Sélène avait dormi les deux nuits, surveillé par Luka et sa famille. Elle faisait partie de la famille, même si elle n'en avait pas conscience du moins pas encore. Luka était inquiet, leur tout récent rapprochement le réchauffe. Il aurait souhaité faire plus. Mais malheureusement le temps était contre lui. Sélène devait se mettre à l'abri. Il la rejoindrait et pourrait ce jour-là prendre le temps de mieux se connaître.
C'était l'heure, Laurent approcha sa voiture le plus près possible de la porte. Sélène se glissa furtivement à l'arrière et s'y cacha. Louisa la recouvrit d'une couverture, juste le temps de quitter le village. Les bagages chargés, ils sont partis pour une petite semaine de vacances. La route serait longue, mais les trois voyageurs avaient le verbe facile. Et Sélène se laissa à expliquer ce qu'elle prévoyait de faire au château. Louisa acquiesça à presque tout. Elle devait même tempérer l'ardeur de la jeune femme.
Ils s’arrêtèrent déjeuner dans un petit village. Ils avaient décidé d'emprunter les chemins de traverse. C'était les vacances, après tout. Il faudrait bien une journée pour traverser la France.
Passer les portes de la Bretagne, le temps devint plus clément. Ils firent un arrêt, le dernier avant le manoir de Lætitia. C'était plus qu'un manoir, elle l'avait transformé en chambres d'hôtes de luxe. Et ça marchait, cela ne désemplissait pas de Pâques à la Toussaint. Le reste du temps la sœur de Laurent prenait quelques vacances au soleil et entreprenait quelques travaux et rafraîchissements dans la maison. Elle aimait cette vie. Sa fille Stella ne vivait pas très loin et travaillait pour une grande compagnie de transports maritimes au service des ressources humaines.
La nuit était là, et le manoir illuminé au bout du chemin. Sélène était éblouie, Louisa aussi puisque pour elle, c'était aussi une première fois. Elle connaissait Lætitia, bien sûr mais jamais en tant que petite amie de son frère. Elle avait peur que ça change tout. Mais tout resta simple et chaleureux.
Lætitia les attendait sur le perron, accompagné d'une jeune femme à la chevelure de feu.
Pendant ce temps, au château, réunion de crise avec Gabriel, l'ami avocat et fils du député, Bertrand Morand.
— Mon père a fait jouer ses relations du ministère de l'intérieur, l'homme n'est pas aimé mais protégé. Ça s'est sûr. Dampierre serait surveillé à la fois par les mœurs et la financière. Mais les enquêteurs de la Police Judiciaire sont retenus à cause du scandale que cela provoquerait. J'ai discuté avec un ami de la PJ, et il semblerait qu'ils cherchent un angle d'attaque hors des sphères qui le protègent. Et Sélène pourrait être la porte, si on la joue bien. Avoua Gabriel.
— Que va t'il se passer ? demanda Luka.
— Pour le moment pas grand-chose, le souci c'est qu'ils n'ont aucune preuve tangible de ses exactions. L'homme est retors et se cache derrière de multiples sociétés écrans. Et il sait se protéger, il connaît et pourrait faire du chantage auprès de beaucoup de mondes.
— Donc point mort ? s'énerva Luka.
— Je dirais que concernant ton amie, il y a le paramètre "amour-propre" et cela pourrait le précipiter dans un traquenard.
— Je ne veux que Sélène soit mêlée à tout ça, argumenta Luka
— Je suis d'accord avec toi, ajouta Liam, elle a déjà assez souffert, si on peut avoir une autre solution pour le faire tomber.
— Mon pote va me tenir au courant, mais honnêtement le plus rapide serait d'inclure Sélène dans l'opération, il est possible de lui demander, non ?
— Hum, si je peux, c'est vrai que si on pouvait la laisser tranquille, soutint Logan.
— Merci frangin.
Gabriel se leva, et fit quelques pas vers la fenêtre, en se retournant il enchaîna
— Bon c'est vous qui voyez, pour le moment on laisse venir, si ça devient pénible, Nous réfléchirons autrement. Qui offre la bière ?
Et deux index se tendirent vers Luka ?
— Pourquoi moi ?
— C'est ta belle, dirent ensemble ses deux frères en s'esclaffant.
Liam prit le temps d'appeler sa mère.
— Bonjour Maman, tout va bien ?
— Oui mon grand et au château.
— Rien de neuf, Tous tes garçons sont là et t'embrassent, sans oublier Laurent bien sûr. Maman ne t’inquiète de rien, nous sommes sur le pont.
Louisa compris à demi-mot, que ses enfants font leur maximum concernant la situation de Sélène, rien d'autres ne sera dit.
— Bon je vous embrasse aussi et vous dit à plus tard. N'en faites pas trop. Je vais revenir.
Liam raccrocha
— Maman va bien et elle a dit, pas de bêtises.
Tout le monde rit.
Six semaines sont passées, Louisa et Laurent sont rentrés de Bretagne, en laissant Sélène au bon soin de Lætitia, la sœur de Laurent et de sa fille Stella, avec laquelle un lien d'amitié s'est noué. Sélène se remettant doucement de ses péripéties, retrouvait doucement confiance.
La situation ne s'était pas vraiment éclaircie. Roger Dampierre était très surveillé, il le savait et restait discret voire effacé et ce n'était pas dans ses habitudes. D'ailleurs plusieurs de ses amis, relations plutôt, commençait à le lâcher, et il le savait aussi.
Ses hommes de main continuaient à chercher Sélène autour du château, en suivant l'intuition de leur maître. Au château de Lansac tout n'avait pas été dit. Les deux compères avaient bien entendu parler d'une jeune fille repartie sans rien dire mais il s'agissait d'une brune aux longs cheveux, rien à voir avec la petite blonde de Dampierre.
— Vous êtes des incapables, avez-vous obtenu des photos de cette brune ? Hurla Dampierre excédé.
— Monsieur, nous avons fouillé le bureau de l'administration du château et nous n'avons rien trouvé, à croire qu'elle n'existe pas.
— Bande d'idiots, vous autres, dit-il en désignant les hommes coincés dans son bureau, retrouvez-moi la bande vidéo au départ de Paris de la gare au niveau des consignes, il doit bien y avoir un indice. Et vous, là-bas, cherchez quelqu'un qui peut vous parler de cette fille, je veux tout savoir en insistant sur chaque syllabe, asséna-t-il, en raccrochant brusquement le téléphone.
Toc, toc ...
— Oui, Aboya Dampierre
— Monsieur, il y a là, la police qui demande à vous parler, je les ai fait attendre au petit salon.
— Dites-leur de s'adresser à mes avocats.
— C'est déjà fait, Monsieur, mais ils veulent vous parler personnellement.
— Merci Véronique, et s'adressant à ses hommes, vous disparaissez et trouvez-moi quelque chose, elle n'a pas disparu comme ça.
Dampierre, tout en suivant sa gouvernante n'en pensait pas moins.
Que me veulent-ils ? J'ai pourtant téléphoner au ministre pour qu'il calme le jeu. Bizarre, je dois rester patient et maître de moi. Dans le petit salon, mais ou as t'elle la tête, avec le Renoir et le Monet, je vais me faire....
— Messieurs, oh pardon, Madame, vous désirez un café ?
— Rien merci, réponds sèchement la capitaine de police, venons-en au fait, si vous permettez.
— Je vous en prie, de quoi s'agit-il ?
— Nous nous sommes penchés sur vos impôts et nous nous sommes aperçus que dans votre déclaration de l'année passée, il manquait beaucoup d'éléments. Et pourtant nous savons que vous êtes propriétaire de plusieurs appartements, Boulevard Haussmann à Paris, de cette demeure à Rambouillet, et encore d'un château en Normandie, certes petit, avec tout ça, vous ne payez pas l'ISF, il va falloir vous expliquer, Monsieur Dampierre.
— Oui Madame, en insistant sur le "Madame".
— Capitaine Mallard, s'il vous plaît, rétorqua-t-elle.
— Donc oui, Capitaine si vous y tenez, mais il est préférable que vous voyez tout ça avec mon conseiller fiscal, il a dû...
— Et nous observons ici quelques tableaux de valeur, non déclaré, dit le capitaine, en feuilletant son dossier.
— En fait, il ne m'appartienne pas, ils sont à ma belle-fille depuis la mort récente de ma femme.
— Et où se trouve-t-elle ? Nous devons lui parler, continua le jeune lieutenant de police qui jusqu'ici n'avait pas bronché, laissant parler sa supérieure.
Après quelques secondes d'hésitations, Dampierre ajouta.
— Pour tout vous dire, elle est en voyage et je ne sais pas où elle se trouve à cet instant.
— Nous allons donc rencontrer votre conseiller et ...
— Je vous raccompagne… interrompis Dampierre qui commençait à en avoir marre de toutes ces questions, il payait suffisamment cher ses avocats pour ne pas être ennuyé comme ça.
— Vous permettez, nous n'avons pas fini.
Dampierre se rassoit dans son fauteuil, l’œil furibond.
— Nous avons un mandat pour fouiller votre domicile, ainsi que vos bureaux parisiens et vos autres propriétés.
— Voyons ! Cela ne va pas se passer comme ça, j'appelle votre ministre, et aussi le président.
— Le président ne peut rien pour vous, et c'est le ministre lui-même qui a autorisé le mandat. Appeler votre, vos avocats.
Accablé, les traits tirés, Roger Dampierre se replia dans le salon et appela aussitôt son avocat. Ses vociférations s'entendaient depuis le bureau de l'autre côté du couloir. Les deux agents se regardèrent en ricanant.
Au château, Les frères de Lansac, pensaient déjà à l'organisation des vacances de Pâques. Les visites au château reprendront le dimanche de Pâques avec une chasse à l’œuf. C'est aussi à partir de cette date que le restaurant prend ses horaires de basse saison. Et pourtant Luka veut s'absenter et rejoindre Sélène. Il en a marre de rester sans rien faire. Il préfère se rendre compte par lui-même que Sélène va bien, mieux.
D'ici là, Liam et Logan travailleront au ralenti. Luka sera absent les deux semaines de fermeture et laissera son second faire la réouverture. Tous ses employés trouveront bizarre son absence mais c'est lui le patron, ils s'y feront.
Ses frères étaient contrariés et inquiets. Ils aient peur de ce qui pouvait arriver si Luka était suivi.
— J'ai une idée, repris Logan, et si je t'accompagnais sur Bordeaux pour la foire horticole. Nous pourrions passer chez sa colocataire prendre ses affaires que tu lui amèneras et moi je reviendrai ici tranquille, quasi ni vu ni connu.
— Et je vais comment en Bretagne, si tu gardes la voiture.
— Nigaud, tu en loues une. Ou mieux tu en fais louer une par quelqu'un du château, ce qui sera plus discret encore.
— Bonne idée, j'en suis, qu'en penses-tu Liam ?
— Oui, nous pouvons faire comme ça mais surtout, surtout faîtes très attention. Ce Dampierre est dangereux.
De retour à Rambouillet, Dampierre était convaincu que la police n'allait rien trouver parce qu'il n'y avait rien à trouver ni ici, ni ailleurs. Malgré cette confiance, Roger Dampierre n'était pas très à l'aise et attendais avec impatience l'arrivée de son avocat.
Ah, enfin, la porte s'ouvrit sur maître Alain Corto, avocat et conseiller.
— J'aimerais m'entretenir avec mon client, demandes-t-il, à l'agent en faction dans le hall.
— Attendez, je vais voir.
— Il n'y a rien à voir c'est le droit.
— Patientez s'il vous plaît.
L'agent revint et lui fit signe de se rendre dans le petit salon. La discussion qui s’ensuivit fut animé et fébrile.
La porte du salon s'ouvrit,
— Surtout ne dis rien, je vais voir de quoi il retourne vraiment, ce n'est peut-être rien, juste de quoi t'agacer.
L'avocat sortit et demanda à voir le capitaine de police.
— Capitaine, Vous pouvez me dire de quoi est accusé Monsieur Dampierre ?
— Fraude fiscale pour le moment.
— C'est-à-dire ?
— Soustraction à la déclaration de biens immobiliers, évasion fiscale, détournement de fonds publics.
— Vous ne seriez pas ici si vous aviez trouvé ...
— Laissez-nous faire notre travail et vous pourrez faire le vôtre.
De retour dans le salon, l'avocat était très irrité, cette capitaine ne lâchait rien, et ce n'était pas bon signe.
— Alors ? demandes Dampierre.
— Pour le moment ils n'ont rien, mais...
— Fais les sortir au plus vite, j'ai bien autres choses à faire que de rester là sans rien faire.
— Hélas, Roger je ne peux rien faire, reste patient. Je prendrais bien de ton bourbon.
— Sers-toi.
Dampierre et Corto s'installèrent confortablement et attendirent la fin de la fouille.