Je regrette terriblement d’avoir crié sur Isis hier. C’est vrai au fond, elle n’avait rien fait de mal. Elle voulait juste comprendre, mais elle a touché le point trop sensible. Je me suis sentie gênée lorsqu’elle s’est mise à pleurer. D’un côté, je pense qu’elle n’aurait rien pu faire d’autre, se retrouver dans un organisme dont on ne se sait rien est un peu traumatisant. J’étais comme elle les premières semaines suivant mon arrivée. Je n’aurais souhaité ça à personne et pourtant loin d’agir différemment je me comporte comme eux l’on fait avec moi. Je porte mon regard sur ma table de nuit. La lettre que l’on m’a transmise hier s’y trouve. Je passe en boucle dans ma tête les mots qui y sont écrits « Rendez-vous à 10 h avec le maréchal Darkan ». Je l’ai à peine vu la veille qu’il veut déjà me revoir. Cependant, mon intuition me dit que c’est pour autre chose que d’habitude. Cela ne peut pas être la section spéciale, je l’ai vidée hier. Je boutonne ma veste, puis sors pour frapper à la porte d’Isis qui se trouve à côté de la mienne. Comme peu de femmes vivent dans cette base, il a été aisé de dégoter une pièce pour mon aide de camp dans l’aile qui nous est réservée. Je sursaute en entendant un « BANG » sonore qui provient de l’autre côté. L’instant d’après, Isis apparait, le regard paniqué. Un torrent d’excuses se déverse de sa bouche avant que je ne puisse m’exprimer. Je la stoppe nette et dis dans un même élan :
- Va te recoucher, il est encore tôt. Je te préviens juste que je vais m’entrainer. Tu peux prendre une douche dans ma chambre. J’ai demandé à Luna de venir te chercher vers 7 h 30 pour déjeuner. Elle te donnera du travail, car je ne serai pas de retour avant l’après-midi.
Isis me regarde un peu déboussolée, avant de retrouver ses esprits.
- D’accord.
Je m’apprête à m’éloigner, mais elle m’interpelle hésitante :
- Au fait Elena, désolée si je t’ai embarrassée hier avec mes questions.
- Tu n’as pas à t’excuser, la rassuré-je. C’est ma faute. Ne te tracasse pas.
Je lui souris pour souligner mes propos. La tension qui émane de mon aide de camp disparait quelque peu et elle me rend mon sourire. Je la salue, puis la quitte pour me diriger vers la salle d’entrainement.
Je suis presque arrivée lorsque je remarque quelqu’un approcher à l’opposé. Je le reconnais tout de suite, c’est Hans. Nous nous arrêtons en même temps devant l’entrée.
- Qu’est-ce que tu fous là, Darkan ? soupire-t-il d’une voix lasse.
- Je vais m’entrainer. Tu as un problème avec ça, Wolfgard ?
- Là n’est pas la question.
Je dois me retenir pour ne pas me montrer trop brusque.
- C’est mon heure habituelle, mais je te retourne ta demande. Et toi pourquoi es-tu là ?
- Je suis tendu, tirer me calmera.
- Pourquoi ?
Mon collègue me lance un regard noir. Je remarque ses cernes sous ses yeux. À l’évidence, lui non plus n’a pas dû beaucoup dormir cette nuit.
- De quoi, je me mêle. Occupe-toi de tes affaires.
- Toujours aussi désagréable, bougonné-je.
- Et c’est toi qui me dis ça. Je te signale qu’hier, tu m’as pratiquement envoyé au diable.
- J’étais, enfin je ne me sentais pas bien.
- J’avais cru comprendre, me rétorque-t-il, ironique.
Nous rentrons dans la salle. À l’évidence, aucun de nous ne désire faire l’impasse sur son entrainement. Sans un mot, nous nous séparons pour rejoindre la zone qui nous convient, Hans au stand de tir et moi à l’épée. Il faut reconnaitre que les installations pour parfaire nos techniques sont de qualité. L’armée veut compter dans ses rangs les plus performants. Pour entrer dans cette base, les critères d’admission sont intransigeants. Les candidats doivent avoir une condition physique au-delà de la norme et être un stratège hors pair. Il y a cependant des exceptions en ce qui concerne les « génies » comme le major général Tellin ou encore Luna. Luna reste tout de même un cas à part. Ils font partie de l’élite de l’armée. Je ne suis rien comparé à eux, juste leur bras droit. Je reviens à mon entrainement et tourne la tête vers Hans. Il a posé un casque sur ses oreilles et a sorti son arme. Sa présence m’oppresse, mais je l’oublie vite. Je dégaine mon épée. Mes muscles protestent quelque peu quand je fais quelques moulinets du poignet. Je grimace. Avec les blessures de la veille, pas sûre que ce soit une bonne idée. Je palpe mon bandage à la tête. La douleur s’est estompée, mais il y a toujours un risque de rouvrir la plaie. Il aurait peut-être mieux fallu que je fasse l’impasse sur mon entrainement aujourd’hui. D’une pensée, je balaye mes doutes, j’ai connu pire. Si jamais cela ne va pas, j’arrêterai. Sans m’en préoccuper davantage, je commence. Les mannequins s’avancent. Je les évite pour après les détruire le plus rapidement possible. Je saute avec légèreté pour ensuite fondre sur ma cible avec force. Dans ces moments-là, je me coupe du monde, le temps semble s’être arrêté. Les émotions ne doivent pas me déranger et je perds mon humanité. Ma lame siffle dans l’air. Je ne sais pas depuis combien de temps cela dure, mais ma respiration devient saccadée. La sueur perle sur mon front, j’arrive à saturation, un break s’impose. Je m’assois sur les gradins et empoigne la bouteille et le bout de pain que j’ai été cherché à la cantine avant de venir ici. J’avale de grosses gorgées d’eau, mon souffle qui était haletant retrouve son rythme. Tout en me reposant, j’engloutis mon morceau de pain. Je remarque que Hans fait une pause également. Il est adossé contre le mur, les yeux fermés comme s’il méditait. Je l’appelle, il relève brusquement la tête pour ensuite venir vers moi.
- Quoi ? demande-t-il
- Tu veux un bout, lui proposé-je en lui tendant le reste de pain.
- Tu espères te faire pardonner quelque chose ? ricane-t-il.
- Un brin de gentillesse n’a jamais fait de mal à personne.
- Toi, gentille ? Ne me fais pas rire, Darkan.
Il prend tout de même la portion qui était dans ma main.
- Je vais faire comme si je n’avais rien entendu, grommelé-je.
- Merci, j’avais une de ces faims.
- Pas de quoi. Au fait, tu as quelque chose de prévu aujourd’hui ? demandé-je pour engager la discussion.
Il ne répond rien, mais semble soucieux. Je n’insiste pas. Je me lève et attrape mon épée, il finit par lâcher :
- Le maréchal Darkan m’a convoqué.
Je reporte mon attention sur lui, certaine d’avoir mal entendue.
- Pardon ?
- Tu es sourde ? Je viens de te le dire.
- Mais non abruti, c’est juste que ça m’a surpris. Qu’est-ce qu’il te veut ?
- Je ne sais pas encore, j’ai rendez-vous avec lui ce matin.
- Quelle heure ?
- 10 h.
Mon épée me tombe des mains. Je ne peux pas le croire.
- Quoi ?
- Tu m’énerves avec tes quoi ! Il y a quelque chose qui cloche ?
- Le maréchal m’a convoquée à la même heure.
C’est au tour de mon collègue de me fixer avec des yeux ronds.
- Tu te fiches de moi ?
- Comment pourrais-je plaisanter avec ça ? déclaré-je avec une voix qui monte dans les aigus, signe de ma nervosité. J’ai reçu l’ordre hier.
- Pareil. Tu es plus informée ?
- Aucunement.
Le silence tombe. Pourquoi Hans ? Je mords ma lèvre inférieure, un mauvais tic lorsque je panique. Je reporte mon attention sur Hans, lui aussi semble troublé. Je continue à parler pour combler le vide en cachant mon angoisse :
- Ce n’est sans doute pas bien grave.
- Très convaincant, redis-le-moi sur le même ton. Je ne pense pas que ton père s’amuse à donner des ordres pareils pour le plaisir.
Je me tais, il a raison. Il consulte sa montre, 9 h 30. Dans une demi-heure c’est le rendez-vous.
- Je vais me changer et on se retrouve devant la porte du maréchal, dis-je.
- Très bien.
Il tourne les talons avant que je n’aie pu répliquer. J’observe le colonel s’éloigner et sortir. À aucun moment, il ne regarde derrière lui. Pour ma part, je retourne vite dans ma chambre pour me rafraîchir. Isis est déjà partie. Une fois prête, je quitte la pièce après avoir vérifié que j’étais présentable. Je rejoins Hans, il m’attend dans le couloir. Les battements de mon cœur accélèrent quelque peu. Il est 10 h. Hans frappe à la porte. Une voix grave dénudée de sentiments se fait entendre.
- Entrez, ordonne-t-elle.
Mon collègue ouvre. Le maréchal relève ses yeux de son rapport et nous dit avec un sourire qui me fait froid dans le dos :
- Je vous attendais.
Désolée pour l'écart entre mes commentaires, rien de personnel, c'est juste que mes élans de lecture sont sporadiques, indépendamment de l'histoire concernée.
Puisque tu sembles bien tolérer ma recherche de cohérence absolue dans ce que je lis, j'en profite aussi un peu, mais pour te convaincre du caractère positif de mes interventions, je peux t'assurer que si ça ne m'intéressait pas ou j'estimais que ça n'avait strictement aucun sens, je ne serais pas allée aussi loin. Quand j'aime bien une histoire je l'aime bien, même si je ronchonne et trouve des imperfections. On en trouve toujours. D'ailleurs, ça deviendrait peut-être ennuyeux s'il n'y en avait pas, non ? =)
On retrouve Elena. Ses interactions avec Isis sont les plus plaisantes du chapitre. Jusqu'ici Isis est le personnage le plus détaillé et donc le plus en relief, pour moi. Elena me donne toujours cette impression d'une fausse dureté. S'entraîner le lendemain-même d'une blessure à la tête est dangereux et donc à mon sens un peu... bête ? (Désolée du terme.) Mais sans doute est-elle de toute manière plus combattante que stratège ? Aussi sordide ça puisse sonner, il faut aussi des exécutants qui ne discutent pas, dans une armée bien huilée. Mais bon, si elle se blesse souvent, elle pourrait avoir l'habitude du contrecoup négatif. Ça m'a d'ailleurs paru un poil illogique ou en tous cas incohérent que, même dans le paradigme de l'histoire, elle ne ressente strictement aucune douleur, pas même lorsqu'elle s'arrête. Encore une fois, j'ai du mal à accepter sa résilience quand elle ne semble rien surmonter du tout. Si ta volonté d'auteur est de mettre en avant une capacité de rétablissement hors norme, je pense qu'il manque un petit quelque chose. Peut-être que justement elle pourrait songer au fait qu'elle se remet toujours vite de toutes ses blessures, qu'aussi idiot ça puisse paraître à la majorité des gens (pour ne pas dire le commun des mortels) de pratiquer une activité physique après une plaie crânienne, elle le fait à chaque fois et n'a jamais eu de contrecoup ? Je ne sais pas. Juste des idées au hasard. Encore une fois, tout dépend aussi de ta volonté, du message que tu cherches à faire passer à son sujet. On ne peut pas aimer tous les personnages non plus, et je reviens sur le fait que ça ne m'empêche pas d'apprécier l'ensemble. Et puis, si un jour elle me devient sympathique, ce sera d'autant plus un progrès pour moi. ^^
L'échange avec Hans vers la fin est une fois de plus assez gamin, quand même. Ce sont des hauts gradés dans une armée, pourquoi ils réagissent comme des adolescents qui ont été convoqués ensemble dans le bureau du principal ? Ouais, une fois l'image du lycée dans ma tête, difficile de m'en défaire, désolée. >< Être intrigués, oui, mais leur façon de réagir est plus proche d'une panique qui ne colle pas au contexte. C'est si rare que ça, d'être convoqués ? Ensemble ? Et encore une fois, quand bien même ce serait le cas, qu'est-ce qu'ils ont à craindre ? Au pire, ils vont être envoyés sur une mission ensemble, et vu qu'ils ne s'entendent pas tellement ce ne sera pas une partie de plaisir, mais ce n'est rien d'insurmontable non plus. Si ?
Je vais aussi en profiter pour te féliciter de ta persévérance, parce que ce n'est pas beaucoup de personnes qui écrivent que je vois poursuivre leur histoire aussi loin que tu le fais avec Projet 66, et ce n'est pas négligeable du tout à mon sens. J'ai beaucoup de retard à rattraper mais je compte bien y arriver un jour, même avec mon rythme étrange de lecture. xD
À la prochaine fois !
Zlaw
P.S.: j'ai noté ces quelques coquilles, si ça t'intéresse:
- comme eux l’on fait avec moi -> l'ont fait
- De quoi, je me mêle. -> pourquoi une virgule ici ? Et pourquoi pas de point d'interrogation ?
- j’ai été cherché -> je suis allée chercher
- certaine d’avoir mal entendue -> entendu
- ça m’a surpris -> surprise
Je prends note de tes remarques. Il est vrai qu'Elena a parfois des réactions qui peuvent paraitre stupide et qui en soit le sont notamment en ce qui concerne sa blessure. Disons qu'elle n'a jamais vraiment appris à prendre soin d'elle.
Merci pour les remerciements en tout cas ! C'est une histoire qui commence à me suivre depuis un bon moment et même avec déjà tout le travail accompli, il y a encore beaucoup de choses à changer. Merci pour les coquilles aussi ! J'espère que la suite te plaira et encore merci pour ton passage sur cette histoire ;-)
Dans ce chapitre, j'ai eu un peu de mal à cerner la relation Hans/Elena. Ils n'ont pas l'air de s'apprécier, mais Hans se justifie :
« - Je suis tendu, tirer me calmera. » = est ce que c’est une chose qu’on dit à quelqu’un qu’on n’apprécie pas trop ? Il pourrait l’envoyer bouler et lui dire de se mêler de ses oignons... Le reste de la conversation montre qu'ils ont l’air tous les deux assez stressés par leur convocation, et ils semblent soudain se retrouver dans le même "camp".
Je me demande ce que va être la raison de cette convocation !
Sinon moi je reste accroché à l'histoire. Un plaisir =)
Je ne m'attarde pas trop sur les coquilles, (petit indice : ce sont surtout des er à la place de é et des ée dans les répliques de Hans, ce qui est peu perturbant). :-)
Après ces quelques chapitres, je prends toujours autant de plaisir à te lire, (même si l'écran me raaalllenttiiiie ^^')
De mon point de vue, Hans, Elena et Isis narrent leur vécu un peu trop sur la même tonalité. Je te propose d'ajouter un peu de couleur et de vie, d'insérer du caractère dans chacun des mots qu'ils emploient.
Pour Elena, je trouve ça top. Je la vois comme quelqu'un d'assez pragmatique et de méticuleux qui ne se laisse pas marcher sur les pieds (corrige-moi si je me trompe ^^')
En revanche, Hans m'a l'air d'avoir plus d'humour - peut être peux-tu le faire apparaître plus en évidence dans sa narration ?
Et pour Isis, je rendrais sa narration plus familière.
Enfin, ce n'est que des points à renforcer. :-) Bref, bref...
En ce qui concerne l'intrigue, l'histoire, la fin de ce chapitre m'a bien fait rire. Les pauvres... XD
Je lirai la suite prochainement ! Que va-t-il se passer dans le bureau ? Du côté d'Isis ? Raaah ! ça donne envie de continuer ! :P