CHAPITRE 7
Sorc avait finit par rejoindre son hôtel.
Le temps s’était gâché sur la Ville et la fatigue avait commencé à le rattraper.
La chambre était confortable. Un lit deux places, une table et sa chaise. Une salle de bain. L’ensemble était à peine plus petit que sa cabane, il se sentait privilégié.
Dehors, le gris l’avait emporté sur le bleu, la pluie toquait calmement à sa fenêtre.
Il avait mangé avec Malisé après leur passage chez la doctoresse puis ils s’étaient séparés dans le hall de l’hôtel. La policière y resterait jusqu’à la fin de son service, dans le cas où Sorc viendrait à ressortir, ou voudrait chercher à discuter.
Elle avait son rapport à taper. Sorc ne s’inquiétait pas vraiment de ce qu’elle pourrait y mettre.
La sorcière avait posé sa cape et son bâton, rangé quelques affaires dans le placard de la chambre, d’autres sur le bureau et se dirigeait désormais vers la fenêtre, qu’elle ouvrit.
Et Sorc attendit. Quelques gouttes audacieuses lui tombaient sur les joues ou le nez, il ne fit rien pour s’en protéger ni essuyer l’eau qui perlait dans les sillons de ses rides. Son mal de tête s’effaçait un peu, lavé par la pluie.
Après un moment passé là, yeux fermés et souffle calme, il siffla, une longue note aigüe et appuyée. Juste ce qu’il fallait pour qu’apparaisse Cro, ombre aérienne naviguant entre les gouttes qui vint se poser sur le rebord de la fenêtre.
— Là mon beau, l’accueillit Sorc en lui grattant derrière la tête. J’ai du travail pour toi.
L’oiseau pencha la tête sur le côté, avant de s’ébrouer et d’entrer dans la chambre, voletant jusqu’au rebord de la chaise.
Sorc le rejoignit, s’assit et s’attela à la rédaction d’une courte missive qu’il plia en un petit rouleau avant de l’attacher à la patte du corbeau.
— Toi aussi, tu as repéré notre camarade cette après-midi, non ?
Le corbeau croassa.
— J’ai besoin que tu lui portes ce message. Rien ne presse, tu peux attendre un peu que la pluie cesse.
L’oiseau croassa de nouveau, puis se posa sur le sol, marcha quelques pas et commença de picorer le sac de Sorc.
— Ha, oui, j’arrive.
La sorcière ouvrit le sac, en sortit une bourse de cuir dont elle retira une poignée de graines qu’elle posa sur le bureau. Le corbeau voleta pour aller s’en repaître, son bec créant des petits tocs tocs délicat sur le bois.
Sorc s’installa sur le siège et sortit aussi de son sac trois journaux de papier achetés sur le chemin du retour. Il en commença la lecture.
L’un se composait d’un dossier complet sur le mystère des meurtres. Sorc n’en apprit pas tellement plus que ce qu’il ne connaissait déjà, mais il souligna tout de même quelques passages de son feutre rouge. Il n’avait manqué à personne que la police peinait à trouver des pistes. Le journal lui reprochait son immobilisme. Les journalistes tentaient leurs propres explications, se faisant le relais des rumeurs et ragots. Aucun n’osait le rapprochement avec la magie, mais plusieurs se posaient la question du rôle éventuel d’un habitant de la Zone dans cette histoire. Comme si la simple présence d’un mystère justifiait de remettre la Forêt sur le tapis.
Ce constat rejoignait l’un des articles du second journal, bien que plus insidieux. Une chronique dont le rédacteur s’inquiétait de l’influence de la culture de Zone dans la “petite-Zone”. Allant jusqu’à se demander si les frontières entre ici et là-bas n’étaient pas poreuses. Beaucoup trop poreuses.
Le troisième journal n’en était pas vraiment un. Il avait attiré l’attention de Sorc à l’entrée d’une minuscule librairie. Il s’agissait d’un recueil de nouvelles anonymes, glanées ça et là, disait l’introduction. Des textes très différents les uns des autres dont Sorc se délecta. Ils avaient quelque chose de familier, de rageur, de tordu, de perdu. Quelque chose qui rappelait à Sorc la Zone et ses habitants. Une profonde nostalgie s’empara de lui. Un soudain mal du pays qui le pris à la gorge et lui piqua les yeux. Ces textes avaient étés écrits ici, dans la Ville, par des auteurs et autrices bien peu compatibles avec leur environnement.
Les frontières étaient bien poreuses, oui. Magnifiquement poreuses.
Sorc était encore en train de lire lorsque Cro atterrit sur son bureau, chargé de l’humidité du dehors.
— Je ne t’avais pas vu sortir ! Tu as pu porter le message ?
Le corbeau croassa.
Il n’y avait pas de réponse accroché à sa patte, mais Sorc ne s’en formalisa pas.
Il regarda par la fenêtre et en déduisit que l’après-midi touchait à sa fin. Dans combien de temps Malisé allait-elle quitter son poste ? Et surtout, serait-elle remplacée pour la nuit ? Sûrement.
Sorc sortit un carnet de son sac pour y noter ses premières réflexions, mais vite, la fatigue le rattrapa.
*
Cro le réveilla. L’oiseau s’était approché pour venir lui picorer gentiment la joue.
Sorc eût besoin d’un peu de temps pour se rappeler où il se trouvait. Sur une chaise, dans une pièce sombre. Chez lui ? Non, l’espace n’était pas le bon, ni l’odeur. Moquette sous ses pieds, bois du bureau poli. Pas d’étagères.
L’hôtel, oui voilà, il était à l’hôtel. En Ville. Avec cette migraine qui ne voulait pas le quitter.
Un filet d’air frais se coulait dans la chambre et venait caresser son visage. La sorcière se redressa et se souvint qu’elle avait laissé la fenêtre ouverte ; la fraîcheur venait du soir qui était tombé depuis. Quelle heure était-il ? Impossible à dire, Sorc n’avait pas de montre. Mais il était temps. Il faisait nuit dehors et les bruits de la ville s’étaient apaisés.
Sorc n’avait pas faim. Le repas du midi avait été si copieux que la sorcière se serait sentie capable de ne plus manger pendant deux jours.
C’était le moment ou jamais.
Sorc, sortit de son sac la pochette de poudre qu’il avait achetée le matin au dénommé Marvin. Il l’ouvrit et la sentit à nouveau. Elle était coupée, mais cela ferait l’affaire.
La sorcière sortit de son sac une fiole contenant un liquide violacé peu appétissant, potion soigneusement préparée avant son départ pour la Ville. Elle l’ouvrit et y versa la poudre.
La mixture vira de couleur, basculant vers le rouge.
Sorc se leva et se rendit sur son lit, déplaça et cala les coussins pour rendre le tout le plus confortable possible, puis s’y assit. Il remua la fiole pour s’assurer d’une consistance homogène, avant de la porter à sa bouche. Il en avala une gorgée. Enfin, après avoir soigneusement rebouché et posé la fiole sur la table de nuit, il s’allongea.
Et c’était parti.
Après seulement quelques secondes, le plafond bascula, les murs tournèrent, le sol prit le dessus, le lit devint mer, les oreillers fumée et Sorc, lentement, se laissa immerger.
Il ferma les yeux, s’enfonçant dans il ne savait trop quoi, bercé par les flux et reflux de matière.
Et soudain, c’était déjà fini. Il rouvrit les yeux et la chambre était de retour.
Mais son corps, lui, ne l’était pas.
Sorc n’était plus Sorc, Sorc était chat, un grand matou noir et élancé, yeux jaunes et queue cassée.
Il se retourna sur lui-même et se vit, son ancien lui, toujours allongé, bouche entre-ouverte, le thorax montant et descendant au rythme d’une lente respiration.
Il était temps d’y aller.
Sorc descendit du lit, s’approcha de la fenêtre, y grimpa d’un souple saut, puis bondit dans la nuit.
La Sorcière migraineuse ne préparait donc pas un remède à ses maux, mais attendait son heure ! Et là, cascade de sorceleries en tout genre ! On retrouve notre Crowbar en fin de journée pluvieuse, une potion artisanale et une transposition dans un chat noir !
Sorc va-t-il rencontrer son contact mystérieux ou bien se lancer dans l'enquête à sa façon maintenant que Malisé est enfin mise en pause-surveillance ?
Pour plus d'immersion, que penses-tu de proposer une petite incantation en langage ancien ? Soit pour matérialiser le chat, soit pour transcender son corps ? Toujours fan de quand tout devient upside-down après des paroles mystiques, moi !
Hâte d'en savoir plus sur la sortie nocturne en tout cas.
Au plaisir !
oui la sorcellerie arrive enfin dans le récit : )
J'espère que l'intro n'était pas trop longue...
Ah, j'ai hésité à mettre du langage ancien... ce sont des choses qui seront utilisées plus tard mais sans pour autant inventer une fausse langue, juste je signifie "il fait une incantation dans un langage ancien", j'espère que cela sera assez mystique pour toi ^^
J'espère que la suite répondra à tes attentes.
Dans la transformation, j'ai cru qu'il n'avait plus du tout son ancien corps à cause de la précision : "son corps, lui, ne l'était pas."
J'aime bien le voir dans sa relation avec Cro, aussi.
Je n'ai rien d'autre à rajouter sur cette partie, et je vais me contenter de te signaler quelques coquilles.
- Le temps s'était gaché -> gâché ? Au début, j'ai cru que c'était une expression de la Zone, un autre mot. Mais tu veux dire qu'il s'est mis à pleuvoir ?
- Sorc n'en apprit pas tellement plus que ce qu'il ne connaissait -> j'aurais mis : que ce qu'il connaissait, sans la négation
- Il n'avait manqué -> est-ce que l'expression n'est pas plutôt : il n'avait échappé à personne ?
- Une chronique dont le rédacteurs -> pas de s
- la fraîcheur venait du soir [...]. Quel heure -> Quelle
- les bruits de la ville s'étaient appaisés -> apaisés
- le moment où jamais -> ou
Je continue.
ouiii ça y est, de la magie ! ^^"
Haha, j'ai vraiment la caractéristique d'être très lente dans mes débuts d'histoire... même lorsque j'essaye d'y échapper, je retombe dans ce travers.
Merci d'être arrivé jusqu'ici et de prendre le temps de commenter : )
Et merci merci, pour le relevé des coquilles que je vais corriger de ce pas !
Encore une fois tout est si bien écrit et agréable à lire, notamment les interactions entre Sorc et Cro. Ces deux la on l'air d'avoir une bonne complicité, j'adore !
Oh merci tellement d'être revenue lire la suite de cette histoire !
Je suis contente que ce nouveau tournant dans le récit te plaise ^^ J'essaye de jouer un peu avec les clichés sur les sorcières, d'où ce chat noir : ) Cela offre de nouvelles possibilités pour Sorc ainsi que pour moi en terme de narration ^^
Merci merci de ton message, il m'encourage pour avancer sur la suite ♥
Que de mystère ici, on voit bien que Sorc va se démener pour l'enquête. Je me demande sibses maux de tête sont normaux ou si la ville lui mange sa force vitale.
Mini coquille "avaient étés écrits":
Dans mon récit j'appelle cela une "projection" pour l'instant, mais j'aime aussi transplanation, hmmm, je note cette idée au cas ou ; )
Je ne dirais rien pour les maux de têtes évidemment, haha, mais je suis contente de voir que cela fait cogiter ! ^^
Merci beaucoup de ta lecture fidèle !
À bientôt : )