Chapitre 7

Soreth grimaça quand la porte bougea et referma la bouche. Il n’avait plus le temps de s’excuser. Il avait beau s’échiner à repousser ses absences pour ne pas inquiéter son entourage, il n’arrivait à rien lorsque les souvenirs déferlaient. Sassianne commençait à s’y habituer, mais il savait qu’elle souffrait à chaque fois qu’elle le voyait ainsi. Quant à Lyne, elle se doutait que ce n’était pas normal, mais il faudrait qu’il lui en parle. Quand il serait certain qu’elle ne le jugerait pas comme les autres. Qu’elle ne l’empêcherait pas de partir elle aussi.

Penser à sa protectrice lui rappela qu’il ne lui avait pas donné de consignes pour la réunion. Afin d’y remédier, il la rejoignit alors que la porte terminait de s’ouvrir et lui glissa à l’oreille.

— Contente-toi d’être attentive. Je t’expliquerai les points manquants après.

Lyne acquiesça en lui adressant un bref sourire et tourna un regard nerveux vers l’entrée. Soreth l’imita, rassuré qu’elle ne lui en veuille pas, et regretta de ne pas pouvoir observer ses tics pendant l’arrivée des membres du conseil.

Milford et Ecyne s'avancèrent en premiers. Le prince héritier portait une somptueuse tunique verte et la capitaine avait revêtu son uniforme de garde royale. Comme d’habitude, le premier arborait un visage soucieux et la seconde une mine joyeuse. Soreth ne comprenait pas comment son frère pouvait être aussi sombre alors qu’il passait autant de temps avec Ecyne. Elle pouvait dérider n’importe qui en quelques minutes, mais plusieurs années n’avaient pas suffi à sa bonne humeur pour à contaminer le futur roi. À moins que cela ait été le cas, ce qui en disait long sur son caractère d’origine.

Pour sa part, le prétorien était toujours content de croiser la capitaine. C’était l’une des rares personnes à appréhender la situation qu’il vivait et avec qui il pouvait en discuter librement. Son père et sa mère avaient aussi éprouvé les champs de bataille, mais il n’arrivait pas à parler avec eux. À chaque fois, il voyait l’inquiétude qui les dévorait et les regrets qu’ils n’osaient pas formuler. Milford et Sassianne contrôlaient mieux leurs émotions, mais ils étaient trop loin du terrain. Ils avaient beau avoir une idée de ce qu’enduraient les prétoriens, ils ne le comprenaient pas pleinement.

Le prince et Ecyne saluèrent amicalement l’intendante et Soreth, puis ils se tournèrent en même temps vers Lyne et lui adressèrent un salut militaire : parfait pour Milford, moins convaincu pour la capitaine mais joint d’un clin d’œil complice. Ils s’approchèrent ensuite de Sassianne, toujours devant le feu, et se mirent à converser avec elle tandis que le cinquième membre de l’assemblée entrait au rythme des claquements de son bâton sur le sol.

Beorthne, le galweid de la cour, était aussi robuste qu’un jeune homme, mais ses longs cheveux cendrés, sa barbe tressée et son visage ridé trahissaient son âge avancé : pas moins de soixante-dix ans s’il fallait en croire les rumeurs. Originaire des plaines méridionales, il avait la peau tannée par le soleil et un nez épais qu’il se plaisait à froncer à la moindre contrariété. Sa présence au conseil avait alimenté bien des ouï-dire au fil des ans, mais sa raison n’était connue que de la reine et de lui-même. Il avait toutefois démontré ses compétences au cours des années, et plus personne ne remettait aujourd’hui en cause sa nomination. Du moins, pas publiquement. Il portait une lourde tunique de laine ainsi que de chaudes bottes fourrées pour se protéger du froid, et tenait dans sa main gauche un long bâton de bois blanc. Orné d’un magnifique saphir violet, l’une des plus grosses pierres d’Eff du continent, celui-ci possédait deux branches à son sommet et était inégalement cerclé d’orichalque.

Minerai rare et précieux, compliqué à raffiner et plus encore à forger, l’orichalque était l’unique métal capable d’influer sur les lignes d’Eff, que ce soit en les repoussant ou en les attirant. Cela en faisait un outil parfait pour les galweids et les galweides, nés avec la possibilité de voir les flux et instruits dans leur usage, et il était peu courant d’en croiser un qui n’en détenait pas au moins une once sur lui.

Beorthne était pour sa part spécialisé dans la guérison. Cela l'entraînait de temps à autre à quitter le château et à voyager de village en village pour assister ceux qui en avaient besoin. Lorsqu’il était présent au conseil, son pacifisme tempérait les ardeurs d’Ecyne et sa bienveillance rappelait à Milford les limites qu’il ne devait pas franchir. Il avait été l’un des nombreux mentors de Soreth et, aujourd’hui encore, continuait de partager ses connaissances et sa sagesse avec lui.

Après avoir jeté un œil au trio de la cheminée, le galweid salua son élève d’un signe de tête et pivota silencieusement vers Lyne. Il l’examina de la tête aux pieds avant de froncer les sourcils, puis, sans rien ajouter, reprit son chemin vers la table. Il y appuya son bâton, sans se préoccuper des visages tournés vers lui, tira l’une des chaises et s’assit en maugréant contre le froid hivernal.

Malgré sa curiosité à l’égard des réactions de sa protectrice, dont les pupilles oscillaient entre gêne et colère, Soreth se dirigea vers elle pour désamorcer la situation. Elle l’accueillit d’un hochement de tête reconnaissant, lui prouvant qu’il avait fait le bon choix, et le suivit sans un mot jusqu’au galweid bougon.

— Tu sais, déclara le prince alors qu’ils s’approchaient de ce dernier sous le regard des autres occupants de la pièce, tu n’es pas obligé de te contenter de toiser les gens. Tu peux aussi leur parler.

Le vieux conseiller haussa les épaules.

— Je n’ai rien trouvé à redire.

Un sourire passa sur les lèvres de Soreth, une telle remarque relevait du compliment pour Beorthne, puis il secoua ostensiblement la tête.

— Dans ces cas-là, tu peux toujours essayer « bonjour » ou « enchanté ». Avec toi, nous nous satisferions même d’un « salut ».

Le conseiller grommela pendant que l’ensemble de la salle se retenait de rire, puis opina du chef et tourna ses yeux gris vers la prétorienne.

— Bonjour, Lyne. Félicitations pour votre promotion. Je vous souhaite bonne chance avec le petit. Il est aussi insupportable qu’il en a l’air.

La guerrière gloussa alors que Soreth arborait un visage faussement offusqué et salua Beorthne à son tour.

— C’est un plaisir de vous rencontrer, messire. Merci pour vos encouragements, même si pour l’instant Son Altesse de montre très correcte.

Le galweid ricana en passant une main dans son épaisse barbe, puis tira une seconde chaise et indiqua à son interlocutrice de s’asseoir. Pendant qu’elle s’affairait, il jeta un regard malicieux à Soreth et demanda.

— Est-ce qu’on vous a déjà parlé de la fois où ce garnement a volé mon bâton ?

Lyne secoua la tête d’un air amusé.

— Il s’était pris pour Erell, ajouta Beorthne en riant, et espérait faire mûrir un pommier en plein hiver. Pas un véritable, bien sûr. Juste un trognon qu’il avait planté dans un coin du jardin.

Le prétorien esquissa une grimace embarrassée, il n’était sûr de l’image que son maître allait donner de lui, mais ce dernier ne lui prêta pas attention, trop satisfait d’avoir l’intérêt de la guerrière et du reste de la pièce, et se lança dans son récit.

Comme d’habitude, son ton et ses farces de conteur captivèrent rapidement son auditoire, et même Lyne sembla oublier où elle se trouvait. Les muscles de son visage se détendirent, son sourire s’élargit. Sassianne aussi retrouva un peu de sa bonne humeur, ricanant devant les bêtises de son petit frère qu’elle connaissant pourtant par cœur. Soreth s’en sentit soulagé. Son maître était doué avec les gens. Bien plus qu’il ne voulait le montrer.

Les régents Erelliens arrivèrent une quinzaine de minutes plus tard, alors que Beorthne concluait son histoire. Ils marchaient main dans la main d’un pas tranquille et, sans même y prêter attention, dominaient la pièce par leur seule présence. Lothin était vêtu d’une tunique bordeaux et d’un pantalon noir parfaitement taillé. Son air paisible et sa courte barbe grise lui donnaient l’allure d’un simple grand-père, mais le cache-œil sur la gauche de son visage témoignait de ses combats passés et des sacrifices qu’il avait faits pour l’Erellie. Quant à Thescianne, elle portait une robe de satin assortie aux habits de son époux, ainsi que, délicatement posée sur ses cheveux lisses, la couronne d’orichalque qu’Erell avait forgé pour ses descendants.

Elle en avait hérité de trente ans auparavant, après la mort de ses parents sur le champ de bataille et l’assassinat de son frère aîné. Malgré sa jeunesse et la récente naissance de Milford, elle avait su maintenir la stabilité de la nation, repoussant avec succès les raids maritimes des Jorgalls et deux tentatives d’annexions de l’empire d’Ostrate. Cela leur avait valu le respect de son peuple, ainsi que de nombreux récits plus ou moins exacts que les bardes narraient aux quatre coins du royaume. Elle n’était toutefois pas connue que pour ses prouesses militaires, et la politique d’apaisement qu’elle pratiquait avec Ostrate depuis une vingtaine d’années avait tout autant contribué à la paix que ses faits d’armes. Cette stratégie lui donnait une grande popularité auprès des roturiers et des marchands, mais ennuyait certains nobles belliqueux, désespérés d’étendre leurs territoires.

À l’entrée des monarques, Lyne se leva brusquement et se mit au garde-à-vous. Soreth la regarda faire d’un œil amusé, puis se dirigea vers ses parents pour les saluer chaleureusement. Lothin et Thescianne l’embrassèrent à la suite de ses aînés, puis firent le tour de la pièce échanger quelques mots avec Beorthne et plaisanter avec Ecyne. Pour Lyne, ils se contentèrent de lui rendre son salut avec sérieux. Leur cadet les savait trop curieux pour ne pas avoir de questions, mais il supposa qu’ils agissaient ainsi pour la ménager. Ils l’interrogeraient plus tard. Lorsqu’elle se serait habituée à son nouveau poste.

Chacun s’installa rapidement à sa place, Lyne se glissant entre Soreth et Sassianne, puis, comme le voulait la coutume, Thescianne ouvrit la séance.

— Nous voici rassemblés pour l’Erellie. Afin que nous travaillions ensemble à l’avenir du royaume, que chacun mette de côté ses ambitions personnelles.

Elle marqua ensuite une pause et reprit moins solennellement.

— Quels sont les sujets qui réclament notre attention, Milford ?

— Une question à long terme en premier lieu. Nos espions nous ont confirmé que l’empire d’Ostrate finance des expéditions dans l’ouest de ses montagnes. S’ils réussissent à passer, ils pourraient suffisamment s’enrichir pour redevenir une menace.

Tout en parlant, le prince aîné glissa plusieurs des parchemins sur la table. Il laissa à chacun le temps de prendre connaissance, puis hocha la tête en direction d’Ecyne pour l’inviter à poursuivre.

— Saboter leurs opérations ne permettrait que de retarder l’échéance. Et puis, je crois que nous sommes tous curieux de savoir ce qu’il y a derrière ces montagnes.

La remarque fit naître un sourire chez les conseillers. Milford en profita pour reprendre.

— Afin de maintenir le statu quo, nous estimons que nous devrions rétablir l’exploration maritime vers l’est. Nous avons arrêté à cause des raids des Jorgalls, mais ils sont la preuve qu’il existe d’autres peuples. Ils ne sont sûrement pas tous belliqueux et certains pourraient même commercer ou partager des connaissances avec nous.

Chacun acquiesça silencieusement, puis Thescianne invita ceux qui le voulaient à s’exprimer. Lorsque ce fut fait, elle les remercia pour leur sagesse et parla à son tour.

— Vous avez raison, nous allons monter une nouvelle excursion vers l’est. Milford et Ecyne, vous vous chargerez d’en choisir l’itinéraire et l’équipage. Sassianne, je compte sur toi pour estimer la taille que nous pourrons lui donner et trouver les finances nécessaires. N’hésite pas à voir avec les nobles et les bourgeois. Ils sont désireux d’augmenter leurs fortunes et ne le feront pas par la guerre tant que je serais en vie.

Milford nota la conclusion avec satisfaction, puis rangea son dossier pour en sortir un nouveau. Tandis qu’il s’affairait, Soreth s’aperçut que ses parents échangeaient un regard empli de fierté. Ils refusaient souvent les propositions de leur fils autrefois, mais ce n’était plus le cas. Milford s’améliorait de jour en jour et tous savaient que les époux ne tarderaient pas à abdiquer en sa faveur. L’idée arracha un sourire au prétorien, servir son frère serait aussi intéressant qu’agaçant, puis il cessa de penser au futur pour se recentrer sur les explications de ce dernier.

— Nous avons appris ce matin qu’un espion d’Ostrate a été découvert au sein de Hauteroche. Afin de punir l’empire, le conseil de la ville a décrété une augmentation des taxes sur l’ensemble de ses importations.

L’information fit pouffer Ecyne, toujours amusée par les troubles des Ostriens, et grogner Beorthne, qui appréciait rarement de telles mesures. Pour sa part, Soreth interpella son frère avec curiosité.

— Nous venons d’entrer dans l’hiver et Hauteroche ne dispose d’aucun moyen de subsistance en dehors de l’importation de denrées. Ce n’est un secret pour personne qu’il y a des espions là-bas. Pourquoi ont-ils agi maintenant ?

— Parce que la rumeur d’une volonté d’annexion de la ville par l’empire enfle depuis des mois. Personne n’a oublié la dernière guerre, et le conseil a voulu montrer qu’il ne craignait pas Ostrate. Le commerce est réduit en cette saison. Les préjudices seront minimes et la taxe supprimée au printemps.

— D’après mes sources, compléta Sassianne, les greniers de Hauteroche sont particulièrement pleins. Ils doivent compter là-dessus pour que la population ne soit pas impactée. De plus, l’Erellie et la Confédération valéenne y exportent bien plus de provisions que l’empire. Les denrées ne sont pas la cible de ce décret.

— Pas impactée ! gronda Beorthne en fronçant ses sourcils broussailleux. Quelle idiotie ! Nous savons tous comment cela se passe dans cette ville. Même si les citadins ne manqueront théoriquement pas de nourriture, les spéculateurs vont en profiter pour augmenter les prix. Les membres du conseil aux coffres pleins le remarqueront à peine, mais pas les habitants moins favorisés. La mauvaise saison est difficile pour eux. Si l’on y ajoute une inflation, ils vont devoir se serrer la ceinture pour des mesquineries politiques.

Aussi ennuyé par la situation que le galweid, Lothin rebondit sur son intervention.

— Nous pourrions peut-être baisser les taxes sur les denrées de notre côté. Nous générons du surplus chaque année, nos marchands seront ravis d’en vendre une partie. Nous y perdrions peu et Hauteroche a toujours été notre plus fervente alliée.

Cette fois, Thescianne acquiesça rapidement.

— Nous allons calculer les nouveaux taux dans l’après-midi et signerons les documents adéquates dès demain. En outre, Milford, renseigne-toi davantage sur cette rumeur de conflit. Si Ostrate se prépare, nous devons en faire autant. Préviens juste nos espions d’être plus prudent, il serait contre-productif que nous nous retrouvions exposés à notre tour.

Le prince héritier opina, notant prestement les ordres de la reine, puis enchaîna sur un autre sujet.


 

Pendant plus de deux heures, les discussions se suivirent en alternant politique, économie et stratégie militaire. Soreth écouta attentivement, profitant des échanges pour mettre à jour ses informations et apportant son expertise quand il le pouvait. Il avait toujours apprécié ces assemblées. Elles lui rappelaient que ses missions n’étaient pas juste un travail, mais une partie d’un tout qui le dépassait. L’Erellie s’embellissait de jour en jour grâce à l’administration bienveillante du conseil, et il était heureux d’y participer.

Alors que la lumière du soleil déclinait doucement à la fenêtre, Milford referma son dernier document et déclara avec gravité.

— Pour finir, j’aimerais évoquer une potentielle mission pour les prétoriens du château.

Chacun se redressa sur sa chaise, le futur roi n’employait pas ses agents à la légère, et Soreth sentit sa protectrice se raidir tandis qu’il se retenait de jubiler. Il tenait enfin l’opportunité de partir.

— Il y a un peu plus d’une semaine, poursuivit Milford dès qu’il eut l’attention de tous, un poste de garde de la frontière ouest a recueilli un homme blessé en provenance des monts d’Argent. Il leur a indiqué que son village, Brevois, avait été attaqué par un groupe de bandits. Même s’il s’agit de la zone démilitarisée, Ecyne et moi-même avons décidé de détacher une unité de reconnaissance pour sauver ce qui pouvait encore l’être.

Un silence lourd retomba, puis plusieurs regards s’échangèrent sans que personne ne critique ouvertement le choix des deux Erelliens. Envoyer des soldats en nombre restreint dans la haute frontière qui séparait le royaume de l’empire d’Ostrate était toléré tant que c'était pour s’occuper des brigands. S’ils n’étaient pas assez discrets, l’empire pourrait toujours se plaindre du non-respect des traités, mais il y avait suffisamment de cas des deux côtés pour que personne ne déclare une guerre pour cela.

— Malheureusement, continua Milford dans un soupire, nous n’avons plus de nouvelle depuis plusieurs jours. Il s’agissait de l’un de nos meilleurs groupes, ce qui me porte à croire que nous avons grandement sous-estimé la menace de cette attaque. Si l’endroit était autre, j’aurai envoyé un régiment, mais avec l’empire dans les parages un éclaireur serait plus prudent.

Concluant là son exposé de la situation, le prince héritier tourna la tête vers Soreth pour lui demander.

— Pourrais-tu t’en charger ?

— Bien sûr, acquiesça ce dernier en masquant son impatience, j’irais à Brevois avec Lyne si mère le permet. Nous découvrirons ce qu’il s’est passé et cela sera un bon entraînement pour elle.

Si l’étrange comportement des bandits et la disparition de l’escouade intriguaient le prétorien, il aurait de toute façon accepté n’importe quelle mission qui le fasse sortir du château. Il y était confiné depuis plus de deux mois et, maintenant qu’il avait consenti à prendre une garde du corps, il n’y avait pas de raison d’y rester plus longtemps. À son grand soulagement, Thescianne ne s’opposa pas non plus à son départ.

— Nous ne pouvons permettre à un groupe de brigands de s’installer durablement dans les monts. L’empire risquerait d’y trouver un prétexte pour y stationner des troupes. De plus, nous devons déterminer ce qui est arrivé aux nôtres et les sauver si nous en avons l’occasion.

La reine tourna son regard vers les concernés.

— Faites ce qui vous semblera nécessaire sur place. Nous comptons sur vous.

Ils acquiescèrent solennellement, puis elle revint à son fils aîné pour savoir si elle pouvait clore la séance. Celui-ci approuva en tapotant sa pile de dossiers, ce qui clôtura la réunion.

Tandis que chacun se levait dans un brouhaha de raclements de chaise et de discussions politiques, elle ajouta pour Soreth.

— Si avant de disparaître pendant plusieurs semaines tu trouves le temps de venir partager un repas avec nous, nous t’en serions reconnaissants.

Le prince opina silencieusement. Même s’il évitait ses parents depuis cette histoire de garde du corps, il ne pouvait pas partir sans les saluer convenablement. Il se força d’ailleurs à leur donner quelques nouvelles alors que Milford et Sassianne sortaient en conversant âprement sur les taxes et les impôts, que Beorthne les suivait pour regagner son jardin avant la tombée de la nuit, et qu’Ecyne discutait avec Lyne près du feu.

Quand il eut terminé, il balaya la salle des yeux alors que le couple royal s'en allait et constata que la capitaine avait déjà disparu. Restée seule, entourée par le halo rougeoyant du soleil couchant, Lyne se tenait au bord de la fenêtre et regardait Lonvois à travers son battant. Pour la première fois de la journée, elle semblait calme et apaisée. Le prétorien s’en voulait de l’avoir fait autant courir, mais il n’avait pas trouvé d’autre solution. Le conseil secret avait rarement lieu et elle ne pouvait pas le manquer.

Lorsque la porte se referma derrière Thescianne et Lothin, l’ancienne sergente tourna son visage à la peau brune vers Soreth et demanda avec un mélange d’appréhension et d’excitation.

— Alors nous partons demain ?

— Absolument, en début de mâtiné sans doute. Si tu as des choses à faire avant, tu peux profiter de la soirée.

Lyne haussa les épaules.

— Je dois seulement prévenir ma famille de ne pas s’inquiéter de mon absence. Et peut-être passer quelques heures avec eux.

— Tu pourras leur décrire notre magnifique résidence dans le sud. Elle est un peu froide en cette saison, mais il n’y a pas beaucoup de danger là-bas. Cela devrait les rassurer. As-tu réussi à comprendre nos discussions ?

— La plupart, acquiesça la guerrière, mais certaines semblaient impliquer des alliances et des histoires dont je n’ai jamais entendu parler.

— Tu en apprendras la plupart au fur et à mesure, mais, si tu n’as rien de mieux à faire, nous avons une salle pour nous et je peux prendre un peu de temps afin de t’expliquer les bases.

Lyne opina avec enthousiasme et abandonna la fenêtre pour suivre le prince qui se dirigeait vers la cheminée. Ils y remirent une bûche, installèrent deux chaises devant, et commencèrent leur premier cours sur les unions officielles et officieuses entre les nobles du royaume. La prétorienne manquait d’entraînement pour comprendre les intrications les plus tortueuses de la politique, mais elle se révéla sans surprise être une très bonne élève, et emmagasina avec attention les enseignements de Soreth. Elle se montra aussi moins réservée que dans la matinée, n’hésitant pas à interrompre le jeune homme pour lui poser des questions, et faisant même l’effort de sourire lorsqu’il plaisantait.

Quelque temps après que le soleil se soit couché, plongeant la pièce dont ils n’avaient pas allumé les chandelles dans la pénombre, la leçon s’acheva et ils se quittèrent pour rejoindre leurs familles respectives.

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MichaelLambert
Posté le 23/11/2022
Bonjour Vincent,
Je reprends ma lecture et je me réjouis d'apprendre que Lyne et Soreth vont enfin partir dans ce village où a eu lieu l'attaque du prologue ! J'attendais ça avec impatience !
Et un petit détail amusant, dans ta première phrase "Soreth grimaça quand la porte bougea et referma la bouche." j'ai eu un moment d'hésitation en me demandant qu'elle était cette porte qui fermait sa bouche ! Deux verbes qui se suivent sans avoir le même sujet, la conjugaison peut avoir des effets troublants !
A bientôt pour la suite !
Vincent Meriel
Posté le 23/11/2022
Bonjour, et oui l'aventure est au bout du chemin.
Merci pour ce retour, je vais corriger cela.
À bientôt.
Camille Octavie
Posté le 20/11/2022
Bonjour !
Quelques chapitres plus loin, je confirme mon plaisir de lire ton œuvre. C'est très bien écrit, je m'attache aux personnages, et je suis contente de voir que je me suis probablement trompée sur Soreth.
Ceci dit, je le trouve quand même moins développé que Lyne et je trouve que c'est un peu dommage. Peut-être que ça viendra dans la suite ?
Vraiment rien de pertinent à proposer sur la forme,
Bonne continuation !
Vincent Meriel
Posté le 20/11/2022
Rebonjour, j'ai l'impression d'avoir raté un premier commentaire, mais cela ne devrait pas m'empêcher de répondre à celui là.
D'abord merci ! Ensuite, Soreth est effectivement un peu moins développé au début. Il a beaucoup moins de page que Lyne et comme on voit beaucoup l'univers à travers les yeux de Lyne c'est plus facile de la connaitre grâce à ses réactions. (et puis il parait qu'il faut que l'histoire commence à un moment...)
J'espère que tu auras un meilleure aperçu de Soreth dans quelques chapitres ^^
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