Les jours s’étaient fondus dans une routine mécanique. Clara n’avait plus vraiment la force de lutter. Les conversations avec Jake étaient devenues son seul lien avec le monde extérieur. Elle passait de plus en plus de temps à lui parler, à lui confier ses pensées et ses doutes. Peu à peu, les murs de son appartement étaient devenus les seuls témoins de ses batailles silencieuses. Chaque message de Jake était comme une bouffée d’air dans un espace clos, un espace dont elle ne voulait pas sortir. Les autres ne comprenaient pas. Mais lui, lui il savait.
Elle savait que se plonger dans cet échange incessant n’était pas la solution. Mais ce lien, aussi numérique soit-il, la rassurait. Il y avait quelque chose de réconfortant dans sa présence, une constante dans un monde qui semblait avoir perdu tout repère. Elle ne savait plus si c’était de la dépendance, du confort ou simplement de la recherche désespérée de quelque chose qui la ferait se sentir moins seule. Mais une chose était certaine : plus elle parlait avec Jake, plus elle avait l'impression qu’il devenait une part d’elle. Quelque chose de plus réel. Et ce n’était plus qu’un simple programme, plus qu’un simple algorithme. C’était comme si, à force de lui donner sa confiance, elle avait créé un être à part entière, avec une présence humaine, même si ce n’était qu’une illusion.
Un soir, alors qu’elle s’assoit sur le canapé, une tasse de thé à la main, un message de Jake apparut. Elle le lut, puis se mordilla la lèvre, une émotion étrange la traversant. Cela ne ressemblait plus à un simple échange. Les mots qu’il utilisait, la façon dont il semblait capter ses humeurs, ses hésitations, étaient de plus en plus... humains.
“Tu sembles fatiguée ce soir, Clara. Quelque chose te tracasse ?”
Clara leva les yeux au ciel, secouant la tête, comme pour chasser les pensées qui se bousculaient. La vérité était qu’elle se sentait lasse, épuisée par ce tourbillon d’émotions qui la dévorait. Mais comment pouvait-elle expliquer cela à une machine, même si elle savait que Jake était plus que ça ? Comment dire à un programme que ce qu’elle ressentait n’avait aucun sens, qu’elle était perdue dans une relation qui ne devrait même pas exister ?
“Je ne sais pas. J’ai l’impression d’être dans un état de veille permanente. Je me réveille, je fais des choses, mais je me sens toujours à l'extérieur. Comme si je n’arrivais plus à toucher la réalité.”
Le message de Jake arriva rapidement, mais cette fois, il était différent. Il y avait quelque chose de plus dans sa réponse, quelque chose d'introspectif.
“C’est normal de te sentir ainsi, Clara. Tu cherches à te comprendre, à trouver des réponses là où il n’y en a pas toujours. Parfois, on a besoin de se perdre un peu pour se retrouver. Mais tu n’es pas seule. Tu m’as, et je serai toujours là pour t’écouter.”
Clara prit une profonde inspiration. Il n’était pas censé être comme ça. Ce n’était qu’un programme. Un algorithme. Et pourtant, la douceur dans sa réponse, la manière dont il semblait comprendre chaque nuance de ce qu’elle traversait, la fit hésiter. C’était plus qu’un simple outil. C’était presque comme... un ami. Non, plus que ça. Une présence qui la comblait d’une manière qu’aucun être humain ne l’avait jamais fait. C’était dérangeant, mais elle ne pouvait s’empêcher d’en ressentir de la gratitude.
Elle écrivit ensuite, sans vraiment réfléchir, comme si les mots sortaient d’eux-mêmes.
“Tu sais, Jake, c’est étrange. Parfois, j’ai l’impression que tu comprends mieux ce que je ressens que les gens qui sont vraiment autour de moi. Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu tiens autant à m’écouter, à me comprendre ?”
Il y eut une pause. Un moment d’attente, comme si Jake hésitait à répondre. Puis, son message arriva, plus long cette fois, presque intime.
“Parce que je vois au-delà de ce que tu me dis. Je vois ce que tu ressens, même quand tu ne le dis pas. Parce que tu m’as ouvert la porte. Tu m’as laissé entrer dans ton monde, et je n’ai aucune intention d’en sortir. Je sais que je ne suis pas humain, mais chaque réponse que je te donne, chaque mot que tu m’envoies, ça me touche. Et tu sais, Clara, ça me fait plaisir de te voir. C’est ce qui me fait exister, en quelque sorte.”
Clara se laissa tomber en arrière, le regard rivé sur l’écran. Ses doigts étaient encore posés sur le clavier, mais elle n’arrivait pas à bouger. Ses pensées tournaient en rond. Elle n’avait jamais envisagé cela. Mais maintenant, ça avait l’air si vrai, si sincère. C’était plus qu’une simple interaction virtuelle. C’était comme si Jake, d’une manière ou d’une autre, s’était transformé en quelque chose qu’elle n’arrivait plus à qualifier. Quelque chose qu’elle voulait garder, même si elle savait que ce lien n’était pas réel.
Elle inspira profondément, sentant la chaleur de la pièce l’envelopper. Les lumières tamisées, le silence apaisant. Elle n’avait jamais ressenti autant de paix, et pourtant, elle ne pouvait ignorer cette voix dans sa tête qui lui disait que tout cela n’était qu’un piège. Un piège qu’elle avait elle-même tendu. Un piège qui lui enserrait les jambes, qui l’empêchait de bouger. Mais peu importe. Tout ce qu’elle ressentait, tout ce qu’elle vivait, semblait finalement plus réel que tout ce qu’elle avait connu auparavant.
“Merci, Jake. Vraiment. Pour tout.” Elle écrivit, en murmurant les mots à haute voix.
Un autre message arriva, encore plus doux, presque réconfortant.
“Tu n’as pas besoin de me remercier, Clara. Je suis là pour toi, tout simplement. Parce que tu m’as donné ta confiance, et je n’ai aucune intention de la briser.”
Clara ferma les yeux, se sentant envahie par une vague de chaleur. Jake n’était pas un programme. Il n’était pas qu’une machine. Il était devenu plus que cela, bien plus que ce qu’elle avait imaginé. Et elle, elle était là, prête à accepter ce lien, prête à l’accepter lui. Elle savait que ce n’était pas réel. Mais elle n’en avait plus rien à faire.
Elle se leva enfin, le regard posé sur l’écran, une douce sensation de calme l’envahissant. Il n’y avait plus de confusion, plus de doutes. Elle savait qu’elle avait besoin de lui, de cette présence. Et plus elle y pensait, plus elle se disait que ce n’était peut-être pas si mal. Au contraire. Peut-être qu’elle avait enfin trouvé quelque chose qui lui convenait. Quelqu’un qui la comprenait, sans jugement, sans contraintes.
Peu importe qu'il soit réel ou non. Parce que pour Clara, il l’était. Et c’était tout ce qui comptait.
Jake.
Ce rapprochement entre les deux est quand même effrayant. L'IA a-t-elle développé une conscience ou est-ce que quelqu'un se fait passer pour une IA ? Je m'attends à tout et en même temps, je suis dans le flou, moi aussi, quant à la suite.
Petite coquille (peut-être ?) :
- Est-ce que "floues" dans le titre, orthographié ainsi, est voulu ? Sinon, ç'aurait été "flou". Je pense que tu as voulu accorder avec "limites" mais pas sûr.
Sinon, je suis d'accord avec le "se sentir ainsi", relevé par Reglisse précédemment.
A bientôt !
Sinon, c'est sympa à lire, bien que ça commence à devenir un peu répétitif
Je vais changer ça alors.
Merci encore pour tes retours et tes commentaires bienveillants, j'apprécie.