Judith ne fut pas fâchée de rentrer enfin au calme.
- Comment peut-on supporter de vivre dans une telle fourmilière ? demanda-t-elle à Ostara pour entamer la discussion.
- Je ne sais pas, répondit-elle succinctement.
- Tout va bien ?
- Oui, merci.
La jeune femme resta perplexe. Elle trouvait Ostara pâle, l’air contrarié.
- C’était impressionnant, n’est-ce pas ?
- Oui, souffla Ostara en souriant poliment.
Judith n’insista pas. Tout comme elle, la fille de Midgard ne devait certainement pas être accoutumée à autant d’agitation, ni à être le centre de l’attention. La Mystique du Vent était plutôt calme et flegmatique, elle ne se laissait pas facilement impressionner, mais tout le monde ne réagissait pas ainsi. Elle en conclut qu’Ostara avait besoin de temps pour se remettre de ses émotions.
Le groupe descendit à la salle à manger dans laquelle étaient alignées plusieurs tables élégamment dressées, avec des couverts en argent étincelant, des nappes blanches immaculées, des compositions de fleurs blanches, des lys, des roses et des pivoines, rehaussées par quelques lavandes. Le parfum délicat mais persistant emplissait toute la pièce. Judith prit place à la table réservée aux Mystiques. Le repas fut fabuleux. Des salades, du gibier en sauce, du poisson, des fromages à foison… La jeune femme n’avait jamais partagé un tel festin.
Dans son village, on vivait simplement. Les gens de Njord étaient ruraux, gagnaient leur vie en faisant de la farine avec leurs nombreux moulins, tournant grâce aux vents qui battaient en permanence les falaises plongeant dans la mer grise. Ils pêchaient, fabriquant des bateaux, des filets et des voiles. Les maisons étaient en bois avec un toit de chaume. Assez coquettes d’aspect extérieur, leur confort restait rudimentaire. La seule extravagance était les galets gris qu’on l’on disposait en cercle tout autour. Ils protégeaient des esprits malins et ancraient la famille à la terre de cette contrée venteuse. Judith aimait son mode de vie, mais un petit impair comme cette journée ne lui déplaisait pas.
Ce ne fut qu’au moment du dessert qu’elle remarqua quelque chose.
- Adelle, pourquoi ne sommes-nous que cinq ?
Un silence se fit à table.
- Tu as raison, avec toute cette agitation, je n’ai même pas fait attention, répondit Elista.
- Qui manque-t-il ? demanda Ostara.
La princesse eut l’air embarrassé.
- L’Ombre et le Feu. Nous avons envoyé des invitations mais elles sont restées sans réponse.
- C’est étrange.
- Pas vraiment, objecta Myhrru. Nous ne savons même pas qui sont les Mystiques de ces cités.
- Myhrru ! protesta Adelle.
- Elles sont Mystiques, elles ont le droit de savoir ce qui se passe, rétorqua la chevaleresse.
- Il y a un problème ? s’inquiéta Elista.
- La situation est compliquée, concéda Adelle. Cela fait longtemps que Fenrir ne donne plus signe de vie, mais Muspell… C’est assez soudain et incompréhensible. Il n’y a eu aucun incident à notre connaissance, mais ils semblent pourtant s’être repliés sur eux-mêmes depuis plusieurs mois, à l’instar de Fenrir. Aucune lettre que nous avons envoyée n’a reçu de réponse, et nos messagers sont revenus bredouilles. Ils n’ont même pas pu arriver jusqu’à l’entrée de la ville, un poste de contrôle a été installé sur le chemin et ils ne laissent passer personne.
- Se pourrait-il qu’ils aient conclu une alliance avec Fenrir ? suggéra Judith.
- C’est une hypothèse. Mais ce serait surprenant. La cité de l’Ombre a clairement exprimé sa volonté d’indépendance par la voix de leur chef Kregan. Cela fait vingt ans que nous avons perdu le contact et qu’ils ne semblent jamais être descendus de leur montagne.
- Quoi qu’il en soit, des investigations sont en cours. Nous allons envoyer une délégation dans chaque région pour tenter d’y voir plus clair.
- Vous allez envoyer des hommes dans les montagnes de l’ouest ? s’étonna Judith. C’est risqué... Si des chasseurs de Fenrir les trouvent, je ne donne pas cher de leur peau. Et à l’inverse, ne craignez-vous pas l’incident diplomatique ?
- Pour être honnête, je partage ton avis, avoua Adelle. Mais je ne suis pas décisionnaire de ce genre de choses et ce que je pense importe peu.
- Je suppose que la ville de Svartal ne vous aidera pas ?
La princesse eut un sourire ironique.
- Nous n’avons même pas tenté un rapprochement.
Leur discussion fut interrompue par le roi qui les invita à une visite des jardins après ce repas si copieux. Judith en fut ravie. Elle était trop habituée aux grands espaces pour supporter de rester enfermée toute une journée. Le soleil commençait à baisser dans le ciel quand ils sortirent, inondant les arbres d’une aura chaude, colorant les bassins placides d’un nuancier rose orangé. Les Mystiques restèrent ensemble. Elles commentèrent la beauté des jardins, le calme qui y régnait. Adelle leur fit la visite, en ponctuant d’anecdotes personnelles sur sa famille et son enfance. Judith comprit, en observant les regards qu’elle avait échangé avec Myhrru, qu’elle ferait tout pour ne pas reparler des Mystiques manquants.
Quand Judith se glissa enfin dans un opulent lit de plume après cette journée éreintante, elle laissa le sommeil venir border les milles questions qui se bousculaient dans sa tête.
J'aime beaucoup ce chapitre. Les dialogues sont fluides et les descriptions jolies. Je suis comme Judith, pleine de questions.
J'attends les réponses aux chapitres suivants :)
A bientôt
A bientôt!
Très bon chapitre. Tu le disais, et ça se prouve encore ici, c'est bien plus fluide que les tous premiers chapitres.
Quand j'ai lu qu'une cité ne donnait plus de nouvelles, je me suis tout de suite dit qu'elle avait peut-être été rasée ou qu'il leur était arrivé quelque chose de grave.
Vraiment, j'aime beaucoup ton histoire. Ca se lit tout seul.
Le seul conseil que j'aurais à te donner concerne le paragraphe au début qui parle du village de ton perso.
Tu dis qu'il est simple et la suite m'a donné l'impression d'être une explication de ce qu'est un village simple (comme si tu avais besoin de te justifier).
Le lecteur comprend plein de choses tout seul, tu sais.
Je file lire la suite ^^
Audrey
Pour le village, je voulais simplement le décrire un peu, histoire de situer un minimum, mais peut-être que ce n'est pas le bon moment!