit-il d’un air fatigué.

 

Ses amis n’osaient pas bouger et tous restèrent silencieux tout le temps de l’opération.

 

— Tu as dit que tu étais des nôtres, reprit Tristan quand ce fut terminé

— Je suis le plus vieux d’entre vous, répondit Gérald en massant son cou où la peau était pâle et meurtrie. Moi aussi je suis un gamin des rues qui s’est réveillé un jour avec un don incroyable.

— Prouve-le, fit Nathan agressif.

— Ça, je l’ai fait pendant des années, dit-il avec un faible sourire.

 

Il les regarda un à un.

 

— J’ai la capacité d’un traqueur. Je peux trouver absolument tout ce que je cherche.

— Oh bon sang, murmura Sirius.

— Mmh… fit-il. Je veux la paix. Je veux vivre loin d’eux, reprit Gérald. C’est tout ce que je souhaite. Et je n’ai… que vous.

— Comment tu t’appelles, en vrai ? interrogea Cassidie en faisant un pas vers lui.

— Je n’ai jamais eu de nom.

— Tu veux bien qu’on t’appelle Gérald ? demanda-t-elle en lui tendant sa main.

 

Elle avait peur de lui, elle était terrifiée, mais voir cet homme devant elle, cet homme blessé, ça lui faisait quelque chose. Et au fond d’elle, elle se disait qu’elle avait toujours été la petite dernière, celle que les autres protègent, et qu’aujourd’hui, c’était lui le petit dernier, et qu’elle était de ceux qui protègent. Alors elle prit sa main dans la sienne.

 

— Je veux bien m’appeler Gérald, répondit-il surpris.

— Maintenant, tout ira bien, Gérald, lui dit-elle avec douceur. C’est fini, tout ira bien.

— Je l’espère, dit-il avec une étrange émotion au fond des yeux.

 

Tous regardaient Cassidie comme s’il lui était poussé des antennes.

 

— On fait quoi ? murmura Sixtine.

— On a un nouveau membre dans l’équipe, décida Tristan.

— Si c’est un nouveau membre, on a un nouveau pouvoir, réfléchit Mia. Et son nouveau pouvoir c’est d’avoir la possibilité de trouver tout ce qu’il veut, non ? Eh Gérald !

 

Il retourna son attention vers elle.

 

— Tu saurais nous dénicher une planète habitable, une avec de l’oxygène et de l’eau fraiche, avec de la gravité et des matières premières à foison, un truc où on pourrait vraiment se détendre et loin de la Terre ?

— J’ai dit que je pouvais absolument tout trouver, approuva-t-il.

— OK, souffla Tristan fébrile. Sirius, il va falloir que tu construises un nouveau siège dans le Bifrost. Cassie, on laisse tes plantes où on les emmène ?

— On les laisse, c’est un souvenir de nous, décida-t-elle. J’en ferai pousser d’autres.

— Gérald, continua-t-il. Tu as une idée du temps que va nous prendre le voyage ?

— Un bout de temps, dit-il. Ce sera loin, très loin.

— Mes amis, profitez bien d’avoir une planète sous les pieds, nous partons. Et cette fois, pour de bon. Et plus rien ni personne ne nous en empêchera.

 

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Raza
Posté le 01/09/2024
Ahhh ouf! La fin heureuse. C'est une très belle idée le traqueur qui trouve l'exo planète. Le récit complet vit à 100 à l'heure, et donne une impression de rêve éveillé. Merci pour le partage, et pour cette belle Hapoy End, où TOUS les enfants s'en sortent! <3
Solamades
Posté le 03/09/2024
Je suis vraiment contente que ça t’aie plu. J’ai l’impression qu’on vit dans une époque où les happy end aussi complets sont assez mal vus… mais tant pis. J’aime l’amour, la camaraderie, les fins heureuse… et c’est justement pour ça que j’écris.
Bonne continuation ! <3
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