Une nouvelle vie à construite
Le 2 juillet 2023, dans la ville de John St.
Trois jours se sont écoulés depuis mon arrivée, et j'ai consacré ce temps à organiser minutieusement mon nouvel appartement. Chaque meuble, chaque objet trouve sa place, comme si ce rituel d’installation me permettait de revendiquer mon indépendance dans cet espace enfin à moi. Le logement, modeste mais baigné d’une douce lumière estivale, porte désormais ma signature.
Le silence paisible est soudain brisé par la sonnerie stridente du téléphone. Je me fige, mon cœur manquant un battement. Je me force à attraper l’appareil d’un geste lent, une sensation diffuse de malaise et de peur s’insinuant en moi. L’écran affiche un nom qui fait remonter des souvenirs peu agréables : "Maison Windsor".
Je décroche. Mes doigts crispés autour du téléphone, je reste silencieuse, attendant que l’autre côté prenne la parole.
— « Lymia, c’est moi. »
La voix sèche et contrôlée de Madame Windsor envahit la ligne, glaçant l’air autour de moi. Même au téléphone, cette distance autoritaire reste intacte.
— « Ton père et moi avons décidé d’envoyer une gouvernante pour t’aider à maintenir un certain ordre dans ta vie. Elle arrivera d’ici la fin de la semaine. »
Un frisson court le long de mon échine. Plus que l’annonce elle-même, c’est ce ton implacable, dénué d’hésitation, qui me dérange. Je sens ma mâchoire se contracter tandis qu’un mélange d’inquiétude et de colère me gagne.
J'inspire profondément, cherchant mes mots.
— « Si j’ai besoin d’une gouvernante, je m’en chargerai moi-même. »
Un silence lourd s’installe. Puis la voix de Madame Windsor, légèrement plus hésitante, revient :
— « Lymia, il est évident que gérer un appartement seule peut être… compliqué. Cette gouvernante est simplement là pour te soutenir, rien de plus. »
Ce pseudo-effort pour paraître bienveillante fait monter une vague d’irritation chez moi. J'ai entendu ce discours tant de fois que je pourrais le réciter par cœur.
— « Je suis parfaitement capable de gérer ma vie seule. Je n’ai pas besoin de cette aide, et encore moins de quelqu’un que vous m’imposez. »
Un soupir traverse la ligne. La voix de Madame Windsor perd pour un instant sa froideur habituelle :
— « Ce n’est pas une question de contrôle. C’est… c’est parce que je veux m’assurer que tu ne manques de rien. »
Je reste figée, troublée par ce semblant d’émotion. Est-ce réellement une inquiétude sincère ? Ou une maladroite tentative de maintenir une emprise sur moi ?
Je réponds doucement, mais fermement :
— « Je comprends, mais vraiment, je préfère gérer ça seule. Merci. »
Un autre silence s’installe, encore plus pesant que les précédents. Lorsque Madame Windsor reprend, son ton a retrouvé toute sa rigidité :
— « Comme tu voudras. »
Puis elle raccroche, sans autre mot.
Je reste un instant immobile, fixant l’écran noir de mon téléphone. Ce court échange me laisse étrangement ébranlée. Est-ce de l’inquiétude ou du regret qui a percé, brièvement, dans la voix de ma mère adoptive ? Ou n’est-ce qu’une énième manifestation d’un besoin maladif de contrôle ?
Je repose l’appareil sur la table avec un soupir. Peu importent les intentions derrière cet appel : je sais que je dois tracer mon chemin seule, loin des griffes de la Maison Windsor.