Chapitre 7

Par LauLCas
Notes de l’auteur : Musique - Ready or Not de Fitz and the Tandrum

Dimanche, Victor se réveilla avec la sensation d’avoir une enclume sur la poitrine. Il était déjà 11h et il avait l’impression de ne pas avoir vraiment dormi. Allongé dans son lit, le regard vissé au plafond, il se repassa la journée de la veille en boucle, le baiser, la réaction de Rei… Il essayait de comprendre ce qu’il s’était passé, il essayait de comprendre ce qu’il avait mal fait… Perdu dans ses pensées, la sonnerie de sa porte d’entrée le fit sursauter, le coeur palpitant, Victor espérait secrètement que Rei soit venu le voir… En voyant Remzi sur le pas de sa porte, Victor lutta pour pas avoir l’air déçu :

-Quoi ? Tu te souviens plus ? On devait se voir… Dit Remzi en fronça les sourcils surpris par l’accueil du blond.

-Je suis désolé, j’ai complètement zappé… Marmonna Victor, le poid dans sa poitrine était devenu encore plus lourd qu’avant.

Remzi haussa les épaules et le suivit à l’intérieur. Sa mère n’avait l’air là, il passa devant son bureau, fermé à clef et silencieux et monta quatre à quatre les escaliers, Remzi à sa suite. A peine arrivé, Victor s’avachit dans le canapé de sa chambre dans un profond soupire. Remzi s’arrêta un instant sur le pas de la porte et jeta un regard circulaire à la pièce, plus en bordel que d'ordinaire. Au bout de quelques secondes, Remzi s’assit enfin à ses côtés sans faire un commentaire sur l’état de sa chambre, Victor n’avait pas été d’humeur d’y mettre de l’ordre ce matin.

-Tu vas bien ? Demanda son meilleur ami, d’un ton hésitant. 

Incapable de mentir, Victor marmonna :

-Bof… 

Remzi était son meilleur ami depuis longtemps, Victor savait que lui cacher ce qui se passait dans sa vie était impossible et impensable, mais il appréhendait sa réaction...

-Tu sais que tu peux me parler de tout, hein ? On est pas meilleur amis pour rien, V… marmonna Remzi en évitant son regard. Je suis pas débile, j’ai bien vu que tu parles plus à Moïra en ce moment… C’est à cause de Rei ?

Victor ouvrit la bouche comme un poisson hors de l’eau, un peu étonné de la perspicacité de Remzi. Il n’avait pas l’air au premier abord mais il était beaucoup plus sensible qu’il semblait. En faite, son meilleur ami arrivait à deviner les intentions de quasiment tout le monde avant qu’elles soient dites clairement. C’était pas pour rien que beaucoup de nanas craquaient pour lui : son empathie développée en charmait plus d’une.

-Oui… lâcha Victor à voix basse.

Ils échangèrent un regard et Remzi bougea sa main, l’invita à en dire plus, Victor soupira, il décida de déballer ce qui s’était passé la veille d’un coup, comme on arrache un pansement :

-Il me plait, hier on est allé à la foire, voilà et sur le retour je l’ai embrassé…

Remzi ouvrit les yeux, surpris et émit un petit “oh” étonné. Il ouvrit la bouche et la ferma, sembla chercher ses mots et dit :

-Et pourquoi tu as l’air triste ? 

-Et bien, je crois que je me suis trompé sur les intentions de Rei…

-Je vois, pourtant, il a l’air assez intéressé par toi, enfin j’ai eu l’impression… il est gay ? Et toi ? Tu es gay ?

-Il est gay oui, moi, je sais pas… je crois que j’aime les filles aussi… 

Il eut un silence, puis Remzi eut un petit rire et lui donna un petit coup amical sur l’épaule :

-V, il va se rendre compte de son erreur et te courir après… ignore-le, tu vas voir !

Remzi lui adressa un clin d’oeil, un peu forcé, et Victor eut un petit rire aux conseils vaseux de son meilleur ami. D’un côté il avait raison, ça ne servait à rien de se mettre dans des états comme ça… du moins pour le reste de la journée. 

-Bon, on se fait une partie de Mario ou quoi ? Déclara-t-il.

Victor acquiesça, le coeur un peu plus léger.

OOO

La situation ne pouvait pas être aussi pire qu’elle ne l’était déjà, se dit Rei le vendredi suivant. Victor l’avait ignoré toute la semaine, Moïra avait refusé de répondre à son “comment va Victor ?” et avait répondu abruptement “mec je suis pas ton compte whatsapp, si tu veux des nouvelles, tu lui demandes et à ce que j’ai compris tu as déconné, je vais pas t’aider à rendre mon meilleur ami encore plus triste hein !”. Il avait essayé de savoir ce que Victor lui avait dit mais elle était resté muette comme une tombe. 

Frustré, Rei s’était résolu à parler à Victor mais plus il y réfléchissait à ce qu’il devait dire, plus Rei paniquait. Pour lui dire quoi au juste ? Que l’embrasser lui avait rappelé de mauvais souvenirs ? Il était incapable d’avoir une relation normale ? Qu’il était atteint, brisé, nul ? Peut être c’était mieux comme ça non ? Que Victor l’évite ? 

La fin de semaine arriva et il n’avait pas encore eut l'occasion de parler à Victor, ne savait même pas si il le ferait. Il ne dormait que épisodiquement, se traînait en cours, n’écoutait pas les profs, se sentait sur le point de péter un cable. Même sa session du mardi pour gérer sa colère l’avait énervé. Taylor avait essayé de lui parler mais Rei l’avait soigneusement évité, l’envoyant chier royalement si son père devenait trop insistant, le regrettant l’instant d’après, se sentant trop nul pour s’excuser… Quand il parvenait à dormir, il faisait des cauchemars, quand il dessinait, les affreux cauchemars prenaient formes sur ses feuilles. Il n’avait pas décroché un mot à sa séance chez la psy la veille. Tout partait en vrille.

En socio, qui était aussi leur avant dernière heure de cours avant le weekend, Rei dessinait sans y penser, à moitié abruti par le manque de sommeil quand le prof le fit sursauter brusquement en claquant un livre sur son bureau. Monsieur Parker était un vieux bonhomme un peu franc parlé qui détestait l’inattention encore plus que les inégalités sociales.

-Que faites-vous jeune homme ? On ne m’écoute pas ?

Rei, le coeur battant, ouvrit la bouche pour s’excuser mais le prof tira son dessin à lui pour le regarder. Cela le fit totalement capoter. Si il y’avait une chose qu’il détestait, c’était bien qu’on lui prenne un dessin des mains pour le regarder, sans son autorisation…

-Rendez-moi ça… grogna-t-il en se penchant vers l’avant, main tendu vers Monsieur Parker toujours face à lui. La classe était un peu agité et il entendait des chuchotements autour de lui.

-Ah et bien, on me donne des ordres, vous le récupérerez à la CPE votre dessin…

-J’ai dit : rendez-le moi ! S’exclama-t-il d’une voix froide en se redressant complètement, la main toujours tendue.

Il rencontra le regard en colère de son professeur qui après avoir jeter un coup d’oeil au dessin plia la feuille en deux puis en trois avant de s’avancer vers lui. Le reste se passa rapidement, le prof lui toucha le bras, certainement pour qu’il arrête de le tendre vers lui et Rei sentit l'adrénaline répondre pour lui. Il bouscula Parker avec force, tant de force qu’il trébucha sur un bureau derrière lui et du se retenir pour ne pas tomber et Rei hurla :

-Ne me touchez pas !!

Il s’avança vers Parker, dans le but de… quoi ? Le frapper ? Le menacer ? Mais Remzi le stoppa avant qu’il fût trop proche.

-YO mec, calme toi ! Tu vas le récupérer ton dessin, détends-toi !

Remzi eut le bon sens de ne pas s’approcher de trop près et Rei réalisa dans quel état il était, la classe chuchotait, le prof le regardait avec surprise, ne sachant visiblement pas comment réagir. Il se rendit compte qu’il avait le bras levé, comme pour frapper quelqu’un. Immédiatement, il le baissa :

-Excusez moi… murmura-t-il.

Il se retourna, le coeur battant, le visage brûlant, attrapa son sac, ses affaires et sortit de la classe presque en courant. Il n’arrivait pas à penser clairement. Alors qu’il était à l’autre bout du couloir, il entendit Victor l'appeler derrière lui. 

-Rei ! Rei ! Attends moi !

Rei eut envie de l’ignorer mais s’arrêta net et se retourna pour faire face au blond. Celui ci lui tendait un papier, son dessin. Il réalisa alors qu’il avait passé le cours à faire le portrait du blond et il rougit. Rei attrapa la feuille de papier un peu sèchement et ne sachant pas quoi dire de plus à Victor, il se retourna et commença à descendre les escaliers.

-Rei, attends ! S’exclama encore Victor à sa suite.

-Quoi à la fin ?

Victor lui dit :

-C’est à moi de te montrer mon endroit secret…

Victor faisait référence à la salle des pions. Rei se calma de suite et le regarda dans les yeux, il n’y lu que de la tendresse et de la gentillesse, il sentit les larmes lui montaient aux yeux sans le vouloir.

-C’est où ? Demanda-t-il d’une voix un peu enroué.

-C’est à deux minutes, viens, suis moi…

Sans un mot, ils sortirent du lycée, les pions mentalement déjà en weekend ne leur demandèrent même pas pourquoi ils sortaient en plein milieu d’une heure de cours. Rei sentait Victor lui adressait des petits regards en coin à côté de lui, lui, s’obstinait à garder le visage baissé, le regard vissé sur le trotoire. L’envie de pleurer lui serrait la gorge. Victor le guida vers un petit parc non loin du lycée, la tour d’une ancienne église se dressait en plein milieu. Proche de la tour, derrière les bosquets, il y avait un endroit un peu à l’abri des regards assez grands pour quatre ou cinq personnes, c’était là que Victor l’entraina.

-Ce petit coin est souvent occupé mais c’est encore tôt et il commence à faire trop froid pour rester dehors trop longtemps… dit Victor d’une petite voix sans le regarder dans les yeux.

Victor s’assit par terre et désigna une place proche de lui. Rei hésita une fraction de seconde et enfin, s’assit à côté de lui. Ils restèrent silencieux, Rei avait oublié sa colère à peine assis et leva les yeux pour regarder le ciel au lumière de fin de journée automnal.

-Je suis désolé Rei… murmura Victor alors.

Rei tourna brusquement sa tête vers le blond qui lui continuait à regarder en face de lui.

-De quoi tu parle ?

-Pour ce qu’il s’est passé… avant qu’on… 

Il se tut avant de finir sa phrase mais Rei comprit exactement de quoi il parlait. Il émit un petit rire.

-C’est moi qui devrait m’excuser… dit Rei en regardant ses mains, essayant de se composer pour finir sa phrase. J’ai paniqué et…

-C’est bon, n’en parlons plus, soyons amis ok ? Coupa Victor.

Rei sentit son coeur se glacer. Amis ? Il se tourna vers Victor vivement et chercha ses mots, les lèvres sèches.

-Non… marmonna Rei. Je veux pas être ton ami… 

-Enfin si ! Mais… ajouta-t-il précipitamment en voyant le regard surpris et peiné que lui offrait Victor.

Ils se regardèrent quelques secondes sans rien dire puis Rei se lança :

-Tu me plais aussi.

Victor eut l’air surpris puis ses joues devinrent rouges et il se mit à bredouiller.

-Quoi ? Mais pourquoi tu... ?

Il n’acheva pas sa phrase et Rei soupira, ils s’y étaient… les explications… Faisait-il le bon choix ? Peut-être il aurait dû mentir… Mais voir Victor si proche de lui et si inatteignable le mettait sous tension. Il ne pouvait plus revenir en arrière à présent. Peu importe ce qu’il allait se passer entre eux, ce que Victor allait apprendre sur lui, à quel point il lui ferait du mal, Rei avait atteint le point de non retour. Alors Rei se lança :

-J’ai été surpris et ça m’a fait peur… j’ai un peu paniqué… désolé…

Victor lui posa une main sur l’avant bras, doucement, pour ne pas l’effrayer et se pencha vers lui :

-C’est bon Rei… tu sais, j’ai peur aussi, je suis jamais sorti avec quelqu’un… c’est nouveau tout ça pour moi…

Ils échangèrent un regard de reconnaissance mutuelle et Rei murmura :

-Moi aussi…

Victor se pinça les lèvres, les joues rouges et évita son regard. Rei ne savait pas quoi faire, la messe avait été dite… Devait-il l’embrasser maintenant ou quelque chose comme ça ? Il devait faire le premier pas non ? Vu qu’il l’avait repoussé samedi dernier… Rei sentit son coeur battre plus fort dans sa poitrine. Il en mourrait d’envie, de l’embrasser mais il mourrait aussi d’envie de se lever et de se casser en courant. Victor sortit son portable et ses écouteurs, lui en tendant un :

-On écoute de la musique ?

Rei approuva et se rapprocha de Victor, laissant son épaule contre la sienne. Le blond lança une chanson que Rei ne connaissait pas, les secondes défilèrent doucement et il commença à se relaxer au son rock. Au bout de quelques instants, Victor commença à fredonner sans vraiment s’en rendre compte, les yeux perdus en face de lui. Le blond chantait rarement, préférant jouer de la musique, mais Rei trouvait qu’il avait le ton juste et une belle voix... Puis le second morceau commença, il ne se souvenait plus du titre mais il faisait parti de la playlist que Victor avait créé pour lui. Plusieurs morceaux s’enchaînèrent dans le calme, Rei se surprit même à fermer les yeux et à s’appuyer encore plus contre le blond, appréciant sa chaleur et son odeur. Au bout d’un petit moment de silence et d’immobilité, Victor lui prit délicatement la main, en sifflotant le nouveau morceau, un peu plus pop que les précédents. Rei tourna son regard vers lui, Victor était comme perdu dans les notes de musique, les doigts sur ses genoux tapaient la mesure. Ses lèvres murmuraient les paroles du nouveau morceaux, Rei se surprit à perdre son regard sur elles, il s’humidifia les lèvres sans trop s’en rendre compte, il avait envie de l’embrasser… Se sentant probablement observer, Victor tourna son visage vers lui et lui offrit un sourire.

Doucement, Rei se rapprocha de lui, il avait chaud malgré les températures fraîches. Leurs têtes se rapprochèrent avec un peu d’hésitation, sans le lâcher des yeux puis quand ils furent trop proche, Rei regarda les lèvres de Victor avec convoitise et s’aventura à leur rencontre, comme il en avait envie. Cette fois leur baiser dura longtemps, au moins 3 morceaux. Durant ces longues minutes, ils ne se séparèrent que le temps de reprendre leur souffle avant de replonger immédiatement.

OOO

Victor se sentait pousser des ailes, il se sentait si heureux qu’il n’arrivait pas à garder son sourire pour lui et chantait “Ready or Not” de Fitz and the Tantrums à tut tête. Il pédalait sur son vélo avec énergie et évitait avec habilité les bus et les voitures sur Green Lanes. Il était presque 19h et il se dirigeait chez Moïra. La jeune fille, Remzi et lui avaient prévu une soirée entre eux, cela ne leur était pas arrivé depuis un moment. 

Octobre tirait vers sa fin et bientôt les premières vacances scolaires. Ils étaient enseveli sous les devoirs mais peu importait. Victor et Rei s’étaient embrassés pour la première (vraie) fois quelques heures plus tôt, dans le parc de la tour de l'Église et depuis, Victor se fichait de tout sauf de ce moment passé. Avec l’échec du baiser après la foire, il avait écouté Remzi et avait ignoré Rei toute la semaine malgré les protestations de Moïra qui elle pensait qu’ils devraient en parler. 

Il avait ignoré Rei certes mais que en apparence. Le coeur serré, Victor avait vu Rei s’assombrir encore plus qu’il ne l’était déjà et le blond savait que c’était en rapport avec ce qu’il s’était passé. Plus le temps était passé, plus Victor s’était résigner à ne pas voir Rei venir vers lui. 

Jusqu’à le cours de socio un peu plus tôt cette après-midi où Rei avait complètement pété un cable. Victor avait entendu parler des élans de colère du jeune homme, ce n’était pas la première fois qu’il s’emportait en classe contre un élève ou un professeur qui lui avait fait un commentaire désobligeant. Rei lui avait même dit aller à des sessions pour gérer sa colère. Cependant, jamais Victor n’en avait été témoin, jusqu’à ce jour là. Tétanisé sur sa chaise alors que Rei s’élevait menaçant devant le prof en criant, Remzi avait été le seul à réagir. A peine Rei sortit, Victor avait emballé ses affaires sans écouter Moïra à côté “Victor, qu’est ce que tu fais ? Reste !” mais il n’écoutait plus. En se levant, le professeur encors sous le choc n’avait pas réagi quand il lui avait arraché le dessin des mains. 

-Monsieur Manfred ! S’était exclamé le professeur alors que Victor passait le pas de la porte. Mais Victor ne l’avait pas écouter, devant lui, sur le papier, son portrait. Renforcé dans son idée, il avait suivit Rei. Peut être la meilleure idée qu’il avait eu ces derniers temps.

Victor sonna chez Moïra 5 minutes plus tard, laissa le vélo dans le hall d’entrée et monta les escaliers jusqu’au premier étage. La porte de son appart était entrouverte et il pouvait déjà entendre Remzi et Moïra discuter. 

-Salut ! S’exclama-t-il en arrivant dans le salon. 

Les parents de Moïra étaient absents, l’un travaillant, l’autre à un cours de yoga jusqu’à 21h. Ils avaient le terrain libre et généralement s’accorder de fumer un pétard sur le balcon de la jeune fille avec des pizzas et des bières.

-Wow, Victor, tu as un sourire d’un autre monde… se moqua gentiment Moïra alors qu’il se jetait sur l’un des canapés. 

Victor ouvrit son sac et jeta sur le petite table un paquet de chips et une pizza surgelé. Moïra se leva pour la mettre dans le four.

-Qu’est ce qu’il s’est passé avec Rei ? Demanda immédiatement Remzi. Man, ce mec était hors contrôle en cours de socio ! 

Remzi lui jeta un regard entendu et rigola. Victor le suivit mais pas Moïra. La jeune fille s’assit à côté de lui, avec un visage sérieux :

-Il va bien ?

Victor haussa les épaules :

-On dirait oui, on est allé au parc à côté du lycée et voilà… on s’est embrassé. Je crois qu’on est ensemble.

-Merci, enfin… murmura Remzi en faisant un signe de prière en direction du plafond.

Victor lui envoya un coup de pied dans les tibias avec un grand sourire. Moïra, elle, ne semblait étrangement pas ravie par la nouvelle.

-Quoi ? demanda-t-il surpris que sa meilleure amie n’ait pas l’air aussi heureuse qu’il l’était.

-Je sais pas Victor, j’aime beaucoup Rei mais il a pas l’air facile à gérer… fais gaffe…

Victor haussa les épaules, sans rien répondre et ouvrit le sachet de chips. Il ignora son intuition qui au fond de lui lui murmurait la même chose que Moïra.

OOO

Et comme ça, Rei s’était retrouvé avec un petit copain et pas n’importe lequel, le mec sur celui il flashait depuis 1 an… Il aurait dû se sentir heureux, ce qui était en fait le cas mais il était surtout complètement paniqué… 

Quand il rentra chez lui après avoir quitter Victor, il trouve Ambre assise sur leur canapé, ordi portable sur les genoux, téléphone à la main dans son salon. Taylor et Soso avaient l’air de ne pas être là. Il appréhendait quand son père rentrerait, le lycée avait dû lui dire ce qu’il s’était passé en cours de socio avec Parker. Rei n’aurait probablement pas d’heure de colle ou d’avertissement à cause de “son cas particulier” mais Taylor allait vouloir parler de ce qu’il s’était passé… 

-Salut Ambre, s’annonça-t-il en retirant veste et chaussure.

-Hé Rei, ça va ? 

-Oui oui… 

Il s’assit à côté d’elle.

-Qu’est ce que tu fais là ?

-Taylor et Soso étaient pas là, alors je suis descendu, c’est trop bruyant en haut, les jumeaux et d’autres gars se font un fifa…

Elle roula des yeux, blasée et Rei eut un petit rire :

-Tu as faim ? 

Ambre ferma son ordi :

-Grave, tu cuisines quoi ?

Rei se leva et fouilla un instant dans les placards. 

-Des pâtes carbo ? Proposa-t-il.

-Toi, tu sais parler aux filles… 

Rei aimait bien Ambre, elle avait trois ans de plus que lui et était très discrète. Probablement grandir à côté des jumeaux lui avait appris à se tenir à l’écart de l’agitation. Ambre avait les mêmes yeux vert que lui (et que beaucoup d’autres dans la fratrie Choe-Brittery), Rei pouvait comprendre pourquoi Remzi lui courait après : elle avait prit du meilleur côté anglais de sa mère et coréen de son père faisant d’elle une belle métisse eurasienne. 

-Ca va le lycée, les gens sont sympas ? Demanda Ambre penchée sur le comptoire en le regardant cuisiner.

-C’est comme un lycée, y’a de tous mais oui, y’a des gens sympas… et toi la fac ?

Ambre suivait des cours en biologie et allait bientôt finir sa license :

-Intéressant, mais exigeant…

Elle allait à l’université Imperial College, l’un des meilleure université de sciences d’Angleterre. 

-Et toi ? Tu as réfléchi pour après la lycée ? Demanda-t-elle.

Rei eut un petit sourire, à croire que cette question était sur la bouche de tout le monde. 

-Non…

-Tu es doué en dessin, souligna-t-elle.

-J’ai pas envie de faire un métier lié à l’art.

Ambre haussa les sourcils visiblement surprise par sa révélation, parce qu’il était doué en dessin tout le monde s’attendait à qu’il veuille partir en beaux arts :

-Ah bon ? Pourquoi ?

Rei mit l’eau à bouillir et se tourna vers elle. Comment pouvait-il expliquer ?

-Je sais pas, j’ai pas envie, l’art c’est un peu comme mon journal intime tu vois…

Ambre acquiesça sans rien dire, attendant qu’il continue :

-Ce que j’aimerais faire, je crois, c’est aider les gens… enfin, je sais pas trop, tu vois…

Ambre se racla la gorge et dit tout doucement :

-Comme aider les gens qui ont traversé ce que tu as traversé ?

Elle avait bien pris garde à articuler les mots, lentement, comme si elle se tenait prête à arrêter sa question à tout instant. Elle savait à quel point le sujet était sensible, elle savait dans les grandes lignes ce qu’il s’était passé mais le mot d’ordre dans la famille était de ne pas en parler. Ambre, parfois, se permettait des références délicates, comme pour tâter le terrain, comme si elle voulait comprendre et l’aidait. Étonnement, autant il détestait quand Soso en parlait, autant Ambre ça passait plus facilement. Elle était calme, douce et ne laissait pas percevoir ses sentiments quand il s’aventurait à répondre. Elle lui laissait de l’espace au contraire de Soso et l’écoutait avec attention sans réagir. Malgré tout, Rei sentit son sang se glacer et détourna la tête vivement, ouvrant le paquet de pâte d’une main sèche.

-Ouais, je sais pas si je pourrais les aider…

Il voulut ajouter qu’il ne savait même si il allait lui-même s’en sortir un jour. Alors songer à aider un autre type ou nana dans sa situation… Déjà que certaines scènes de films ou certain sujets lui faisait grincer les dents.

Ambre ajouta :

-Tu as le temps Rei, même moi je sais pas exactement ce que je veux faire près ma license…

Elle avait raison, totalement, mais tout le monde le gonflait tellement avec ça qu’il avait commencé à angoisser. 

-Ouais, tu as raison… dit-il dans un soupire.

Il commença à préparer la sauce carbonara, mit les pâtes à cuire pendant que Ambre pianotait sur son téléphone toujours au comptoir. Au bout de quelques minutes, elle lui dit d’un ton moqueur :

-Romeo, tu as un certain “Victor” qui t’envoie des tonnes de messages avec des coeurs…

Rei attrapa rapidement son portable pour le retirer de la vue de Ambre, il l’avait oublié sur le comptoir en cuisinant et rougit sous le regard curieux de la jeune fille.

-No way, tu as un copain ? Me dit pas que c’est Victor, le meilleur copain de Rem ? S’exclama Ambre en se penchant vers le téléphone comme pour lire au dessus de son épaule.

Il verrouilla son téléphone et se fit une note à lui-même de la questionner pour l’usage du surnom de Remzi. Il grogna, ne pouvant s’empêcher un petit sourire :

-Oh oh, ça c’est du gossip ! Raconte moi !

Rei soupira et répondit :

-Ambre, y’a pas grand chose à dire, on s’est juste embrassé… 

-Oh ! trop cool !

Elle claqua ses mains l’une contre l’autre sous l’excitation :

-Et alors ? C’était bien ?

Rei se tourna vers elle et ne put s’empêcher de répondre, contaminé par son enthousiaste.

-Grave…

Ambre lui adressa un sourire rayonnant et Rei se sentit flotter sur un nuage. Au fond de sa poche, la légère vibration lui faisait savoir qu’il avait de nouveau reçu un message. 

Quand il serait seul, il pourrait voir que Victor lui avait envoyé : “C’était vraiment super avec toi tout à l’heure, j’espère que tu es bien rentré (coeur)” suivit par d’autres messages et photos sur la soirée qu’il passait chez Moïra avec Remzi.

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