Ils étaient arrivés tôt le matin sur un site, fouillant pierre après pierre, cherchant dans tous les recoins, un signe quelconque d'une porte, d'une indication, d'un indice. Se répartissant les zones pour explorer au mieux, Davvy avait écopé, comme à son habitude des parties intérieures, trop basses pour que les anges puissent s'y déplacer sans être gêner par leurs ailes. Et ce malgré l'avis de Raphaël : « Comment veux-tu que la Porte soit à l'intérieur, aucun ange ne pourrait rentrer dedans. Elle ne peut donc y être, c'est absurde de perdre son temps pour cela. » Gabrielle n'en démordait pas moins, il valait mieux prendre des précautions. Cela serait dommage de devoir revenir.
Davvy était donc séparé des autres, recherchant des indices parmi les inscriptions sur les pierres, quand une femme le dérangea :
« C'est vous le garçon qui êtes avec les anges ? la dame était ébahie, incrédule à cette rencontre.
- Oui, c'est moi.
- Chérie viens voir ici !! cria-t-elle alors en direction d'une jeune femme tout au bout du couloir. On nous a justement vendu des photos de vous en train de visiter ce temple l'année dernière. Ma fille va vous les montrer. Il faut dire que ça vaut vraiment le coup d'y revenir plusieurs fois n'est-ce pas ?
- Non... c'est la première fois que nous venons ici. Nous parcourons le monde, mais n'avons pas encore tout vu. Son ton était catégorique, un peu ferme, mais Davvy était certain de n'être jamais venu ici.
- Bien sûr que si, vous êtes venus, ils en avaient même parlé aux infos. Chérie veux-tu bien lui montrer les photos. »
La jeune femme, de trois de trois ou quatre ans l’aînée de Davvy, s'approcha et lui montra des photos de lui et des cinq anges, sur ce même temple. Le ciel, les nuages, la lumière étaient différents, il s'agissait sans nul doute d'un autre jour. Essayant de comprendre cette énigme Davvy, ne s’aperçut pas que la jeune fille le dévisageait depuis quelques temps déjà.
« Davvy, c'est toi ?! »
Comment pouvait-elle connaître son nom. La forme des yeux, la façon de sourire, de regarder sans ciller, rappelait quelqu'un à Davvy. Mais il ne voyait pas quelle fille plus âgée il ait pu connaître.
« Alors, c'est bien toi qui es avec les anges ! J'en étais sur quand j'ai vu les photos qu'ils vendaient. J’y crois pas. »
D'ailleurs ce n'était pas une ange, qui d'autre aurait-il pu connaître ?! Davvy essaya de réciter les noms de tous les gens qu’il connaissait : El, Mickaël, Raphaël, Gabrielle – ce n'était définitivement pas elle qu'il avait en face – Ratziel. Les noms tournaient en boucle, sans résoudre le problème. Qui donc était cette fille ?
« J'en ai acheté quelques-unes. Tu es bien sur celle-ci. C'est d'ailleurs marrant que tu n'aies pas changé depuis toutes ces années. »
Sa tête tournait dans tous les sens, sans véritablement comprendre ce que la jeune fille voulait lui dire.
« T'es tout pâle tout d'un coup, tu te sens mal ? Tu ne dis plus rien, tu te rappelles de moi quand même ? Je suis Lise, j'étais en classe avec toi. ». Davvy vit à peine la moue que faisait Lise avant de sombrer, inconscient.
* * * * * * *
Davvy repris connaissance en plein milieu d'un ciel bleu. Des ailes foutaient l'air, en un rythme clame de celui qui veut ménager ses forces pour aller loin. Il reconnut les quatre Archanges qui portaient le drap blanc dans lequel il était allongé. Plus haut, tournant en rond, El ne le quittait pas des yeux. Un vent fort et continu les poussait vers leur destination. Le voyage serait long. A l'aller il leurs avait fallu près d'une journée.
Il submergea de l'inconscience une nouvelle fois quand on le déposa dans son lit. Il sentit juste les cinq silhouettes qui l'observaient, attendant un geste, un signe, une parole, qui pourraient leur permettre de comprendre. Des bras replièrent les draps sur lui. Et tandis que leur blancheur l'entourait de toute part, il sombra de nouveau dans ce rêve incompréhensible.
Des hommes et des femmes l'appelaient « Davvy ! Davvy ! », « Oh ! Davvy c'est toi ?! ». Il ne voyait pas les visages. Parfois il percevait des regards de peine, ou d'amour. Ils attendaient tous une parole de sa part, un signe, un geste. Ils lui demandaient sans cesse de le faire, lui en intimant l'ordre. Mais à peine le mot avait-il franchi leurs lèvres, que Davvy l'oubliait déjà. Et la même séquence recommençait sans fin ni logique, mais surtout sans commencement.
* * * * * * *
« Tu rêves de ce que tu as déjà rêvé. Une impression de déjà vu, ça m'arrive tout le temps. Je suis dans un rêve, et j'ai l'impression d'en connaître la fin, et tous les détours, car je pense avoir déjà fait le même rêve auparavant. Bien sûr, tout se passe comme mon impression me le dit. Chaque rebondissement, chaque sentiment intervient au bon moment, au bon endroit. Mais en réalité je n'ai jamais encore fait ce rêve. C'est juste une impression, en faux semblant.
- Mais, Gabrielle, ce n’est pas qu'une impression. Mais je ne comprends pas. J'ai même l'impression de t'en avoir déjà parlé.
- Tu penses beaucoup trop à tes songes. Ce ne sont que des rêves qui n'ont pas de réalité. Qu'importe les gens qui connaissent ton nom. N'est-ce pas nous, et la recherche de la Porte qui donnons un vrai sens à cette vie. Oublie, oublie donc ces problèmes. »
Là-dessus d'un geste souple de sa part, elle envoya valdinguer Davvy par-dessus la balustrade, le laissant dégringoler dans le vide, entre les bâtiments de la cité. Et tandis que Gabrielle partait dans un fou rire sonore en le rattrapant, Davvy mit ses peurs et angoisses de côté. Finalement qu'importait ses questions, il était là présent, vivant parmi les anges. Et déjà Gabrielle le rattrapait.
« "Vous, les anges, ne vous lassez jamais de faire la même blague! »
La réponse lui vint, entre deux bourrasques de vent : « Les meilleures ne sont-elles pas les plus simples ? »
Malgré ses frayeurs nocturnes, Davvy continuait, avec les cinq anges à explorer le monde, en quête d'une porte, d'un indice qui les aiguilleraient dans la bonne voie. Les jours passaient, et se ressemblaient, la cité se déplaçait vers le nord, pour profiter de la fraîcheur du printemps naissant.
* * * * * * *
Ses rêves l’obsédaient, toujours la même impression de fils qui le retenait à terre, tandis qu'il essayait de s'envoler. Plongé dans un long tunnel noir, des dizaines de bras surgissaient et pointaient leurs doigts vers lui, accusateurs, tandis qu'une rumeur clamait : " C'est lui, Davvy. Il était là-bas ! " Puis la vision changeait un soleil immense l'aveuglait. Des costumes, d'un blanc immaculé, parlaient de lui, sans tenir compte du fait qu'il se trouvait à côté. "Ce n'est pas ange, aucune inquiétude, il ne s'envolera pas."
Il se retrouvait alors dans une cour bétonnée, entourée de bâtiments changeant sans cesse de formes. Il savait qu'il aurait dû les reconnaître, se sentir à l'aise, chez lui. Mais rien n'y faisait, l'angoisse prenait le dessus. Et à nouveau la rumeur tonnait : " Tu avais promis ! On était amis ! Comment as-tu osé ! A la vie à la mort ! Tu ne t'en rappelles même plus ! " A ce moment des mains l'attrapaient dans tous les sens lui donnant le tournis, le vertige. Le sombrant finalement dans l'inconscience, avant que même ce rêve ne recommence une énième fois.
* * * * * * *
Un jour, alors que Davvy et El étaient étendus profitant du soleil matinal qui les réchauffait, le jeune homme s'ouvrit à l'ange à propos des cauchemars qui le hantaient.
« En tu déjà parlé avec un des autres archanges ? Le questionna El, après l'avoir longuement écouté.
- Non, pas encore. »
Le ciel se couvrait. Un vent frais remplaçait la tiédeur du soleil. Après avoir approuvé silencieusement, El repris :
« Ce que tu vois ne sont que des cauchemars. Ils viennent sûrement de ton inquiétude à rechercher la porte. Il te faut te concentrer, les oublier, ne garder à l'esprit que l'important : la porte.
- Pourtant tous ces gens, dans mes cauchemars, ils me connaissent, m'appellent part mon nom, ou encore " fiston " et " frérot ". Je croyais n'avoir jamais eu de famille, n'est-ce pas ? »
Des nuages s’étendaient déjà sur une moitié de la ville, tandis que dans l'autre le vent frais venait geler les fontaines.
« Bien sûr que non, tu n'as pas plus de famille que nous. Quand nous sommes arrivés, tu es apparu pour nous guider. Voilà tout ce qu'il y à savoir. Le reste oublie-le ! »
Autour de la cité, les vents se surenchérissaient les uns les autres, la brise poursuivant l'ouragan, les tempêtes se heurtant aux bourrasques, les rugissants chassant les alizés.
* * * * * * *
Ils étaient arrivés à Paris début de matinée, profitant des vents d'ouest. A peine arrivé, Davvy s'était senti mal, la nausée, un mal de tête incessant. Pendant des heures ils avaient visité Paris dans tous ses recoins. Slalomant entre les bâtiments de faible étage, et les quelques grandes tours parsemant la ville. Son crâne empirait à chaque détour de rue, Davvy dû se résoudre à demander à partir, retourner à la Cité Volante.
« Non, Davvy, nous n'avons pas fini, l'interrompit El avant même la fin de sa phrase. Nous n'avons qu'à nous poser là, pendant de Mickaël et Raphaël iront te chercher de l'eau. »
El et Gabrielle posèrent Davvy, à l'ombre d'un des passages typiquement parisiens, avec leurs vieux pavés. Tout juste installé, plusieurs personnes s'attroupaient déjà, autour du groupe. A travers la brume de son mal de tête, du brouillard qui lui enivrait les sens, Davvy distinguait à peine Gabrielle et Ratziel qui s'étaient éloignés pour faire reculer les humains.
Ils étaient de plus en plus nombreux à se rassembler autour d'eux, attendant un geste, un signe de la part de ces êtres mystérieux, et bénis. Davvy voyait la scène dans un brouillard, les personnes lui apparaissaient floues, sans parvenir à accrocher un regard, un geste. La foule était venue admirer les anges, Davvy pût être tenu isolé sans difficulté.
Au milieu de ces silhouettes difformes, il devina trois humains se dégager des anges, se faufiler derrière, et venir près de lui. Quand ils se furent assez approchés, Davvy pût les dévisager. Deux garçons et une fille, ils devaient avoir près de dix-sept ans.
« Tu vois Yann, je t'avais dit qu'il s'agissait de Davvy. »
Quelque part dans sa mémoire, parmi des souvenirs enfouis au plus lointain, il réussit à identifier la voix, dans un murmure il prononça le seul mot qui lui revenait : « Lise »
A peine Davvy avait-il fini son mot, que le ciel de mît à changer brusquement. Les nuages noirs répercutèrent et le cri poussé par El " NOOOOONNNNNN". Tandis que des tornades prenaient naissances en plein milieu de la ville, les éclairs fusaient de toutes parts.
C'est sous ce déluge, que les anges ramenèrent Davvy à la Cité, trempé jusqu'aux os, tremblant, plus de panique que de froid.
* * * * * * *
La réalité lui arrivait par bride, entrecoupée de rêves, de songes et de cauchemars. Ses cinq compagnons se relayaient à son chevet nuits et jours. Le temps changeait immanquablement à chaque heure de la journée : de la tempête au calme le plus plat.
Parfois Davvy parvenait à saisir le sens d'un mot, d'une phrase. Les quatre archanges y exprimaient leurs inquiétudes et incompréhension : « El ! Ne devrait-il pas s'être remis depuis le temps ? » ; « Sais-tu pourquoi il n’a plus d'ailes. » Les réponses du seigneur des vents étaient pour le moins évasives : « Il a voulu se souvenir, alors qu'il a choisi d'oublier pour rester un ange. »
Oublier, se souvenir. Se souvenir, oublier. Oublier, se souvenir. Ces mots tournaient dans la tête de Davvy sans fin, ni début. Les réponses étaient données avant les questions. Les sons prononcés avant les mots.
Parfois il se réveillait, et à moitié conscient, il tentait alors de comprendre ce qu'il lui arrivait, remettant ses idées en ordre. Mais pas n'importe quel ordre, il tentait d'y mettre l'ordre du temps, Qu'est ce qui s'était passé avant, après ? Quelles étaient les conséquences et les causes ? Quels étaient ces visages qu'il connaissait mais avait oubliés ? Parfois il s'en ouvrait aux anges :
« Savez-vous qui ils étaient ? Je devrais les connaître pourtant, j'en suis persuadé. » « Je sais que j'ai une famille, comme tout le monde. » « Erwan, c'est bien mon petit frère, n'est-ce pas ?"
La plupart du temps seul le silence lui répondait. Quand El était présent à son chevet, d'une voix impérieuse, il lui répondait invariablement : « OUBLIE ! Le passé n'existe pas, oublie-le ! Seuls comptent nous et le présent. » Alors les mêmes rêves incompréhensibles recommençaient, encore et encore, toujours pareils, indissociables les uns des autres.
L'histoire est très intéressante, après j'espère encore d'autres enjeux que la découverte de son passé et la recherche de la porte. J'imagine que ça va arriver (=
Quelques fautes:
"Davvy continuaient, avec les cinq anges à explorer le monde, en quête d'une porte, d'un indice" -> continuait
"Le questionnât El, après l'avoir longuement écouté." -> le questionna
Même si dans les chapitres qui suivent le rythme va commencer à changer. pour avoir plus d'actions que les 2 derniers que tu as lu.
En tout cas merci pour tes commentaires, je retravaillerais très certainement des points (notamment sur les portes pour leur donner plus de sens)
Oh attends... ce passage :
"« El ! Ne devrait-il pas s'être remis depuis le temps ? » ; « Sais-tu pourquoi il n’a plus d'ailes. » Les réponses du seigneur des vents étaient pour le moins évasives : « Il a voulu se souvenir, alors qu'il a choisi d'oublier pour rester un ange. »"
Est-ce que ça signifierait que Davvy soit un angle lui-même mais qu'il a abandonné ses ailes pour vire sur Terre, et que dés lors il a perdu tous ses souvenirs ?
Que de questions, que de questions !!
J'apprécie que tu me donnes tes réflexions, les questions que les chapitres te posent au fur et à mesure. Cela me permet de voir si le cheminement que j'ai en tête pour le lecteur marche bien.
(et les petits trucs auxquels je n'ai pas forcément fait attention, et qu'il faudra que je revois.)
Mais cela dit, oui, ce chapitre est celui des questions, ou toutes les idées sont jetées - que tu as très bien relevées. Mais les réponses se feront, je crois, un peu longue, un peu éparpillés, entrecoupé de dénouement et de l'action.