Chapitre 65 : Mariam - Torture

- La règle du jeu est simple, annonça Chris qui parlait en français, la langue natale de Mariam. À mon commandement et seulement sur mon ordre, tu sors du cercle pour aller mordre l’humain que je te désigne. Tu es libre de boire son sang, de le drainer ou de ne pas lui prendre une goutte. Je m’en fiche. Ce qui compte, c’est que tu le mordes, à l’endroit de ton choix. Quand tu as fini, tu retournes dans le cercle.

Mariam fronça les sourcils. Non, décidément, elle ne pigeait pas. Où était l’arnaque ?

- Si les vingt ne suffisent pas, j’en ramène d’autres, précisa Chris.

- Ne suffisent pas à quoi ? À ce que vous vous pardonniez ?

Chris ricana.

- Non, à ce que tu contrôles ta procréation. C’est le but de tout ça, quand même. Mon pardon ne viendra pas de sitôt.

Mariam hocha la tête.

- Tu as compris ? demanda Chris et elle acquiesça. On peut y aller ?

Il souriait pleinement. Mariam observa les victimes, ne trouvant pas le piège. En quoi devoir mordre vingt êtres humains pouvait-il bien être une torture ? Elle secoua la tête de haut en bas, le ventre noué à l’idée de rater le but ultime de la scène.

- Viens le mordre, ordonna Chris en désignant un homme d’une quarantaine d’années.

Mariam s’avança tandis que l’homme haletait, se demandant clairement ce qu’on allait lui faire. Il parla mais Mariam l’ignora. Elle n’avait que faire des mots de cette chose sans intérêt. Il servait un autre dessein. Mariam, qui n’avait pas faim, le mordit au bras et retira ses dents.

- Je n’ai rien senti. Pas le moindre venin.

- Retourne dans le cercle, rappela-t-il d’un souffle doux.

Mariam s’exécuta.

- Tu restes dans le cercle, insista-t-il dès qu’elle y fut.

Mariam acquiesça. Que ratait-elle ? Et soudain, l’homme cessa de respirer. Il observa le monde avec circonspection. Mariam sentit un formidable élan d’amour se monter entre ce Vampire et elle. Son petit s’éveillait au monde et le lien se créait.

Chris s’approcha du petit et sourit. Mariam constata que les dents du prédateur étaient sorties. Avec une lenteur calculée, Chris planta ses crocs dans le bras du jeune Vampire et la victime hurla. Mariam sentit son cœur se tordre de douleur. Autant les cris de l’humain l’avaient indifférée, autant ceux-là la blessaient.

Elle tenta de les ignorer mais la détresse de son petit s’insinuait jusqu’à son âme. Elle ne pouvait s’en moquer. Elle devait l’aider !

- Reste dans le cercle ! gronda Chris alors que Mariam avait fait un pas vers son contour.

Mariam se figea et une larme dévala sa joue. Le petit hurlait de terreur alors que Chris l’avait lâché. Les attaches devaient être spéciales pour ainsi supporter les tractions puissantes d’un Vampire terrorisé. Le petit disparut soudain en fumée. À force d’utiliser ses pouvoirs surnaturels, il avait épuisé ses forces. Son instinct lui avait interdit de passer en hibernation. Il était mort.

Mariam en ressentit un profond soulagement. Au moins, il ne souffrait plus.

- Viens mordre le suivant, ordonna Chris.

- Non, gémit-elle dans un murmure tandis que les dix-neuf humains restant hurlaient de terreur devant cet homme qui venait de disparaître en laissant seulement ses vêtements derrière lui.

Elle s’avança en tremblant. La seconde victime était une femme. Elle hurlait et criait dans une langue que Mariam ne comprenait pas. Consciente de ce qui allait se passer, Mariam sortit les dents en gémissant puis mordit. Pas une goutte de sang ne monta dans ses sinus.

- Retourne dans le cercle, ordonna Chris.

Mariam regarda la femme. Pour le moment, elle était figée et silencieuse, les yeux exorbités. Mariam se souvint de sa propre transformation, merveilleuse, presque orgasmique, cela grâce à Dracula. Il lui avait précisé qu’en temps normal, devenir un Vampire était très douloureux. Mariam observa l’humaine hurler et s’en délecta avant de se rembrunir. Dans un instant, sa victime reviendrait à la réalité, uniquement pour se faire torturer par le pire démon au monde et Mariam, liée à elle, en souffrirait.

Mariam tourna le dos à la femme et retourna dans le cercle mais refusa de se tourner vers la victime.

- Interdiction d’éviter la douleur, Mariam. Tu regardes, tu écoutes. Ne te coupe pas des évènements en cours. Allez ! Retourne-toi !

Elle obéit pour voir la femme, silencieuse, hagarde, clignant rapidement des yeux comme pour s’habituer à la luminosité, reniflant l’air à la recherche d’une odeur. « C’est ma souffrance et ma détresse que tu sens… ou son plaisir » pensa Mariam en tremblant. Son visage se couvrit de larmes lorsque la femme poussa un cri strident, un hurlement de frayeur et de douleur.

Chris prit son temps. Il la mordit une première fois proche du poignet, puis une seconde près du coude pour remonter vers la gorge. La Vampire juste née hurlait.

- Elle t’appelle à l’aide, lui précisa Chris avant de continuer sa découverte du corps de sa victime avec ses crocs.

Mariam, le cœur anéanti, tomba à genoux.

- Je vous en prie ! Par pitié ! Arrêtez ça !

- C’est si facile d’arrêter de souffrir. Il te suffit de ne pas transformer tes victimes !

Mariam hurla de désespoir alors que les habits, privés de leur propriétaire, tombaient en souplesse sur le sol. Les humains, tétanisés, ne hurlaient plus. Ils observaient sans comprendre, abasourdis, l’esprit refusant de croire ce que leurs yeux ne pouvaient nier.

- Viens mordre le suivant, ordonna Chris.

Mariam, à genoux, sanglotait misérablement. Il l’avait mise à terre sans même la toucher.

- En rampant s’il le faut, gronda Chris.

Mariam parvint à se relever mais elle trébucha régulièrement. Elle attrapa le bras du suivant en secouant la tête. Elle n’avait pas la moindre idée de comment ne pas le transformer. Elle ne ressentait rien. Elle plantait ses dents et les retirait, c’était tout. Elle ne ressentait pas le passage de son venin !

Elle sortit les crocs et ouvrit la bouche, prête à frapper. La main du roi dans sa bouche la priva de cette possibilité. Les canines de Vampire effleuraient la peau tendre de Sa Majesté. Mariam se figea. Si elle le mordait, il la tuerait sur le champ.

- Soyons clair, dit Chris. Je suis ravi de te torturer de la sorte. Cela m’est très agréable. Mais le but est bien que tu ne transformes pas tes victimes. C’est ça qui me ravira le plus. Ne mets pas ton venin dans ta proie. Telle est ma volonté.

Mariam hocha la tête, très prudemment, pour ne pas que ses aiguilles déchirent les chairs. Chris retira sa main. Mariam fit bouger sa mâchoire. Ne pas transformer. Ne pas transformer. Putain de venin ! Il refusait de se montrer. Mariam ne voulait plus souffrir. Voir ses petits se faire torturer la bouleversait bien davantage que de subir elle-même la morsure du roi.

Chris ne supporterait pas cette même torture. Et si à la place de ces humains quelconques se trouvaient Baptiste, Malika et Dracula ? Chris serait incapable d’endosser une telle souffrance. Personne ne devait jamais savoir. Cette faiblesse lui nuirait.

Après tout, ses petits étaient disponibles à n’importe quel ennemi. Malika était protégée mais les deux autres se pavanaient en permanence. S’il venait à l’esprit d’un ancien averti rancunier de faire ça…

Mariam frémit. Le roi la laisserait-elle vivre ? Souhaitait-il vraiment qu’elle réussisse ou bien s’en moquait-il car il comptait la tuer de toute façon, ne profitant d’elle que pour extérioriser ses démons intérieurs ?

Elle jeta sur lui un regard perdu, désespéré. Avec tendresse, il répondit à son appel muet et sourit. Dans ses yeux, elle lut ses encouragements. Sous les hurlements de l’homme oriental, Mariam planta ses crocs.

Chris était convaincu qu’elle pouvait le faire, sinon, il ne perdrait pas son temps de la sorte. À moins qu’il n’en sache rien. Peut-être n’était-elle qu’un sujet d’expérience, un cobaye d’une torture morbide. Mariam nageait en pleine incertitude. Elle avait la sensation d’une totale inutilité, d’une souffrance stérile et vaine.

Au moment où elle prit la décision de retirer ses crocs, elle sentit un liquide froid sortir pour pénétrer le corps de la proie terrorisée.

- Non, non, non, non ! hurla Mariam en caressant tendrement le visage de l’homme qu’elle venait de condamner à mort.

- C’est bien, Mariam ! la félicita Chris. Tu as pris conscience de l’existence de ton venin. Retourne dans le cercle.

- Pitié, pitié ! Non ! hurla Mariam en caressant l’homme pas encore transformé.

- Allez va ! dit-il d’un ton léger qui ne laissait aucun doute sur le fait qu’il s’amusait follement.

Mariam obéit sous le regard rieur du roi. Il s’en donna à cœur joie, plongeant Mariam dans des abîmes de souffrance et de tourment.

- Viens mordre le suivant.

La victime ne hurla pas et ne se débattit pas. Elle semblait accepter son inéluctable sort. Elle murmurait et Mariam reconnut une prière chrétienne. Elle attrapa son bras et sortit les dents mais à nouveau, la main de Chris s’interposa.

- Refuse lui le droit de sortir. C’est toi qui décide, pas lui. Ton venin sortira, un jour, quand tu l’auras décidé, quand tu te sentiras prête à engendrer. En attendant, il va sagement attendre ta permission. Tu le contrôles, pas l’inverse. Tu ne souhaites pas voir un autre de tes petits se faire torturer, n’est-ce pas ?

Mariam secoua négativement la tête en tremblant.

- Alors ne te répands pas. Cette femme ne deviendra pas ton petit parce que tu ne veux pas d’elle. Tu ne le souhaites pas et moi non plus. Obéis, Mariam, obéis-moi. Je t’ordonne de retenir le poison.

Il retira sa main, laissant Mariam chancelante. Elle ferma les yeux et gronda, pestant contre elle-même, contre son incapacité à se maîtriser, contre ce venin qui la privait de liberté et l’obligeait à souffrir le martyre. Elle voulait le voir sage, docile et obéissant. « Reste où tu es ! » grogna-t-elle en pensées tout en serrant le poing de rage.

Elle sentit quelque chose frémir, là, entre ses yeux, contre son nez. Tandis qu’elle sortait les dents, elle resta concentrée sur cette zone. Ce fut comme retenir ses larmes. Elle rentra les dents et la certitude s’empara d’elle. Sa victime ne se transformerait pas.

- Une fois, ça peut être de la chance, lança Chris alors que la femme survivante continuait à prier sans relâche. Il t’en reste encore seize à mordre. Inutile de retourner dans le cercle. Mords directement le suivant.

Mariam ne perdit en rien sa concentration, refusant à son venin le chemin vers l’extérieur. À la troisième victime survivante, Mariam demanda :

- Est-ce toujours aussi difficile malgré les années ?

- Oui, annonça Chris. La procréation reste l’acte le plus important pour un Vampire. Tu devras toujours lutter, à chaque morsure. Ça ne se calmera jamais. Il te faudra garder le contrôle en permanence.

- C’est pour ça que les résidents du palais apprécient autant de boire dans des poches de sang ? Ça évite ce désagrément.

- C’est un des avantages, en plus du fait que le contenu est absolument divin.

- Il doit bien venir de quelque part. Boire ce sang-là à la source doit être sans commune mesure.

- Je te le confirme, dit Chris. Quel dommage que ma nourriture soit actuellement enceinte.

Mariam leva un sourcil interrogateur.

- Son enfant est la nouvelle génération. Il est plus important que mes petites envies personnelles.

- Mon sang est-il meilleur ou moins bon que le sien ?

- Bien meilleur, répondit Chris. Je n’ai jamais rien connu de meilleur que du sang de Vampire. Pourtant, Baptiste y travaille d’arrache-pied !

Mariam contrôla son venin et mordit la victime suivante. Les humains tremblaient maintenant à son approche mais ne hurlaient plus. Ils ne comprenaient pas. À leurs yeux, il se passait presque rien. Mariam termina la liste avec un soulagement total.

- Vous allez me tuer, supposa Mariam.

- Non, pourquoi ? lança Chris, surpris.

- Vous prenez un sacré risque, lança Mariam en désignant la scène du doigt.

- Tu es mon plus loyal sujet, répondit-il avant de lui proposer de le suivre d’un geste.

Ensemble, ils rejoignirent la navette. Mariam eut du mal à croire qu’il l’amenait au palais et pourtant, ils y furent.

- Tu sembles réellement abasourdie.

- Oui, Majesté, admit Mariam une fois sur le tarmac.

- Je suis très sensible à la fidélité.

- Mais vous me haïssez, rappela Mariam.

Chris sourit puis annonça :

- Allez viens.

Lorsque Mariam entra dans la salle du trône, le silence se fit. Tout le monde l’observa, guettant une réaction différente, détaillant son corps à la recherche d’une cicatrice, de n’importe quoi pouvant indiquer la nature de la torture subie. Mariam se sentit très gênée. Dracula – sous sa forme de la petite vieille ridée - se leva pour céder son siège au roi qui s’installa tranquillement sur le trône.

- Avance, Mariam. La situation est atypique, mais qu’est-ce qui ne l’est pas, avec toi ?

Elle s’arrêta à quelques pas devant le roi.

- Yanis est-il au palais ? demanda Chris.

- Non, Majesté, répondit Dracula. Il se trouve actuellement sur le nouveau site de l’école.

- Fais-le venir.

- Bien, Majesté.

L’attente se fit dans un silence de mort. Finalement, Yanis apparut, clairement venu en vitesse surnaturelle.

- Majesté ? demanda Yanis.

- Est-ce que tu confirmes l’intégralité des compétences de Mariam, en dehors du contrôle d’émotion et de la maîtrise de la procréation ?

- Oui, dit Yanis. J’ai pu tester toutes les autres capacités et elle a passé les épreuves haut la main.

- Merci, Yanis. Imhotep ?

- Oui, Majesté ? répondit le grand vizir, surpris.

- Tu confirmes que Mariam sait contrôler les émotions d’un humain ?

- Oui, Majesté. Elle a réussi l’épreuve.

L’assemblée sursauta. Que plusieurs personnes soient nécessaires pour attester des compétences d’un Vampire sortait visiblement de l’ordinaire.

- Et je confirme que Mariam maîtrise son venin à la perfection, termina Chris. Bienvenue parmi nous, jeune Vampire. Sous quel nom souhaites-tu être connue ?

Mariam ne s’attendait pas du tout à une telle question. Elle sourit. Après tout, son créateur ne se gênait pas pour en posséder pas moins de trois, dont celui de naissance. Comme quoi cette question n’entraînait pas d’énormes conséquences. Elle pourrait toujours choisir plus tard.

- Mariam me convient très bien.

- Comme tu veux, répondit le roi. Julie va avoir du boulot. Il y a une fête exceptionnelle à organiser pour ce soir.

- Je vais la prévenir, annonça Dracula avant de partir.

La fête fut magnifique. Que le grand vizir ait donné des ordres pour que la célébration du contrôle de sa petite soit grandiose n’aurait étonné personne.

 

#################################

 

- Tu voulais me parler ? demanda Chris alors que Mariam se trouvait de nouveau dans la salle complètement vide dans la pouponnière.

- Les résidents à l’extérieur ne peuvent pas entendre ce qui se dit ici, lança Mariam.

- En effet, répondit Chris. Pourquoi ?

- Les résidents n’ont pas conscience que votre unique objectif est d’être le seul Vampire à arpenter la Terre, n’est-ce pas ?

Chris garda un visage neutre, presque surpris.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

- Tout, répondit Mariam. Pour le moment, vous incitez les Vampires à venir au palais, au dôme, à Musawa. Vous créez des paradis personnels à tous ceux qui en font la demande. Le bétail des fermes dégoûte les prédateurs des terriens insipides. Les prêtresses du bien que vous répandez volontairement sur Terre rendent la vie là-bas dangereuse. Les sherva débusquent les récalcitrants, vous permettant d’obliger ces soi-disant criminels à venir au palais en échange de leur amnistie. Vous avez vacciné les terriens contre le vampirisme et êtes le seul à posséder l’antidote.

À ces mots, Chris ne put retenir un petit sourire.

- Le nombre de Vampires présents sur Terre diminue. Il n’y en a presque plus. De votre côté, vous n’avez jamais été aussi présent, aussi reconnu. Tous les chefs d’état et religieux ont eu l’honneur de vous rencontrer et se sont soumis. Pour le moment, rien n’interdit à un Vampire de retourner sur Terre. Les navettes sont en libre disposition mais pourquoi quitter un paradis ?

Chris sourit davantage, un sourire carnassier et joyeux.

- Combien de temps avant que les Vampires retournant sur Terre ne perdent des privilèges, devant, en échange d’un séjour à Tokyo, accepter de perdre l’accès au sang des fermes ou de voir son domaine personnel donné à un autre ? Combien de temps avant que le passage ne devienne impossible ?

Chris sourit de plus belle.

- Des siècles ? Des années ? Des mois ? Des jours ? proposa Mariam.

Chris garda le silence.

- Vous aimez vos petits, de rang un ou pas. Sinon, vous nous auriez tous tués depuis longtemps. Vous en avez la possibilité. Vous n’avez rien contre nous. Vous voulez juste régner en maître absolu sur la Terre.

Chris ne nia pas. Il attendait probablement de savoir où Mariam voulait en venir.

- Je viens négocier mon droit d’aller sur Terre, annonça Mariam.

Chris explosa de rire mais se calma en constatant l’air grave de Mariam.

- Sans déconner ? Après le discours que tu viens de tenir, tu crois vraiment pouvoir obtenir ce droit ? Même mes petits sont priés de rester loin du sol terrestre. Chacune de leur venue est sujet à de sévères négociations. Que crois-tu pouvoir m’offrir en échange d’un tel laisser passer ?

- Je vous offre mon sang, annonça Mariam d’un ton humble et soumis.

Chris hoqueta puis se figea. Il pencha la tête, fronça les sourcils et réfléchit intensément. Il se déplaça doucement, tendrement, lui tournant autour tel un requin autour d’un banc de poisson, la transperçant du regard. Mariam ne broncha pas, se contentant de trembler de manière incontrôlable.

Mariam savait que Chris, comme tout prédateur, préférait chasser. Il détestait les proies qui s’offraient de leur plein gré. Cependant, traquer un Vampire était long et coûteux en énergie. De plus, autant pendant la grande guerre, le roi avait-il pu se remplir la panse de sang de Vampire, autant aujourd’hui cela était-il devenu impossible.

Le roi ne pouvait se permettre de demander leur sang à ses sujets. Déjà que Chris peinait à recueillir le soutien des anciens avertis, alors si ces derniers venaient à apprendre que leur nouveau souverain désirait les consommer comme de simples animaux, cette belle entente volerait en éclat.

Mariam lui offrait donc la possibilité de boire ce nectar délicieux sans attirer l’attention et sans se fatiguer. Une merveilleuse source d’énergie, un régal pour les sens, mais également la preuve d’une soumission absolue de la part de cette jeune Vampire.

- Tu penses réellement être capable de m’offrir ta gorge sans broncher ? demanda Chris.

- Oui, Majesté, répondit Mariam dont la main droite ne cessait de trembler. Et si un jour cet échange vous pèse trop et que ma présence sur Terre vous est insupportable, il vous suffira de ne pas vous arrêter.

- Tu m’offres ta vie, comprit-il.

Qu’il fut profondément touché était une évidence.

- Je n’accepte pas un marché sans vérifier la solvabilité de mes interlocuteurs. Tu ne m’en voudras pas de vouloir constater ta docilité ?

- Non, Majesté. Je comprends, assura-t-elle, toujours immobile alors qu’il tournait autour d’elle, clairement en chasse.

Il se plaça dans son dos et enroula son bras droit autour de son torse, laissant sa main droite reposer sur son cœur.

- Quand je fais ce geste, offre-moi ta gorge. Tu sais faire ?

Mariam tourna légèrement le menton vers le bas, ouvrant une autoroute au roi. Elle connaissait ce mouvement pour l’avoir vu réalisé par les initiés du palais. Voilà ce qu’elle était devenue : de la nourriture, ce que Chris exécrait le plus. Pire ! Elle était une prédatrice redevenue proie.

- Je vais te mordre et à un certain moment pendant ce prélèvement, j’appuierai tendrement sur ton cœur. Tu le feras battre, une fois, le vidant entièrement.

Le cœur entreposait la majeure partie du sang d’un Vampire, le stockant en attente d’un besoin. Le reste irriguait les cellules mais les besoins étaient minimes. En agissant de cette façon, Chris s’assurait de recevoir une très importante quantité de sang mais privait également sa proie de toute réserve, la mettant dans une situation précaire de faiblesse et d’impuissance.

- Tu es prête ? demanda-t-il.

Mariam hocha la tête et l’horreur suivit. Mariam s’était préparée. Elle contrôlait avec attention chaque influx nerveux sortant de son esprit, détruisant systématiquement toute commande aux muscles autre que « Pas bouger ». Elle ne put empêcher la douleur et la terreur de l’envahir.

Le roi contracta sa main et Mariam donna l’ordre à son cœur de battre une fois, propulsant toutes ses réserves dans son corps. Habituellement, un Vampire ne faisait cela que lorsqu’il se trouvait en danger de mort, afin d’obtenir un boost d’énergie. Cependant, cela était dangereux car une simple hémorragie entraînait la mort.

Le roi but, encore, et encore, et encore. Mariam ne lutta pas. Elle ne gémit pas, ne se débattit pas. Pas un son ne sortit de sa gorge. Elle resta stoïque alors même que ses réserves tombèrent si bas que certains de ses organes commencèrent à se liquéfier pour offrir l’énergie nécessaire à la survie du reste du corps.

Enfin, Chris lâcha et Mariam s’écroula. Elle n’avait plus assez d’énergie pour se dresser. Le moindre mouvement signifierait la mort. Son corps réclamait une mise en hibernation.

- Tiens, bois, dit Chris.

Se disant, il planta une poche de sang dans les canines acérées que Mariam venait de sortir. Elle avala et le sang chaud envahit ses sinus, lui procurant un plaisir indicible. Jamais elle n’avait bu quelque chose d’aussi bon. Chris retira la poche bien avant qu’elle ne fut terminée et Mariam ne s’en plaignit pas. Elle se redressa difficilement et choisit de rester à genoux devant le roi.

- J’accepte ton marché, dit Chris et Mariam sentit son ventre se tordre à cette annonce, de joie ou de peur ? Je prendrai ton sang chaque jour, que tu ailles sur Terre ou pas.

- Bien, Majesté, accepta Mariam.

Chris s’avança vers cette Vampire devenue sa nourriture. Il lui tapota doucement le crâne en disant « Bon chien ». Mariam ne répondit rien, acceptant l’humiliation.

La jeune Vampire venait de gagner sa liberté, mais à quel prix ?

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez