Chapitre 5 - Amour

Esteban n'était plus un enfant. Il avait bien grandi. Ses pouvoirs s'étaient considérablement développés, offrant au dieu maléfique davantage de possibilités de tuer, de faire souffrir ou de détruire les mondes visités. Le jeune homme avait fini par accepter sa condition de prisonnier. Après tout, quand il était relâché, il avait tout ce qu'il voulait.

Pourtant, une profonde tristesse ne le quittait jamais. Il ne dormait plus depuis longtemps et ses derniers endormissements lui avaient apporté d'horribles cauchemars. Il passait tout son temps éveillé et il s'ennuyait. La solitude lui pesait énormément. Chaque créature qu'il croisait dans les mondes réels devait mourir ou se prosterner. Il était impuissant face au mal. Pire, il se sentait responsable de ce mal.

Lorsque ce nouveau monde se présenta devant lui, Esteban eut un choc.

Ils sont humains !

- Ça t'étonne ? répondit le dieu.

Nous sommes pas sur mon monde. Vous pouvez pas m'y emmener. Vous avez pas assez de partisans là-bas. C'est pas mon monde mais il y a des êtres humains ! Y ressemblent en tous points aux terriens !

- Et alors ? Il y en a beaucoup d'autres, fit remarquer le dieu.

Comment est-ce possible ? La probabilité pour qu'une forme de vie intelligente existe sur d'autres mondes est déjà infime. En avoir visité autant a changé ma vision de l'univers. Mais là ! Non, c'est hallucinant !

- Probabilité ? répéta le dieu. Il n'y a aucun hasard là-dedans.

Que voulez-vous dire ?

- Ce sont les dieux qui créent les mondes et les façonnent à leur idée.

Vous vous moquez d’moi ! Et la théorie d’l'évolution ? Darwin, tout ça ?

Le dieu rit.

- Naturellement que la théorie de l'évolution est vraie. Les dieux créent des mondes, y apportent un chouia de vie et regardent ce qui se passe. Cependant, nous avons avant tout besoin d'êtres intelligents car ceux-ci sont les seuls à pouvoir nous vénérer. Sans cela, nous n'aurions aucun pouvoir. Alors, de temps en temps, nous provoquons le destin en créant une mutation génétique – oh, infime ! – mais suffisante.

Je croyais que quand vous aviez pas de partisans sur un monde, vous aviez aucun pouvoir dessus.

- Notre pouvoir est très faible, en effet, trop faible pour être significatif. Créer une simple mutation est impossible pour l'un de nous. En revanche, si nous nous allions, si nous fusionnons nos pouvoirs pour qu'ils ne forment qu'un, alors l'énergie est suffisante.

Les monothéistes ont pas totalement tort, en ce cas, d’croire qu'un dieu unique a créé le monde.

- Disons que c'est une façon de voir les choses, oui.

J'ai l'impression qu’vous avez beaucoup de partisans sur ce monde. Je sens le pouvoir gronder. Que venez-vous faire ici ?

- Ce monde est en train de m'échapper. Le pouvoir que tu ressens n'est rien en comparaison de ce que j'avais il y a quelques siècles. Ici, mon culte ressemble davantage à une secte qu'à une religion mais peu m'importe. Qu'ils prient en ma direction est ma seule volonté.

Vous comptez détruire, torturer et tuer ? Ça risque pas de redorer le blason de cette secte…

- Pas besoin que je fasse quoi que ce soit. Le simple fait d'être là suffira à redonner la foi aux croyants.

Y-z-ont besoin de voir pour croire ? J'appelle pas ça la foi.

- Certains n'en ont pas besoin, d'autres si. Plus j'ai d'adeptes, mieux c'est. Je ne juge personne.

Esteban préféra ne pas argumenter. Le dieu se présenta devant une immense bâtisse. Un enfant d'une dizaine d'années en pagne noir vint se présenter.

- Mène-moi au grand maître, je te prie, dit Mebaadia.

- Qui dois-je annoncer ? interrogea l'enfant.

- Namirha.

Le garçon se figea quelques secondes. Il ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche avant de hocher la tête et d'entrer en faisant signe à son visiteur de le suivre. Ils croisèrent beaucoup de monde dans les couloirs. Les sourires étaient nombreux, les discussions également. La vie semblait agréable en ce lieu.

Pourtant, l'environnement n'était guère accueillant de prime abord. En effet, les murs en pierre blanche étaient travaillés à intervalles réguliers, dévoilant des scènes de torture, de mort et de destruction. Parfois, des créatures sombres se tapissaient dans une colonne ou sur un chambranle de porte. Elles donnaient l'impression d'observer le mal et de s'en satisfaire.

L'enfant avançait en trottinant. Il sautillait nerveusement, peu certain de l'attitude à adopter. Lorsqu'ils arrivèrent devant une grande porte en chêne, l'enfant hésita à frapper à la porte. Devait-il frapper, entrer et laisser celui qui disait être son dieu attendre ? Devait-il frapper, entrer et proposer au dieu d'entrer, au risque de déranger le grand maître pour une mauvaise blague ? Le pauvre enfant était au bord de la crise de nerf et le dieu ne l'aida en rien, se contentant d'observer en silence.

Esteban en profita pour observer le décor. Cette porte était sublime ! De délicates sculptures l'ornaient, l'entourant. En bas, des personnages brûlaient. La fumée montait pour se transformer en êtres sombres. En haut, des poignards tombés du ciel arrachaient le cœur de femmes et d'enfants. Leur sang dégoulinait jusqu'aux formes sombres, au milieu.

- Philip ? dit un homme adulte qui arriva par un couloir adjacent. Un problème ?

L'enfant dansait d'un pied sur l'autre. Il répondit mais nul ne comprit un traître mot.

- Articule ! s'exclama l'homme adulte, visiblement ennuyé.

L'enfant ne parvenant visiblement pas à se calmer, l'homme décida de se tourner vers l'inconnu.

- Cette résidence est privée. Les journalistes n'y sont pas les bienvenus.

- Je ne suis pas journaliste, répondit Mebaadia.

- Vous voulez devenir adepte ? demanda l'homme avec une moue désapprobatrice.

Son interlocuteur n'entrait pas dans les standards des volontaires. Il ne pouvait s'agir que d'un piège, une manière d'infiltrer leur secte. Mebaadia sourit. Il garda le silence et avança vers la porte encore fermée. L'homme fit un pas en avant pour s'interposer mais le dieu parvint sans difficulté à toucher la fresque ornant la porte en chêne. Esteban sentit le dieu utiliser une infime partie de ses pouvoirs. Le résultat fut époustouflant. Cette routine était complexe, à la fois terrifiante et magnifique.

La fresque s'anima. Les personnages s'éveillèrent. La fumée monta, le sang coula et les créatures éthérées prirent vie, se nourrissant des cendres et du sang des morts. Les sculptures murales déplièrent leurs muscles de marbre et commencèrent à bouger. Cependant, il ne s'agissait pas seulement d'une animation visuelle, non ! Le bruit et l'odeur étaient également présents. Les hurlements des personnages torturés résonnèrent dans les couloirs vides, envahissant l'esprit des habitants du palais.

L'homme adulte tomba à genoux et l'enfant l'imita, heureux qu'on lui montre enfin comment se comporter. La porte en chêne s'ouvrit pour dévoiler un homme d'une soixantaine d'années qui se prosterna devant son visiteur.

- Namirha. C'est un tel honneur ! s'exclama le grand maître.

Les cris se calmèrent mais les animations continuèrent de vivre, un peu moins envahissantes, mais bien présentes.

Quand vous voulez en mettre plein la vue, vous faites les choses bien ! pensa Esteban.

Le dieu sourit tandis que des croyants déboulaient par toutes les issues. Bientôt, l'antichambre du grand maître du temple de Namirha ne fut plus suffisante pour accueillir tout le monde.

- Puis-je vous guider jusqu'à la loggia ? interrogea le gourou.

Mebaadia hocha la tête et l'homme se leva. Le dieu le suivit tandis que la foule agenouillée lui ouvrait un passage. Il ne s'arrêta que devant Philip, s'accroupit, lui prit le menton et lui annonça :

- Tu as été parfait.

Après quoi il se leva, laissant l'enfant à son sourire complet.

 

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Esteban trouva que la loggia ne méritait pas ce nom. Ça ne lui rendait pas hommage. L'endroit était sublime avec des fontaines, des coussins, de la nourriture et des bougies.

Cet endroit est toujours aussi accueillant ? Ça doit demander des heures d’travail !

- C'est leur travail d'être prêts à me recevoir, répliqua le dieu.

De quand date votre dernière visite ici ?

- Un demi-millénaire, répondit Mebaadia.

Esteban n'en revint pas. Ces gens prenaient soin d'un lieu depuis cinq cents ans sans savoir quand le propriétaire reviendrait… ni même s'il reviendrait jamais.

Le dieu s'installa confortablement sur une pile de coussins avant de se faire servir à boire et à manger. Esteban n'avait jamais vu son bourreau se nourrir. Lui-même n'avait rien avalé depuis des années, étant sustenté par la magie de Mebaadia. Il redécouvrit le plaisir des sens. Les mets proposés étaient délicieux. Des artistes vinrent présenter leurs talents devant le dieu. Esteban sentit que Mebaadia s'ennuyait profondément. L'être divin fit un signe et le grand maître réagit instantanément.

- Que puis-je pour vous servir ? interrogea le gourou.

- Je veux une esclave et un peu d'amusement, annonça Mebaadia en désignant la scène qui se présentait à lui.

- L'esclavage est interdit depuis des années. Nous ne pouvons…

Le grand maître ne termina pas sa phrase. Il ouvrit des yeux ahuris sur la lame traversant son corps de part en part avant de s'écrouler.

Vous v’nez d’tuer l'un d’vos sujets ! s'exclama Esteban, horrifié.

- Ne sois pas stupide ! répliqua le dieu. Cet homme voulait le pouvoir, rien d'autre. Il n'a jamais été croyant, tout comme une bonne partie des personnes présentes ici.

Le dieu se leva, la lame dans la main. Son regard brûlant engloba l'assemblée entière. Certains tombèrent à genoux, d'autres tremblèrent, certains choisirent de rester droits et fiers. Une femme s'avança en souriant. Elle caressa le bras d'Esteban et murmura :

- Je suis toute à vous. Je peux vous offrir tout ce que vous voulez.

Elle retira sa robe, permettant au maître des lieux de l'admirer sans restriction. L'esprit d'Esteban s'enflamma. Il eut envie de la toucher, de l'embrasser, de la lécher, de la baiser, de toutes les manières possibles. Le garçon devenu un homme n'avait jamais connu l'amour. Il n'avait même jamais vu le corps d'une femme. Il voulait observer les seins rebondis mais le dieu avait fixé son regard dans celui de la courageuse. Il posa ses mains sur les hanches fines. Si Esteban avait été libre, il aurait bandé plus fort que jamais. Seulement, le dieu ne le lui permettait pas et l'avatar en souffrait plus qu'il ne l'aurait cru possible.

- Tu es très belle, dit le dieu à l'oreille de la charmeuse. Mais j'aime faire souffrir mes partenaires.

- J'aime souffrir, répondit-elle malicieusement.

Esteban sut qu'elle ne mentait pas. Venait-elle réellement de s'offrir au dieu de la souffrance ?

- Je veux forcer, obliger. Si tu me l'offres, ça ne m'intéresse pas, précisa Mebaadia.

Esteban jura intérieurement. Il aurait tant aimé se faire la donzelle. Elle était sacrément bandante et en plus, totalement volontaire !

- Tu saurais me trouver des filles non volontaires ? interrogea le dieu.

La charmeuse sourit tout en caressant lascivement le bras du maître des lieux. Esteban, lui, hurla intérieurement. Il savait que le dieu ne faisait cela que pour le faire souffrir, lui. Mebaadia n'avait que faire du sexe. Cela ne l'intéressait aucunement. En revanche, la perspective de faire souffrir son avatar le rendait extatique.

Esteban espéra seulement que les filles choisies ne seraient pas trop innocentes. Qu'il s'agisse d'une pute, d'une criminelle, ou d'une riche noble, Esteban se sentirait moins mal que si la fille était jeune, vierge, pure, douce, gentille, polie... Esteban étant né dans la misère, il détestait les gens de pouvoir et donc, d'argent.

- Aisément. Il y en a ici même, répondit la charmeuse.

- Non croyantes, précisa Mebaadia.

- Évidemment !

- Vierges et…

- Je sais ce que les hommes veulent, l'interrompit la charmeuse.

Mebaadia tordit violemment le sein gauche de la femme. Esteban fut admiratif : elle ne hurla pas.

- Je ne suis pas un homme, siffla Mebaadia.

- Pardonnez-moi, Namirha, dit la femme avec une voix aiguë.

Des larmes de douleur mouillaient son visage mais elle ne criait pas.

- Elles doivent toutes être vierges et pauvres, continua le dieu sans lâcher sa proie.

Esteban se crispa et comprit son erreur. En pensant à ce qu'il ne voulait pas, il venait d'offrir un cadeau joliment empaqueté à son bourreau. Lorsqu'il se dit que si les femmes pouvaient au moins ne pas être des enfants, il entendit sa voix annoncer :

- J'en veux une de huit ans et deux entre quatorze et seize ans. Je les veux polies et gentilles.

Le dieu lâcha enfin le mamelon rougi de la charmeuse.

- Tu auras un coup de fouet par minute que je passe à attendre, finit Mebaadia.

La charmeuse perdit son sourire et partit en courant, prenant juste le temps de ramasser sa robe et tentant de la remettre tout en avançant.

Vous feriez souffrir l'un d’vos sujets ? s'étonna Esteban.

- Ne sois pas ridicule ! Elle n'est pas l'un de mes sujets !

Esteban ne masqua pas sa surprise.

- Elle pense que son goût pour la souffrance fait d'elle une croyante.

Et c'est pas le cas ?

- Bien sûr que non. La foi vient du cœur ! On peut détester la souffrance et me vénérer ! La plupart de mes sujets n'aiment ni souffrir, ni faire souffrir, et encore heureux ! Si je ne devais avoir que des gens comme ça, je n'aurais pas beaucoup de croyants.

Comment être l'un d’vos croyants ?

- Il faut avoir la foi, tout simplement. Ça ne s'explique pas. Ça vient de soi, de son cœur et de son âme. Lorsque quelqu'un prie, ses pensées s'envolent vers un dieu, souvent vers plusieurs, parfois vers tous. Certains ne prient pas mais leur foi est ancrée en eux. Ils n'ont pas besoin de prier pour exister et pour vivre dans leur religion. Cela est personnel à chacun. Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas en tuant, en amenant la souffrance ou en détruisant qu'on devient l'un de mes sujets. Tu as vu comment je rassemble de nouveaux sujets. Je détruis, je tue et je fais souffrir, mais aucune des créatures qui rejoignent mon troupeau ne le fait.

Esteban dut admettre que c'était la vérité. Ils priaient en fait pour que le mal cesse.

- Cette gamine mal baisée ne croit en rien. Elle ne pense même pas que je sois un dieu. Elle me voit comme un homme de pouvoir et cela lui suffit amplement.

Esteban ressentit tout le dégoût du dieu pour la charmeuse.

Vous appliquerez votre promesse, pour l’fouet, même si elle doit en mourir, comprit Esteban.

- Surtout si ça la mène à la mort ! en saliva d'avance Mebaadia.

Le dieu ferma les yeux et attendit patiemment, obligeant Esteban à ruminer intérieurement. Il essayait d'empêcher ses pensées de divaguer, mais il ne parvenait pas à faire le vide. Il imaginait les horribles tortures que le dieu pourrait faire aux jeunes filles, celles qu'Esteban ne voulaient surtout pas voir et que, l'avatar s'en doutait, le dieu choisirait.

Ainsi, lorsque la charmeuse revint avec trois jeunes femmes, Esteban souffrait déjà intérieurement, alors que rien ne s'était encore produit.

- Trente-deux, annonça Mebaadia, avant de faire apparaître un fouet dans sa main.

La charmeuse sursauta. Elle ne croyait vraiment pas que l'homme devant elle put être un dieu. Qu'il parvienne à faire apparaître un objet sembla la choquer, puis elle l'accepta. Enfin, son esprit se fixa sur le fouet en lui-même plus que sur la façon dont il était apparu et elle pâlit. Le dieu précisa à sa victime comment elle devait se placer et elle obéit.

Esteban la trouva stupide. Elle aimait à ce point la souffrance qu'elle était prête à se donner de la sorte ? Si elle ne pensait vraiment pas que son interlocuteur était un dieu, alors pourquoi ne pas simplement refuser et s'en aller ? Cela dépassait Esteban.

Les trois jeunes femmes étaient debout devant le dieu qui ne s'occupait pas d'elles. Elles étaient visiblement terrorisées et n'osaient pas bouger. Elles observaient la scène avec une surprise mêlée d'angoisse.

Le premier coup retentit. Le claquement résonna dans la cour, faisant frémir et sursauter plus d'un spectateur. Le cri de la victime fit trembler tout le monde. Il reflétait de la douleur, oui, mais également une surprise inattendue.

- Cette imbécile n'a jamais connu le fouet, murmura Mebaadia afin que seul Esteban l'entende. Elle croyait que c'était facile. Elle regarde trop la télévision.

Ça existe sur ce monde ? fut étonné Esteban.

- Il ressemble autant au tien qu'il en diffère mais les idiots y sont tout aussi nombreux, sourit Mebaadia alors que le second coup déchirait le dos de la charmeuse.

La douleur l'obligea à quitter sa position. De debout, elle tomba, un genou à terre. Mebaadia n'attendit pas qu'elle se relève pour lâcher une troisième fois son instrument de torture. La femme hurla et s'affala un peu plus.

Ça fait que trois, pensa Esteban. Est-ce vraiment si douloureux ?

- Heureux soient les ignorants, continua Mebaadia.

Le dieu n'avait désormais plus besoin de murmurer car sa victime n'était plus en état de l'écouter. Le coup suivant la fit s'écrouler et le dieu dut se lever pour être en mesure de l'atteindre de manière correcte. Le dieu appliquait une dose de souffrance choisie toujours à l'endroit désiré. Sa précision était redoutable, sa maîtrise totale.

La femme ne hurlait plus à chaque coup. Elle manquait d'air et la douleur la submergeait sans discontinuer. Son sang s'étalait sur le carrelage mais également sur un mur. Mebaadia s'était protégé des éclaboussures d'un simple sort. Le contraste entre le bourreau, calme, bien droit, propre, déterminé et sa victime en larmes, étalée par terre, en sang, tremblante, était saisissant.

Enfin, la punition prit fin. Esteban ne douta pas une seconde que malgré les os visibles, la femme était toujours vivante : le dieu de la mort n'avait aucune envie de la tuer immédiatement. Elle ne mourrait donc pas.

Mebaadia observa un instant son œuvre en souriant puis se tourna vers les trois jeunes femmes apportées pour lui. Elles tremblèrent toutes et tentèrent de reculer mais furent bloquées par un sort qu'Esteban s'était senti lancer.

Le dieu s'approcha d'abord de la plus jeune. Il s'accroupit devant elle et lui caressa la joue en souriant. Le rictus était le même que celui qui barrait son visage lorsqu'il regardait la charmeuse au dos écorché. La gamine était terrorisée. Esteban eut énormément de peine pour elle. Il se sentit mal, triste. Ce que le dieu s'apprêtait à faire était terrible, inacceptable. Un instant, la scène se figea. Mebaadia bougea doucement la tête, comme s'il était pris dans un vent que lui seul sentait puis la paix envahit Esteban.

Mebaadia prit le visage en larmes de l'enfant dans ses bras et annonça :

- Je ne te ferai aucun mal. Viens. Je vais te raccompagner dehors. Personne ne te touchera.

L'enfant resta un instant interdite puis suivit le dieu qui était déjà parti. Le trajet se fit en silence. Lorsque l'enfant passa la porte extérieure, Mebaadia lui murmura :

- Prends soin de toi.

La fillette hocha la tête avant de partir en courant.

Pourquoi l'avez-vous sauvée ? C'est pas l'une d’vos adoratrices, fit remarquer Esteban qui avait appris à reconnaître ce trait chez n'importe quelle créature.

- C'est une croyante, une vraie, répondit Mebaadia. Sa foi est totale.

Mais elle va pas vers vous, répliqua Esteban. C’est pas justement une raison pour la tuer ? Elle donne du pouvoir à l'un d’vos adversaires.

- Sa foi est inébranlable et multiple. Lorsque sa mère est morte, cette enfant m'a appelée. Son deuil fini, elle s'est tournée vers le dieu de la vie. Elle est monothéiste mais ses appels sont tout de même dirigés vers le dieu qui définit le mieux sa vie actuelle. L'important est qu'elle transmettra sa foi à ses enfants, à son conjoint, à ses enfants, peut-être même à une plus grande communauté. Aucun de nous ne peut se permettre de perdre une personne comme elle.

À ces mots, le dieu retourna vers la loggia où tous l'attendaient. Nul n'avait bronché. Certains regardèrent derrière le dieu, cherchant l'enfant, se demandant s'il l'avait vraiment raccompagnée ou s'il l'avait tuée. Mebaadia constata qu'une jeune femme rousse était penchée sur la charmeuse et tentait de la soigner de son mieux. En voyant revenir le dieu maléfique, elle se figea. Elle pâlit, craignant d'avoir attiré sur elle la colère du Diable.

- Tu peux continuer, annonça Mebaadia en la regardant.

Esteban sentit que le dieu était réellement heureux que la jeune femme prenne soin de la charmeuse, l'éloignant ainsi encore un peu plus de la mort. Mebaadia avait besoin de moins d'énergie pour l'empêcher de basculer de l'autre côté, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Si la jeune femme avait pu entendre les supplications muettes de la charmeuse pour mourir, elle aurait achevé son amie à l'instant. Esteban, lui, les entendait et cela lui donnait envie de pleurer.

Son esprit n'eut pas à s'y attarder longtemps car il fut accaparé par autre chose : les deux dernières sacrifiées. Mebaadia vérifia d'abord qu'elles n'avaient pas de foi protectrice. Le résultat le fit sourire : il était libre d'agir à sa guise.

- Bonjour, dit-il à la première.

- Bon… bonjour, bredouilla la jeune femme.

C'était peu dire qu'elle était polie, jusqu'à ne pas perdre sa bonne éducation devant un monstre.

- Comment t'appelles-tu ?

- Eve, répondit l'enfant.

- Quel âge as-tu ?

- Treize ans.

La gamine devait être une femme depuis peu. Sa poitrine naissante se devinait tout juste sous son chemisier.

- Un homme t'a-t-il déjà touchée ? interrogea le dieu.

La gamine devint aussi rouge qu'une tomate en entendant la question et n'y répondit pas.

- Je prends ça pour un non, continua Mebaadia. Tu vas pouvoir le connaître ici, devant tout le monde.

La gamine tenta de reculer mais les pouvoirs d'Esteban l'en empêchaient.

S'il vous plaît, laissez-là ! s'exclama Esteban. Elle est innocente. Elle a rien fait de mal. Elle mérite pas ça !

- J'ai envie de m'amuser, répliqua Mebaadia et la gamine trembla. Je ne compte pas rester longtemps. Il faut que je fasse bonne impression. Et puis, je m'ennuie… Autant passer agréablement le temps.

Salopard, fut tout ce qu'Esteban trouva à répliquer.

Le dieu se contenta de sourire. Il prit tout son temps. Esteban fut forcé de tout regarder, de ressentir le plaisir du dieu, de le partager. Le pire fut l'extase de la mort des deux adolescentes, point culminant de la torture. Mebaadia agissait comme s'il était seul, ne se préoccupant pas une seule seconde des spectateurs muets et impuissants.

Lorsqu'il eut terminé, le dieu ne retourna pas immédiatement à son siège. Il s'accroupit d'abord aux côtés de la charmeuse, toujours allongée.

- Tu prends bien soin d'elle, dit Mebaadia.

- J'ai quelques connaissances en médecine, répondit la rousse qui tentait de soigner la charmeuse. Je fais de mon mieux mais c'est difficile. Son dos est en lambeaux.

- Je vais t'aider, dit Mebaadia avant d'enfoncer un couteau dans la nuque de la charmeuse. Elle va mieux maintenant.

Esteban savait que le dieu comptait depuis le départ tuer la charmeuse. S'il avait laissé la femme la soigner, c'était uniquement pour la faire souffrir elle. La guérisseuse ne se rebella pas. Elle garda le silence et Esteban l'en remercia : sa réaction était la bonne. Le dieu se leva en souriant et retourna s’asseoir. D'un geste, il fit comprendre qu'il souhaitait que les corps soient retirés et il fut obéi.

Les jours passèrent. Mebaadia s'amusait. N'importe quel non croyant pouvait à tout instant subir une torture. Le plus souvent, la victime n'en mourrait pas : il fallait bien qu'elle témoigne et amène des gens à devenir croyants. Miel, la guérisseuse – une jeune femme en école de médecine, avait appris Esteban – avait du travail tous les jours. Elle n'adressait jamais la parole au dieu, se contentant de s'occuper des victimes. Elle n'était pas croyante mais ses actes servaient les buts du dieu maléfique. Elle n'eut ainsi pas à subir de sévices.

Esteban regardait, impuissant, le dieu s'amuser et gagner des adorateurs. Il sentait le pouvoir monter à chaque seconde. Parfois, il entendait les prières, des murmures qui, si on s'y attardait, devenaient audibles. Ces prières étaient nombreuses, trop pour qu'Esteban puisse en comprendre une dans ce brouhaha mais il les ressentait. Parfois, il était difficile à l'avatar de ne pas lui-même se prendre pour un dieu. La limite était ténue mais voir Mebaadia torturer des innocents ramenait toujours le jeune homme à la réalité. Il n'était qu'un corps, qu'un moyen pour un être supérieur d'apporter souffrance, destruction et mort sur les mondes.

Esteban sentit son admiration pour la future médecin augmenter chaque jour un peu plus. Miel soignait les victimes du dieu, pourtant parfois dans un état déplorable, n'arrêtant jamais et ce bien que, régulièrement, le bourreau aille jusqu'à l'infirmerie pour achever sa victime. Les pensées de l'avatar se troublaient de plus en plus à la vue de la guérisseuse. Elle restait forte dans la tourmente. Il ne faisait plus aucun doute, à personne, que le visiteur était bien le dieu de la Mort. Malgré tout, elle continuait à se présenter devant lui pour tenter de faire un peu de bien.

- Tu es amoureux ! s'exclama Mebaadia.

Esteban sursauta, ce qui, puisqu'il était contrôlé, lui valut une douleur cuisante.

Non, j’l'admire, j’la respecte, mais j’l'aime pas, se défendit Esteban.

- Je comprends que tu l'aimes, précisa Mebaadia. Elle est ravissante, forte et douce à la fois. Comment ne pas l'apprécier ?

Pour la charmeuse, Esteban n'avait ressenti qu'une envie dans son bas-ventre. Ça avait été une envie purement physique. Avec Miel, c'était autre chose. C'était différent. C'était plus profond.

- Tu l'aimes, répéta le dieu avant de se lever.

Qu'allez-vous faire ? interrogea Esteban.

- Tu es à moi, dit Mebaadia. Tu m'appartiens, corps et âme. En l'aimant, tu lui donnes une partie de toi, qui est à moi. Ce n'est pas acceptable.

Elle a rien fait !

- En effet. Ce qui va suivre est entièrement ta faute.

Esteban tenta de reprendre le contrôle, d'empêcher ses jambes d'avancer, le sourire sur son visage de se former. Non seulement ce fut vain mais la douleur qui l'envahit fut indescriptible.

En voyant entrer le dieu maléfique dans son infirmerie, Miel trembla, non pour elle-même car l'être mauvais ne s'était jamais attaqué à elle, mais pour ses patients. Mebaadia venait régulièrement achever ses victimes jusque dans ce sanctuaire dédié à la vie. Miel sursauta en constatant que le dieu s'arrêtait devant elle. Il la déshabilla des yeux avant de murmurer :

- Tu es belle.

Esteban frissonna. Le dieu maléfique n'avait aucune perception propre de la beauté ou de la laideur. À ses yeux, toutes les créatures vivantes se ressemblaient. Cette remarque n'était liée qu'au lien avec son avatar. Miel recula en tremblant mais le mur de l'infirmerie l'empêcha d'aller plus loin. Le dieu avait avancé en même temps qu'elle avait reculé.

J’vous en prie ! Lui faites pas de mal ! s'exclama Esteban.

- Je ne vais rien faire que tu ne souhaites, répliqua Mebaadia et Miel crut qu'il s'adressait à elle.

- Sortez, s'il vous plaît, dit Miel.

J’veux pas la violer, répliqua sèchement Esteban.

- Tu la désires et je vais te l'offrir. Tu devrais me remercier, continua Mebaadia et Miel comprit qu'il ne s'adressait pas à elle.

La jeune femme était perdue. Avec qui parlait son interlocuteur ?

J’veux pas d'elle d’cette façon !

- Tu es à moi. Tu ne devrais pas avoir envie d'elle, de quelque manière que ce soit. À chaque fois que ce désir montera en toi, je viendrai la voir et je satisferai à tes envies.

Esteban ne répondit pas. Miel resta interdite. Ce qui se passait lui échappait totalement. Elle fut violée brutalement, sur un des lits de l'infirmerie, devant ses patients qui avaient détourné le regard. Esteban ne s'était jamais senti aussi impuissant et misérable que ce jour-là. Et ce fut pire le lendemain, lorsque Miel vint s'occuper d'un garçon torturé et que l'avatar ne put s'empêcher de rêver de pouvoir passer un moment, seul, avec la jeune femme… Elle fut de nouveau violée à cause de lui.

Le dieu resta plusieurs mois sur ce monde, et Miel passa tout ce temps entre les mains de son bourreau. Elle ne tenta jamais de s'enfuir, préférant rester, se sentant investie d'une mission, personne d'autre ne voulant s'occuper des victimes innocentes du dieu. Le dernier acte de Mebaadia avant de quitter ce monde fut de tuer la jeune femme en la rouant de coups. Il prit tout son temps, savourant la douleur de sa victime couverte de sang autant que celle de son avatar impuissant.

 

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Cela prit du temps pour qu'Esteban se remette de cet épisode. Malheureusement pour lui, ce ne fut pas le dernier. Son jeune corps d'homme ne pouvait se retenir d'aimer. Seul soulagement pour l'avatar : très peu de mondes visités étaient habités par des êtres humains.

Lorsque ce fut de nouveau le cas, Esteban serra les dents. Il allait devoir faire attention au moindre de ses sentiments. Il sentit une gravité s'emparer de lui.

Ce monde est important pour vous, fit remarquer Esteban qui savait que ce sentiment ne venait pas lui.

- En effet.

Vous avez guère de pouvoir ici, continua Esteban.

- Ça va vite changer. J'ai déjà eu des partisans. Les réveiller ne sera pas long.

Pourquoi ce monde est-il si important à vos yeux ? interrogea Esteban qui sentait l'excitation du dieu.

- Parce qu'il regorge de magie.

Beaucoup de dieux doivent s’l'arracher…

- Le garder est difficile. Cependant, je suis actuellement le seul dieu maléfique en possession d'un avatar. J'ai attendu que tu sois suffisamment puissant pour venir. C'est désormais chose faite.

Vous avez créé d’nouvelles routines, remarqua Esteban en écoutant le cœur de ses pouvoirs.

- Je vais en avoir besoin. Tu as beau être puissant, ce que je vais faire demande une grande habilité.

J'ai l'impression qu’vous avez peur…

- J'ai peur de te perdre. Je suis ici pour gagner des partisans et tu connais mes méthodes. Les êtres magiques sont les gardiens de l’ordre et de la protection sur ce monde. Ils s’opposeront à moi. Pour cela, ils s’en prendront à toi.

J’ai bien suivi les leçons. J’suis un excellent magicien.

- Ils sont des centaines de milliers en face. Mon but est d'impressionner ces êtres magiques avec des sorts d'une puissance inégalée, via des routines, bien évidemment. Il faut qu'ils croient que cela vient de toi. Ainsi, ils n'oseront même pas s'attaquer à toi.

Vous allez bluffer ?

- C'est ça, confirma le dieu. Tu n'as pas à t'inquiéter. Ça va marcher. Nul n'osera s'attaquer à toi. Ils lutteront contre les effets de mes routines, mais pas contre son lanceur. La peur les en empêchera.

L'attaque de la ville fut époustouflante. C'était peu dire que le dieu voulait en mettre plein la vue. Il commença par tuer quelques habitants avec les pouvoirs d’Esteban puis les ramena à la vie d’une routine très complexe. Ainsi, chaque mort devenait un squelette ricanant, une momie terrifiante ou un zombie sanguinolent, fondant sur ses anciens voisins, déchiquetant, étripant, égorgeant, offrant de nouveaux sbires au dieu maléfique.

Esteban en trembla de terreur. Jamais Mebaadia n’avait été aussi furieux, brutal et violent dans ses attaques. Il tenait vraiment à en mettre plein la vue. Il ne laissait rien au hasard.

Les cris de terreur n'apportaient aucune joie au dieu. Seule la souffrance, la destruction puis la mort le faisait sourire et à travers lui, Esteban était heureux. Le jeune homme se dégoûtait lui-même mais il ne pouvait rien contre cette sensation qui l'envahissait. Elle lui était imposée et il était impuissant contre ça.

Esteban sentit l’agacement de Mebaadia lorsqu’il sentit le nombre de ses serviteurs diminuer. La ville venait d’être détruite. En dehors d’une famille de croyants épargnée, nul n’avait survécu. Pourquoi en ce cas le nombre de morts-vivants diminuait-il ?

Esteban sentit ses pensées se tourner vers l’endroit d’où provenait l’anomalie et ses jambes l’y portèrent. Dans une petite place secondaire, il tomba nez à nez avec deux femmes, l’une debout poussait la seconde qui méditait, à genoux, les yeux fermés. Elles étaient entourées de revenants mais si l’un d’eux s’approchait, il tombait pour ne plus se relever.

Esteban s’attendait à ressentir de l’agacement. Il fut donc surpris de ressentir une immense fierté, une volonté d’appropriation, une joie indicible, une admiration incommensurable.

Mebaadia demanda aux inconnues laquelle tuait ses sbires. Il ne ressentait aucune haine envers la meurtrière. Il crevait d’envie de l’approcher et mourait de peur à l’idée de se tromper et de tuer la mauvaise. Esteban n’avait jamais ressenti cela. Mebaadia était exalté, au comble de l’excitation. Esteban sentit une érection monter et fut surpris de constater que le dieu laissa faire.

Mebaadia mit moins d’une minute à déterminer la bonne. L’autre mourut un instant après. La magicienne survivante tremblait de terreur et s’était même pissée dessus. Loin de se moquer, il comprenait. Il aurait probablement subi le même désagrément à sa place.

Mebaadia fixa son regard sur la survivante, permettant à Esteban de s’enivrer sur sa longue chevelure brune, de ses yeux marron, de ses formes arrondies de femme épanouie. Elle rayonnait de pouvoir, de charisme, de puissance mais également de douceur et de féminité. L'avatar était parfaitement conscient que ses sentiments risquaient de causer de graves ennuis à la jeune femme alors il les réfréna le plus possible, sans y parvenir.

Mebaadia ne détourna pas le regard, permettant à son avatar de dévorer la magicienne des yeux. Étrangement, Mebaadia ne sembla pas se rendre compte des sentiments de son avatar. Il s’approcha de sa proie qui, paralysée de terreur, n’esquissa aucun geste de défense. Il toucha son cou et activa une routine dont Esteban n’avait jamais ressenti le lancement. Un tatouage noir apparut sur la gorge de la jeune femme puis cette dernière disparut sans laisser de trace.

Esteban ne ressentit ni agacement, ni tristesse à son évaporation. Au contraire, il était calme, serein, empli d’un bonheur infini.

Où l’avez-vous envoyée ?

- Je n’ai rien fait, assura Mebaadia. Les siens viennent de la téléporter dans leur fief pour l’interroger.

Vous allez pas la récupérer ? Elle semblait précieuse pour vous.

- Elle l’est. Sauf que je n’ai pas fini. Deux de mes collègues ont plus de pouvoir ici que moi. S’ils se rendent compte de sa présence trop tôt, ils risquent de me la prendre. Le tatouage me permettra de la retrouver le moment venu.

Qu’a-t-elle de si spécial ?

- Elle a plus de pouvoir que toi.

Esteban frémit – ce qui lui valut une douleur cuisante, pas ressentie depuis longtemps. Il se laissait faire depuis une éternité. Il relâcha le contrôle tandis que l’armée de morts-vivants passait devant une croyante dont le chariot de fleurs était renversé dans un fossé.

Vous prendriez une femme pour avatar ? s’étonna Esteban.

- Femme, homme, ça ne change rien pour moi. Je ne suis pas sexué.

Esteban eut de la peine pour elle mais ne put s’empêcher de ressentir un profond soulagement. Si Mebaadia changeait d’avatar, cela signifiait qu’il le libérerait lui. Tant mieux. Il avait besoin de vacances.

- Ceci dit, je ne compte pas la prendre pour avatar, indiqua Mebaadia.

Esteban eut toutes les peines du monde à ne pas hurler, pleurer, gémir, chouiner, ou n’importe quoi dans son corps contrôlé. Il parvint à se retenir par un formidable effort de volonté.

Si elle est meilleure qu’moi, elle f’rait un excellent avatar.

- Pas vraiment. Elle a de l’énergie à ne plus savoir qu’en faire mais elle ne sait pas s’en servir.

Elle a réussi à détruire nombre d’vos revenants.

- Elle venait à peine d’apprendre à le faire, le contra Mebaadia.

Il vous suffit d’lui enseigner la magie, comme avec moi.

Tout pour qu’elle prenne sa place. Esteban se sentit égoïste mais il ne pouvait refouler ce besoin d’être libre, de s’éloigner enfin de la divinité malsaine. Il rêvait de ne plus faire souffrir, détruire et tuer.

- Si mes observations sont justes, elle pourrait être bien mieux qu’un avatar.

Mieux ? répéta Esteban qui ne voyait pas ce qu’un dieu pouvait attendre de mieux de la part d’un être humain.

- Le plus important maintenant est de ne pas attirer l’attention de mes collègues. S’ils constatent un changement dans mon comportement, ils viendront voir. C’est curieux, un dieu. Ils pourraient me la prendre.

C’est pour ça qu’vous l’avez marquée au lieu d’partir immédiatement, comprit Esteban.

- Je veux qu’ils détournent le regard. Je veux qu’ils ignorent que je possède cette magicienne.

Pourquoi ?

- S’ils l’apprennent, ils essayeront de me la ravir. Je préfère qu’on me laisse tranquille.

Esteban comprit qu’il n’obtiendrait rien de plus du dieu de la souffrance, de la destruction et de la mort. Il l’observa détruire une ville supplémentaire et sentit son pouvoir bondir. Ses adeptes recrutaient en masse. Il ne tarderait pas à atteindre son objectif.

Les êtres magiques, d’abord passifs, se mirent à attaquer. Leurs pouvoirs rebondirent sur le bouclier crée par le dieu. Esteban soupira d’aise. Sans le soutien divin, il serait déjà mort. Ils étaient si nombreux et parfaitement coordonnés.

En revanche, ils s’acharnaient sur le bouclier pourtant alimenté par une routine. N’étaient-ils pas capables de discerner l’un de l’autre ?

- Ils ignorent ce qu’est une routine, indiqua Mebaadia. Les magiciens de ce monde n’y connaissent pas grand-chose. Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer…

La magicienne refit son apparition, mettant un terme à l’échange. Elle tenta d’extirper des informations à Mebaadia. Esteban l’entendit papoter avec la jeune femme. Mebaadia adorait s’entendre parler. Cela n’étonna pas son avatar qu’il se prête au jeu des questions réponses. Esteban n’écouta pas le contenu de l’échange. Il vibrait au son de la voix mélodieuse de la magicienne, en profitait pour la regarder puisque Mebaadia acceptait de poser les yeux sur elle. Il s’enivrait de son odeur de pomme. Il ne faisait aucun doute qu’il aimait la magicienne.

Comment Mebaadia faisait-il pour ne pas s’en rendre compte ? D’habitude, il en profitait pour tourmenter son avatar, physiquement ou mentalement. Là, rien. Le néant. Le silence. Esteban surfa avec bonheur sur cet océan de bien-être.

Esteban fut triste de la voir repartir. La pauvre tremblait de la tête aux pieds. Esteban ignora ce qui lui arriva car Mebaadia ne regardait que devant lui, vers ses troupes. Esteban se désintéressa de l’attaque des revenants. Des morts, des cris, du sang, des prières, des larmes, des hurlements, de la peur, des destructions, de la souffrance, rien que du très banal.

Soudain, le décor changea. Mebaadia venait d’utiliser les pouvoirs d’Esteban pour se téléporter dans une autre partie de ce monde, délaissant un instant son armée – qu’il contrôlait toujours, évidemment. Esteban constata que la magicienne était en piteuse posture. Seule face à des dizaines d’êtres magiques menaçants, il était clair qu’elle perdrait.

Mebaadia entoura ses hanches d’un bras. Oh le doux contact ! Esteban en frissonna de plaisir et banda dur presque instantanément. Il la désirait tellement !

Mebaadia la déclara sienne. Les autres reculèrent. La magicienne se dégagea de la douce étreinte. Esteban en aurait pleuré de dépit. Elle s’offusqua, allant même jusqu’à insulter le dieu. Esteban frémit. Si Mebaadia était à cheval sur quelque chose, c’était sur le respect qui lui était dû. Il proposa à la magicienne un duel pour résoudre ce conflit et elle accepta. Esteban en fut estomaqué. Il fallait être sacrément courageux ou complètement stupide pour consentir à une telle folie.

Mebaadia avait choisi le lieu du combat avec soin. Cette ville était sa première, celle où il n’avait pas encore de revenants pour le protéger. De nombreuses routines fonctionnaient ici, beaucoup plus que sur le reste de ce monde. La magicienne apparut, preuve qu’elle ne bluffait pas. Elle voulait vraiment affronter un dieu !

Lise fut, naturellement, incapable de se protéger des routines du dieu de la souffrance, de la destruction et de la mort. Elle choisit de se lancer dans un combat au corps à corps. Esteban n’avait jamais appris à se battre. En revanche, il savait relâcher le contrôle pour laisser son hôte agir. Il se vit éviter et frapper avec précision. Elle refusa de lâcher prise malgré son évidente défaite.

Mebaadia laissa tomber et la magicienne disparut sans s’être excusée. Esteban n’en revenait pas. Pourquoi le dieu ne l’avait-il pas soumise ?

- J’ai tout mon temps, dit Mebaadia. Je refuse de prendre le risque de la blesser ici. De plus, on pourrait m’observer. J’ai dévié de ma trajectoire. Mes collègues pourraient à tout moment tourner leur regard vers moi.

« Il a peur », comprit Esteban. Mais qui était Lise pour mériter de telles précautions ?

Mebaadia reprit son train-train. Enfin, il devint majoritaire et se téléporta dans ce qu’Esteban identifia comme une chapelle. Lise priait. Mebaadia la téléporta à leur lieu d’arrivée et l’emmena contre son gré dans le jardin du dieu. Il constata que la villa moderne avait cédé la place à une maison spacieuse en bois et pierre, plus adaptée à cette femme demeurant dans un monde moyenâgeux.

Esteban en fut déconcerté. Le dieu faisait preuve d’une gentillesse incroyable ! La magicienne reçut l’ordre de ne pas utiliser ses pouvoirs. Esteban trouva cela très étrange. Lui-même avait reçu la demande inverse. Il devait au contraire s’entraîner le plus souvent possible afin d’améliorer sa maîtrise de la magie.

La magicienne choisit de ne pas obéir à l’ordre donné. Esteban aurait voulu fermer les yeux et les oreilles. Il savait ce qui allait suivre. Il ne voulait pas le vivre. Il n’avait pas le choix. Cette pauvre fille allait prendre cher !

Comme Esteban l’avait supposé, Mebaadia emmena Lise jusque dans les sous-sol et… l’enferma. Ce fut tout. Il se contenta de l’enfermer dans une cellule sombre et humide. Esteban le trouva très soft. Il le vit se rendre sur un autre monde et rassembler de nouveaux partisans.

Esteban bouillait d’impatience. Il comprit que ce sentiment ne venait pas de lui, mais du dieu. Mebaadia n’avait délaissé Lise que pour donner le change devant ses collègues. Que d’efforts déployés pour leur cacher la présence de la magicienne dans son royaume. Que se passerait-il s’ils découvraient son existence ?

Dès le monde gagné à sa cause, il retourna dans son royaume où il retrouva Lise. Elle refusa de se soumettre. À sa place, Esteban non plus ne s’abaisserait pas. Après tout, Mebaadia l’avait laissée s’opposer, l’insulter, lui parler mal et la punition pour avoir désobéi à son ordre était bien faible. Esteban n’en revenait pas de sa gentillesse. Les coups de fouet à la charmeuse, voilà qui lui ressemblait davantage.

Mebaadia se figea avant de revenir sur ses pas. Il sortit Lise sans ménagement de sa cellule avant de l’attacher. La magicienne se laissa faire. Elle avait compris la supériorité physique et magique de son adverse. Cela ne l’empêchait pas de lui résister mentalement.

Mebaadia annonça vouloir faire souffrir sa prisonnière. Voilà qui lui ressemblait bien davantage. Esteban retrouvait son hôte impitoyable et cruel. Malgré quatre coups de fouet, la magicienne continua à insulter le dieu. Esteban soupira intérieurement et sentit l’agacement mais également l’hésitation de son hôte.

Vous avez peur de la blesser trop, supposa Esteban.

En réponse, Mebaadia hocha la tête. Il semblait plonger en pleine réflexion. Comment faire souffrir sans blesser ? Esteban ne put empêcher ses pensées de s’évader vers les séries pourries. « Frapper la tête avec le bottin » fut sa première idée. Technique de policier minable. Celle des américains lui vint en second : la torture par l’eau.

Un trouble le saisit devant le corps ensanglanté. Le fouet avait déchiqueté les vêtements, laissant apparaître la chair par endroit. La souffrance se retrouva mélangée au plaisir sexuel dans l’esprit de l’avatar et des pinces apparurent, ornant les seins et le sexe de la prisonnière. Il sombra dans un enfer de lubricité rempli de martinets, de cravache, de badine, de ceinturon, de bougie, de…

« Putain, je regarde trop de porno », en conclut Esteban. En même temps, il n’avait que ça. Toutes ses relations physiques réelles étaient contrôlées par Mebaadia, toujours sans consentement. Heureusement que le dieu lui permettait de se soulager avec sa main devant ce genre d’images sans quoi il serait devenu fou depuis longtemps.

De nombreuses scènes passèrent devant ses yeux, trop pour pouvoir les détailler. Il en regardait vraiment beaucoup.

- C’est une bonne idée, dit Mebaadia.

Esteban était certain que cette phrase était pour lui. Le dieu venait de puiser dans son esprit la punition qu’il appliquerait à la magicienne. Il faisait cela à chaque fois. Faire souffrir un maximum de gens, voilà ce qui le ravissait. Il avait choisi l’électricité. Cela faisait effectivement parti des scènes pensées. Esteban en eut, comme d’habitude, la nausée. Bien sûr, ça n’était pas sa faute mais il ne pouvait empêcher la culpabilité de l’envahir.

Mebaadia se montra aussi précis et impitoyable que d’ordinaire. Lise craqua et lui promit obéissance. Mentalement, elle n’était pas brisée. Mebaadia lui accorda le temps qu’elle demandait. Quelle clémence ! Cela ne lui ressemblait tellement pas. Esteban hallucinait. Lise put se reposer et prier en paix.

Mebaadia conquit deux mondes de plus. Dans le même temps, il en avait perdu quatre. Il ne pouvait pas être partout à fois. Esteban soupira intérieurement. Cette mission n’était qu’un éternel recommencement. Ennuyeux à souhait. L’avatar avait bien besoin de vacances.

Mebaadia retourna vers Lise. Il l’aida à se vêtir, des vêtements terriens qui allaient à ravir à la jeune femme, puis l’amena à la cuisine. Devant son bol de nourriture, la magicienne réclama que Mebaadia reste avant de presque fondre en larmes. La prisonnière n’allait pas bien. Esteban comprenait. La situation avait de quoi anéantir quiconque.

- Je vais te laisser avec Esteban, entendit-il Mebaadia dire. Tu sembles en avoir besoin.

Allait-il vraiment le laisser interagir avec… ? Esteban se retrouva libre. Mebaadia venait de s’en aller. L’avatar n’en revenait pas ! Libre ! Grâce à elle ! C’était inespéré. Il en fut transporté de joie. Il leva les yeux sur Lise, repoussant la capuche du manteau sombre qui le gênait.

Ses propres sentiments le prirent par surprise. Lise était neutre, vide, insipide. Il ne ressentait absolument rien pour elle. Il la trouvait même laide. Après tout, il aimait les rousses – et parfois les blondes – petites et minces. Lise était brune, grande et proposait des formes généreuses.

Esteban comprit alors sa méprise. Voilà pourquoi Mebaadia n’avait pas cherché à se moquer de l’affection qu’il portait à la magicienne. Ces sentiments ne venaient pas de l’avatar, mais du dieu ! Mebaadia aimait Lise ? Le dieu de la souffrance, de la destruction et de la mort, capable d’amour ? Esteban n’en revenait pas. Voilà pourquoi il se montrait aussi gentil.

Esteban sentit une bouffée de jalousie l’envahir. Cette femme serait toujours sa préférée. Pendant que lui souffrirait, elle recevrait ses délicates attentions. Il ne la prendrait pas pour avatar, alors même qu’elle le surpassait. Esteban la haït. Elle représentait tout ce qu’il n’aurait jamais.

Il ravala sa rage. Après tout, grâce à cette dinde terrifiée en mal de sociabilité, il venait de gagner un peu de liberté et pour la première depuis sa rencontre avec Mebaadia, la possibilité d’échanger librement avec un être humain. Elle voulait de la compagnie ? Il allait se faire apprécier, juste pour qu’elle en redemande, lui offrant les vacances tant désirées.

- S’lut, Lise. J’suis Esteban, dit-il en se forçant à sourire un peu.

Il lut dans son regard qu’elle appréciait ce qu’elle voyait. Parfait.

- J’suis l’avatar d’Mebaadia, poursuivit-il.

- Je ne comprends pas, admit Lise.

Il constata qu’elle restait figée. Elle était peut-être sa chouchoute mais jusqu’à quel point ? Il avait prouvé être capable de la fouetter, de répandre son sang puis de lui enfoncer un cylindre électrique dans son chemin de vie avant de l’activer. Esteban n’avait pas du tout envie de refaire ça. C’est pourquoi il la prévint :

- Mange. Sinon, il t’punira.

Il n’avait aucune envie de devenir son ami mais se força, conscient que sa liberté était à ce prix. Les froncements de sourcils de Lise indiqua à Esteban les réflexions de la magicienne.

- Pas b’soin d’lire tes pensées pour l’entendre, çui-là. Non, Lise, j’parle pas de moi à la troisième personne et lui non plus.

Elle grimaça. Son incompréhension était totale. Elle porta une fourchette à sa bouche, mâcha puis avala en souriant.

- Blanquette de veau, annonça-t-il. Très apprécié chez moi.

La magicienne ne répondit rien. Il se souvint qu’elle n’était guère loquace. Il avait besoin de rester près d’elle. Il comptait bien faire en sorte de se rendre indispensable. Il allait aider le dieu de la souffrance, de la destruction et de la mort afin qu’il lui accorde d’autres moments de liberté.

- Écoute, Lise, j’suis pas l’prophète du dieu d’la mort.

- Comment ça ? Vous m’avez vous-même confirmé chercher à convertir assez de gens pour obtenir la supériorité. Les survivants de Brise-fer étaient des adeptes du dieu de la mort.

- Tu peux m’tutoyer, annonça-t-il, et j’t’ai rien confirmé du tout. Il t’a confirmé chercher à recruter des adeptes.

- De qui parlez-vous ?

- D’Mebaadia, le dieu d’la souffrance, d’la destruction et d’la mort.

Esteban constata avec bonheur qu’elle mangeait. Par sa présence, il arrivait à la faire se nourrir. Mebaadia serait ravi.

- Vous pensez être un dieu ? demanda Lise qui cette fois, fut certaine que son interlocuteur était vraiment fou.

- J’suis pas un dieu, Lise. J’suis son avatar.

- C’est quoi, un avatar ?

Il fit un bruit de bouche agacé.

- C’est plus facile chez moi. Tout l’monde sait c’qu’est un avatar.

- Je n’ai jamais entendu ce terme.

- C’est parce qu’il est prononcé dans ma langue puisqu’existant pas dans la tienne. Un avatar est une enveloppe permettant d’contenir aut’chose. Dans mon cas, j’suis un être humain, un magicien, et j’contiens l’essence d’un dieu.

- Vous contenez l’essence d’un dieu, répéta Lise.

- Tu peux m’tutoyer, répéta-t-il. Et là, tout d’suite, non, puisqu’il est parti afin d’nous permettre d’nous parler. Il a senti que t’avais besoin de compagnie mais qu’la sienne t’déplaisait. Il est allé créer des routines.

- Des routines ? répéta Lise, perdue.

- C’est d’la magie, dit Esteban. Il y a des tonnes d’ouvrages sur l’sujet dans la bibliothèque.

- L’Aar’myth m’a dit que vous serviez un dieu, se rappela Lise.

- Hé bien oui, j’suis l’avatar du dieu d’la souffrance, d’la destruction et de l’mort. J’le sers. Contre mon gré, mais d’fait, j’suis bien à son service. J’suis autant son esclave que toi.

- Je ne suis pas son esclave ! gronda Lise.

- Tu d’vrais vraiment changer d’attitude. Y s’montre patient mais ça durera pas.

Esteban ne l’avait jamais vu aussi gentil avec un non croyant. Mebaadia avait beau l’aimer, cela suffirait-il à lui faire accepter les oppositions systématiques de la jeune femme ? Esteban n’avait vraiment pas envie de la torturer davantage. Non pas qu’elle lui fut attachée. Il n’aimait juste pas faire du mal.

Elle ne semblait pas être très réceptive alors Esteban décida d’en rajouter une couche.

- C’est l’dieu d’la souffrance. Il adore torturer les gens, chuchota-t-il. Il se saisira d’la moindre opportunité. Il m’étonne par sa sobriété, en fait. J’l’ai connu plus cruel.

Esteban n’eut pas le temps de tenter de déchiffrer l’expression ahurie de Lise. Mebaadia venait de reprendre le contrôle de son corps sans prévenir. Esteban n’avait pas eu le temps de se préparer mentalement. La souffrance explosa.

Salopard ! pensa-t-il.

- Oh pardonne-moi, mon trésor. Je pensais que tu avais compris, dit Mebaadia en ignorant son avatar en souffrance.

Compris quoi ? grogna Esteban.

- Je pensais que tu t’opposais, pas que tu étais dans le déni.

Le déni de quoi ? s’énerva Esteban avant de laisser tomber. Quand Mebaadia s’occupait de Lise, son avatar cessait d’exister. Il observa son hôte mener Lise par les hanches jusque dans le jardin.

- Normalement, je ne montre ça à aucun être humain, parce que la vision peut rendre fou. Lise, je suis le dieu de la destruction, de la souffrance et de la mort. Je vais te montrer ce que la plupart des humains appellent l’enfer.

Que ? Quoi ? Hé non ! Je ne veux pas voir ça !

Esteban n’eut aucun choix. Il dut supporter la vision d’horreur, la sensation de vide absolu, de solitude, de néant éternel. Il haït cette dinde de le forcer à voir ça. Maintenant, il avait envie de la torturer.

- Maintenant, le paradis, murmura Mebaadia.

Je ne veux pas voir ça non plus. Pitié, ne me…

Esteban ressentit le bonheur, la sérénité, le bien-être. Il n’avait jamais connu une telle perfection. Lorsque le jardin reparut, Esteban sut être fou. Il voulait mourir pour y retourner au plus vite. Mebaadia ne le laisserait jamais se suicider. Esteban ne voulait plus que se mettre en position fœtale dans un coin et sangloter.

Lise finit par comprendre la terrible vérité. Sa réaction fut de vomir. Esteban en fut dégoûté. Après tout le mal qu’il s’était donné pour qu’elle mange un peu ! Il la laissa seule. Elle put pleurer, gémir, exprimer tout son mal-être. Esteban n’en eut pas l’occasion. Mebaadia partit gagner de nouveaux sujets.

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Honey41
Posté le 07/10/2023
je trouve Esteban particulièrement égoïste dans ce chapitre, juste parce qu'il est jaloux et pas amoureux de Lise, il se permet de la juger. comme il l'a dit à Lise, ils sont esclaves du Dieu tous les deux, il pourrait aider Lise au lieu de vouloir la torturer et de la haïr.
Nathalie
Posté le 07/10/2023
Que ferait-on dans pareille situation ? Je me demande si je ferais mieux...
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