Le serveur apporta les plats, et l'odeur alléchante emplit l'air, mais Mathieu n'avait pas vraiment d'appétit. Il regarda son assiette sans vraiment la voir, son esprit tournant autour des questions qui le rongeaient. Il se tourna finalement vers Isabelle, son cœur battant la chamade.
- Où étais-tu hier soir ? demanda-t-il, sa voix trahissant une pointe d'inquiétude.
Isabelle, surprise par la question, leva les yeux vers lui.
- Oh... j'étais chez une amie, répondit-elle, feignant l'innocence. On a passé la soirée à discuter de tout et de rien. Ça me fait du bien de parler, tu sais.
Mathieu hocha la tête, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir que quelque chose n'allait pas.
- Tu sais que je m'inquiète pour toi, n'est-ce pas ? Je veux dire, je comprends que tu aies besoin de temps pour toi, mais... je veux juste être sûr que tout va bien. Tu aurais pu m’appeler.
Isabelle croisa les bras, une lueur de frustration dans ses yeux.
- Mathieu, je t'assure que tout va bien. Parfois, il est important d'avoir un espace pour soi. Ce n'est pas contre toi. Et puis, le temps est passé si vite.
Étienne, qui semblait avoir écouté la conversation, intervint avec un ton décontracté mais teinté de tension.
- C'est vrai, Mathieu. Parfois, on a juste besoin de respirer un peu. On ne peut pas toujours être collés les uns aux autres.
Mathieu, agacé, rétorqua :
- Ce n'est pas ce que je dis. Je ne veux pas être collant, mais j'aimerais juste savoir ce qui se passe dans ta vie, Isabelle. Je tiens à toi. Tu es ma femme, n’en n’ai-je pas le droit ?
Le silence s'installa un instant, pesant, alors que les mots de Mathieu flottaient dans l'air. Clara, consciente de la tension, tenta de relancer la conversation.
- Alors, Étienne, tu as des projets pour le week-end ?
- Eh bien, je pensais aller faire une randonnée, répondit-il, avec un sourire. Ça fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de me reconnecter avec la nature. Ça vous dirait de vous joindre à moi ?
Isabelle, visiblement soulagée par ce changement de sujet, acquiesça.
- Ça pourrait être sympa. J'adore les randonnées. Ça nous fera du bien de sortir un peu.
Mathieu, cependant, ne pouvait pas ignorer le sous-texte de la conversation.
- Et qu'en est-il de la dernière fois que nous avons fait une randonnée ensemble, Étienne ? J'ai l'impression que ça fait une éternité, dit-il, le ton légèrement acerbe.
Étienne, réalisant le sous-entendu, tenta de garder son calme.
- Oui, c'est vrai. Peut-être qu'on devrait tous y aller ensemble. Ça nous fera du bien de retrouver le groupe.
Mathieu, le cœur lourd, se força à sourire, mais son esprit était en émoi. Les rires et les conversations autour de lui semblaient lointains, comme s'il était sous l'eau, écoutant des voix étouffées. À chaque regard échangé entre Étienne et Isabelle, sa jalousie grandissait, et il se demanda s'il était encore le bienvenu dans la vie d'Isabelle.
La soirée continua, ponctuée de rires forcés et de conversations superficielles. Clara, consciente de la tension palpable, essayait d'alléger l'atmosphère avec des anecdotes amusantes, mais chaque mot semblait peser lourdement sur les épaules de Mathieu.
Finalement, après un repas qui sembla durer une éternité, chacun se leva pour rentrer chez soi. Mathieu et Isabelle marchèrent ensemble, le silence pesant entre eux, une distance invisible mais palpable qui les séparait.
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De retour chez eux, Mathieu se sentait épuisé. La tension de la soirée pesait lourdement sur ses épaules. Chaque moment partagé avec Isabelle au restaurant semblait avoir creusé un fossé entre eux. Alors qu'ils franchissaient le seuil de leur appartement, il pouvait presque entendre le silence s'installer, comme une ombre menaçante.
Il se tourna vers elle, cherchant à percer la carapace qu'elle semblait avoir mise en place.
- Isabelle, est-ce que tout va bien ? Tu sembles... différente, dit-il, son ton empreint de préoccupation.
Isabelle lui offrit un sourire qui ne parvint pas à cacher la lueur d'inquiétude dans ses yeux.
- Tout va bien, Mathieu. Je suis juste fatiguée, répondit-elle, mais sa voix était un peu trop douce, presque comme un chantonnement qui ne parvenait pas à masquer son trouble.
Mathieu plissa les yeux, son instinct lui soufflant qu'il y avait plus sous la surface.
- Est-ce que c'est à cause de ce qui s'est passé avec Étienne ce soir ? J'ai remarqué que vous échangiez des regards, et ça m'inquiète. Je ne veux pas être celui qui met de la pression sur toi, mais j'ai besoin de savoir où nous en sommes.
La question parut suspendue dans l'air, et Isabelle, visiblement mal à l'aise, détourna le regard.
- C'est juste... des souvenirs, je suppose, murmura-t-elle. Étienne et moi avons partagé beaucoup de choses dans le passé, mais je t'assure, c'est derrière moi.
Mathieu se sentit soudainement vulnérable, comme si chaque mot qu'il prononçait pouvait faire voler en éclats le fragile équilibre de leur relation.
- Mais est-ce que tu es vraiment derrière tout ça ? Parce que, en te voyant rire avec lui, j'ai eu l'impression que quelque chose avait changé. Que tu te retrouvais dans une époque que j'essaie de laisser derrière nous.
Isabelle soupira, ses yeux s'illuminant d'une lueur de compréhension.
- Je comprends ton inquiétude, Mathieu. Étienne a toujours été une partie importante de ma vie, mais ce que nous avions n'est plus ce que c'est aujourd'hui. Je t'aime, toi. Je suis ici, avec toi, et je veux construire quelque chose de solide. Mais parfois, le passé refait surface, et ça me trouble.
Mathieu déglutit, le poids de ses mots le touchant profondément.
- J'ai peur, Isabelle. J'ai peur que ce ne soit pas suffisant. Que le passé finisse par nous rattraper. Que tu te souviennes des bons moments et que tu te demandes si tu as fait le bon choix en étant avec moi.
Elle s'approcha de lui, prenant ses mains dans les siennes.
- Mathieu, regarde-moi, dit-elle, sa voix maintenant ferme. Je ne veux pas retourner en arrière. Oui, Étienne a son importance, mais il ne peut pas rivaliser avec ce que nous avons construit ensemble. Je suis ici, avec toi, parce que je te veux dans ma vie. Pas… lui.
Dans le même temps, de son côté, Étienne rentra chez lui, le cœur lourd après la soirée. Les rires d'Isabelle résonnaient encore dans son esprit, s'entremêlant avec une douleur sourde. Lorsqu'il ouvrit la porte de son appartement, il avait de la visite. Une femme l'attendait, impatiente.
- Salut, Étienne, dit-elle en s'approchant de lui, son regard pétillant d'une affection qu'il avait cruellement besoin de ressentir. Il la prit dans ses bras, la serrant contre lui, conscient de la passion qu'il avait longtemps réprimée.
- Clara, murmura-t-il, avant de l'embrasser avec une intensité qu'il n’avait plus partagé depuis longtemps. Je suis désolé pour ce qui s'est passé ce soir. C'était... compliqué.
Clara, avec un sourire complice, caressa la joue d'Étienne.
- Ne t'inquiète pas, je suis là pour toi. J'ai vu la façon dont tu regardais Isabelle, et je sais que c'est difficile. Mais rappelle-toi que nous avons aussi notre histoire. Je t'aime, Étienne, et je ne suis pas là pour la remplacer, mais pour t'accompagner.
Étienne, touché par la sincérité de Clara, songea, après la scène de cette soirée, qu'il avait peut-être besoin d'elle pour avancer.
- Je sais que je t'ai fait du mal en étant encore attaché à Isabelle. Mais je ne peux pas ignorer ce que je ressens. C'est juste que... mon cœur est partagé entre le passé et le présent.
Clara s'approcha davantage, ses yeux plongeant dans les siens.
- Alors, laissons le passé où il appartient. Construisons notre propre histoire, un chapitre à la fois. Je suis prête à être là pour toi, si tu es prêt à le faire aussi.
Étienne, touché aux mots, commença à dévêtir Clara avec une tendresse renouvelée, son cœur battant à tout rompre. Il réalisait que, malgré la complexité de ses sentiments pour Isabelle, une nouvelle histoire, pleine de promesses et de découvertes, pouvait être possible avec Clara. Seulement, à condition qu’il daigne tenter le coup.