Lorsque je me faufile derrière les gradins, je trouve Elena endormie par terre. La fatigue de la nuit a dû avoir raison d’elle. J’effleure son épaule. L’instant d’après, une lame frôle ma gorge. Je ne l’ai pas vu venir. En réalisant que c’est moi, Elena se détend et range son arme.
- Comment te sens-tu ? demande-t-elle en rapprochant sa main de ma tête.
Je la retiens avant qu’elle ne la touche.
- Je préfère que tu évites. J’ai vraiment reçu un sale coup.
Mon interlocutrice me fixe, perplexe.
- Tu n’étais pas censé être tombé ?
- Honnêtement, je n’en sais rien, mais je ne suis certainement pas tombé.
- Les rebelles ? s’inquiète-t-elle.
- J’imagine.
- Comment ça, tu imagines ?
- C’est le trou noir depuis que je me suis réveillé.
Je m’assois par terre. Cela tourne trop. Je ne me souviens pratiquement de rien après que l’alarme s’est déclenchée. Je ferme les yeux. J’ai la désagréable impression de passer à côté de quelque chose d’essentiel, mais impossible de me rappeler. Si ce sont les rebelles qui m’ont mis dans cet état, pourquoi m’avoir laissé en vie ? Je rouvre les paupières lorsqu’Elena me demande :
- Qu’est-ce que tu as vu exactement dans la forêt ?
- Les rebelles, ils font évader des cobayes, murmuré-je.
Elena ne réagit pas. Aucune surprise, aucune remarque, rien. Cela m’étonne.
- Tellin me l’avait appris avant que tu viennes faire ton rapport, déclare-t-elle.
Je ris sans joie.
- Évidemment, il avait déjà tout compris dès que les rebelles ont pris la fuite. J’ai risqué ma vie pour rien.
Ma partenaire pose une main sur mon bras.
- Ne dis pas ça. Le plus important, c’est que tu sois revenu sain et sauf.
Je place ma main sur la sienne.
- Ne nous mentons pas, Elena. On sait tous les deux que si Tellin m’a envoyé au casse-pipe, c’était dans l’espoir de ne plus me revoir.
Elle ne rajoute rien et je lui en suis reconnaissant. Une douleur me traverse le crâne. Je grimace.
- Va te reposer ! m’ordonne-t-elle. Tu as passé une nuit éprouvante.
Je hoche la tête, mais j’ai quelque chose à mettre au clair avant. J’ignore quand nous pourrons nous revoir.
- Tu comptais me parler de Vincent ? Lorsque je suis allé me faire soigner, il m’a dit que tu l’avais mis au courant.
- C’est pour ça que je suis venue te trouver hier soir.
Je ne devrais pas, mais je suis plutôt contrarié.
- Pourquoi as-tu fait cela ? demandé-je, un peu trop agressivement à mon goût.
L’incompréhension se dessine sur son visage.
- Il nous faut un allié, affirme-t-elle avec tout de même une hésitation dans la voix.
- Tu aurais pu m’en dire un mot avant.
- Nous manquons de temps.
Je sais tout ça, pourtant je serre les dents. Je repense à la discussion que j’ai eue avec lui après qu’Elena est revenue de sa mission avec Tellin. Vincent avait sincèrement l’air de s’inquiéter pour elle, mais j’ignore pourquoi, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose. En y réfléchissant bien, je me rends compte que je ne sais pratiquement rien de lui.
- Elena, je sais que tu apprécies Vincent, moi aussi d’ailleurs, mais j’ignore si nous pouvons lui faire pleinement confiance. C’est déjà dur à deux alors si en plus on rajoute une troisième personne.
- Je l’ai mis en garde, coupe-t-elle.
- De mieux en mieux, tu saisis que nous ne pourrons pas le surveiller constamment.
- Inutile de me le rappeler, j’ai réfléchi à tout ça avant de m’entretenir avec lui, s’énerve-t-elle.
Je passe une main dans mes cheveux. Un geste que je regrette aussitôt. Je sais bien qu’elle n’est pas imprudente, mais c’est beaucoup trop dangereux.
- S’il te plait, Elena. La prochaine fois que tu prends ce genre d’initiative, tu dois m’en parler avant. Nous sommes tous les deux concernés.
Elle hoche la tête.
- C’est juste que cela m’a semblé la meilleure chose à faire. Je pensais que Vincent nous en apprendrait davantage sur le Projet 66.
Elle passe ses doigts sur ses lèvres, pensive puis conclut :
- Mais je me berçais d’illusions, comme toujours.
Je me rapproche d’elle.
- Écoute, je ne suis pas fâché.
Elle me fixe surprise.
- Vraiment, insisté-je.
Une nouvelle douleur au crâne me plie en deux.
- Hans, s’il te plait, va te reposer. Cela m’étonne que Vincent ne t’ait pas gardé.
Je grimace.
- Pour tout te dire, je lui ai faussé compagnie.
Elena se prend la tête entre ses mains.
- Je ne vais rien te reprocher, car j’en fais tout autant, mais je t’en prie, retournes-y.
- C’était mon intention dès le départ, mais je voulais te voir.
Ses doigts caressent délicatement ma joue.
- Ne t’inquiète pas pour ça, on en trouvera d’autres des occasions. De toute façon, on doit reprendre cette discussion.
Elle se redresse pour m’aider à me lever. Elle s’apprête à me guider, mais je la stoppe.
- J’irai seul. Il ne faut pas que l’on nous voie ensemble.
- Laisse-moi au moins m’assurer que tu arrives à bon port.
- Ça ira, le centre de soin n’est pas loin. J’ai réussi à venir, je réussirai à rentrer.
Avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, je l’attire vers moi et l’embrasse. Je la lâche et la vois qui me sourit tendrement. À contrecœur, je m’éloigne. Je tente tant bien que mal de marcher normalement, mais je sens que je ne tiendrai pas longtemps. À un croisement, je tombe sur Vincent qui me lance un regard furieux. Tout en passant mon bras sur son épaule, il fait un geste dans la direction opposée. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qu’Elena m’a suivi et que Vincent lui a intimé de s’éloigner. J’ignore pourquoi, mais cela me permet de penser que je peux peut-être lui faire confiance.
- Tu seras gentil de ne pas prendre exemple sur elle, me reproche-t-il.
En entendant cette dernière remarque, je n’arrive pas à retenir le sourire qui me monte aux lèvres.
"L’instant d’après, une lame frôle ma gorge. Je ne l’ai pas vu venir. Remarquant ma présence, Elena se détend" : je suppose qu'Elena a sorti son epee par reflexe, puis realisant que c'est Hans, elle se detend. Plutot que "Remarquant ma presence" (elle a remarque la presence de quelqu'un la seconde d'avant) peut-etre plutot qqchose comme "realisant que c'est moi"
"parle en moi avant." parle m'en
"J’irais seul. Il ne faut pas que l’on nous voie ensemble. - Ne dis pas de bêtises et s’il t’arrivait quelque chose."
Etant donne tout le mal qu'ils se donnent pour cacher leur relation, ca fait bizarre qu'Elena dise "ne dis pas de betises", Hans a raison. On l'imagine plutot dire qqchose comme "laisse moi au moins te suivre a distance, que je sois sure que tu arrives a bon port" . Il est tres probable qu'il y a des cameras dans les couloirs, donc ils se trahiraient tres vite en allant ensemble qqpart.
J'ai bien aime la derniere phrase, ce moment d'humour au milieu de toute cette action.
Bon courage pour la suite!