Il se mit en mouvement avec le reste de la foule après la cérémonie, tentant de se frayer un chemin dans ce désordre. Il bouscula d’un coup d’épaule bien senti plusieurs traînards. Il regardait fixement devant lui, il n’avait pas de temps à perdre. Son rendez-vous l’attendait probablement déjà. Il emprunta une première artère qui traversait la ville du nord au sud, puis il tourna dans une rue plus petite, puis encore une autre, pour finir dans une ruelle moins lumineuse, plus humide et plus puante que les autres. Il prit garde de ne pas marcher sur un mendiant, enjamba un tas d’excréments qu’on avait poussé là, évita une flaque à la consistance douteuse et pénétra dans une auberge décrépie.
À l’intérieur, des gens que la bonne société avait oubliés. Des pauvres, des malades, des infirmes, et surtout, des malfrats qui ne se donnaient même pas la peine de paraître innocents dans ce lieu qui semblait être fait pour eux. Quand il ferma la porte, tous les regards se tournèrent aussitôt vers lui. Les têtes hochèrent en guise de respect, puis elles retournèrent au-dessus de leurs bières amères. Il fit un signe à l’aubergiste qui lui indiqua la porte à côté du comptoir. Il entra dans le long couloir qui descendait vers la cave où étaient entreposées les réserves de l’établissement. Il poussa un des tonneaux, et pénétra dans une pièce cachée, voûtée, au sol terreux et humide. Il aimait cet endroit pour ce qu’il sentait, il avait toujours adoré l’odeur des caves, de la pierre humide, de la terre fraîche. Il prit une grande inspiration comme il le faisait à chaque fois, pour s’en imprégner. Il avait l’impression que cela lui clarifiait les idées, que cette odeur d’entrailles minérales lui purifiait l’esprit. Il traversa la pièce et s’installa à la table esseulée.
- Tu peux t’asseoir, dit-il à son visiteur.
- Merci.
- Alors ?
- Comme tu as pu le voir, il manquait deux Mystiques. L’Ombre et le Feu. D’après mes sources, Fenrir s’est isolé depuis longtemps, la princesse ne semblait pas surprise par leur absence. En revanche, c’est plus surprenant de la part de Muspell, bien qu’apparemment ils agissent de manière étrange depuis quelque temps.
- Étrange ?
- Ils se comportent à la manière de Fenrir. Ils n’acceptent plus de visiteurs à l’intérieur de leur ville, on ne pourrait même plus s’en approcher.
- Et les Mystiques présentes ? Qu’est-ce que cela donne ?
- Des femmes, toutes plutôt jeunes et probablement inexpérimentées.
- C’est tout ?
- C’est bien assez.
Il esquissa une grimace contrariée. Il aurait aimé en apprendre plus.
- Je te remercie. Je te fais confiance pour que toi et tes sources laissiez traîner vos oreilles partout. Tu sais ce que tu me dois.
- Je n’oublie pas.
Son visiteur tourna les talons et le laissa seul avec ses réflexions. Il baissa enfin sa capuche. Lui qui avait pourtant vécu déjà plusieurs vies et avait pu observer l’humain dans toute son ampleur, il restait surpris de ce que la rancœur pouvait nous conduire à élaborer.
Il avait obtenu peu d’informations, mais celle concernant Muspell l’intéressait particulièrement. Il avait souvent échangé avec cette cité et ses habitants qu’il appréciait, ce revirement de comportement était suspect. Il avait de l’intuition pour ça. Ce repli ne pouvait signifier que deux choses : soit ils préparaient une guerre, soit ils cachaient quelque chose d’inacceptable pour le reste du royaume. Dans les deux cas, cela pourrait mettre à mal ses affaires. Il suffirait d’une guerre pour remettre en question sa position dominante, et il s’était donné bien trop de mal pour que cela arrive. Il allait devoir enquêter. Il était certainement l’inconnu le plus célèbre du royaume, et il veillait à conserver ce statut d’anonyme pour pouvoir circuler librement. Il aurait tout le temps d’élaborer un plan pour pénétrer dans Muspell durant le voyage. Lui découvrirait ce que cachait la cité du volcan.
Il attendit quelques heures que la vie reprenne son cours normal, que les patrouilles soient moins nombreuses avant de remettre sa capuche et sortir de l’auberge. Il se dirigea vers le nord, dans l’obscurité des rues toutes aussi sales et lugubres les unes que les autres. Il regarda sa montre à double cadran, à défaut de voir le ciel. La nuit était déjà installée depuis fort longtemps. Les aiguilles d’un des cadrans tressautèrent.
Il s’arrêta net, puis se cacha tant bien que mal dans un recoin. Les aiguilles s’affolèrent alors, se mirent à tourner frénétiquement, pour s’arrêter d’un coup, une heure plus tôt. Il resta immobile, en attendant que le temps arrête ses caprices.
Il ne perdait jamais son sang-froid.
Il était rarement surpris.
Et pourtant, lorsqu’il entendit ce cri déchirant dans la nuit, il eut bien du mal à résister à l’envie de courir éperdument vers lui.
Je vais donc continuer pour avoir mes réponses :)
Quelques coquilles :
"Il entra dans le long couloir qui descendait vers la cave où étaient entreposÉES les réserves de l’établissement. Il poussa un des tonneaux, et pénétra dans une pièce cachée, voûtée, au sol terreux et humide. Il aimait cet endroit pour ce qu’IL sentait,"
Et c'est un peu rapide entre le personnage qui s'assied et quand il dit à quelqu'un arrivé de nulle part de s'installer.
À bientôt ^^
J'ai corrigé les coquilles sur le texte original, heureusement qu'il y a des gens vigilants ^^"
Oui en effet pour le personnage, ce n'est peut-être pas très clair qu'il l'attend déjà, mais qu'il reste debout tant qu'il n'a pas la permission. Je vais développer un peu, merci!
A bientôt!