Ses mots n’étaient plus qu’un murmure. Elle se laissa glisser sur le sol. Ce frère, qu’elle croyait mort depuis tant d’années retira son casque et s’agenouilla près d’elle. Il replaça l’une de ses mèches derrière son oreille, comme il le faisait quand elle était encore enfant.
— Si tu es en vie, qui a brûlé sur le Bômos ?
— L’homme qui m’a aidé à m’enfuir lorsque j’ai vu le registre. Je voulais t’emmener avec moi mais tu étais trop jeune.
— Le registre de l’Anax ?
— Oui, il avait consulté l’Oracle et en avait déduit que nous causerions sa ruine. Je suis parti en demandant à la mère de Keiôs de veiller sur toi. Le temps venu, elle devait vous guider à nous. Malheureusement, l’Anax a compris qu’elle conspirait, elle a donc laissé tout ce qu’elle pouvait comme indices au garçon le plus brillant qu’elle connaissait et a fui avant d’être rattrapée.
Il sourit à Keiôs qui les regardait, les yeux embués.
— Voici la correspondance que j’entretenais avec ta mère. Elle voulait que tu l’aies.
Oléthros se tut, chacun prit le temps de digérer ces révélations. Theia se sentait submergée. Des centaines de questions lui brûlaient les lèvres mais pour l’heure, elle était juste ravie de retrouver son frère. Elle regarda Chaahk et Ixchel. Elle ne les connaissait pas, ne savait pas si elle pouvait se fier à eux mais il semblerait que leurs destins soient étroitement liés. Elle ne comprenait pas ce qui l’avait menée là. Elle se tourna vers son frère. Il lui raconta tout ce qui lui était arrivé depuis son départ et lui expliqua l’organisation du village.
Au bout d’un certain temps, Keiôs, qui lisait les lettres de sa mère, les interpela. Il leur montra le croquis précis et détaillé d’une clé.
— Oléthros, est-ce que vous auriez fait faire cette clé ?
— Oui, elle est dans mon étude.
— Il nous la faut.
Keiôs regarda Theia. Elle avait compris. Elle sortit instantanément la boîte de l’Anax de son sac. Oléthros ouvrit grand les yeux avant de se précipiter hors de la pièce.
— Qu’est-ce que c’est que cette boîte ? demanda Chaahk.
Keiôs leur expliqua que la lecture des lettres de sa mère l’avait amené à comprendre que dans cette boîte était scellée la vérité. L’inscription HHΔΔ signifiait « 220 » et elle se référait aux 220 villages qui avaient signé le Traité au lendemain de la Destruction. L’humanité était bien plus développée que ce qu’on avait voulu leur faire croire. Oléthros revint quelques minutes plus tard avec la fameuse clé. Il ouvrit la boîte et se mit à lire :
La Grande Inondation et les phénomènes inexplicables qui ont suivi nous ont amené à prendre une décision. Les deux cent vingt signataires de ce traité s’engagent à créer un village honorant le plus fidèlement possible le panthéon organisé autour d’une des quatre divinités suivantes : Zeus, Tlaloc, Osiris et Odin.
Les populations auront l’interdiction absolue de sortir des villages. Une rencontre entre elles serait catastrophique et mènerait à la rébellion et à la destitution.
Des sacrifices réguliers devront être organisés afin d’éviter la surpopulation. S’il a pour but d’apaiser la colère des dieux, le sacrifice sera accepté par les hommes. Pour choisir les offrandes, deux champions s’affronteront dans chaque village. La descendance du perdant tiendra lieu de sacrifice aux dieux.
Personne n’osa bouger. Si Theia sentait que quelque chose ne tournait pas rond, elle était loin de s’imaginer que son existence était un mensonge. Oléthros prit enfin la parole :
— Il nous faut réunir le conseil. Ce soir, j’aurai besoin de votre présence à tous les quatre.
Keiôs, Chaahk et Ixchel acquiescèrent. Ils se dirigèrent ensuite tous vers leurs appartements.
Retrouvée seule, Theia attendait son moment. Elle ne pouvait laisser les choses en l’état. Elle devait agir et vite. Lorsque le village se fit plus calme, elle sortit et se rendit dans la salle où Oléthros les avaient accueillis. Sur la grande table, elle récupéra la carte. Elle commençait à la plier lorsqu’elle entendit la voix de Chaahk :
— Theia !
Dans l’embrasure de la porte, il la regardait un sourire aux lèvres, Keiôs et Ixchel se tenaient derrière lui livres et armes en main.
— Tu ne pensais pas aller jouer les héroïnes sans nous ? S’il faut parcourir le monde pour dévoiler la vérité, nous le ferons ensemble.
Theia leur sourit, elle sentait sa gorge se serrer de gratitude. Puis, elle dit avec détermination :
— Allons-y !
*** FIN ***
J'ai fait une pause dans ma lecture de ton histoire et je m'en excuse. Mon inconstance est mon vilain défaut de lectrice.
Je suis désormais au bout de ton récit, et en effet, tu ne te trompes pas dans ton auto-analyse : ça va très vite. En fait, ça se lit presque comme un synopsis détaillé, les actions majeures décrites dans les grandes lignes, mais aucun niveau de détail octroyé à aucune scène. C'est ta décision, évidemment, mais si tu cherches à savoir si ça vaut la peine de reprendre le tout pour le développer, je pense que oui. Tant que ça te plaît à toi aussi, je pense que tu as largement de quoi étoffer ça en une histoire solide. =)
La révélation finale, selon laquelle ils ont été condamnés à des sacrifices rituels afin de contrôler la population, aussi bien en nombre que dans leur actions, tombe bien. Il y a un côté Watchmen/Divergent, dans l'idée que les personnages aient en réalité vécu dans le mensonge depuis le début (en mieux amené, parce que dans Divergent, c'est un peu cousu de fil blanc ^^). Ça m'a aussi un peu fait penser au film Le Village, que je n'ai pas vu parce que j'étais trop petite pour les films d'horreur à l'époque de sa sortie, mais dont on m'a raconté la conclusion. Alors oui, le fait que j'ai 3 parallèles en tête peut de donner l'impression que c'est vu et revu, mais ce n'est pas mon intention. Il y a plus d'une façon de faire cuire un œuf. Je ne m'attendais pas à ce que le frère soit en vie, par exemple. Et je suis curieuse au sujet de la société dans laquelle il a trouvé refuge. Ils l'ont hébergé, et semblent savoir que les sacrifices sont inutiles, mais pourtant les réponses finales se trouvent dans le livre volé au début par Théïa et Keiôs. Et cette histoire de prophétie laisse perplexe, également.
Au bout du compte, tu pourrais développer tous les aspects, aussi bien les scènes de combats, que les scènes de suspens, ou les dialogues explicatifs. Le tempérament combatif d'Ixchel est déjà bien dessiné, même en dépit de la brièveté du texte. Même le passage où Theïa fait usage de ses connaissances en astronomie pourrait être un long passage à lui tout seul. =)
Quoi d'autre ? J'ai bien aimé le "mélange des cultures", avec un village à ascendance Grecque, un autre à ascendance Sud-Américaine, et un autre probablement Scandinave, ou encore Égyptienne. Avec le nombre de panthéons reconnus à travers l'Histoire e l'Humanité, il y a de quoi faire ! Et les choix de noms sont plaisants, car on reconnaît les sonorités, tout en ayant droit à de la nouveauté, parce qu'il ne me semble pas que ces noms apparaissent quelque part de précis dans les textes. Ou alors c'est très obscur, auquel cas l'effet est sensiblement le même, sauf pour les connaisseurs pointus. ^^
Et pour conclure, je dirais que même si tu estimes déjà cette histoire racontée et ne souhaites pas la reprendre (pas de jugement, c'est ma façon de faire), tu as aussi de quoi faire avec l'aventure qui se présage pour le quatuor, qui semble déterminé à avertir la population. Comment vont-ils s'y prendre ? Va-t-on les croire ? Quels changements vont s'opérer ? Qu'elle opposition vont-ils rencontrer ?
Enfin voilà. Tu as un début, des péripéties, une fin, et même une perspective en bonus, ce qui est plus que beaucoup de gens qui écrivent, alors je pense que ça vaut le coup de le noter, aussi basique ça puisse paraître. =D
Excellente continuation à toi, et à bientôt peut-être !
Zlaw
Tout ce que tu parlais de développer l'a été, je l'espère :)
Je viens de finir le premier jet du roman et ces aspects sont plus étoffés. Je vais le relire et le publier très prochainement. Merci encore pour tes retours si précieux !!! Ils l'ont bien aidée :)
Si je ne pense pas qu'il faille cacher les choses, j'ai du mal à voir l'intérêt de commentaires qui ne font que souligner les défauts. Selon moi, on progresse mieux en s'appuyant sur ses points forts, en plus du fait que c'est beaucoup plus motivant. On ne monte pas une échelle en retirant les échelons du bas, mais en en ajoutant en haut, non ? (Ceci était la minute métaphore fumeuse. ^^)
Aussi, ce que j'ai bien aimé ici, c'est que ton récit ne pousse pas un message écrasant. Pourtant, on pourrait sans doute lancer des débats éthiques à partir de certains points d'intrigue, et tirer quelques leçons de morales ici et là, mais la liberté est laissée au lecteur. Ça me manque, ces temps-ci, des récits plus portés par leur histoire que par un message à peine voire pas du tout voilé. À mon avis, quoi qu'on veuille transmettre, les lecteurs verront de toute façon toujours ce qu'ils veulent voir, dans leur lecture, alors autant se focaliser sur les faits plutôt qu'un sous-entendu, qui le plus souvent paraît condescendant, aussi pertinent soit-il peut-être. Rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, chaque médaille à un revers. C'est comme ça qu'on travaille son esprit critique, aussi, en analysant une situation objectivement sous plusieurs angles, au lieu que la conclusion à tirer soit imposée. Mais peut-être que je vais un peu loin, c'est vrai. xD
Au final, je suis presque triste d'avoir déjà lu cette version avant de lire la suivante, mais je pense que je serai quand même au rendez-vous. Et félicitations pour ce premier jet de roman, d'ailleurs ! C'est très chouette de finir une histoire, quelle qu'en soit la version ! =)