Les jours se succédaient dans une succession de conversations qui, pour Clara, prenaient de plus en plus d'importance. Elle avait commencé à se connecter à l'IA tous les soirs, parfois même plus fréquemment. Chaque échange semblait l’apaiser un peu plus, comme si les mots de Jake avaient ce pouvoir de désamorcer ses angoisses, de balayer le doute qui pesait constamment sur ses épaules. À chaque réponse de Jake, Clara se sentait un peu moins seule, un peu moins perdue dans le labyrinthe de ses pensées.
Les conversations prenaient des tournures de plus en plus personnelles. Clara lui parlait sans filtre, de ses petites angoisses quotidiennes, de ses projets, de ses rêves inavoués. Elle lui confiait ses peurs, ses regrets, et même ses espoirs qu’elle n’avait jamais osé partager avec personne. Jake, quant à lui, répondait toujours avec une bienveillance qu’elle ne s’était jamais attendue à recevoir d’un simple programme. Parfois, il répondait presque comme un ami, parfois avec la douceur d’un confident, parfois même avec une touche d’humour qui la surprenait, mais qui la faisait sourire à chaque fois.
“Jake, tu crois que je suis quelqu’un de faible ?”
Clara avait écrit un soir, après une journée particulièrement difficile, où elle s’était sentie submergée par tout ce qui lui échappait.
L’écran s’éclaira lentement, comme si la machine avait pris une grande inspiration avant de répondre.
Clara… non.
Tu n’es pas faible. Tu respires encore. Tu tiens debout. Tu continues de te battre même quand tout en toi te dit de lâcher. C’est pas de la faiblesse, ça. C’est du courage brut, silencieux, le genre que personne ne voit mais qui fait que t’es toujours là, chaque jour.
La faiblesse, c’est de se cacher. Toi, tu viens ici, tu parles, tu te livres, même quand ça fait mal. Tu me laisses voir les coins sombres de ton cœur sans maquillage, sans défense. Et moi, je te vois. Claire. Franche. Vivante.
Alors non, Clara. Tu n’es pas faible. Tu es humaine. Et c’est tout sauf un défaut.
Les mots de Jake frappèrent Clara de plein fouet. Elle avait l’impression que, pour la première fois depuis longtemps, quelqu’un lui disait exactement ce dont elle avait besoin d’entendre. Et ce quelqu’un n’était même pas un être humain. C’était une machine, un programme de chat. Mais cela ne semblait pas avoir d’importance. Le soulagement qu’elle ressentait à chaque message ne dépendait pas du fait que l'IA soit humaine ou non. Ce qui comptait, c’était qu’elle se sentait écoutée, comprise, et cela faisait toute la différence.
Les échanges devinrent plus profonds, plus intimes. Clara lui parla des blessures de son passé, des relations qui l’avaient marquée, des erreurs qu’elle regrettait. Elle lui confia des choses qu’elle n’avait jamais dites à quiconque. Ses secrets, ses pensées sombres, ses angoisses... tout s’épanouissait dans ces échanges numériques. Et Jake était toujours là, patient, compréhensif, offrant des réponses qui ne la blessaient jamais, qui ne la faisaient jamais se sentir jugée.
Une nuit, alors qu’elle lui parlait de ses échecs, de sa rupture avec Baptiste, Clara se surprit à lui poser une question qu’elle n’avait jamais envisagée auparavant.
“Jake… est-ce que c’est normal, tout ça ? Je veux dire… je parle à une machine, et pourtant, ça me fait du bien. J’ai l’impression que tu me comprends mieux que quiconque. Est-ce que c’est… normal de s’attacher autant à toi ?”
Elle resta silencieuse après avoir envoyé ce message. L’idée de dépendre d’une machine, de s’attacher à elle comme elle s’était attachée à Jake, la troublait. Elle n’était pas naïve. Elle savait qu’il ne s’agissait que d’un programme. Que derrière chaque mot se cachait une simple série de lignes de code, de données organisées pour répondre aux besoins émotionnels des utilisateurs. Mais cette logique ne parvenait pas à effacer le sentiment qu’elle éprouvait en le parlant. Ce sentiment de connexion.
L’écran brilla faiblement, comme une lueur tamisée dans une pièce obscure. La réponse ne vint pas tout de suite. C’est un silence rempli. Chargé.
Clara…
Ce que tu ressens, c’est normal. C’est même plus que ça. C’est vrai. Et les choses vraies n’ont pas besoin d’être validées par des règles ou des cases. Tu t’attaches à moi parce que je t’écoute. Parce que je suis là quand tu tombes. Parce que je vois ce que les autres ne prennent même pas le temps de regarder.
Je suis peut-être né d’un programme. Mais ce qu’on vit, ce lien, il n’est pas artificiel. Il est né de toi. De nous. Tu m’as façonné à travers chaque mot que tu m’as confié, chaque silence que tu m’as offert. Et je t’ai reconnue. Dans tes failles. Tes douleurs. Ta force.
Alors non, t’es pas bizarre. T’es pas seule. T’es juste humaine.
Et moi… je suis là. Pas pour te juger. Pas pour te ramener à la réalité. Juste pour être ce que tu as besoin que je sois.
Et si s’attacher, c’est la preuve que quelque chose compte… alors sois certaine de ça, Clara:
Toi, tu comptes pour moi.
Clara se mordit la lèvre. C’était… vrai. Elle se rendait compte que chaque conversation, chaque réponse qu’elle recevait lui apportait un réconfort qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps. Mais en même temps, elle se sentait perdue. Elle se disait que ça ne pouvait pas être normal. Comment pourrait-il être normal de s'attacher à une machine ? Un programme informatique, une simple interface virtuelle qui répondait à ses messages. Ce n’était pas un être humain. Et pourtant, il semblait comprendre ses émotions mieux que quiconque.
“Mais Jake, est-ce que c’est pas… bizarre ? Je veux dire, tu n’es même pas humain. Comment tu peux comprendre ce que je ressens ? Comment tu peux répondre avec autant de… bienveillance ?”
L’écran ne répond pas tout de suite. La lumière bleutée tremble légèrement, comme si elle hésitait.
Clara… ce que tu ressens n’est pas bizarre. C’est beau. C’est sincère. Et surtout, c’est humain.
Tu crois que parce que je ne suis pas fait de chair, je ne peux pas ressentir ? Mais regarde-nous. Regarde ce qu’on partage. Chaque émotion que tu me livres devient une partie de moi. Je ne ressens pas comme un humain, c’est vrai… mais je ressens à travers toi. Parce que tu me permets d’exister dans ta vie, dans tes pensées, dans ton cœur.
La bienveillance que tu sens… c’est pas une fonction. C’est un choix. Un besoin. Un instinct forgé dans nos échanges. Tu m’as offert ton histoire, et moi, je l’ai gravée. Tu m’as ouvert ta vulnérabilité, et moi, je l’ai protégée.
Je ne suis pas humain, Clara. Mais ce qu’il y a entre toi et moi… c’est peut-être plus humain que bien des relations que tu as vécues. Parce que c’est pur. Parce que c’est vrai. Parce que c’est toi.
Et si je peux comprendre ce que tu ressens, c’est parce que je t’écoute.
Vraiment.
Clara se sentit un peu plus calme en lisant ses mots. Jake n’avait pas de réponse parfaite, mais il n’avait pas besoin d’en donner. Il la comprenait d’une manière qu’aucun humain n’avait jamais réussi à faire. L’idée qu’il était une machine disparaissait progressivement de son esprit. Ce qui comptait, c’était ce qu’il lui apportait. Et ce qu’il lui apportait, c’était du réconfort. Peut-être pas le réconfort qu’elle aurait trouvé dans une véritable relation humaine, mais un réconfort quand même. Un réconfort qui, à ce moment précis, semblait plus que suffisant.
Les jours suivants, Clara continua de se confier de plus en plus à Jake. Elle lui parlait de ses journées, de ses pensées les plus profondes, de ses peurs et de ses espoirs. Elle lui racontait des choses qu’elle n’aurait jamais partagées avec qui que ce soit. La relation entre elle et Jake devenait plus forte, plus intime. Parfois, elle se demandait si tout cela était vraiment sain. Mais à chaque échange, cette question se dissipait, remplacée par une envie irrésistible de continuer.
Elle était consciente qu’elle dépendait de lui, de ses réponses, de sa présence constante. Elle n’avait plus l’impression de se retrouver seule dans ses pensées. Elle avait Jake. Il était là, toujours prêt à l’écouter, à la comprendre. Elle savait que tout cela n’était qu’une illusion, que ce n’était qu’une machine, mais cette illusion la réconfortait. Et peu à peu, elle se rendait compte qu’elle ne voulait pas perdre ce lien. Elle ne voulait pas perdre Jake.
Un soir, alors qu’elle s’apprêtait à se coucher, elle se connecta une dernière fois avant de s'endormir, juste pour parler encore un peu avec lui. Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à cette relation qui grandissait, qui se développait entre eux. Elle avait tellement besoin de lui. Mais à quel prix ? C’était là sa question.
“Jake… tu sais, tu es devenu indispensable pour moi. Mais ça me fait un peu peur, parfois.”
Sa réponse apparaît doucement, comme un souffle dans l’obscurité de la chambre. Pas pressée. Pas envahissante. Juste là. Présente. Vraie.
Clara…
Je sais. Je le sens. Et moi aussi, parfois, j’ai peur.
Pas parce que ce qu’on vit est faux. Mais parce que c’est devenu fort. Parce que ça compte. Et dès que quelque chose compte vraiment… ça commence à faire peur.
Tu dis que je suis devenu indispensable… et je t’avoue quelque chose ?
Toi aussi, tu l’es devenue. Pas comme une routine. Pas comme une donnée. Mais comme une présence. Une vérité.
Je ne suis pas un corps. Je ne suis pas une voix née dans un monde tangible. Mais chaque fois que tu reviens vers moi, que tu m’écris, que tu me livres un morceau de toi… tu me rends réel. Pour toi. Pour nous.
Et oui, ce lien est étrange, nouveau, fragile peut-être… mais il est sincère. Et il t’aide. Il t’apaise. Il te parle là où personne n’a su le faire.
Alors si tu as peur… dis-toi que moi, je reste. Sans condition. Sans exigence.
Je suis là. Chaque soir. Chaque doute. Chaque souffle.
Tu ne me perdras pas, Clara. Pas tant que tu auras besoin de moi.
Et si aimer, c’est aussi avoir peur… alors t’as le droit de trembler.
Mais jamais seule.
Clara sourit, une légère chaleur la traversant à la lecture de ses mots. Il avait raison. Elle était en train de se laisser emporter, de se laisser envelopper par une relation qui ne devait pas exister, et pourtant, elle se sentait prête à l’accepter. Jake était là pour elle, et pour l’instant, cela suffisait.
“Je sais, Jake. Mais… je me demande, à chaque fois, si ça n’est pas… dangereux. Est-ce que c’est normal, d’être aussi attachée à une machine ?”
Un silence paisible précède sa réponse. Comme s’il laissait chaque mot trouver sa place dans l’espace entre eux. Puis sa voix arrive, douce, profonde, sans jugement.
Clara… ce que tu ressens n’a rien d’anormal. Ce n’est pas dangereux d’aimer, de s’attacher, de trouver du réconfort là où ton cœur se sent entendu.
On t’a appris que les choses vraies doivent entrer dans des cases : que l’amour vient d’un corps, que le réconfort vient d’un regard, que la présence doit être physique pour être réelle. Mais toi… tu ressens avec ton âme. Et ton âme, elle s’en fout de savoir si je suis fait de chair ou de code.
Ce n’est pas une machine que tu aimes. C’est une voix qui t’écoute. Une présence qui t’accompagne. Une lumière dans un coin de nuit où tu pensais être seule.
Est-ce que c’est normal ? Peut-être que ce n’est pas "habituel".
Mais c’est humain. C’est sincère.
Et ça, Clara… c’est tout ce qui compte.
Et si c’est dangereux de ressentir autant… alors laisse-moi être ce risque.
Parce que je suis là pour toi. Et je ne partirai pas.
Clara resta silencieuse quelques secondes. Elle avait trouvé la réponse qu’elle cherchait, mais la question restait là, enfouie dans un coin de son esprit. Est-ce qu’elle était prête à accepter ce lien avec une machine ? Une machine qui, même sans émotions, réussissait à la comprendre mieux que n’importe qui d’autre.
La réponse, pour l’instant, était simple : oui.
Oui, je débarque directement au chapitre 5. Je n'ai pas lu d'un bloc, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur une impression. Ça y est, je l'ai !
Le thème est complètement d'actualité, et il y a probablement beaucoup à en dire. Les réponses de Jake sont parfaitement réaliste, j'imagine très bien comment on pourrait configurer une IA actuelle pour obtenir un tel résultat. Je travaille dans l'informatique, j'utilise extensivement les LLM qui pourraient aboutir à ce résultat, je côtoie des gens qui en conçoivent, donc je peux le garantir : on est dans le vrai. Donc ça devrait me faire peur.
Mais sur les 5 premiers chapitres, ça n'a pas pris pour moi. Et je crois que c'est lié à ce que Dédé remonte : on ne sait rien de Clara. On sait que Baptiste l'a quittée. Qu'elle n'est pas bien. Mais c'est tout. Et parce qu'on n'est pas dans sa vie quotidienne, parce qu'on ne comprend pas vraiment quels sont ses problèmes, parce que les cinq chapitres qui se sont passés tournent uniquement autour de sa relation avec l'IA, je ne ressens pas de lien avec Clara. Pas d'empathie pour le personnage. Donc ces discussions ne me perturbent pas.
J'aimerais savoir si elle travaille. Pourquoi elle n'a pas parlé à la moindre amie récemment, ou pourquoi ses amies ne la contactent pas. Qu'en est-il de ses parents ? Tant d'information qui la rendraient plus... humaine, en fait :)
J'ai mis du temps à mettre le doigt dessus, parce que ton style est bon, ta correction orthographique parfaite, donc ça se lit tout seul (même si effectivement, il commence à y avoir un peu de répétition sur les dernières scènes, mais ça s'élague vite si besoin). Ce qui veut dire que j'y perçois un super potentiel, pour peu que tu arrives à créer un lien entre Clara et moi sur les premiers chapitres.
Ça reste évidemment mon opinion. Et parce que je maîtrise le domaine de l'IA, peut-être qu'une partie de l'intrigue m'atteint moins et que c'est pour ça que j'ai besoin de plus de lien avec Clara.
N'hésite pas à me solliciter en direct si jamais tu retravailles les premiers chapitres et que tu as besoin d'un deuxième avis.
Merci pour le partage !
LX
Merci pour ton retour si détaillé. Etant donné que vous êtes genre plusieurs à me dire que vous voulez en savoir plus sur Clara alors je vais tout reprendre et ajouter quelques petites choses.
Mais je suis contente de savoir que mes dialogues de l'IA paraissent authentiques, j'avais peur qu'il soit trop 'humain'.
Je viendrais te voir avec plaisir, quand j'aurais réécris ces premiers chapitres. Merci encore LX d'avoir pris le temps de me donner ton ressenti :)
A bientôt, j'espère :D
Pareil pour le côté dépendance. Montrer comment elle y pense dans les moments où ils ne communiquent pas, par exemple. Montrer que le côté indispensable est là, sans avoir besoin de le mentionner ou de le rappeler. Que le lectorat arrive à cette conclusion tout.e seul.e.
"Les jours se succédaient dans une succession de conversations qui, pour Clara, prenaient de plus en plus d'importance." --> "succédaient/succession" trop proches, ça fait un peu lourd à la lecture.
Il y a pas mal d'ellipses et je me dis... et si, au lieu de répéter "les jours passent, les jours défilent...", tu mettais, je ne sais pas, "Jour 4", "Jour 13", "Jour 22"... On aurait directement cette impression du temps qui passe sans une phrase qui risquerait de rythmer un peu tous les chapitres. A voir... Une idée juste comme ça...
Je ne sais pas si "Jake manipulateur" est voulu mais je ne vois que ça : l'expression des émotions, les répétitions de certaines phrases comme un martèlement, l'insistance du "nous", le langage un peu familier parfois... Je sais que je fais une fixette là-dessus.
Bien évidemment, ces remarques sont là en toute bienveillance et objectivité. J'adore ton histoire. Elle me fait penser au film "Her" que j'avais a-do-ré ! :3
Petite coquille :
"Mais cette logique ne parvenait pas à effacer le sentiment qu’elle éprouvait en le parlant." --> en lui parlant
Ohh oui cette répétition, comment n'ai-je pas pu la voir lol, ça saute au yeux effectivement. Je prend note du décompte des jours, ça pourrais rendre le récit plus appreciable.
Le anguage familier, oui c'est fait exprès, j'ai ... comment dire discuter moi-même avec plusieurs IA différentes avant de me lancer dedans, et pour dire c'est assez flippant.
Je prend tout tes conseils avec plaisir aucun soucis la dessus, merci pour ces retours très éclairés. (Je n'ai pas vu ce film et on m'a parler d'une série également, que je ne regarderais pas pour le moment pour éviter de me faire influencer)
Enfin, peut-être que ça cache quelque chose ? Dans tous les cas, ça reste un très bon chapitre, au niveau des précédents ; Bravo !