L’inconvénient de surveiller les moutons, c'est que cela devient rapidement lassant.
Heureusement j'avais une chienne qui pouvait le faire pour moi.
Quand Riton décida d'aller voir ses vaches, ou ses fromages, je fis un bout de chemin avec lui avant de retourner vers mon potager.
Cultiver ses légumes, c'est comme entretenir des relations : si tu ne leurs dis pas ''bonjour'' assez souvent, tu les retrouves bouffés par les mauvaises herbes et tu ne les reconnais plus. Et eux non plus ne te reconnaissent plus.
C'est pour ça que mon jardin était impeccable, mes relations passaient très largement après.
Oui, je n'étais pas quelqu'un de très fréquentable. Qu'importe ce que pensait Riton, je ne tenais pas à m'occuper d'un enfant.
C'est petit, faible, braillard, inutile, insupportable et puant.
Et ça crie, ça crie...
Mais ce n'était que des excuses, cela ne m'aurait pas empêché d'avoir des gosses. Non, c'était autre chose.
Je lâchai ma bêche un instant, je soupirai... et me remis à bêcher.
Ne pas réfléchir. C'est simple et c'est moins douloureux.
C'est triste, oui. Mais je suis un homme fatigué qui n'a plus envie de réfléchir.
Je connus un homme autrefois.
Il s'agissait d'un riche commerçant qui avait tout : la jeunesse, la beauté, la force, la joie. Il était heureux, il avait une famille et un jour il se fit accoster par un vagabond. Celui-ci lui dit :
« Je suis peut-être pauvre, décrépit et faiblard, mais moi au moins, je suis libre ! »
« Libre ? » s'écria le marchand. « En quoi as-tu plus de liberté que moi ? »
« Je décide de faire ce que je veux faire, quand je veux le faire » répondit le vagabond. « Toi qui es emprisonné dans la société, tu ne connaîtras jamais ce bonheur. »
Le marchand, abasourdi par de tels propos, rentra chez lui et réfléchit.
En effet, il était obligé de paraître devant ses clients, il était obligé de parcourir de longues distances pour échanger ses biens à travers le pays. Il n'avait pas beaucoup de temps pour voir sa famille. Il n'était jamais vraiment lui-même.
Il réfléchit et devint malheureux.
À partir de ce jour-là, il se mit à haïr son travail, son statut, sa vie.
Il retrouva le vagabond. Et au lieu de se jeter sur lui pour lui balancer trois tartes à la figure pour lui avoir refilé des idées merdeuses, il le supplia de lui dire comment acquérir cette liberté tant désirée.
"Rien de plus simple mon ami, donne-moi ta fortune, ton costume, ton nom, et tu renaîtras sous les traits d'un homme nouveau."
Et il l'écouta.
Après quelques mois de vagabondage, il profita de sa liberté nouvelle sous les traits d'une pneumonie qui le tua quelques jours plus tard.
Je n'aime pas réfléchir. C'est un moyen de découvrir toute l'étendue de son malheur. Et possiblement de chercher des réponses à des questions existentielles.
Je l'ai déjà fait. Ça ne mérite pas le détour.
Enfin, ça permet de relativiser. On peut en tirer des conclusions sur l'existence, la vie, l'humain et tout le reste.
Mais ces réponses ne me paraissent pas d'une utilité évidente.
Moi je me contente de vivre et d'attendre.
J'aime beaucoup ces courts chapitres, ça fait assez "petit cours de philosophique du jour". Je suis d'accord avec Zoju, tu écris peu mais tu en dis beaucoup.
Comme les chapitres sont courts, je ne crois pas que je les commenterais tous, mais si tu veux un retour sur certains qui te pose souci, dis-le moi.
C'est marrant que tu me dises ça sur ce chapitre parce que dans le fond il me fait mal. Je trouve que le message derrière est malsain, et auquel je ne crois plus beaucoup. J'ai dû l'écrire en communiant avec mon personnage car il a un côté un peu paranoïaque, surtout au début de cette histoire, mais comme il ne dit pas tout le temps des conneries je me dis qu'il ne faudrait pas que mes lecteurs croient en ses élucubrations mysanthropiques =)
Je travaille par vague sur mes histoires, je vais bientôt republier je pense, mais si je trouve des chapitres qui m'embêtent je reviendrai vers toi. En attendant j'espère que l'histoire t'aura plu.
Porte toi bien !
A bientôt :)
J’ai lu que ce genre de chapitre te faisait craindre de perdre les lecteurs ; je suis un lecteur et ce chapitre m’a encore plus accroché. J’aime énormément les réflexions de ton personnages qui intriguent mais aussi interrogent, elles sont amusantes malgré leur tristesse latente et leur mélancolie ne m’enjoint pas d’un tout de renoncer.
Merci pour ton travail et je continue !
Je suis curieux, en quoi est ce que je risque de perdre des lecteurs avec ce genre de chapitre ?
Ça me rassure que tu penses que mes peurs soient infondées =)
Cela doit faire 3 ou 4 ans que ces chapitres ont été écrits, je m'aperçois que je change ma façon d'écrire aussi. Les thèmes abordés ne sont plus les mêmes mais la profondeur du narrateur ne change pas, il reste insondable. Enfin, là où j'en suis, on est presque persuadé qu'il a une âme =)
En ce qui concerne la taille des chapitres ils seront tous un peu comme ça, je trouvais qu'ils seraient idéals pour une lecture sur internet =)
Je suis content que ça te plaise.