Lorsque Sélyna entre dans le sous-sol, il découvre immédiatement qu’elle est mécontente. C’est comme si l’air autour d’elle pulsait et se contorsionnait en réponse à son aura. Il ne s’attendait pas à la voir ce jour-là. Il retient un soupir et reporte son attention sur sa partition. Il n’est pas particulièrement heureux qu'elle soit là ; il a trop de mal à effacer de sa mémoire la harpie qu’elle a été la veille.
Il entend son pas léger, sa main se pose sur son épaule en un geste de tendresse. Comme d’habitude, son cœur se met à battre follement au contact de sa chaleur. Réfrénant l’enthousiasme de son corps traitre, il reste impassible et continue à annoter les feuillets sur le présentoir du clavecin. Elle se laisse tomber près de lui.
— Je suis désolée pour mon comportement d’hier, murmure-t-elle, en effleurant le bois de l’instrument de ses doigts fins. Tu n’y es pour rien si Merwen a été libérée de ses obligations : mon père vient de me dire pourquoi il l’avait fait.
Le masque se tourne légèrement vers elle et le regard azur se rive dans ses yeux. Le compositeur attend en silence. Sélyna soupira. Il sent l’agacement monter en elle. Elle semble avoir quelque chose à lui demander, quelque chose qui se heurte à la porte fermée de ses lèvres.
Finalement, elle se colle contre lui. Un petit sourire étire ses lèvres, sans doute en réponse au tressaillement que son contact provoque dans le corps du musicien.
— Mon père m’a avoué qu’il a promis ma main à son associé, le baron de Vilepierre. C’est pour cela qu’il s’est débarrassé de Merwen. Je ne sais pas quoi faire.
La chanteuse caresse doucement le bras de son compagnon. Elle pousse un profond soupir, aux accents de tristesse.
— Dis-lui que tu refuses. Ton père t’écoutera.
— J’ai essayé. J’ai tempêté, j’ai crié, mais il n’a rien voulu savoir. Cet homme l’a menacé de dévoiler ses activités peu… honorables.
Le fantôme retient un grognement railleur. Cela ne l’étonne pas : Grégoire Valronn gère de nombreuses affaires au théâtre et certaines ne sont vraiment pas légales. Les représentations étaient parfois l’occasion d’échanges et de discussions avec des partenaires peu recommandables. Il n’est pas dupe et Sélyna n’était pas particulièrement discrète avec lui. Il a cru pendant longtemps que c’était dû à sa confiance en lui. Mais il réalisait maintenant que c’était surtout parce qu’elle le considérait comme une quantité négligeable.
— Pourquoi m’en parles-tu ? Je ne vois vraiment pas en quoi je peux t’aider.
La conversation commençait à l’agacer ; les notes qui attendaient s’impatientaient et les vibrations qui entouraient la jeune femme étaient extrêmement désagréables. Il reporte son attention sur son travail.
— Il vient ce soir, pour une présentation officielle. Et je me suis dit que tu pourrais t’en occuper.
Sa main qui prenait à nouveau sa plume se fige. Son cœur rate un battement. Qu’est-elle en train de lui demander ? Il se tourne vers elle.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Sa voix est tranchante comme l’acier. Elle se serre encore un peu plus contre lui et lui prend la main.
— Je veux dire, murmure-t-elle contre son oreille, que tu pourrais aisément me débarrasser de lui. Ainsi nous pourrions être ensemble : je sais que tu me désires, depuis notre première rencontre. Si tu le tues, je te promets que je serais à toi pour l’éternité.
Sa voix douce et chaude prononce les paroles qu’il entend dans ses rêves. Pourtant le frisson qui s’empare de lui n’a rien d’agréable. Son sourire tendre devient un rictus de malveillance ; ses charmants yeux remplis d’amour se métamorphosent en puits sans fond. Il a l’impression de voir son âme noire.
Brutalement, il se lève et s’éloigne. Déséquilibrée, elle se retient de justesse à l’instrument avec un glapissement.
— Tu… tu crois que je pourrais commettre un meurtre de sang-froid… pour toi.
Sélyna cligne des yeux, de toute évidence surprise.
— Mon amour…, fait-elle, d’une voix suave.
— Tais-toi. Ne prononce pas ces mots. Parce que je suis… défiguré, tu penses que je suis capable de ce genre de…
— Tu ne m’aimes pas, alors ! s’écrie-t-elle, en se levant à son tour.
Sa voix a pris une tonalité aiguë, des larmes perlent à ses yeux. Le masque croise les bras. Ses yeux brillent d'un éclat glacial.
— Va-t’en, Sélyna.
Elle reste interdite. Les mots meurent sur ses lèvres.
— Va-t’en, répète-t-il, d’une voix sourde.
La jeune femme serre les poings ; sa jolie bouche se crispe en une grimace de haine. Comment avait-il pu aimer un être tel que cette mégère ? Il s’était laissé piéger par ses regards languissants et les paroles qu’il rêvait d’entendre depuis si longtemps. Il était devenu aveugle. Mais ses œillères étaient tombées. Sous son apparence d’ange dormait un vrai démon.
— Tu es comme tous les autres hommes. Tu te sers de moi et tu m’abandonnes quand j’en ai vraiment besoin. Tu me le paieras, monstre…
Un corps sur la scène. Tout ce sang. La musique dissonante lui déchire les oreilles. Elle entoure Sélyna, debout au-dessus du cadavre. La canne heurte sa tempe. Une décharge de douleur se répand dans son crâne et le monde tourbillonne. Il s’effondre sur le sol, tente de se soulever, un coup de pied dans le flanc le renvoie à terre.
Monstre… Assassin… Les yeux si noirs de Grégoire Valronn le percent de part en part ; il essaie de se relever, mais l’un des sbires le frappe au visage ; son masque glisse sur le bois. Il tend la main pour le rattraper ; la lourde canne heurte ses doigts, une fois, deux fois, trois fois, le feu de la douleur rampe le long de son poignet et de son bras, notes discordantes et rythme chaotique.
« Il sera le parfait bouc émissaire. Le fantôme du théâtre, un hors-la-loi, un va-nu-pied, un fou furieux. Tu as eu raison, ma chérie »
Monstre… hors-la-loi…
« Monstre… » Le fantôme se réveilla brutalement, et regarda autour de lui. La voix… Qui avait prononcé ces mots ? Mais la pièce obscure et froide était déserte. Tout était au même endroit qu’au moment où Isobel l’avait quitté. Combien de temps ? Il n’en avait aucune idée. Les planches qui obstruaient la fenêtre étaient légèrement disjointes, mais aucune lumière ne les transperçait. Il se pelotonna davantage sous la couverture et inspira profondément pour apaiser les battements de son cœur, écoutant la mélodie des lieux. Elle pulsait autour de lui, calme et rassurante. Il se demanda si cela ne venait pas d’Isobel.
Elle soulagea un peu sa migraine. Son flanc et ses hématomes irradiaient de douleur dès qu’il bougeait et il avait l’impression de sentir le métal froid percuter sa tempe encore et encore. Le visage blême et cruel de Sélyna flottait devant ses yeux ; les paroles de Valronn tourbillonnaient dans son esprit et la musique devint chaos.
Il serra ses bras autour de son torse et retint de toutes ses forces un sanglot. Ses tremblements devinrent frissons et il se recroquevilla contre le mur. Le sommeil l’emporta à nouveau.
Lorsqu’il se réveilla une seconde fois, une pâle lueur illuminait la salle. Il discernait un peu mieux les parois, le sol de pierre et les meubles défoncés. Le soleil était-il levé ? Il se redressa doucement et se mordit les lèvres lorsque ses blessures se firent sentir. Il s’assit en tailleur et s’adossa au mur. Sa gorge sèche et ses lèvres parcheminées le brûlaient. Les brumes du sommeil s’accrochaient encore à son esprit.
Il se figea lorsqu’il croisa le regard glacial d’Isobel, accroupie non loin de lui, un mousquet posé sur ses genoux, sa gueule pointée vers lui. Son souffle se coinça dans sa gorge.
— Est-ce que vous l’avez tué ?
Sa voix était tranchante comme l’acier de son épée, son visage impassible.
— Non.
— J’ai lu le rapport. Le témoignage de Valronn est intéressant. Il raconte en détail ce que vous avez fait au baron de Vilepierre, par jalousie ; comment il a dû se défendre contre vos attaques furieuses ; comment vous vous êtes enfui… Il relate aussi toutes les tentatives d’intimidation que vous avez faites contre les propriétaires et les visiteurs du théâtre…
— Si vous êtes persuadée que je suis coupable, arrêtez-moi, fit-il d’un ton aussi glacial que celui de la jeune femme. Vous auriez d’ailleurs dû déjà le faire quand vous m’avez trouvé dans les souterrains.
— Ne me tentez pas. Dites-moi la vérité.
— C’est ce que j’ai fait. Que pourrais-je dire que vous pourriez croire, sergent ? Grégoire Valronn est un homme riche, influent ; je ne suis qu’un spectre qui se cache dans les bas-fonds d’un théâtre, je n’ai aucune existence, je ne suis qu’un vagabond.
— Que s’est-il passé ?
— Qu’est-ce que cela peut faire ? Vous ne me croirez pas de toute façon.
Ses yeux azur restaient fermes. Isobel sentait toute son amertume et sa faiblesse. Il tremblait, mais il ne flanchait pas. Elle baissa son arme, mais la garda en main.
— Je vous écoute.
« Je vous écoute »…. Écoute-moi, regarde-moi… L’écho de la voix de Sélyna, insistante, demandeuse, retentit dans son esprit. Masque observa les volutes éthérées qui dessinaient la silhouette de la guerrière : des notes calmes, paisibles et puissantes en même temps. Il n’avait jamais vu ce genre d’aura autour de Sélyna. Il prit une profonde inspiration et s’efforça de contrôler l’invasion des images et des sensations.
— J’ai surpris Grégoire Valronn au moment où il tuait le baron de Vilepierre. Il l’avait poignardé et le sang… le sang…
Masque avala sa salive et crispa les paupières pour faire disparaitre sa nausée.
— Je n’ai pas été assez discret et attentif, reprit-il. L’un des malfrats qu’il avait fait venir m’a heurté par-derrière. J’étais étourdi et ensuite, Valronn était tout près de moi. Il m’a frappé avec sa canne sur la tempe puis ils se sont acharnés sur moi. Je crois que j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé dans les souterrains, trainé par ces hommes.
— Pourquoi ne vous ont-ils pas enfermé au théâtre et ne sont-ils pas allés chercher la garde s’ils voulaient vous mettre le meurtre sur le dos ? Pourquoi chercher à vous mettre hors de vue ?
— Je ne suis pas dans leur tête, sergent. Je n’en sais rien.
Isobel l’observa un long moment d’un air pensif. Elle avait l’impression qu’il mentait.
— Puis-je me lever ? demanda soudain l’homme blessé, d’une voix mal assurée.
Isobel hocha la tête. Masque s’appuya de sa main gauche sur le mur, garda son bras droit lové contre sa poitrine et se mit debout avec difficultés. Le sergent fit de même, en le surveillant. Elle ne savait toujours pas si elle devait le croire. Pourtant, son instinct lui disait qu’il était innocent. Devait-elle lui faire confiance ? Il marcha jusqu’à la fenêtre, reposa son épaule contre le mur et inspira une pleine goulée d’air. Cela calma les nausées.
— Qu’est-ce que vous voulez faire alors ? demanda-t-il soudain, d’un ton légèrement agacé. M’arrêter, m’achever, me laisser partir ?
— Valronn et ses sbires… Il n’y avait personne d’autre ?
Masque se figea. Sélyna apparut devant ses yeux : la dague ensanglantée à la main, si belle et si féroce, son regard émeraude brillant de folie. Elle avait ri quand son père et ses hommes l’avaient frappé. Pourtant pouvait-il la trahir ? Isobel le fixait en silence. Elle ne le menaçait plus, mais son visage restait sévère. Les tremblements reprirent de plus belle. Pourquoi fallait-il qu’il soit si faible ?
— Masque ? Quelqu’un d’autre était-il présent ?
Sa voix était ferme, mais les notes douces qui émanaient de la jeune femme l’entourèrent et le bercèrent. Jamais celles de Sélyna n’avaient eu cet effet sur lui.
— Sélyna. C’est elle qui a…
Sa voix se brisa et il baissa la tête. Pourquoi ne pouvait-il le dire ? Il ne l’aimait plus, n’est-ce pas ? Il avait vu son vrai visage, il ne pouvait l’aimer. Isobel attendait, patiente.
— Sélyna a tué le baron. Elle ne voulait pas l’épouser.
— D’après son père, Sélyna n’était pas présente au théâtre.
— Je vous dis ce que j’ai vu. Me croire ou pas ne dépend que de vous.
Masque croisa les bras et se détourna. Il serrait sa main aux doigts gonflés contre son torse. La douleur s’était réveillée et s’intensifiait de seconde en seconde. Un long frisson le parcourut. Il entendit un choc lorsqu’elle déposa l’arme sur l’un des meubles, puis elle fut auprès de lui. Son parfum de chèvrefeuille envahit ses narines.
— Montrez-moi cette main, fit-elle.
Il la sortit de son abri de tissu. La garde la manipula délicatement, fronçant les sourcils : les doigts, d’une couleur rouge et noir étaient gonflés, certains étaient tordus dans une position peu naturelle. Cela devait le faire atrocement souffrir.
— C’est vous qui jouez de la musique, la nuit ? murmura-t-elle.
Stupéfait, il la regarda.
— Comment… ?
— Lors de mes rondes, je termine par le théâtre dans l’espoir d’entendre ces morceaux si magnifiques. J’ai toujours voulu rencontrer le compositeur.
— Je traduis la musique de l’univers, fit-il, énigmatique.
Un craquement retentit et une douleur fulgurante lui traversa le bras. Il jura et recula brusquement, se cognant dans le mur.
— Désolée, fit-elle. Il fallait que je le redresse avant qu’il ne soit irrécupérable.
Haletant, Masque s’efforça de reprendre son souffle, mais la souffrance s’atténua rapidement. Il devait bien admettre qu’elle était un peu moins forte.
— Vous auriez pu prévenir, grogna-t-il.
Elle sourit sans répondre.
— Venez.
Elle posa une main sur son coude et attendit en le regardant. Il hocha la tête et la suivit jusqu’à un fauteuil bien abimé. Il s’y installa, soulagé. Elle fouilla dans l’un des meubles, en sortit une bande de tissu propre et revint vers lui.
— Vous faites souvent ce genre de chose ? ne put-il s’empêcher de remarquer.
Elle semblait avoir apporté une bonne quantité de matériel de soin dans cet endroit. Elle ne répondit pas immédiatement, occupée à placer doucement son bras dans le tissu puis à le nouer autour de son cou, pour maintenir la main immobile. Pouvait-elle lui révéler son secret ?
— Disons que j’ai certaines activités un peu violentes que je préfère cacher à mes collègues.
Masque pencha la tête sur le côté, visiblement interloqué. Elle réalisa soudain combien cela pouvait sonner incriminant. Elle rougit légèrement.
— Rien de criminel… Je combats souvent dans l’une des arènes du port. Je préfère me soigner et me reposer ici, quand j’en ai besoin.
— Cet endroit est votre refuge.
Elle écarquilla les yeux. Comment avait-il su ?
— L’atmosphère est imprégnée de votre musique, murmura-t-il.
Quelle phrase étrange ! se dit-elle. Quel homme étrange ! Elle l’observa un long moment, alors qu’il avait rabattu sa tête contre le dossier du fauteuil et avait fermé les yeux.
— Alors, qu’avez-vous décidé ?
Sa voix mélodieuse était plus calme, plus accablée aussi.
— Grégoire Valronn cache quelque chose, commença-t-elle. Les hommes qui vous ont emmenés ne sont pas des enfants de chœur. Ce sont des criminels notoires. On ne les embauche pas comme service de sécurité dans un théâtre. Et il y a vos blessures : votre main donne l’impression que l’on s’est acharné dessus. Ce ne sont pas des blessures faites à quelqu’un pour se défendre.
Elle parlait comme pour elle-même, le regard dans le vague. Masque l’écoutait attentivement, fasciné par son cheminement de pensée.
— Tous ces faits me font pencher en votre faveur. Cependant, je doute que Sélyna soit la meurtrière.
L’homme ouvrit les yeux.
— Je n’ai pas…
— Pas menti. Je sais. Mais se pourrait-il que vous ayez confondu la vérité avec une illusion, due à votre état ?
— Je vous assure que…
Il s’interrompit : les images de la jeune femme étaient floues et informes. L’avait-il vraiment vue ?
— Vous avez murmuré son nom dans votre sommeil, à plusieurs reprises. De toute évidence, cette femme compte pour vous.
— Elle comptait, fit-il en se détournant.
Son ton était méprisant et rempli de rancœur. Elle avait dû lui faire beaucoup de mal. Sans qu’elle comprenne pourquoi, Isobel éprouva de la peine pour l’homme. Elle s’agenouilla et posa sa main sur son genou.
— Je vais enquêter sur Valronn. En attendant, vous restez caché ici et vous vous reposez.
— Vous… vous allez repartir ?
Il se haïssait pour le besoin qui perçait dans sa voix. Mais c’était plus fort que lui : il se raccrochait à elle comme si elle était sa seule chance de salut. Elle sourit d’un air doux, qui illumina son visage.
— J’ai apporté de quoi vous sustenter, ainsi que des vêtements de rechange. Je propose aussi de vous installer dans un endroit moins facile d’accès, au cas où. Et il faudra soigner cette main. Je reprends mon service cette nuit, mais je tâcherai de repasser.
— Merci, souffla-t-il.
— Venez, je vous ai préparé un petit coin douillet.
Il la regarda un moment. Sa musique était toujours aussi douce. Il se leva. Elle attrapa les couvertures en boule sur le matelas et quitta la pièce. Il la suivit, un peu plus assuré sur ses jambes, le long du couloir, jusqu’à un escalier qui descendait dans le sous-sol.
— Ce sont les geôles, lui expliqua-t-elle, d’un ton léger. J’ai installé un camp de fortune dans celle qui est la plus éloignée, avec de la nourriture et de l’eau pour plusieurs jours.
Elle lui jeta un coup d’œil alors et s’arrêta, un éclair d’inquiétude traversa son visage.
— J’espère que les souterrains ne vous dérangent pas.
— J’ai l’habitude.
Elle sourit et reprit sa descente. Son aura était toujours aussi apaisée, mais Masque y percevait une légère dissonance. Il mit cela sur le compte de sa défiance. Il ne pouvait pas la blâmer.
Ils débouchèrent sur un long couloir, le long duquel s’alignaient des portes métalliques. Il ne put retenir un frisson. La mélodie de ce lieu n’était pas très agréable. Ils le remontèrent jusqu’au bout et elle le précéda dans une vaste cellule. Une lanterne y brillait, un matelas recouvert de plusieurs couvertures était posé contre le mur du fond, une caisse remplie de nourriture non loin. Des vêtements étaient rangés sur une couverture pliée à côté du lit improvisé.
Elle déposa celles qu’elle avait rapportées de l’étage et recula vers la porte. Masque observa les lieux attentivement. Elle avait nettoyé l’endroit du mieux qu’elle pouvait. Un soupirail assez large, juste au niveau du sol, laissait entrer l’air. Il se retourna vers elle pour la remercier, mais lorsqu’il croisa son regard, ses mots moururent sur sa bouche.
— Je suis désolée, fit-elle.
Masque écarquilla les yeux, réalisant ce qu’elle comptait faire.
— S’il vous plait, ne…
Ses mots furent recouverts par le claquement métallique de la porte qui se refermait et se verrouillait. Il se précipita et y posa sa main valide.
— Je ne peux pas vous laisser en liberté, pas tant que je ne suis pas convaincue.
— Isobel ! cria-t-il, essayant de contenir la terreur qui l’envahissait.
— Je reviendrai demain. Vous serez en sécurité ici.
Il appuya son front sur la porte et prit une profonde inspiration pour contrôler son angoisse. La voix de la raison lui murmurait qu’il devait lui faire confiance, que sa réaction était logique. Sa musique ne pouvait le tromper. Ses blessures le lançaient. D’un pas vacillant, il retourna au fond du cachot et se laissa tomber sur le matelas.