La première image qui me vint, avant que mon cerveau ne s’abandonne enfin à la seule jouissance du corps, supplantant la raison à l’appel de la blonde Lorelei qui me faisait face, fut de remarquer le scintillement des étoiles sur sa longue chevelure. Une faible clarté lointaine pénétrait le dernier étage avant le ciel, par la fenêtre de toit entre-ouverte, et ruisselait en lumineuses ondulations autour du visage d’Inkeri, transformée en une version lactescente de Jeanne Duval.
Les vers merveilleux provoquèrent ma mémoire.
Que j’aime voir, chère indolente
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Inkeri prit ma main, nouant le contact, sans chercher à me tirer vers elle. Son index glissa contre le mien et du satin enveloppa mon être, donnant à cette infime caresse une odeur enivrante. Les souvenirs des correspondances Baudelairiennes cessèrent de n’être que des études scolaires et prirent sens, habitant mon corps imprégné de sa présence. Ce fut tout à coup comme si le kaléidoscope qui dansait autour de sa blondeur avait eu une présence physique, une odeur, une texture. Il me sembla que la fraicheur de son haleine, que le désir rendait agréablement piquante, comme on sublime un plat merveilleux à l’aide d’une épice exotique, hérissait à elle seule mes bras d’une chair de poule stimulante, ou que les effluves de son discret parfum, tirant sur les agrumes comme ce baiser tangerine que nous avions échangé, tournoyaient autour de mon visage en une brise désaltérante.
Mon bras donna l’impulsion qu’elle attendait.
Inkeri fit un pas vers moi et passa une main dans mes cheveux courts. A la fois douce et décidée, elle maintint ma tête quand ses lèvres goutèrent ma bouche. Pour la deuxième fois, une langue féminine caressa la mienne. Cette fois-ci, je ne reculai pas et mes bras encerclèrent le long tee-shirt rouge et blanc.
Dans mon cou, quelques doigts adroits eurent raison du nœud qui avait maintenu toute la soirée mon dos-nu contre ma peau, et je sentis le vêtement lâcher prise en même temps que moi. Imperceptiblement, Inkeri aida l’étoffe à chuter le long de mon buste, puis il finit par tomber au sol dans l’indifférence.
Nous restâmes enlacées, debout sous la nuit d’été, le temps que le fil de soie qui me maintenait encore au rivage se tende et cède, et que j’accepte enfin le pouvoir de l’abandon, qui vascularisa chaque veine en moi, irisant de sang et de chair la frêle embarcation qui venait de larguer les amarres, acceptant les flots, le vent, l’orage, Lorelei.
La mince finlandaise serra ma main dans la sienne et m’emmena vers le lit qui trônait au centre des combles de son dernier étage.
A te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.
J’eus conscience d’Éric, toujours dans l’embrasure de la porte, et de son regard posé sur nous. Je n’avais pas envie de le laisser en dehors mais, en cet instant où je découvrais un autre monde, il me fallait entrer seule dans le manoir inconnu avant de l’y inviter. Il pénétra dans la chambre, ferma la porte derrière lui, mais n’imposa pas sa présence.
Inkeri s’assit sur son lit et embrassa le petit diablotin qui riait au creux de mon nombril. Ses mains se posèrent dans le bas de mon dos et elles firent glisser la jupe blanche le long de mes cuisses. Je m’en débarrassai, dans une sorte d’état second, et caressai le haut de la longue et soyeuse chevelure, dont les mèches blondes chatouillaient mes seins nus par en-dessous, pendant que sa bouche léchait la salinité de ma peau au bord de mon ventre et que ses deux mains gourmandes, sur mes fesses, en caressaient le derme que la jupe à terre avait offert à sa portée.
Inkeri recula sur le lit, et me fit basculer pour que je l’y rejoigne. Le coton à rayures remonta et dévoila une jambe ciselée qui s’allongea dans le prolongement d’un corps s’en allant reposer contre trois moelleux oreillers blancs. Son regard chargé d’embruns était comme de la glace s’apprêtant à quitter la banquise pour dériver en des horizons plus chauds, trop chauds. Ces yeux intenses me firent frémir et je me sentis liquide, comme si ma frêle embarcation venait de terminer son voyage et, sur le bleu déchaîné, arrivait en vue des calanques interdites de Mytilène.
Je pris place sur le lit, uniquement vêtue du petit shorty en dentelle de vieux rose dont j’avais cru qu’il appartiendrait à Éric de me l’enlever quand, dans la première nuit de ma vingt-quatrième année, il m’aurait fait l’amour. Ce furent pourtant deux mains de femmes qui parcoururent mon corps, et je sentis la délicatesse de cette blondinette, à nouveau mêlée d’une assurance et d’une fermeté intensément sexy, poser sur mon sein une paume enveloppante, pendant que d’autres doigts libres skiaient sur l’intérieur de mes cuisses. Nos bouches se scellèrent à nouveau, et le sage câlin devint étreinte.
Presque malgré-moi, une de mes mains se posa sur le mollet de la belle finlandaise, et remonta sous son tee-shirt de nuit. Je fus d’abord surprise par la fermeté de sa peau et de son corps. Moi qui massais tant d’hommes, j’avais appris à apprécier cette tonicité. La sportive scandinave rompit le silence, chuchotant presque.
-Tu veux que je enlève ça ?
-Oh bah au point où on en est…
Inkeri esquissa un petit rire puis se redressa, attrapa le bas du tee-shirt qui remonta le long d’un corps que je découvris avec une fascination mêlée d’appréhension. Elle était remarquablement dessinée. A l’image de ses deux fesses, dont le contact ferme m’avait impressionnée deux semaines plus tôt, il y avait chez elle quelque chose d’à la fois gracieux et athlétique. Ses deux seins, qui dépassaient les miens d’au moins un bonnet, étaient pointus et remontaient doucement vers les cieux comme un porte-manteau doux et accueillant. Son ventre plat arborait quelques grains de beauté, et ses cuisses fuselées conduisaient avec ampleur au centre de tout, là où, à ma grande surprise, aucun duvet ne vint cacher à ma vue son intimité qui, déjà, perlait son envie de voyage.
Entièrement nue, Inkeri se pencha sur moi et son corps fit basculer le mien contre le matelas. Nos bouches se retrouvèrent de façon plus passionnelle. Le poivre de sa salive avait hissé ses saveurs vers un piment suave, et ses baisers s’enflammèrent. Je la sentis mordre doucement mes lèvres, aspirer ma langue, et laisser libre cours à un désir dont j’étais l’objet, grisée et attentive. Je sentais ses deux seins lourds peser contre mes tétons, bien plus que son corps frêle allongé sur le mien, et chaque divin frottement en faisait saillir plus encore les petits bonbons acidulés qui s’étaient assombris, se confondant avec l’opacité de la nuit. Mon esprit confus se coula dans le miel et deux essaims prirent possession de moi. J’étais comme dans un éveil total, mes sens mélangés au plus haut degré de leur réceptivité, et en même temps spectatrice de ma propre dérive, fil de soie rompu et flottant au loin alors que la peur peu à peu me quittait, laissant mon souffle accidenté et le sang affluant dans mes tempes, dicter la cadence de mes actes, de mes choix, de ma vie. Assourdi au fond de mon esprit d’ancienne jeune fille sage, du rock symphonique longtemps incompris vint éclater de vérité dans mon âme réveillée.
I’m so tired, of playing.
Playing with this bow and arrow.
Gonna give my heart away.
Leave it to the other girl to play
For I’ve been a temptress too long.
Just...
Give me a reason to love you.
Give me a reason to be, a woman.
I just wanna be a woman.
Je collai mon corps à celui d’Inkeri et sentis son pubis imberbe contre ma cuisse. Mes caresses osèrent ses fesses nues, puis ses seins parfaits, dont les globes se dressèrent sous mes doigts hésitants, comme pour me hurler de ne surtout plus m’arrêter. Elle remonta, tout contre moi, corps glissants l’un contre l’autre, et le baiser reprit de plus belle, essoufflé. Nos bras se mélangèrent, nos jambes s’emmêlèrent, nos peaux se scellèrent, et je sentis une douce pression sur mon sexe, à travers le dernier morceau de tissus. Une onde de chaleur m’envahit de l’intérieur, tsunami tiède déferlant organe après organe. Inkeri me regarda avant de m’enlever mon shorty, cherchant dans mes yeux fiévreux une autorisation qu’elle trouva. Elle ferma le compas de mes jambes pour faire passer le fin tissus au niveau de mes pieds, puis le rouvrit doucement quand sa bouche remonta embrasser mes chevilles, mes mollets, s’arrêtant lascivement derrière mon genou qu’elle mordilla. Ses mains précédèrent la langue insatiable contre mes cuisses et pour la première fois une femme toucha mon sexe.
La caresse fut douce, juste un effleurement. Mais dans les souvenirs qui se figèrent ensuite en moi, elle resta le moment le plus sensuel. Celui où, fil de soie perdu dans les lointaines eaux de l’enfance, mes forces de résistance s’abandonnèrent définitivement en voluptueuses interférences dont je laissai les saveurs et les fragrances me pénétrer.
Inkeri se pencha au-dessus de moi et caressa mes seins. Ses doigts les firent pointer plus encore, déchainant de longs frémissements dans un corps qui me parut soudain lourd, chargé d’un plaisir ascendant, que je venais de mettre entre les mains de cette femme qui avait été l’objet de si imprévisibles fantasmes. Puis sa bouche prit le relai et sa langue excita autant mes mamelons modestes que mes tétons brûlants. Machinalement, je resserrai mon étreinte autour de son corps, m’étonnant encore d’y trouver la trace d’attributs féminins, moi l’hétérosexuelle longtemps convaincue que tout est simple et définitif. Cette enveloppe de femme entre mes bras vint encore souffler sur le brasier qui crépitait en moi, la conscience aigüe de ce que j’étais en train de faire apportant son lot de plaisirs inavouables et d’excitation censurée.
Délicatement, les lèvres de mon sexe s’ouvrirent, deux doigts finlandais s’étant frayé un chemin licencieux le long de ma fente. Un troisième y pénétra alors. Je me sentis plisser chaque articulation de mon corps, comme un dernier réflexe avant qu’il ne soit trop tard. Mais j’avais tellement envie qu’il soit trop tard… Mes phalanges caressantes se firent crochues et s’arquèrent sur son corps ferme comme pour s’y enfoncer. Ma bouche s’ouvrit, un souffle passa contre ma langue, qui me sembla sèche, et je l’entendis sortir avec le son chaud et charnel d’une trompette bouchée. Fidèle à Alain Souchon, le jazz en moi venait.
Ce doigt tourmenteur longea l’entrée de mon sexe, avec une régularité et une pression constante qui faillirent me faire perdre la raison. Mon ventre se retourna et, quelque part sous mes seins en émoi, mon cœur pulsa comme pour donner son accord. Inkeri se faufila un peu plus profondément à chaque passage, gagnant le droit, millimètre par millimètre, de me pénétrer un peu plus à chaque fois que, quittant mon clitoris pour glisser le long des portes désormais grandes ouvertes, elle irriguait mes chairs de frémissements intempestifs et sublimes.
Stoppant les caresses que sa langue exerçait sur ma poitrine, elle revint m’embrasser et je la serrai fort contre moi, cherchant à mon tour le contact avec les recoins les plus secrets de son anatomie. Alors que son jeu infernal continuait contre mon pubis que mes jambes écartées l’invitaient à envahir, nos langues se réunirent à nouveau, et, sous la fesse de marbre rond, mon ongle gouta son humidité naissante à la lisière du sexe lisse. Alors que les ténèbres de la petite mort approchaient en moi, je fus comme envahie par ce nouvel orgueil, tellement plus doux que celui de Lola, et commençai, du bout de mes doigts, à chérir le bonheur de donner du plaisir.
Nous restâmes alanguies ainsi un long moment, elle poursuivant inlassablement ses caresses le long de mon sexe, entrant et sortant de lui au gré de ses envies de s’y fondre ou de me sentir en manque d’elle, et moi découvrant la moite ambivalence du plaisir entre femmes. Puis Inkeri dut comprendre que je n’allais plus tarder à succomber. Très doucement, sans que sa main ne quitte mon intimité, elle redressa son corps et me parla à l’oreille.
-Tu très belle femme, Léa.
J’avais joué avec tant de clients, leur parlant à des moments où aucun son intelligible ne pouvait sortir de leur bouche. C’était mon tour d’être à la merci du jeu bienveillant et érotique d’Inkeri. Elle ouvrit mes jambes et vint se mettre à genoux entre elles. Avant que son visage ne disparaisse de ma vue, je l’entendis susurrer une promesse gutturale :
-Aion saada sinut tulemann.
Les langoureux glissements du majeur le long de mon intimité maintenue ouverte par son index et son annulaire n’avaient été qu’un avant-goût. Mes cuisses s’écartèrent encore quand son visage descendit entre elles, et la langue qui avait longé la mienne et qui, il y a une éternité, m’avait déposé sur le palais ce goût si pétillant de xylitol à la mandarine, cette langue fluide et taquine se mua en serpent agile et entra en moi.
Dans une dimension lointaine, je remarquai qu’Éric nous regardait toujours. Je serais heureuse de retrouver son pénis et tous les jeux érotiques que nous avions déjà pu réaliser lui et moi. Mais à cet instant, libérée de mes fils de soie éparpillés autour de mon corps vacillant, je m’en remis à une femme pour me mener à l’orgasme.
Mes mains cherchèrent un refuge pour ne pas rester seules alors que l’œil du cyclone approchait, et les cheveux longs d’Inkeri liquéfièrent leur blondeur entre mes doigts. Je voyais son corps, allongé sur le ventre, dessiner la rondeur de ses fesses magnifiquement pointées vers le faîte du toit, et ses jambes relevées vers le haut, à angle droit sur le lit, s’agiter de petits cercles comme pour s’encourager dans l’effort que l’infatigable langue exerçait en moi, léchant mes liqueurs, piquant mon clitoris d’une pointe moelleuse, entrant dans le corridor aussi loin que possible, stimulant chaque repli jusqu’à ce que la tête me tourne, que mes mains pressent son cuir chevelu, que mon ventre, juste au-dessus de son front, s’agite de spasmes, et que le monde intelligible explose.
Après que j’eus joui, Inkeri s’allongea à côté de moi et me prit dans ses bras le temps que mes sens chamboulés recouvrent un fil conducteur. Je sentis son corps tonique se lover contre le mien et elle déposa des baisers apaisants sur ma nuque et sur mon front. Ses seins étaient durs, pointus, et j’en percevais la morsure contre les miens, goutant leur repos provisoire. Derrière les multiples senteurs qui émanaient de sa peau, mêlant mon parfum et le sien aux ruissellements que mon propre corps avait donné à sa bouche et sa langue, se dégageait un appel capiteux. Je fus surprise de ressentir un désir aussi fort que celui qui m’avait menée à l’orgasme, et mes mains automates se rappelèrent que déjà, une fois, elles avaient fait jouir une femme.
Mais ce n’était pas Agnès, alanguie en face de moi, le nez collé au mien dans un moment de tendresse, petite zone de ciel bleu dégagée dans l’intensité verte de la forêt dense. C’était Inkeri. Et je ne la massais pas, je faisais l’amour avec elle.
Moi, Léa, je faisais l’amour avec une fille.
Elle passa ses bras autour de mon cou, maintenant nos fronts l’un contre l’autre, et ses yeux plus sombres que jamais, figés dans mes pupilles, se tapissèrent d’insondables coraux. Quand ma main droite toucha le pubis gorgé de sucs, aucune toison ne vint picoter ma paume. Je tenais un sexe de femme contre moi, ressentant le moindre de ses ourlets, ainsi que chacune de ses palpitations et de ses épanchements en ondées impudiques.
Je crus qu’elle ne clignerait jamais des yeux. Ses grandes billes cobalt scrutaient mon regard, comme si le plaisir que je lui donnais avait suivi deux trajets bien distincts, l’un physique, et l’autre intime, pensée pornographique que nous aurions partagée tout en la vivant par ailleurs. Décidée à accumuler les premières fois, je commençai à descendre pour suivre le même chemin qu’elle venait d’emprunter. Mais Inkeri me retint.
-Léa… reste…
Nous restâmes alors front à front, l’intensité de son regard remplaçant le sel des baisers de tout à l’heure, donnant une dimension incroyablement libertine à ce moment de grâce. Inkeri voulait que je la voie jouir, et que je me voie la faire jour dans son miroir bleuté. Elle écarta ses jambes qu’elle serra de part et d’autre des miennes. Son sexe s’ouvrit et j’y fis pénétrer deux doigts, ressentant ses crispations impatientes, aussi nettement que le petit cercle plus fripé, que j’effleurai sans m’y attarder, allant et venant comme un mâle l’aurait fait avec une verge en érection. Ses ongles roses griffèrent mes épaules et elle ferma les yeux une seconde. Je basculai doucement mon visage, nos nez se contournèrent et je déposai un baiser chaste sur sa bouche fermée, coinçant mes lèvres en quinconce des siennes. Sa lèvre inférieure était arrosée de liqueur, et ma bouche y glissa, découvrant de nouvelles saveurs qui semblaient naître à chaque seconde de l’inexorable montée en puissance, décuplant mon propre plaisir comme si j’avais vécu le sien à travers son regard, son goût, son odeur, et son corps qu’elle venait de me confier.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant
Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohème,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles de mon cœur.
Maladroite, j’hésitai à accentuer ma caresse, à la ralentir, à immiscer un troisième soldat rejoindre les deux autres qui bataillaient au front d’un orgasme promis. Puis je suivis ce regard pénétrant qui exprimait bien mieux que n’importe quel verbe le grondement sourd du tonnerre qui approchait.
Inkeri passa son bras dans le bas de mon dos et la main désarticulée caressa mes fesses tandis que l’autre bras serra comme un étau nos deux corps entrecroisés. Tels deux flèches indiennes, les seins tranchants coupèrent mes mamelons et la belle finlandaise commença à trembler. Sa respiration perdit la cadence qui la maintenait en vie, les beaux ongles vernis se plantèrent dans la chair de mon dos, son ventre musclé frappa en saccades le diable caché dans mon nombril, et mes doigts dans ses entrailles de femme retrouvèrent le contact plissé de son interrupteur secret.
Inkeri hoqueta, ses yeux exprimèrent toute la violence qui la submergeait, et enfin, les deux agates bleu nuit se fermèrent. Elle devint statue de marbre, bouillante contre mon corps nu.
Quand elle revint à la vie, son squelette se déverrouilla et elle bascula sur le dos. Je sortis ma main de son sexe et caressai son visage. Elle stoppa mon mouvement et attrapa l’un des deux doigts qui venait de lui donner un orgasme, et y lécha le nectar qui était le sien. Je pris le deuxième dans ma bouche et découvris son goût, que nous partageâmes en un nouveau baiser, suivant le rythme de son corps retournant au repos.
-Tu es très tendre amante. Hommes très chanceux pour coucher avec toi.
-A propos d’homme…
Je tins enfin compte de la présence d’Éric, que j’avais occultée pendant la quasi-totalité de ma première expérience lesbienne. Mon petit-ami s’était approché du lit, avait fini par s’assoir sur un fauteuil, et nous avait regardées.
Avoir fait jouir Inkeri avait réveillé le désir qu’un premier orgasme n’avait que provisoirement tempéré et, même sans baisser les yeux en direction de l’entrejambe gonflée de mon homme spectateur, je me doutais de l’état d’esprit qui devait être le sien.
Mais c’est avec une autre femme qu’il allait faire l’amour. Une femme plus vraiment Léa, ayant échappé à l’appel déraisonné de Lola, tout en reconnaissant ses qualités et ses atours légitimes. Une femme qui avait enfin su briser son fil de soie, et accepté de céder à ses démons, parce que la peur est plus destructrice que n’importe quel diable, fut-il rieur, et que la volonté de tout contrôler ne peut mener qu’à la sclérose.
Pendant que je dévorai Éric des yeux, un autre hymne rock résonna en moi.
(Wake me up) Wake me up inside.
(I can’t wake up) Wake me up inside.
(Save me) Call my name and save me from the dark.
(Wake me up) Bid my blood to run.
(I can’t wake up) Before I come undone.
(Save me) Save me from the nothing I’ve become.
Now that I know I’m without
You can’t juste leave me
Breathe into me and make me real
Bring me to life.