Chapitre 6

 

 Cela faisait quelques temps que l’équipage naviguait et les vivres étaient épuisées. Le Mary mouilla à Nassau, sur l’île de New Providence dans la mer des Caraïbes. Olympe sentit que la température augmentait au fur et à mesure de la traversée. Dans les Caraïbes, il faisait chaud et le temps était clair. Cela changeait de l’Angleterre où le ciel était gris et du froid qui l’accompagnait.

La jeune femme avait pris des couleurs, les joues teintées de rouge. Sa peau blanche avait vite rougi face au soleil cuisant. Cela donna l’occasion à Eliot de se moquer sans retenu, lui habitué à ces changements climatiques dont ils faisaient tous face pendant leurs voyages.

 

Le Mary jeta l’ancre en fin de matinée. La moitié de l’équipage était autorisée à embarquer sur l’île tandis que l’autre moitié devait rester pour surveiller le navire. Ce roulement était essentiel pour éviter les vols. Ils ne craignaient nullement les attaques, Nassau étant l’île des pirates. Quiconque oserait s’attaquer à un navire pirate subirait de terribles représailles.

Olympe fut l’une des recrues autorisées à mouiller à terre, accompagné d’Amaury, Eliot, William et d’autres pirates dont elle ignorait l’identité. Bien qu’elle les eût remarqués à plusieurs reprises, elle n’eut jamais l’occasion de faire leurs connaissances. Quelques hommes déployèrent des chaloupes qui glissèrent sur des cordages pour atterrir en douceur sur l’eau. Une fois à bord, la jeune femme balaya son regard sur les personnes présentes à ses côtés. Il y avait un homme à la peau ébène doté d’une grande taille, ses boucles de cheveux noires cachant son regard impassible. Elle crut entendre dire qu’il était le Quartier Maitre et qu’il se nommait Charlie Bennett. Son poste consistait à la gestion des denrées alimentaires. A ses côtés, Samuel Matilla : un homme fin à la peau bronzé et aux cheveux sombres. Il ne possédait pas une grande taille ni une grosse carrure mais son regard suffisait largement à intimider. Il s’exprimait brièvement et affichait constamment un air blasé. Son poste n’était pas des plus joyeux, en tant que Maitre d’équipage, il devait assurer la liaison entre les matelots et le Second. Il était le porte-parole de l’équipage, étrange pour quelqu’un d’aussi silencieux.

 

La jeune femme les regardait discrètement à tour de rôle. L’un paraissait réservé, l’autre renfermé. Il y avait de drôle de personnalité au sein de ce navire, à voir si c’était une bonne chose ou non.

Le temps de réflexion ne dura guère longtemps, ils arrivèrent sur la plage de l’île. Le sable était doré et brillant. Le groupe se mit en marche pour accéder à la ville peuplée. Les établissements ne manquaient point avec des commerces phares et des tavernes blindées. Nassau était un repère de pirate, de corsaire, de marin égaré, de courtisane et de riche noble venu du monde entier. Toutes les ethnies s’y retrouvaient avec grande joie car, destitué de l’Angleterre, aucune loi était imposée. L’île était libre et chaque homme pouvait agir à sa guise. De nombreuses transactions se déroulaient dans les coins cachés : on échangeait de l’or contre des cartes, des biens contre des informations.

 

Olympe contempla son environnement, les commerces ambulants, les stands de poisson, les démarcheurs de bijoux volés ou encore de femmes proposant leurs services. Le Capitaine la regarda du coin de l’œil en ralentissant le pas pour marcher à ses côtés.

  • Faîtes attention. N’acceptez aucun marché ni aucune proposition. Les gens sont fourbes, ils vous feront croire à n’importe quel trésor. Si l’un persiste, trouvez-moi ou appelez Samuel.
  • Je peux me débrouiller toute seule mais merci, lança-t-elle en haussant un sourcil face à son discours.
  • Ça reste à prouver.

Il s’éloigna pour retrouver la tête du groupe. Olympe se pinça les lèvres en maudissant cet homme. Tantôt il était agréable, tantôt exécrable. Eliot n’exagérait pas lorsqu’il l’avait identifié comme quelqu’un de particulier. 

Certains hommes se dispersèrent. William devait renfourguer son stock de soin tandis que Charlie allait marchander pour la nourriture du navire. D’autres pirates partirent pour des bordels et des tavernes. Amaury prit son propre chemin. Seul Eliot resta près d’Olympe qu’il regarda en attendant patiemment. Se mettant à l’arrêt en observant l’immensité des lieux, elle soupira.

  • Tu as pitié de moi, c’est ça ?
  • John m’a demandé d’être là pour toi, répliqua le jeune garçon en haussant les épaules.
  • Brave petit.

Son soupire s’allongea et elle tourna lentement sur elle-même. Elle reprit d’un air intéressé.

  • J’ai besoin d’acheter certaines choses. Tu connais les lieux, n’est-ce pas ? Pourrais-tu me guider ?
  • D’accord mais en échange tu me payes à boire.
  • Vaurien, cracha-t-elle en le toisant du regard.

Eliot lui sourit de toutes ses dents et l’amena aussitôt dans une grande allée. Les emplettes étaient bien plus intéressantes ; les marchands bradaient leurs prix.     Les deux individus longèrent les différents commerces. Olympe était émerveillé face à tous ses étals d’objets. Elle en profita pour se dénicher de nouveaux tissus et un essentiel de couture pour se fabriquer de nouveaux vêtements. Eliot dévalisa les stands de nourriture. Il gaspilla pratiquement tout son salaire sans oublier de chaparder de temps à autre discrètement.

Les deux jeunes gens furent ravis de leurs achats. Ils remontèrent les ruelles en contemplant les fresques aux murs, les spectacles de rues. La demoiselle se sentit bien et son sourire ne l’avait pas quitté.

Eliot l’amena près d’une taverne qu’il connaissait bien : l’équipage passait le plus clair de son temps ici. Amaury attendait devant la porte en compagnie de Samuel. Celui-ci décrocha enfin une phrase. Sa voix n’était pas très grave.

  • On vous a cherché. Vous nous avez fait attendre. Je n’aime pas ça.

Et l’homme entra dans la taverne en trainant des pieds. Amaury leur fit signe de la tête de les suivre.

  • Ne contrariez pas Samuel, il est de bonne humeur aujourd’hui, déclara le Capitaine.

Olympe et Eliot se lancèrent un regard en haussant les sourcils. Le jeune garçon entra à la suite en pestant.

  • Si c’est ça de la bonne humeur, j’imagine pas c’que c’est lorsqu’il est en rogne le type !
  • La ferme Eliot, répliqua sèchement Samuel en allant s’asseoir au comptoir.
  • J’vais t’arracher les yeux et te les faire bouffer, enfoiré d’espagnol !

 

Samuel le dévisagea mollement en toute réponse, lassé par ces menaces qui n’aboutissaient jamais. Amaury donna une petite claque derrière la tête de l’adolescent en grognant.

  • Ne nous fait pas remarquer.
  • Tss… siffla le jeune garçon.

Olympe était resté muette, envahit par le malaise. Que faire dans ce genre de moment ? Il valait mieux ne pas s’en mêler et les laisser se chamailler. Elle n’avait pas envie de se faire arracher les yeux.

Le Capitaine se plaça près de Samuel et leva les yeux vers un long escalier tournant en vieux bois sombre. Les rambardes étaient recouvertes de plantes exotiques. Une femme à la crinière de jais descendit lentement en terminant de boutonner son veston bordeaux. Ses bottes à talon marron claquaient contre le bois et ses yeux hazel se posèrent sur Amaury. Un large sourire s’étira de sa bouche pulpeuse. La femme s’approcha en ondulant des hanches et vint se poser près de lui, appuyée contre le comptoir.

  • Bonjour, Maria.
  • Bonjour mon Capitaine.

Le barman posa deux pintes en face d’eux. Amaury en prit une et tendit l’autre à la femme qui l’accepta avec joie. Maria posa une main affectueuse sur le bras du pirate puis dériva son regard vers Samuel qu’elle toisa sans lui adresser un moindre mot. Son attention se porta sur Eliot qu’elle connaissait déjà bien puis sur Olympe. Ce nouveau visage l’intrigua et elle la détailla longuement.

  • Qui est-ce ?

Le Capitaine se retourna légèrement et répliqua calmement en portant la pinte à ses lèvres.

  • Une nouvelle recrue. Je te présente Olympe. Elle nous vient d’Angleterre.
  • Je croyais que tu ne voulais pas de femmes dans ton équipage, trancha soudainement la femme au caractère de feu.

Maria posa une main sur sa taille en dévoilant son air désapprobateur. Amaury passa un bras autours des épaules de la jeune femme en ignorant Olympe et Eliot.

  • J’ai fait une exception. Allons discuter au calme…

Il l’amena vers une table à l’écart. Les deux individus s’installèrent.

  • Vraiment une sale garce, grogna le jeune garçon en commandant deux boissons au barman.

Olympe avait senti la colère monter. Cet accueil méprisant ne l’avait pas laissé de marbre. Bien qu’elle ignorait l’identité de cette femme, elle ne la portait pas dans son cœur. Toutefois, elle fut bien surprise de voir une femme vêtue de la sorte. Sans parler de ses bottes et de son veston, Maria était vêtu d’un grand chapeau ovale noir et sa chemise blanche était étriquée dans un corset sombre qu’elle portait, surplombé d’une longue veste marronne. Elle avait de l’allure et elle en jouait.

La jeune femme comprit rapidement qu’elle avait eut affaire à une pirate. C’était la première fois qu’elle rencontrait une femme de ce genre.

Irritée par ces comportements dédaigneux, elle alla s’asseoir à une table tandis qu’Eliot la rejoignit avec du rhum.

  • Je t’offre la première parce que tu as l’air contrariée.
  • Je n’ai aucune raison de l’être, mentit-elle en prenant sa pinte.
  • Ah ? Moi franchement je l’aurai été, vu comment elle t’a considéré, déclara-t-il en faisant la grimace.

Olympe le fusilla du regard et bu quelques gorgées.

  • Qui est cette femme ?
  • Maria ? Oh, eh bien, c’est une pirate. J’pense que tu l’as compris. A chaque fois qu’on aborde ici, le Capitaine et elle s’voient. J’l’aime vraiment pas. Elle est toujours en train de faire la maline et d’se moquer.
  • Ils sont… ?
  • Amants ? Ouaip’.

A cette révélation, la jeune femme porta son regard sur le couple qui était à quelque mètres d’eux. Amaury était affalé sur sa chaise et buvait son rhum en écoutant Maria palabrer, un sourire au coin des lèvres. La femme avait une main sur la cuisse du pirate et lui lançait des regards langoureux. Olympe roula des yeux en posant sa pinte tandis qu’Eliot continuait son histoire. Il avait déjà vidé sa pinte.

  • De ce que j’ai compris, elle est espagnole et n’a pas d’navire ni d’équipage.
  • Oui, je vois, à la recherche d’hommes. Dans tous les sens du terme, répliqua-t-elle en croisant les bras.
  • Surtout pour les tuer, ricana Eliot en demandant une boisson à une serveuse qui passait par là.

Olympe tourna la tête vers l’adolescent en fronçant les sourcils, interloquée. Eliot sentit qu’il devait lui donner des explications. Il chuchota pour éviter de se faire remarquer.

  • J’ai entendu dire qu’une certaine Maria Rozario était recherchée dans l’archipel des Caraïbes pour plusieurs assassinats de soldats américains et anglais. J’ai demandé au Capitaine si c’était vrai et il ne m’a pas répondu. J’en ai conclu que c’était la vérité, avoua le jeune garçon.

Samuel vint s’asseoir en compagnie des commères, son rhum à la main. Il avait entendu toute la conversation et répliqua à la suite d’Eliot.

  • Sans parler de ces compétences en matière d’assassinat, elle est une experte pour pêcher des informations. En usant de ses charmes, elle peut soutirer n’importe quel renseignement. Le privilège de la beauté, dirons-nous, rétorqua calmement l’espagnol.
  • Et elle ne m’apprécie pas. Fantastique, marmonna la jeune femme en vidant sa pinte d’une traite. Une grimace ne tarda pas à déformer son joli visage rougi.
  • Elle n’apprécie pas grand monde, surtout les femmes proches d’Amaury, répliqua Samuel.

Olympe tilta à ses paroles. Samuel se permettait d’appeler le Capitaine par son prénom et il pensait qu’elle était proche de lui. Elle secoua vivement la tête.

  • Je ne suis pas proche de lui, loin de là. Et je n’ai pas envie de l’être, surtout quand je vois ce genre de harpie…
  • L’a du succès le Capitaine quand même, souffla rêveusement Eliot. Sa deuxième pinte était presque vide.

Samuel dévisagea Olympe puis haussa les épaules en retrouvant le silence. Il sirota tranquillement son rhum. La jeune femme se sentit mal à l’aise de cette situation et se leva.

  • Je vais me promener sur la plage. Tu veux venir Eliot ?
  • J’arrive ! s’exclama le garçon en finissant sa pinte qu’il reposa bruyamment.

Elle lui offrit un sourire, déposa quelques pièces d’or sur la table. Il se dirigèrent vers la sortie de l’établissement tandis que Samuel resta seul. Quelques courtisanes comblèrent vite le vide.

Au même moment, Amaury détourna son attention pour suivre Olympe et Eliot du regard, ayant sentit leur présence s’éloigner. Maria était pratiquement collé au Capitaine et ses lèvres effleuraient celles de l’homme. Du bout des doigts, elle fit tourner son menton pour le regarder dans les yeux.

  • Tu me disais, Jones ? Des pirates à Londres, au domaine d’un Comte ?
  • Oui. Je les cherche.
  • Tu cherches Hector Hawkins depuis des années et à présent, des petits pirates qui aurait brulé un manoir. Pourquoi ? demanda-t-elle en le regardant du coin de l’œil.
  • Ce n’est pas pour moi, répliqua-t-il évasivement.
  • Tu n’es pas comme d’habitude. Viens te détendre à l’étage… murmura-t-elle au creux de son oreille en passant ses mains sous la chemise d’Amaury.

Le Capitaine retira doucement les mains de la jeune femme et souffla en cherchant encore la silhouette du petit groupe dans la salle.

  • Tout va bien. Je reste brièvement.
  • C’est pour elle, n’est-ce pas ? Tu l’embauches et en plus tu lui rends service, cracha Maria en se levant brusquement.

Amaury leva la tête vers elle en fronçant les sourcils.

  • Ça ne te regarde pas, Maria.
  • Tu ne diras pas ça lorsque je lui aurai tranché la gorge, siffla-t-elle en se léchant la lèvre inférieure.
  • Maria… gronda le pirate en la fixant intensément.

L’Espagnole impulsive le dévisagea un instant et sans crier garde, quitta la taverne à grande enjambée. Dans sa marche elle sortit une dague en cherchant du regard le duo.

Eliot et Olympe avaient atteint la plage. La jeune femme avait retiré ses bottes et se baignait les pieds à l’eau fraiche en compagnie du jeune garçon qui babillait des bêtises. Elle ne sentit pas l’arrivée de l’espagnole.

Maria s’approcha en faisant tourner sa lame entre ses doigts habiles.

  • Dis-moi, Olympe… Jones t’a accepté dans son équipage avant ou après avoir tiré son coup ?
  • Pardon ? répliqua la jeune femme en se tournant vers Maria, le visage incrédule.
  • Eh bien, étant donner que tu es totalement inintéressante, je me dis que tu as dû lui forcer la main en l’allumant.
  • N’inverse pas les rôles, répliqua froidement la jeune femme en relevant le menton, la défiant du regard.

Maria eut un petit rire surpris et s’approcha lentement mais dangereusement d’Olympe. Celle-ci ne bougea pas d’un pouce, le visage impassible. Eliot sortit discrètement un couteau de sa poche en fixant Maria.

  • Je ne couche pas avec pour avoir quelque chose en retour. C’est simplement par plus plaisir, répliqua-t-elle espièglement.
  • Si être une catin ne te pose pas de problème, j’en suis ravie pour toi, asséna la jeune femme en lui décrochant un grand sourire.

L’Espagnole fut rapidement face à elle et sa dague releva fermement son menton. Eliot attendit patiemment, calculant le moment propice pour agir. Il se ferait un plaisir de découper cette garce.

Olympe ne sourcilla en aucun cas. Elle n’avait pas peur. Elle regrettait seulement d’être venue sans épée et pistolet. Sans arme, elle était sans défense mais elle pouvait toujours se servir de ses poings. Le silence devenait pesant. Maria observait intensément sa rivale. Elle comprit qu’elle s’était peut-être fourvoyée.

  • Si tu ne lui apportes aucun plaisir, alors pourquoi ?
  • Peut-être parce que je ne suis pas aussi inintéressante que ça… souffla-t-elle, une lueur de provocation dans le regard.

Maria sentit la rage la consumer. Elle fit dévier la lame sur le cou de son adversaire et appuya sans pour autant la blesser.  

  • Espèce de salo…
  • Maria ! s’exclama fermement le Capitaine alors qu’il venait d’arriver sur la plage. Sa voix fit tourner certaines têtes dont des pirates qui réparaient des chaloupes. Petit à petit l’attention se porta sur le petit groupe. La scène devenait intéressante. Le capitaine reprit plus calmement : J’ai pris une chambre. Reviens à la taverne.

Maria recula doucement en fixant son ennemi et se retourna lentement. Elle profita de ce moment pour asséner un coup de coude sur le buste d’Olympe qui écarquilla les yeux en tombant à la renverse dans l’eau.

Eliot resta immobile, paralysé par la surprise. C’était un coup bas, même lui n’aurait pas osé. Maria émit un petit ricanement, un sourire malicieux sur les lèvres.

  • Attention petit oiseau, tu as les ailes mouillées. La prochaine fois, elles seront sûrement brulées, menaça-t-elle en lui adressant un dernier regard hostile avant de quitter la plage, frôlant Amaury qui resta stoïque.

Le Capitaine fixa intensément sa recrue et sans un mot, tourna les talons en suivant Maria.

Olympe était encore sous le coup de la surprise. Eliot se dépêcha d’accourir pour l’aider à se relever. La jeune femme observa ses vêtements trempés et toucha ses cheveux mouillés. Son visage était déformé par la haine et des larmes de rage coulaient.

Elle voulait les anéantir.

 

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Après cette humiliation publique, la jeune femme avait cherché à fuir les moqueries des personnes présentes sur la plage à ce moment-là. Elle avait rejoint le Mary en chaloupe, accompagné de certains matelots. Aussitôt à bord, elle s’enferma dans la cale. Longtemps elle exprima sa colère contre les tonneaux qui subissaient ces assauts de coup de pied. Elle rumina la scène, détestant sa faiblesse. Elle détestait cette femme, la maudissait jusqu’à la moelle. La prochaine fois elle lui ferait payer, elle et son air sournois. Quant à Amaury, elle le portait encore moins dans son cœur. Elle aurait apprécié un peu de soutien. Est-il incapable de canaliser cette furie ? Elle s’en était prit à un membre de son équipage, n’importe quel Capitaine aurait riposté !

Olympe s’en voulu. Elle se jura de prendre ses armes où qu’elle aille, à n’importe quel moment, ainsi elle pourrait se défendre si une nouvelle tentative venait à aboutir. Elle pourrait même attaquer et montrer de quoi elle est capable.

La cale devenant bruyante, John décida de jeter un œil. Lorsqu’il vit Olympe les poings serrés et cognant rageusement contre une poutre, il cligna des yeux. Ce n’était pas une attitude correcte pour une lady mais, après tout, elle était une pirate à présent. Le Second s’approcha et s’assied sur un hamac.

  • Olympe ?

Celle-ci se tourna brusquement en arrêtant son carnage. Les bras ballants, elle observa John.

  • Je ne voulais pas m’en prendre à la poutre mais…
  • Vous êtes contrariée ?
  • Contrariée ? Le mot est faible ! Je suis folle de rage !
  • Plait-il ?

John resta perplexe. Olympe prit une grande inspiration avant de s’asseoir sur son propre hamac. Elle balança ses pieds dans le vide. De l’eau dégoulinait encore de ses vêtements.

  • Est-ce que ça serait déplacé de vous demander pourquoi vous êtes trempée ?
  • J’ai fait la connaissance de Maria Rozario.
  • Et vous êtes encore en vie ? demanda John en feignant l’étonnement.
  • Tout le monde connait sa réputation, visiblement.
  • Qu’avez-vous fait pour subir ces foudres ?
  • Rien, justement. J’étais sur la plage en compagnie d’Eliot et elle est venue me menacer.

John parut soudain comprendre. Il s’appuya contre le hamac en soupirant.

  • Pour Amaury, je suppose ?
  • Oui. Elle m’a accusé d’avoir… hm… balbutia la demoiselle, hésitante.
  • Eté proche de lui ? demanda le Second sentant la réticence de la jeune femme.
  • Hm, oui, c’est cela.
  • Pourtant ce n’est pas le cas.
  • Absolument pas.
  • Elle est quelque peu paranoïaque.  
  • Complètement dérangée, je dirais. Et nôtre cher Capitaine n’a pas bougé le petit doigt. Il s’est même permit de profiter du spectacle. C’est lamentable, cracha-t-elle en retrouvant sa rage d’antan.

John se crispa. Il se leva et lui tendit poliment la main.

  • Je lui en toucherai deux mots si vous le souhaitez, en attendant, venez vous séchez au soleil.
  • Ce n’est pas la peine, souffla-t-elle en prenant sa main. Elle se releva et le suivit à l’extérieur de la cale. Elle rajouta, un petit sourire aux lèvres : Merci John.
  • Tout le plaisir est pour moi, mademoiselle Fiennes.

Le second lui sourit gentiment. Il l’amena sur le pont et tout deux s’assirent sur le plancher. La jeune femme s’allongea et ferma les yeux en se détendant petit à petit. John décida de l’imiter, amusé.

La détente fut de courte durée, Eliot sauta sur le bastingage, tout excité. William l’accompagnait, irrité par l’agitation de l’adolescent. Un grand sourire collé sur le visage, le gamin s’exclama.

  • Vous ne le croirez pas les gars ! Hé oh venez écoutez !

Certains matelots s’approchèrent, à l’affut. Rester sur le navire toute la journée était ennuyeux. Olympe et John se redressèrent, surpris de voir le garçon débouler ainsi.

  • Hey Olympe, quand tu es partie, j’ai rejoint la taverne, décidé à en découdre avec cette garce de Rozario. J’suis arrivé et y avait pas mal de pirate dont ceux qui étaient sur la plage lorsque vous vous êtes disputées.

Olympe le regarda en fronçant les sourcils. Elle n’avait pas envie de se rappeler de cet épisode fâcheux.

  • Abrège Eliot, répliqua avec lassitude John.
  • Oui, oui, j’y viens mais c’est incroyable, j’vous jure les gars ! s’excita d’avantage le garçon. Il reprit : L’Capitaine il suivait Maria pour voilà, hein, vous savez quoi…
  • Eliot, grogna John en perdant patience.
  • Oui, pardon. Et là, à ce moment-là, y a un pirate qui est v’nu s’moquer d’Olympe au Capitaine parce qu’il l’a vu s’faire humilier par l’autre garce. Et vous savez ce qu’il a fait le Capitaine ? Trop fort !

William soupira en accrochant la chaloupe, lassé de ces histoires sans intérêt.

  • Il a décroché une droite au gars ! Il a défendu Olympe !

Le vent souffla et ses cheveux virevolta contre sa joue encore humide. Ses yeux s’écarquillèrent aux fils de sa phrase. La surprise l’envahit et une vive chaleur remplit son corps. Il avait défendu son honneur.

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