Les flammes se mouraient lentement et il ne restait plus qu’un halo rougeoyant dans le foyer. Jorick, les jambes repliées contre sa poitrine, fixaient les cendres sans même les voir. La fatigue commençait à prendre le dessus. Autour de lui, les autres parlaient moins. Cléo avait sorti un livre de son sac et lisait à la lumière de sa lampe frontale, Ilana grignotait les derniers chamallows du sachet, Caleb faisait tourner le couteau autour de ses doigts, le regard perdu dans le vide, et Liam s’était isolé un peu plus loin, les bras croisés et immobile.
Et Lysandra n’était toujours pas revenue.
Jorick fronça les sourcils. Ce n’était pas la première fois qu’un des cousins s’éloignait un peu. Ils avaient tous eu besoin d’air, à tour de rôle, depuis qu’ils étaient arrivés dans cette fichue clairière. Mais une heure ? Une heure dans une forêt aussi dense, en pleine nuit ?
Cléo tourna une page, imperturbable. Ilana mâchait doucement, sans vraiment savourer. Personne ne semblait alarmé, sauf lui. Et c’était peut-être ça, le plus inquiétant. Il se redressa, se passa une main dans les cheveux.
— Elle est partie depuis combien de temps, Lys ? demanda-t-il à personne en particulier.
Cléo leva les yeux de son livre.
— Trente minutes ? Une heure ? Je sais pas trop.
— C’est long, non ?
Personne ne répondit tout de suite. Puis Caleb haussa les épaules.
— Elle a peut-être juste eu envie d’être seule.
— Ou elle est tombée dans un trou et elle se vide de son sang, grogna Liam sans bouger.
Ilana fit une grimace.
— Charmant.
Une inquiétude sourde commença à étreindre Jorick, il avait peur que quelque chose de grave soit arrivé à Lys. En tant qu’aîné du groupe, c’était son rôle de veiller sur eux.
— Bon. On va quand même vérifier.
— Tu veux qu’on parte à sa recherche ? Maintenant ? Dans le noir ? s’exclama Ilana.
— T’as peur des sangliers démoniaques ? répliqua Cléo, mais son sourire était forcé.
— Non. Juste… c’est la forêt. On ne connaît pas. On n’a pas de lampe pour tout le monde. Si elle revient pendant qu’on est tous dispersés, c’est pire.
Jorick resta debout. Il ne se considérait pas comme courageux. Il n’aimait pas prendre les décisions. Mais là, rester assis lui donnait la nausée.
— Je vais faire un tour rapide. Juste jusqu’au bord de la clairière. Si je vois rien, je reviens. Vous restez ici.
Caleb rangea son couteau.
— J’viens avec toi.
Jorick approuva d’un hochement de tête. Il jeta un œil à Liam, toujours figé dans sa bulle, le regard planté dans l’obscurité. Il hésita à dire quelque chose, puis renonça.
— Ok, on fait vite, murmura-t-il à Caleb. Tu prends par-là, je prends de l’autre côté.
Ils se séparèrent sans bruit. Le silence était plus pesant, ici. Il entendait chaque pas, chaque feuille froissée sous ses semelles. La lampe de poche de son téléphone n’éclairait qu’un cône étroit, tremblant. Les ombres semblaient se resserrer sur lui.
Il appela doucement :
— Lys…?
Rien.
Son cœur battait trop fort. Il s’arrêta une seconde, pris d’un vertige. C’était absurde. Peut-être qu’elle avait juste eu besoin de réfléchir. Ou qu’elle avait trouvé un joli coin, et s’était perdue dans ses pensées.
Mais au fond de lui, Jorick savait. Il y avait eu ce regard plus tôt dans la soirée. Ce genre d’étincelle dans les yeux de Lysandra, quand elle ressentait quelque chose d’important. Et elle avait dit qu’il y avait « quelque chose de différent ». Il n’avait pas écouté, trop occupé à se disputer gentiment avec Cléo ou à rire aux bêtises d’Ilana.
Mais elle, elle avait vu. Et maintenant, elle n’était plus là.
Jorick se remit en marche, plus vite. Il ne savait pas ce qu’il cherchait. Des empreintes dans la mousse ? Un bruit ? Mais à chaque pas, son instinct se réveillait un peu plus. Il ne savait pas ce qu’il ressentait. Un appel ? Une intuition ? Ou juste la peur ?
Il ferma les yeux un instant le temps de retrouver son calme. Je ne la trouverai jamais tout seul. Ce constat posé, il fit demi-tour à la recherche de Caleb. Il revint sur ses pas à contrecœur, frustré, tendu, les nerfs à vif. Il n’aimait pas l’idée d’abandonner. Mais seul, il ne ferait rien de plus que tourner en rond. Il retrouva Caleb là où il l’avait laissé.
— Tu as trouvé quelque chose ? lui demanda son petit frère.
— Non rien du tout, répondit Jorick. Je pense que nous devrions chercher les autres et partir à la recherche de Lys tous ensemble. La forêt est quand même assez dense, plusieurs paires d’yeux ne seront pas de trop.
Caleb acquiesça et il retournèrent au camp. Les visages se levèrent à leur approche, pleins d’attente. Jorick sentit l’espoir s’effondrer dans leurs yeux quand il secoua la tête.
— On fait quoi du coup ? demanda Cléo.
— Avec Caleb, on pense qu’il vaudrait mieux qu’on la cherche tous ensemble. On ne voit quasiment rien dans la forêt donc on loupera moins de choses si on est cinq.
Cléo se leva instantanément et commença à ranger ses affaires, prête à suivre comme toujours. Etonnamment, Liam était déjà prêt à partir. Ilana, quant à elle, se montra un peu plus réticente.
— Si on a vraiment pas le choix..., soupira-t-elle en attrapant sa lampe.
Cléo referma son livre d’un geste sec.
— Bon, alors on s’organise ou on part comme des touristes ?
— On part pas à l’aventure, fit remarquer Caleb. On cherche Lys, pas un trésor.
— C’est pas incompatible, marmonna Liam, déjà en train de s’éloigner.
Jorick inspira profondément. Il savait qu’il devait garder le cap, même s’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils allaient trouver. Et si on ne la retrouve pas ? Il chassa cette pensée de son esprit et se força à prendre un ton calme mais ferme.
— On reste groupés. On fait un demi-cercle autour de la clairière, pas plus loin. On regarde le sol, les arbres. Si vous voyez une trace, vous criez.
— Et si on tombe sur un sanglier démoniaque ? insista Ilana.
— Tu cries aussi, sourit Caleb.
Ils s’enfoncèrent dans la forêt, les lampes projetant des cercles tremblants sur les troncs et les ronces. Le silence les enveloppa aussitôt. On n’entendait plus le feu derrière eux. Juste le frottement de leurs pas, les branches qui craquent, et parfois un oiseau nocturne qui s’envole, invisible.
Jorick sentait la tension dans chacun de leurs gestes. Il surveillait Cléo du coin de l’œil, elle avançait vite, trop vite, et tendait l’oreille au moindre son étrange.
— Lys ! appela-t-il, doucement. Lysandra, tu m’entends ?
Rien. Rien que le silence et la respiration de Caleb derrière lui.
Il s’arrêta un instant, fronça les sourcils. Là, sur la mousse, quelque chose...
— Attends, murmura-t-il.
Il se pencha. Une empreinte. Floue, légère, presque effacée par l’humidité. Mais c’était bien un pied, et ce n’était pas le leur.
— Par ici, souffla-t-il.
Les autres le rejoignirent, un à un. Cléo s’accroupit à côté de lui, plissa les yeux.
— C’est elle, tu crois ?
— Je suis sûr de rien, mais... regardez là, les brins d’herbe sont écrasés.
— Y’a peut-être un chemin, dit Caleb. Elle a pu le suivre sans s’en rendre compte.
Ils échangèrent un regard.
— On continue, dit Jorick. Et restez bien derrière. Si elle a suivi ce sentier, c’est qu’il mène quelque part.
Et ce quelque part, il le sentait, approchait à grands pas.
Désolé, entre continuer d'écrire et finir certaines histoires j'ai pas eu le temps repasser. Mais les vacances ont commencé alors je suis de retour ahaa
Encore une fois j'aime beaucoup les scènes que tu mets en place. Chacun a bien sa personnalité et on se perd pas.
Ilana aurait vraiment laissé Lysandra toute seule ahaaa bon après est-ce que je serais parti en forêt la nuit, je pense pas :')
Je crois qu'il reste encore un point de vue à voir :)
J'ai rien à dire sur la forme ou autres, fluide et bien écrit.
A voir où le chemin va les mener ^^
A plus !
Je suis contente que tu trouves que chacun a sa voix, c'était un peu crainte de ne pas arriver à bien marquer leurs personnalités. En tout cas merci pour ton gentil commentaire :)