Chapitre 66: Les fleurs sur les tombes

Par Kieren
Notes de l’auteur : J'ai bien galéré à publier ce chapitre : je suis chez une amie à Lyon pour un essai en pâtisserie, mais il n'y a pas d'internet chez elle et pas de 4G, les murs sont trop épais. Du coup, imaginez moi en bas de la cage d'escalier, avec la pluie dehors et la connexion plus ou moins merdique de mon téléphone à un accès 4G lointain, mais très lointain...
Enfin, j'en retire beaucoup de plaisir de vous faire lire mes histoires, donc tout ça se vaut.

« Finalement Gamine, tu ne m'as pas encore dit ce que tu aimes faire. »

« Pourquoi vous voulez savoir ça Vieux Gamin ? »

« Oh, je ne sais pas... Peut être pour compenser les parties d'échec que je te fais subir. Je suis content qu'au moins ton frère y prenne du plaisir. » Celui-ci sortit sa tête des Kaplas, me présenta son pouce avec le sourire, et retourna à sa construction.

La Gamine se frotta le bout du nez, l'air pensive, « Et bien, sans hésitation : la chasse. Observer la vie de sa proie, apprendre à la connaître, savoir ce qu'elle vaut, qui elle est, l'instant où l'on se jette sur elle, l'instant où tout se joue. Va t-elle m'échapper ? Vais-je la tuer ? Et puis, il y a le repas, là où l'on mange sa chasse. On se sent vivant. On sent qu'on appartient à la nature. »

«  Lorsque tu oublies que tu es humaine et que tu deviens un animal ? »

« Oui c'est ça ! C'est exactement ça Vieux Gamin ! Je quitte la peau que je porte et je redeviens ce que je suis ! »

Cela me fit sourire, peut être que je la comprends sur ce point. Je lui ébouriffai les cheveux. « On retournera chasser ensemble. Tu aimes faire autre chose ? »

« …J'aime bien les ruines, les visiter, trouver des fois des trésors pour mon frère, il aime ça les trésors. » Celui-ci acquiesça vigoureusement la tête sans arrêter son jeu. « Et puis les ruines on en trouve partout, il n'y a aucun humain à l'intérieur et ça me rappelle que vous allez bientôt disparaître et ça me fait plaisir. »

« Hey ! On n'a pas dit notre dernier mot. On est des survivants, nous les humains, on peut être étonnants des fois. »

« Ça oui, vous m'étonnerez toujours. Mais ne raconte pas d'histoire Vieux Gamin, mon frère et moi on a croisé de dizaines et des dizaines de villages abandonnés, délabrés depuis des décennies, même des grandes villes ; et les quelques endroits où l'on croise des humains, ils sont trop peu nombreux pour habiter dans toutes les maisons. Vous êtes entrain de mourir, ne le niez pas. Qu'est ce qui vous arrive au fait ? On ne l'a jamais su avec mon frère. »

« Pourquoi tu t'intéresses à ça Gamine ? Je croyais que tu détestais les humains. »

« Et bien, à part la joie IMMENSE que me procure la pensée de votre disparition prochaine, mon frère est humain lui aussi, et s'il est en danger, je dois m'assurer de pouvoir le protéger. »

« ...C'est trop tard Gamine, ton frère est déjà touché par le mal qui nous ronge. Il n'y a rien à faire. Ne t'inquiète pas, il aura la même espérance de vie que toute autre personne. Il a juste quelque chose en moins que les hommes d'il y a deux siècles. »

La Gamine revêtit sa tronche sérieuse et me demanda sévèrement : « Qu'est ce qu'il a ? »

Je détournai le regard et mâchonnai un bout de saucisson sec. « Désolé Gamine, désolé Gamin, mais je n'ai aucune envie d'en parler. Vous demanderez à Riton, il est la personne la plus qualifiée pour répondre à cette question. Et il sera très content que vous alliez le voir. La seule chose que j'ai à dire à ce sujet, c'est que vous êtes jeune, il n'y a absolument aucune, et je dis bien : aucune, satané urgence, à répondre à cette question. Maintenant continuons la conversation de tout à l'heure, ce sujet m'énerve terriblement. »

Les Gamins ne m'avaient pas vu en colère depuis longtemps, alors ils n'insistèrent pas . La fillette ajouta : « Si vous le dites, on ira demander au Gros... Sinon...il y a encore quelque chose que j'aime bien faire : c'est visiter les cimetières. »

« Les cimetières ? »

« Oui. C'est calme. Les plantes et les fleurs poussent sur vos tombes. Les pierres sont lisses et jolies. Et c'est là-bas que je trouve les seuls humains qui ne m'énervent pas. »

« Tu n'y vas pas pour détruire les sépultures, j'espère ? »

« Bien sûr que non ! Pour qui me prenez vous ? Je respecte les morts. Tout le monde à le droit au repos ! Non ! Non... C'est juste...que ça me rappelle d'où on vient, ce que l'on est, et ce que l'on devient. Ce qui est inévitable. Le début et la fin d'une vie. Les fleurs qui poussent sur le corps de quelqu'un. Je trouve ça poétique. »

… Qui suis-je pour juger ? À chacun son chemin. Elle était authentique à ce moment là. Elle ne se cachait pas. Et je la comprenais. « Dans ce cas Gamine, je te montrerai un endroit qui devrait te plaire. Et le Gamin viendra avec nous s'il le veut. »

Celui-ci hocha la tête avec le sourire. Et il posa le dernier Kapla au sommet de son château.

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