Chapitre 5 : Se faire forcer la main

Le guerrier religieux et moi, nous nous regardions en chiens de faïence. Le temps s’était figé.

 

— Mon fils… !!! Non !!! Tu ne peux pas faire ça, Hatmund. C’est trop tôt !!!

 

Cette parole impromptue m’avait surpris. Je sursautai, me retournant vers ma mère, tout en gardant à l’oeil mon adversaire.

 

— Môman !! Qu’fais-tu ici? Tu ne devrais pas… …

 

J’avais un probable début de clarification. Tout ce bruit l’avait réveillé. Elle avait mis un châle sur ses épaules, et avec une force venue d’ailleurs, elle nous avait rejoint. Debout, derrière nous, dans le champ alors qu’elle ne devait pas l’être.

 

— … Attends. Qu’as-tu dit ?!!!

 

Aucunement déstabilisé, le moine-soldat répondit calmement :

 

— Liana. Cela fait une sacrée paye ! Toujours aussi belle… Tu n’as donc rien révélé…

— Qu’est-ce qu’tu déblatères ?! D’quoi ? Tu connais ma mère ?!! vitupérai-je.

— Fiston, je… Oui… expliqua-t-elle, succincte et baissant les yeux.

— Je pense que ta mère a beaucoup de choses à te raconter, ponctua cet Hatmund.


 

On était rentrés à la maison, raccompagnant l’inconsciente malade qui avait écouté la voix de la déraison et était sortie de son lit. Les paroles s’enchaînaient à un rythme fou, m’écrasant à chaque fois un peu plus la poitrine tel un rouleau compresseur.

Je fixais la cheminée. C’était le début de la fin. De petits nuages de fumée sonneraient tant tôt la clôture des festivités. Avec moi. Avec ça, tout s’en allait. Mon mépris, mon refus et mon déni. Tout ce qui faisait ma vie. J’essayais en vain de me dépêtrer de cette situation inextricable.

Môman, en face de moi, faisait triste mine. Livide dans le noir, presque fantomatique.

 

— Cela ne peut pas être possible. Tu n’aurais jamais pu accepter ça...

— Je n’avais pas le choix. C’était soit ça, soit tu mourais.

 

Bébé, l’encéphalomyélite, cette saleté de maladie inter-espèces, m’avait touché. J’étais aux portes de la mort quand mes parents n’avaient eu d’autre choix que de faire appel aux Êtres Supérieurs. Tout concordait pour eux. Ceux-ci m’avaient intégré dans le Processus, et par la Foudre Éternelle, m’avaient accordé le Miracle. En échange de ma Dévotion...

 

— Mais… ! Tout sauf ça !! J’aurais préféré mourir !!!

— Qu’ quoi ?! S’étrangla-t-elle, choquée.

— Ne suggère pas à la vie une absurdité pareille ! s’énerva Haidol, qui était resté silencieux depuis un petit temps.

— Tu le sais.. Je ne veux pas être au service de l’empire.

 

Les traits affaissés de chagrin, ma mère ne sut quelle phrase émettre pour me convaincre. Elle mit du temps pour formuler une réponse convenable mais n’en eut pas le temps.

 

— Et pourtant, tu n’as pas le choix. L’empire a produit un Miracle pour toi et il est donc normal que par obligeance tu rendes la pareille.

 

Hatmund crut par cela clôturer la discussion et me persuader définitivement. Cependant, il mit plus d’huile sur le feu qui bouillonnait de nouveau à l’intérieur de moi. Mon champ de vision, écarlate de fureur, se focalisa sur lui. Les poings serrés, j’ allais m’abattre sur cet adversaire qui voulait m’accaparer. Avant que ce soit le cas, je ressentis un choc à la tête, une douleur aiguë et le noir m’accueillit dans ses draps de néant.

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