Chapitre 50 - Double langage, double vie

Je passai mon dimanche en famille.

Mes parents furent témoins d’un seul coup des trois changements que j’avais apportés à mon apparence. Ils ne savaient toujours pas que je m’étais fait percer le nombril, et, si Charlotte leur en avait parlé, ils n’avaient pas vu ma nouvelle tête avec les cheveux courts. Enfin, ni eux ni Charlotte ne savaient que ma cheville droite était tatouée.

 

All God’s children needs travelling shoes

Drive your problems from here

 

J’avais opté pour la tenue trois-en-un, et portais mon pantalon beige sept-huitièmes qui dégageait mes chevilles. La rose était quasiment cicatrisée, et je commençais à espacer les applications de la pommade. Mon tatouage était donc présentable et bien visible sous l’ourlet qui s’arrêtait au bas de mes mollets. En haut, je portais un pull bordeaux ample mais court, qui s’arrêtait au-dessus du nombril. Il était sexy sans en faire trop, la coupe étant neutre et non décolletée. La veste en cuir dénichée par ma sœur complétait ma tenue.

 

Charlotte était venue m’attendre à la gare avec mon père. C’est elle qui était au volant, achevant sa conduite accompagnée avant de passer le permis dans les mois qui viendraient. Elle portait son nouvel appareil photo en bandoulière et commença à me mitrailler à-même le quai. Mon père scruta mon visage pour l’appréhender sans mes éternels cheveux longs. Pudique, il me dit sobrement que ça m’allait bien. S’il vit autre chose, il n’osa pas le mentionner.

Charlotte conduisit jusqu’à la maison où ma mère nous accueillit.

 

-Oh ma chérie, c’est donc vrai, tu as coupé tes beaux cheveux.

-Tu pensais que Charlotte avait eu une hallucination ?

-Non, mais ça me faisait bizarre de t’imaginer. Quand je me rappelle tout le mal qu’on a eu pour te les faire pousser sans qu’ils s’abîment, et tous les soins qu’il a fallu faire pour qu’ils soient soyeux…

-Bon, mais à part que je n’ai aucun respect pour le travail de mes aînés, tu trouves ta fille jolie ?

-Oui, mais ça te change énormément.

-Comment te dire… c’était le but recherché !

 

Dans mon dos une adolescente à peine majeure éructa.

 

-Mais… tu as un tatouage ?

-Euh oui, en effet.

 

L’index droit de Charlotte pointait ma cheville coupable. Ma mère pâlit devant la dévastation de ce corps qu’elle avait façonné pendant neuf mois dans son ventre avec le plus grand soin.

 

-C’est super glam, fit Charlotte.

-Merci.

-Tu es consciente que c’est définitif, me demanda ma mère ?

-Ah merde, j’avais acheté une gomme pour quand j’en aurais marre…

-Toujours ta dérision.

-Charlotte t’as du Typp-Ex ?

 

Ma sœur ricana, accroupie pour regarder de plus près le détail de l’œuvre que ma mère se refusait à observer. Je savais mon père davantage ouvert d’esprit. Mais il avait déjà eu du mal à faire un commentaire sur ma coupe de cheveux, alors sa retenue prit le dessus. Ce n’était pourtant que ma cheville !

 

-Allez, Maman, regarde donc ! Si ça ne te plait pas, t’as le droit de le dire, mais jette au moins un coup d’œil.

-Tu vas devenir comme ces chanteuses recouvertes de dessins vulgaires ou de messages navrants ?

-Arrête c’est une rose, avec des ombres, elle est magnifique, viens voir, dit Charlotte.

 

Ma mère fit l’effort. Hélas au moment où elle se pencha, son œil tomba sur mon pull, qu’elle avait déjà dû juger exagérément court, et accrocha la petite barre en titane logée dans mon nombril.

 

-Oh non… Tu l’as fait, ton piercing ?

-Autant tout faire à la fois, non ?

-Je pensais que ça t’avait passé.

-Il faut croire que ça m’est revenu.

-Et donc un cylindre planté dans le corps, tu trouves ça joli.

-Mais c’est provisoire, intervint Charlotte. Après elle met ce qu’elle veut.

-Et tu mettras quoi ?

-Surprise, dans quelques semaines…

-Je ne sais pas quoi te dire, Léa.

-Le piercing ok t’aimes pas, mais regarde au moins le tatouage.

-Je n’arrive pas à trouver beau le résultat d’une scarification.

-C’est un préjugé, maman.

-Tu en penses quoi, demanda-t-elle à son mari ?

-Je trouve que ça te va bien, Léa. C’est dans ta personnalité, ça reste discret, ça marque ton originalité et ta volonté de la faire valoir sans tomber dans l’excès. Après, il y a un aspect lié à la séduction, et je ne suis pas le mieux placé pour en parler avec ma fille.

-Ça c’est bien dit, claironna Charlotte.

-De toute façon, tout ce que font tes filles, tu trouves ça formidable !

 

Je décidai de calmer le jeu.

 

-Maman, je ne suis pas venue pour déclencher des scènes de ménage. C’est mon corps, j’ai vingt-deux ans, j’en fais ce que je veux. Tu aimes, tu n’aimes pas, là aussi, c’est ton droit. Mais il n’y a ni provocation, ni règlement de compte, d’accord ?

-Oui, ma chérie, je sais tout ça. Je peux quand même dire quelque chose à propos de ton pull ?

-Je sais, il est trop court.

-Donc tu en es consciente.

-Je suis consciente que tu le trouves trop court.

-Je suppose que si on se fait un piercing au nombril, il faut qu’on le voie.

-Heureusement que je l’ai pas fait au clitoris, hein ?

-Léa !!

 

Le reste de la journée fut plus calme. Ma mère accepta ma nouvelle apparence, espérant certainement que sa deuxième fille conserverait plus longtemps quelques éléments de la sagesse familiale qui périclitait avec moi. Je passai du temps avec Charlotte. Elle avait déjà pris beaucoup de photos, et s’appropriait peu à peu son nouveau matériel. Je lui trouvai un talent grandissant pour capter les regards, trouver des angles étonnants et utiliser les perspectives. Après le déjeuner, nous marchâmes toutes les deux en forêt. Elle prit de nombreux clichés des alentours, et également de moi. J’étais contente d’avoir du temps seule avec elle.

    

-C’est dommage que maman coince sur le tatouage et le piercing, me dit-elle après quelques clichés les ciblant tout particulièrement.

-Je m’en doutais.

-Moi j’adore ! La rose c’est vraiment un bon choix. Ça t’est venu comme ça ?

-Oui.

-Tu es très changée depuis quelques semaines.

-Physiquement ?

-Oui, déjà le fait de mettre du rouge à lèvres tout le temps, ça te donne un sacré style, mais depuis que t’as coupé tes cheveux, rajouté tout ça… et puis tu t’habilles différemment.

-Ah oui ?

-Oui t’es super féminine.

-J’étais un sac, avant ?

-Non, mais tu faisais étudiante, quoi.

-Et là je fais quoi ?

-Femme !

-Ouf !

-C’est Éric qui te fait cet effet-là ?

-Ça aide sûrement, mais il y a longtemps que j’avais envie de changer de tête.

-Il te fallait un déclic !

-Voilà.

 

J’avais l’impression de parler un double langage dont l’un seulement était destiné à Charlotte. Il y avait du vrai dans mes réponses. Mais je ne pouvais dissocier mon changement d’allure de mon changement de vie, et de la zone d’ombre dans laquelle j’étais entrée depuis deux mois. Parler de moi devenait compliqué, voire risqué. Je me rendis compte, pour la première fois, que l’existence de Lola m’isolait de tout le monde sauf Mélanie.

 

In the morning when I wipe my brow

Wipe the miles away

I like to think I can be so willed

And never do what you say

 

Je fis diversion en invitant ma sœur à parler d’elle.

 

-Ça se passe bien avec Loïck ?

-Génial, oui ! Les frayeurs sont passées.

-Et la pilule, ça va, tu la supportes bien ?

-Ouais, je fais gaffe à ce que je mange pour ne pas grossir.

-Moi ça ne m’avait rien fait.

-Toi tu faisais de la danse classique des heures et des heures par semaine, ça aide.

-Dont acte. Ben fais du sport.

-Ça va, je cours et je nage avec Loïck.

-T’en fais des choses, avec lui, dis donc.

-Oh ça va, hein !

-Ça se passe bien, d’ailleurs ?

-Oui oui…

-Toujours frigide ?

-Non non…

-J’avais raison, alors, de me moquer de toi ?

-Comme toujours.

-J’arrête de t’embêter !

 

Nous rentrâmes en fin d’après-midi. Ma mère me reprocha de ne passer de temps qu’avec ma sœur. Elle avait toujours aimé me reprocher mes attitudes, mes initiatives, mes apparences… rien n’avait vraiment changé. J’allais répondre et l’envoyer sur les roses, mais je me souvins d’Éric, qui avait remarqué ce jeu entre ma elle et moi, et dont nous souffrions toutes les deux. Elle ne pouvait s’empêcher de me faire des reproches, c’était plus fort qu’elle. Et je ne pouvais m’empêcher de la provoquer, comme pour lui donner une raison de formuler les reproches en question. Il faut croire que ça m’aidait à les décrédibiliser. Je renonçai donc à poursuivre ce jeu et m’assis avec mes parents pour finir l’après-midi pendant que Charlotte achevait une dissertation de philo.

Ils voulaient savoir où j’en étais dans mon année de master qui se terminerait dans un mois et demi. Je fis le point sur mes tractations avec l’enseignant dont j’espérais qu’il deviendrait mon directeur de mémoire. Mon père avait énormément d’ambitions pour moi.

 

-Et tu comptes poursuivre en doctorat, alors, me demanda-t-il ?

-Non. Je ne l’ai jamais envisagé.

-C’est dommage. Peut-être tes résultats le permettraient-ils.

-Peut-être, mais la recherche pour la recherche, et l’enseignement en fac, si tant est que je sache jouer des coudes pour y parvenir, ne m’intéressent pas.

 

Ma mère avait toujours été plus pragmatique. Ce n’était pas mon cas, mais au moins elle ne poussait pas aux études par principe. Elle pensait à d’autres détails.

 

-Oui, et puis il faudra bien que tu entres dans la vie active.

-En effet.

-Tu t’en sors, financièrement ?

-Oui, maman, ça fait quatre ans que je suis étudiante, tu vois bien que ça va.

-Mais en début d’année tu disais que le master était bien plus exigeant. Tu continues à donner des cours, à faire du baby-sitting ?

-Je fais ce qu’il faut.

-Dis-nous s’il te faut un coup de pouce.

-C’est gentil, maman, mais je t’assure que ça va.

-Tu réussiras à trouver un travail pour cet été ?

-Je pense que j’irai faire quelques passages à Londres rejoindre Éric, entre deux jobs.

 

Double langage…

Cela devenait un véritable numéro d’équilibriste.

Est-ce que ces mensonges avaient un avenir ?

Le duo Lola / Léa avait-il un avenir ?

Avais-je un avenir ?

La réponse était évidente. Mais j’étais lancée. Il restait à attendre pour savoir combien de temps la bulle mettrait pour m’exploser au visage.

 

We just poked a little pie

For the fun people had at night

Late at night don’t need hostility

The timid smile and pause to free

 

Je pris le dernier train qui me ramena en ville puis chez moi vers 20 heures. Les repas familiaux étaient toujours copieux, et je zappai le dîner, m’installant devant quatre épisodes de Lost avec un thé au jasmin et quelques biscuits.

 

Le lendemain à dix heures, j’étais dans le bureau du professeur que j’avais sollicité huit jours auparavant. Je lui exposai la reformulation du sujet que je souhaitais traiter, ainsi que des suggestions de documentation. Il m’écouta puis me questionna pour tester à la fois le sérieux avec lequel j’avais préparé ce rendez-vous, et mon niveau universitaire. Je savais cet enseignant exigeant, et j’appréciais la rigueur avec laquelle il préparait ses cours et les exposait, ainsi que les liens qu’il ne cessait de jeter vers des domaines connexes, suggérant de la perspective et de l’amplitude, et enfin l’ambition générale qu’il avait pour ses étudiants.

Au bout d’un quart d’heure de discussion à bâtons rompus, il me tendit deux revues spécialisées dans la recherche, contenant chacune un article évoquant le thème que j’avais présenté.

 

-Je veux qu’on fasse le point dans la quinzaine qui suivra la rentrée universitaire en septembre prochain.

-D’accord.

-Il me faudra un plan détaillé à Noël.

-D’accord.

-Il peut évoluer ensuite, mais il faut un projet précis de plan assez tôt. Vos recherches devront être terminées fin février.

-D’accord.

-Il me faudra le mémoire imprimé et achevé au retour des vacances de Pâques.

-D’accord.

-Voilà, mademoiselle, je vous laisse redescendre en cours.

-D’accord.

 

J’étais d’accord avec tout, et j’étais surtout ravie. A défaut de prendre des décisions intelligentes dans ma vie quotidienne, je réussissais à mener correctement mes études, obtenant parfois quelques brillants résultats, et réussissant en général ce que j’y entreprenais.

 

Cup of tea, take time to think, yea

Time to risk a life, a life, a life

Sweet and handsome

Soft and porky

You pig out ‘til you’ve seen the light

 

A midi, je me dirigeai vers le salon de massage et reçus Gaspard, un habitué d’Alessia de seulement vingt-huit ans. C’était un grand blond foncé aux yeux bleus très agréable. Il avait pris rendez-vous pour une heure et souhaita que je le masse seins nus.

Le massage me parut soudainement bien peu de choses, à moi qui avais désormais été bien plus loin, et qui m’apprêtais à recommencer. Je jouai avec le sexe érigé du début à la fin, faisant passer Gaspard par tous les états possibles. Le gentil garçon caressa abondamment mon corps, s’attardant sur ma poitrine. Lorsque mes gestes le menèrent au seuil de l’extase, et que sa persistance ne tint plus qu’à un fil, il se cambra pour que ses mains atteignent mes fesses, et en caressa les voluptueuses rondeurs. Je tournai longuement autour de la corolle, comme lorsque l’on veut faire chanter un verre en cristal humide. Ses doigts se crispèrent sur mes fesses et je sentis Gaspard déposer un baiser sur ma hanche. Mes mains se remplirent de sperme, qui coula en une impressionnante quantité.

 

Le boute-en-train Vincent eut ensuite droit à son body-body. J’étais déchaînée. Entrainée dans des gestes toujours plus coquins, je jouai avec le corps massif comme je l’avais fait avec le frêle Gaspard. Entièrement nue au-dessus des deux mètres et des plus de cent kilos en transe sur la table de massage, j’ondulai de tout mon corps, imposant le contact entre nos peaux sur toutes les parties érogènes, frottai ma toison pubienne sur le fessier volumineux mais ferme, et glissai ma poitrine sur le dos en armoire normande, me délectant mentalement du contraste saisissant entre la stature pesante de Vincent, et mon corps longiligne. Ses cuisses devaient avoir trois fois la circonférence des miennes, et mes seins semblaient perdus sur ce corps interminable.

La température monta encore lorsque Vincent se retourna. Le massage ne fut jamais neutre, et je retins plusieurs fois mes gestes pour que la verge aux abois ne se répande pas trop tôt en écoulements libérateurs. Je retrouvai les appuis pour masturber le pénis avec mes fesses, offrant non seulement des sensations extraordinaires, mais également une vue que Vincent sut apprécier, autant avec les yeux qu’avec les mains. Ses doigts se firent de plus en plus précis, tentant d’exciter mes tétons quand ils étaient à sa portée, se glissant entre mes deux fesses pour chercher une ouverture taboue, approchant mon sexe nu par l’intérieur de mes cuisses. Mais Vincent savait s’arrêter à temps, et ne fut jamais inconvenant. Je me sentais en sécurité, à la fois avec lui, car j’avais confiance dans le respect qu’il avait vis-à-vis de moi, et grâce à lui, un peu comme une jeune femme se sent protégée par un mâle d’une telle envergure. Je terminai le body-body en m’allongeant de tout mon dos sur son corps. Ses bras m’entourèrent, chacun faisant largement le tour de mon buste étroit, et la peau rouge et luisante trancha avec mon teint pâle. Il remonta une jambe entre les miennes, et le haut de sa cuisse frotta contre mon sexe. Je sentais sa verge pousser dans mon dos. Elle finit par se déporter contre ma fesse droite, me donnant l’impression d’être assise sur une barre de fer comme dans ces armatures en château-fort imaginaires que, enfants, nous escaladions dans les bacs à sable.

Enfin je redescendis et mes doigts graciles donnèrent à Vincent la délivrance tant retenue, comme une abréaction. Je crus que son gémissement ne s’arrêterait jamais. Contorsionné sur la table qui craquait dangereusement, il subit trente secondes infernales pendant lesquelles cinq doigts féminins serrèrent doucement ses bourses, et cinq autres coururent sur son gland, la paume l’enveloppant avec chaleur. Trois jets toniques récompensèrent sa patience, parsemant tout son ventre de gouttelettes translucides entre lesquelles les longues envolées visqueuses retombèrent avec force.

 

-Mais tu es complètement folle, me dit Vincent une fois que la parole lui fût revenu.

-Ouais ! Et ose me dire que tu n’aimes pas…

-Ah mais j’adore. Mais tu es complètement folle quand même !

 

Ces deux hommes repartis comblés et épuisés, je pus rentrer chez moi assez tôt et travailler.

Dans l’après-midi je reçus un sms de Martin. Il avait réservé une chambre dans l’hôtel que j’avais suggéré. Ça se passerait donc au même endroit qu’avec Nicolas, mais en fin d’après-midi, et peut-être dans une autre chambre. Quelque-chose me plaisait dans cette répétition. Je me surpris à m’imaginer repasser devant la même femme à l’accueil, et à susciter de plus en plus d’interrogations chez elle.

 

A 16h15, je retrouvai Chloé dans notre parc habituel. Je me sentais en pleine forme, énergique et enthousiaste. Elle me félicita pour mes progrès et me proposa même de participer à quelques courses officielles, modestement au début, en commençant par un 5km. Je différai ma réflexion à plus tard, et lui répondis que je n’en étais pas là et que pour le moment je trouvais simplement agréable de m’être mise à courir avec elle. Elle rebondit sur l’occasion.

 

-La semaine prochaine, tu veux qu’on dîne ensemble, après notre séance ?

-Si tu veux, mais où ça ?

-Mes parents seront absents, je ferai quelque chose pour le dîner, t’auras qu’à te doucher et te rhabiller chez moi.

-D’accord !

 

Je rentrai rapidement pour me préparer. Martin m’attendait pour 18h30, il ne fallait pas que je traine. Comme je l’avais fait jeudi, j’enfilai une tenue neutre et emportai dans mon sac à dos les pièces sexy avec lesquelles je comptais affoler la libido du tendre gentleman.

Malgré mes efforts pour sécher mes cheveux et me maquiller rapidement, j’arrivai avec dix minutes de retard. En entrant dans le hall de l’hôtel, je prévins Martin d’un sms. Il m’avait déjà envoyé le numéro de la chambre, qui était le 8. J’en avais déduit que ce serait dans le bâtiment principal et non dans l’annexe.

L’heure du rendez-vous était proche de celle du dîner, et il y avait davantage de monde que jeudi entre midi et deux. Je traversai le salon cosy pour me rendre aux toilettes des dames, contournant les fauteuils occupés et les tables basses sur lesquelles reposaient des verres ou des journaux, selon que les clients de l’hôtel patientaient en lisant les nouvelles du jour ou en prenant l’apéritif.

Enfermée en face du gigantesque miroir de la salle carrelée et marbrée, je mis mes bas noirs, le nouvel ensemble en dentelle et voile noir composé du soutien-gorge et d’un shorty, ma jupe patineuse noire, le pull en cachemire beige très moulant, et les escarpins beiges. Je me regardai, passai la main dans mes cheveux pour donner un peu de volume et laisser ma mèche retomber plus bas sur mon front. Le rouge à lèvres illuminait mon visage dont le teint était réchauffé par la couleur beige du pull. La tenue était sexy mais pas du tout indécente. La jupe patineuse m’arrivait aux genoux, et en dehors des talons aiguilles de rigueur et de l’aspect moulant de mon haut, rien ne suggérait que mon corps allait être offert, ou plutôt vendu, à un homme dans les minutes qui suivaient.

Bien sûr, ce qui attira l’attention fut le changement de tenue, plus que la tenue elle-même. En ressortant, j’entendis les discussions s’interrompre. Plusieurs regards se tournèrent et je fus subitement le centre d’intérêt d’une bonne partie des hommes et des femmes assis dans les confortables fauteuils rouges.

Plus que jamais je me sentis tiraillée. Lola jubilait. Comme je l’avais compris, la petite exhibition en tenue sexy au su et au vu de tous n’était pas pour lui déplaire. Loin derrière, tapie dans les profondeurs du trou où sa rivale victorieuse l’avait enfouie, Léa se fit la réflexion qu’il eût été impossible d’être moins discrète.

 

A croire que, de tout en bas, elle poussait Lola dans ses vices afin que la fameuse bulle lui éclate au visage le plus vite possible.

 

Je me dirigeai vers l’accueil sans prêter attention aux regards braqués sur moi. Ce ne fut pas la femme de jeudi qui s’adressa à moi. Un homme d’une cinquantaine d’années m’interrogea avec le même vocabulaire courtois bien rodé. Comme je l’avais compris, la chambre 8 était dans ce bâtiment. Il m’indiqua les ascenseurs et je montai au premier étage.

La moquette était plus confortable à arpenter en talons hauts que les marches en bois de l’annexe où Nicolas m’avait attendue. L’impression de déjà-vu était pourtant prégnante. Les deux hommes avaient d’ailleurs des points communs : la tendresse qu’ils véhiculaient, la façon de caresser mon corps pendant les massages, et pas seulement de le peloter par excitation… Oui, j’avais vraiment l’impression de revenir à jeudi, à tel point que je me demandai subitement ce que je ferais d’une deuxième boite de calissons alors que la première n’était qu’entamée.

 

Amusée par mes égarements bien éloignés de la fébrilité qui avait été la mienne lors de mon premier « meeting » d’escort girl, je toquai à la porte numéro 8 pour vivre le second.

 

Look my eyes are just holograms

Look your love has drawn red from my hands

From my hands you know you’ll never be

More than twist in my sobriety

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