Chapitre 67

Notes de l’auteur : MAJ : 16 juillet

Baie de Morlaix, Bretagne



Deux trolls, une armée de fées et le Draob Hafgan rentraient en Brocéliande par un portail alors qu'une partie des gardes Teirionnour du clan Llewylth restèrent sur place, observant les alentours, alertes.

Morgane bailla avant de s'étirer le dos.

— J'ai hâte que tout soit terminé. Je crois que j'ai un peu tirée sur la corde...

— Tu t'inquiètes beaucoup trop, s'il devait se passer quelque-chose nous aurions vu des signes, susurra Bryn en lui massant doucement les trapèzes.

— Tu dois avoir raison. Je dois être un peu sensible, j'ai l'impression que tout est « trop facile » .

— Tout ne s'est pas passé sans encombre. J'ai failli te perdre et tu viens de passer des heures à gérer les corps. Je sais que ça te pèse.

Elle avait froid et sentait comme une chape de plomb lui tomber dessus.

— N'essaye pas de me réconforter, pas encore. Je dois garder la tête froide. J'ai laissé des Brocéliandins s'occuper d'altérer les dépouilles pour que leur trop bon état de conservation ne soit pas suspect et tous les humains retrouvés vivants ont été mis à l'abri et se réveilleront avec des souvenirs hachés et vagues sur ce qui leur est arrivé. Tout ça grâce aux substances hallucinogène qui leur ont été données et la manipulation mentale qui a été faite. J'ai essayé de ne pas trop les regarder, mais je crois que leurs visages vont me rester en mémoire un moment.

— Tu as fait ce qu'il fallait. 

Elle hocha la tête, enfermant ses émotions.

— Ils auront certainement besoin de suivre une thérapie après ça... Mais ce qui ne me plais pas non plus, c'est de devoir impliquer le laboratoire de Thomas pour lui faire analyser des substances qui servirons à toute cette « machination » . 

— Ce n'est pas comme si tu pouvais contacter un laboratoire lambda pour ça, tu me disais que tu faisais toujours appel à lui.

— J'ai l'impression d'être une grande manipulatrice qui se donne bonne conscience parce qu’elle défend une noble cause.

— C'est ce que font les politiques, les militaires ou ceux qui exercent de grandes responsabilités, c'est ce que tu disais à Elara tout à l'heure.

— Tu as raison. (Elle se frotta les avants bras, comme frigorifiée) Allons-y, la cérémonie a déjà dû commencer, je remets juste une veste propre.

Ils empruntèrent à leur tour le portail provisoire Kokonoe, suivit par les Teirionnours.

Une légère nausée l’envahit, alors que le portail se ferma derrière eux.

Le soleil commençait à décliner et la cérémonie était en cours.

La grande arche du portail brillait d'un éclat magique alors que la Reine Dahut et un groupe de Brocéliandins produisaient une sorte de chant qui n'était par humainement faisable.

Une sorte de vibration sonore qui engourdissait son corps, mais rendait son esprit plus clair.

Elle regarda autour d'elle et aperçue une grande forme spectrale vêtue de noir un peu en retrait du groupe, puis repéra dans la foule présente, qui semblait en transe, les trois étudiantes entourées de géants, korrigans ou autre Brocéliandins.

Le sol sembla se fracturer en de longues lignes luminescentes, qui fendaient le paysage à perte de vue.

Elle reconnaissait la forme des courbes qui descendaient en bas du plateau du domaine Drindod pour s'étendre selon le dessin reconnaissable qu'elle avait vu sur les plans : les lignes d'énergie.

Elles reliaient chacun des portails, de la pointe de la faille marine au fin fond des landes.

Quand la lumière s'estompa, ainsi que les chants vibratoires, ne laissant qu'un portail scintillant, elle inspira un grand coup, se rendant compte qu'elle avait retenu son souffle.

« C’est vraiment terminé. »

Morgane se tourna vers Bryn le sourire aux lèvres, sentant la tension quitter ses épaules et s'apprêta à l'embrasser quand elle sentit un frisson lui parcourir l'échine.

Des cris fendirent l'air et elle vit avec stupeur que le portail derrière était grand ouvert, un liquide d'obsidienne, goudronneux miroitant en son centre. trois ogives lunimeuses de petite taille pulsaient au pied d'un tronc à proximité et une sorte de craquelure lumineuse les reliaient au portail.

Une masse grouillante émergea du portail et elle retint son souffle.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-elle à Bryn.

Il ressemblait à  la créature qu'elle avait vue dans les bois de Moravraz, mais beaucoup plus massif encore et sa peau semblait bouger, comme recouvert d'insectes grouillants... liquide et solide à la fois. Non, c'était beaucoup plus effrayant que ce qui l'avait attaqué.

— Une aberration... Une très grosse. Elle a traversée le grand vide.

Immédiatement des gardes Teirionnour se mirent en position d'attaque et Niall se plaça près de la Reine qui se mis à briller de puissance.

La créature se tourna vers elle et sembla marcher ou plutôt glisser, ramper dans sa direction comme une masse abjecte exultant une menace imminente.

Morgane recula, se retrouvant entrainée par Bryn qui la souleva dans ses bras pour s'éloigner, mais son regard restait fixé sur la scène derrière elle.

Les hurlements ininterrompus des personnes présentes et l'aberration qui semblait vouloir engloutir la lumière de la Reine qui brillait comme un phare.

— BRYN !! Il faut évacuer les humaines.

— Elles ne sont pas seules, il faut s'éloigner au plus vite.

La silhouette fantomatique qu'elle avait aperçue se mis en mouvement et fonça vers l'aberration.

Elle entendit un cri de femme au loin alors que la forme sombre enveloppa la créature malfaisante de son manteau qui sembla s'étirer à l'infini et l'enfermer comme un rideau compressif.

Des hurlements stridents résonnèrent dans sa tête alors que Bryn la protégea de son corps, lui coupant la vue, puis il y eu un gros bruit, comme une déflagration.

Elle poussa sur le torse de Bryn pour voir ce qu'il se passait et vit que tous avaient fini au sol.

La Reine se redressait dignement alors qu'une silhouette de femme hurlait des injures à son encontre et se faisait éloigner par des gardes Teirionnour. L'être encapuchonné et l'aberration avaient disparu.

Les humaines évacuées par des habitants semblaient indemnes et un grand soulagement l'envahis.

Morgane ne savait pas ce qu'il venait de se passer, mais cette fois-ci c'était terminé.

Seule ombre au tableau, la femme qui pleurait toutes les larmes de son corps et continuait de hurler des accusations à l'encontre de la Reine Dahut et Niall.

Niall lui dit quelque-chose qu'elle ne saisit pas avec la distance et elle s'éloigna en courant, relâchée par les gardes.

Une fois la femme et les gardes Teirionnour partis, l'ambiance s'allégea d'un coup.

— Tu ne vas pas voir ce qu'il se passe ? Lui chuchota Bryn derrière son épaule.

— Non, pas cette fois. J'ai eu ma dose. J'ai juste envie de manger, de boire et de m'écrouler comme une masse. 

Il la tira doucement vers lui, enveloppant sa main sur sa hanche alors qu'elle laissait sa tête reposer sur lui.

— Tu crois que c'est fini cette fois ?

— Je pense. Je n'ai plus cette sensation de malaise comme tout à l'heure. Répondit-elle

— Rapprochons nous, les festivités de Lammas vont commencer, lui répondit-il en souriant.

La foule se regroupa, la bonne humeur revenant comme si tout ce qui venait d'arriver était un mirage.

La Reine intima le silence pour prendre la parole.

— Mon peuple. Comme je l'ai déjà annoncé au Palais, nous accueilleront dans les prochains mois les représentants de pays voisins dans le cadre de notre projet d'ouverture de royaume.

Morgane ne manqua pas de remarquer que trois Dragwydd présents semblaient contrariés par l'annonce et restèrent stoïques sur leurs sièges sans applaudir. Elara et Lirion Drindod étaient quand à eux abscents.

— Cependant, malgré la facilité à changer de pays grâce aux portails, notre royaume baigne dans une essence particulière. Notre magie étant plus fragile que d'autres, nous ne pouvons ouvrir totalement nos frontières sinon l'équilibre serait perturbé et nous risquerions de connaître les mêmes difficultés que certains voisins et perdre nos êtres endémiques :

Dans un premier temps, les frontières s'ouvriront pour le commerce et sous le contrôle de gardiens dédiés avec l'autorité du Palais. J'ai également deux annonces à vous faire. La première concerne les humains qui ont foulés notre territoire dont certains ont apportés une contribution à la résolution de notre crise actuelle. Morgane Meyer, compagne de Bryn McAllister, citoyen d'Avalorn.

Morgane se manifesta avec Bryn alors que les regards étaient fixés sur elle.

— Cette femme exceptionnelle d'ascendance Rå obtient ce jour l'amitié de la Reine Dahut et la nationalité du pays. Nous lui octroyons le même statut que nos gardiens et ses avantages. Elle sera un lien entre Avalorn et Brocéliande. Deux royaumes qui partagent bien des racines communes.

Un tonnerre d'applaudissements retentit et Morgane plaqua un sourire sur son visage en faisant signe à la foule alors que Bryn fulminait intérieurement.

La récompense était trop belle et surtout à double tranchant, seule elle obtiendrait une double nationalité. La Reine n'avait donc pas lâché l'affaire la concernant, elle espérait sa collaboration dans le futur si ce n'est plus.

— Le second événement que je voudrai vous annoncer aura également un impact significatif sur Brocéliande, nous allons accueillir notre premier enfant Dragwydd depuis des siècles.

Les habitants en liesses poussèrent des cris de joie jusqu'à ce que la Reine poursuive la cérémonie de Lammas.

Des Teirionnour du clan Eldorann, plus petits, reconnaissables avec leurs cheveux d'argent se rassemblèrent en une procession composée de Sylvestres et de korrigans.

Ils rejoignirent la Reine Dahut, qui trônait dignement près d'une pierre à l'apparence d'un dolmen sculpté pointant vers le ciel.

Des épis de blés, corbeilles de fruits et des fleurs d'été furent déposées tout autour, comme des offrandes et des lumières dorées dansantes apparurent montant en volutes gracieuses jusqu’à la cime de la pierre.

Alors que tous s'installaient sur des sièges, des troncs, des rochers ou bien à même le sol, un vol de Tylwyth Teg coloré anima le ciel alors que deux Draob élégants s'avancèrent vers la Reine.

Des nymphes des eaux chantaient doucement une mélodie enchanteresse, accompagnées du son des flûtes jouées par des korrigans. Leurs voix cristallines résonnaient à travers le domaine, créant une atmosphère de magie et d'émerveillement.

La Reine Dahut entonna elle-même un chant alors qu'une gigantesque créature sortit de la forêt à l'arrière de la propriété.

C'était un géant monumental à la peau rugueuse comme fossilisée, aux cheveux et à la barbe touchant presque le sol.

Des piaillements résonnèrent dans la foule et Morgane aperçu des enfants qui trépignaient d'impatience, incapables de rester assis.

Elle rit en retournant à son observation, se callant plus largement contre Bryn qui semblait s'apaiser à son contact.

Une énergie mystique flottait dans l'air et au fur et à mesure, la joie la gagnait.

Elle et Bryn se levèrent pour déposer une offrande près de l'hôtel alors que les habitants se souriaient les uns les autres pris dans l'allégresse générale.

Quand chacun eu déposé un cadeau sous forme de fleur, de fruit ou de céréale, le soleil commença à se coucher, pourtant Morgane se sentait revigorée et sa fatigue, ses préoccupations avaient disparu.

C'était une sensation étrange mais agréable et la cérémonie de Lammas se termina avec une danse autour d'un feu. Bryn l'emmena pour danser et bon nombre de Brocéliandins profitèrent de ce feu de joie. Les flammes magiques intenses illuminant la nuit d'une lueur chaude et réconfortante.

Les festivités se poursuivirent tard dans la nuit, les participants entraînés dans une transe spirituelle. Ils oublièrent le temps et l'espace, se laissant porter par la musique et la communion avec la nature.

À mesure que le soleil se levait à l'horizon, la danse ralentit et les participants s'arrêtèrent, épuisés mais comblés.

Ils se rassemblèrent autour du feu une dernière fois, main dans la main, pour exprimer leur gratitude et leur joie d'avoir vécu une telle cérémonie sacrée.

Puis tous se dispersèrent doucement, retournant à leurs domaines respectifs.

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Bleumer
Posté le 02/05/2024
J'attendais beaucoup de ce chapitre sur Morgane après l'intrigue politique instaurée dans son précédent chapitre, mais aucun développement là-dessus si je ne me trompe pas.
Une bataille finale semble se profiler mais, pareil, rien, une femme inconnue a cherché à agresser la reine mais se fait juste arrêter par la garde. C'est tout?
Au moins, J'ai plus l'impression pour Morgane de l'avoir vue accomplir quelque chose et elle reçoit la double nationalité en récompense de ses services et, comme dans tout bon Astérix, tout se finit avec un banquet!^^
Papayebong
Posté le 16/07/2024
Je comprends ta déception, mais elle n'a pas à jouer les héroïnes dans un contexte qu'elle ne peut pas maîtriser. En l'occurrence, c'est la Reine et l'Ankou qui ont réglé le problème. J'ai réintégré le personnage de l'Ankou en amont pour qu'il n'apparaisse pas comme un cheveu sur la soupe. Morgane a encore du travail pour clôturer son histoire, comme tu l'as déjà lu, mais ce n'est pas ici. Ah, le fameux banquet ! Tu remarqueras que je n'ai pas mis de barde bâillonné en haut d'un arbre.
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