Chapitre 51 - L'attaque

Dans la citadelle Asage

Pour la première fois, c’est une aube agitée qui réveilla les habitants de la citadelle. Des cris de surprises étaient remontés dans la cour pavé de l’immense bâtisse. Des lianes frappaient avec précision le peu d’hommes et de femmes qui se trouvaient dehors, à cette heure-ci du petit matin. Avec hargne, Arthur courait dans tous les sens dans des vas et viens incessants. Furtivement, il esquivait chaque balle qui le visait et désarmait les miliciens qui l’attaquaient.

_ Maintenant nous sommes armés, fuyez ! S’écria Arthur en volant les pistolets de ses assaillants.

Ils avaient, désormais, plus que leurs dons et leur carrure pour se défendre. Ils pensaient donc avoir rétabli l’équilibre des forces. Ils étaient plus déterminés que jamais et leur volonté était de celle qu’on ne brisait pas.

_ Qu’est-ce c’est que tout ce raffut ? pesta Loris surpris en plein sommeil.

_ On est attaqués ! s’écrièrent alors des miliciens qui courraient de partout dans les couloirs.

_ Garnel ? S’inquiéta Loris.

Du haut de leur tour, ils avaient vu sur la cour et sur ce qu’il s’y passait. Ils ne mirent pas longtemps à comprendre qui venait les attaquer à l’aube. Les lianes féroces qui traversaient les corps des miliciens à tout va et le tourbillon presque invisible qui frappait à ses côtés ne pouvaient être que l’œuvre de deux personnes.

_ Vikthor Peyrache et Arthur Agape ! Constatèrent les frères.

_ Finalement, ils sont venus à nous alors que tu les cherchais mais par où sont-ils passés ? S’affola Loris.

_ S’ils étaient arrivés par le manoir, les gardes nous auraient alertés. Ils ont dû passer par le flanc de montage, songea Garnel

_ Ils ont du mérite !

Vikthor et Athur avaient surpris les frères Asage. Personne n’avait découvert comment ils étaient rentrés réellement, ils pourraient donc ressortir par les souterrains avec un peu de chance.

_ Faits-fermer la citadelle ! Ils vont se battre jusqu’à l’épuisement mais ils ne doivent pas pouvoir sortir.

_ Rabattre les portes ne va rien changer contre ces passe-murailles, Garnel.

_ Oui mais nous n’allons pas non plus leur faciliter les choses pour autant. Ils vont rentrer, une fois faits mettez à nouveau des hommes dans la cour, le jardin et sur les remparts. S’ils arrivent jusqu’à elle ou sa sœur, nous tenterons de les prendre à revers. A quatre, ils seront plus lents.

_ S’ils atteignent la sorcière, la lenteur sera le dernier de nos soucis, grommela Loris en faisant exécuter les ordres.

_ Ramène la dans la salle de réception, entourée du plus de soldats que tu peux, rajouta le ministre.

A ses mots, son bras droit s’exécuta. Il avait lu en son frère son étincelle de génie, s’il mettait Manon au centre du champ de bataille c’est qu’il avait eût une idée. Garnel n’était pas du genre à tenter n’importe quoi, c’était un brillant historien et un grand manipulateur.

_ Andzrev, tu as mal joué ton rôle ! Ils ont réussi à localiser leurs telsmans ! Gronda Garnel en s’acharnant sur son fils !

_ Je vous jure que non, c’est impossible, balbutia le vieux Kalokas.

_ Retarde leurs entrées si tu veux te rattraper, petit menteur !

_ Que voulez-vous que je leur fasse ? S’inquiéta Andzrev.

_ Faits leur entendre Manon et Solenne crier de toute part, faits leur croire qu’elles sont là derrière chaque porte. Rends les fous, impulsifs, et à fleur de peau ! Ordonna Garnel.

Andzrev fût alors envoyé au front avec les miliciens, plus il s’approchait plus il leur faisait croire que les filles n’étaient pas loin. Ainsi, le télépathe désordonna leur attaque bien qu’il n’en avait pas envie. Arthur ne pouvait pas résister à l’appel de ses sœurs, il courrait dans tous les sens et Vikthor le suivait pour le protéger.

_ Je les veux vivants ! Rajouta Garnel à l’intention de son frère.

Avec le temps, Andzrev finit par les laisser gagner du terrain, sans que les miliciens se rendent compte de son double jeu.  Grâce à lui, les deux siréliens s’approchaient de la salle de réception à grand pas, plus vite que prévu. Manon en son centre avait le cœur qui battait à tout rompre bien qu’elle ne se défendait pas. Eloignée de sa sœur, elle n’osait pas prendre parti. Harnachée comme jamais et retenu par des dizaines de chaines, elle restait impuissante.

_ Solenne… souffla Manon dans le telsman de sa sœur.

_ Je suis avec Loris, lui répondit-elle simplement

C’était assez dissuasif pour Manon. Elle n’allait pas rentrer dans la bagarre, elle visualisait très bien sa sœur dans la tour. La gorge sous la lame du fou, elle n’avait aucune chance de survie, Solenne serait égorgée si Arthur et Vikthor passait le cœur de la citadelle.

_ Mon frère, tu sais ce que tu dois faire. Ils risquent d’y arriver à ta salle du trône ! S’enflamma Loris en lui présentant la Solenne apeurée qu’il tenait fermement.

_ Je sais ! Rétorqua avec haine Garnel.

_ Même entouré de tous ces miliciens, ils ont une chance de la libérer. Ils sont très puissants. Arthur est presque trop vif pour se prendre une balle et Vikthor ne les craint pas. Bien sûr, on peut retenir Solenne en hottage encore un peu mais…

_ Je sais, répéta-t-il encore une fois.

_ Au mieux on s’enfui après avoir abattu l’enfant mais on aura perdu la face, au pire ils arriveront à nous tuer Garnel. Alors, faits-le.

_ Ce n’est pas ce que j’avais prévu comme cadeau d’anniversaire mais c’est la seule solution qui s’offre à moi, conclu Garnel.

Sous les yeux révulsés de Solenne, le frère ainé se déganta lentement. Il n’en avait pas envie, ça lui coûtait de le faire mais c’était la seule façon de mettre un terme à tout ça. La main dénudée, il contamina l’innocente Solenne.

_ Manon, je viens de rendre malade ta sœur. Tu ne peux rien y faire, elle mourra si Vikthor ne la soigne pas. Si tu te range de leur côté, nous l’égorgeons avant de partir. En revanche, si tu trahis ton frère et arrête Vikthor, il pourra la soigner, annonça Garnel timidement en se servant pour la première fois de son telsman pour parler à Manon.

_ Non… sanglota Manon.

_ Quand ils seront mis hors état de nuire, je te promets de la faire soigner. Une fois que je détiendrais ton frère et que Vikthor ne pourra plus se mouvoir, elle sera sauvée, insista-t-il.

Des larmes coulaient à flots sur ses joues quand elle vit son frère rentrer tout sourire dans la salle du trône où elle se tenait. Tremblante, elle ne voulait pas lui faire face. Vikthor arriva alors juste derrière lui.

_ Arthur, je t’en supplie. Pars, laisse-nous avec Vikthor mais toi part, le supplia Manon.

 Aveuglé par la vision d’horreur de sa sœur enchainée, il n’entendit pas sa détresse. Pourtant, elle l’avait prévenu et mis en garde. Elle ne pouvait pas le laisser décimer les hommes et les femmes qui l’entourait plus longtemps.

_ Elle est en train de mourir, comme Sonfà. Elle n’a plus beaucoup de temps, lui rappela Garnel.

Timidement, elle stoppa son frère qui venait de reprendre son élan. Comme autre fois, elle avait pris le contrôle de son esprit. Elle avait immobilisé ses jambes et provoqué sa chute d’un seul battement de cils.

_ Manon ? balbutia Arthur en comprenant ce qu’elle venait de faire.

_ Pardonne-moi, répondit-elle simplement dans son telsman.

A terre et sans défense, Arthur était abasourdi. Sa chère sœur était bien vivante mais plus dans son camp. Elle venait de le trahir et sans qu’il s’en rende compte elle avait même laissé les miliciens le prendre par surprise.

_ Putain ! S’écria Arthur quand des miliciens lui brisèrent les jambes à coup de masse pour qu’il ne se relève pas.

_ Et d’un, compta Garnel dans le telsman de sa captive.

La respiration haletante, en proie à la folie Manon avait du mal à reprendre son souffle. Elle venait de trahir son frère et par deux fois. Le désespoir et la déception qu’elle pouvait lire dans ses yeux finissait de l’achever. Pourtant, elle n’en avait pas fini. Elle devait faire vite pour sauver sa sœur.

Vikthor qui se débattait à l’autre bout de la pièce pour libérer Manon, s’élança pour venir en aide à son frère d’arme. Il dégênait ses lianes plus vite que son ombre mais là encore Manon dû intervenir. 

_ Arrêtes ! Cria-t-elle en bloquant l’avancée de ses plantes géantes.

Surpris, il se stoppa net comme un lapin pris dans des phares. L’Elu qu’il était, avait l’aptitude de se battre encore un peu et de défier Manon qui n’avait pas appris à maitriser ses pouvoirs comme lui. Pourtant, il n’en fit rien. Ses yeux en amande posé sur ceux de Manon, il rappela ses lianes une par une. Il la regardait trembler, la main tendue vers lui. Elle pleurait mais elle se contenait comme si elle allait perdre la vie à tout moment. Ils se dévisageaient tous deux sans rompre le silence. Ils ne se parlaient pas, ni à haute voix ni dans leurs telsmans. Face à face, on aurait dit que chacun attendait que l’autre attaque. Campés sur leurs positions, aucun d’eux ne bougeait.

Autour d’eux, on les dévisageait comme on épit un ennemi pourtant aucun des miliciens n’osa intervenir. On sentait la tension entre les deux et elle pouvait s’embraser à tous moments et tuer n’importe qui sur son passage. La main tendue vers l’homme qu’elle avait tant attendu, Manon hésitait. Quant à Vikthor, il est incapable de bouger lui aussi. Les deux étaient subjugués l’un par l’autre, comme s’ils avaient été faits pour se rencontrer. Face à face, ils venaient d’aboutir à leur destinée. Maintenant, il ne restait plus qu’à savoir s’ils allaient l’embrasser ou la déshonorer.