CHAPITRE 7

Chapitre 7

 

Près de 2 mois se passent ainsi, le calendrier Elysium étant presque identique au calendrier géorgien, la différence étant que l’année dure 360 jours, répartie en 12 mois de 30 jours. Damien fait profil bas et m’évite, j’ai l’impression que son ego d’aristocrate en a pris un coup. Mon joyau a dépassé la couleur rouge et tend de plus en plus vers l’orange, laissant mes camarades loin derrière, sauf le prince qui me talonne. Mon endurance s’est bien développée également, doublant le nombre de sorts que je peux lancer et augmentant également leur puissance. Nicolas évolue également, il est maintenant plus sûr de lui, n’hésitant pas à remettre en place Damien. Ce dernier essaye à plusieurs reprises de s’en prendre à lui, mais ma présence le dissuade. C’est à partir de ce moment que mon compagnon de chambre m’offre de nombreuses pâtisseries au chocolat malgré leur coût élevé, car le cacao ne pousse pas dans le Royaume de Pendragon. J’apprécie beaucoup ce parfum et je le remercie pour son geste.

Presque tout le monde à l’école utilise le savon que j’ai mis en avant et j’en ai diffusé une nouvelle version parfumée pour la gent féminine qui rencontre un franc succès. Dans les rapports que je reçois chaque soir, le gouverneur de notre base est ravi : des conteneurs remplis de marchandises passent régulièrement le passage pour repartir très rapidement dans l’autre sens, chargés d’or. J’espère que la France fera bon usage de cette manne financière.

Maintenant que l’automne est terminé, l’hiver s’installe dans ce climat continental avec de possibles tempêtes de neige. Pourtant, cela ne semble guère inquiéter notre professeure, car elle souhaite nous emmener dans une forêt au sud de l’Empire. Plus précisément, dans le duché de Contetin, célèbre pour sa production de bois.

L’empire a une population de 5 millions d’habitants. Ce nombre est assez important pour l’époque. Selon les scientifiques français, cela s’expliquerait par l’usage de la magie pour lutter contre les catastrophes naturelles.

Apparemment, notre niveau global, le plus élevé de toutes les classes, est suffisant. Après plusieurs jours de préparation, nous sommes fin prêts et tous les professeurs se rassemblent dans la salle de téléportation de l’école. J’ai pris également mes dispositions, portant à la fois mon pistolet bien dissimulé et des vêtements chauds doublés avec des matériaux modernes.

Je prends toutes ces précautions car la forêt est infestée de gobelins, de petits êtres à la peau verte, de la taille d’un enfant de 12 ans et presque aussi intelligents qu’un humain. Ils sont d’une grande férocité, du moins quand ils sont en nombre. Nous sommes d’ailleurs accompagnés de nombreux gardes de l’école, 10 exactement, soit 1 pour 3 élèves. Je reconnais parmi eux mon contact, celui qui m’a parlé le premier jour de mon arrivée ici, Jean.

Nicolas, qui avait pris un peu d’assurance, est livide et prêt à rendre son petit déjeuner dans la salle de téléportation. Heureusement pour moi, il n’en a pas le temps. Après une courte incantation de la part des enseignants, une grande lueur nous enveloppe et, en quelques secondes, nous arrivons à destination. Un second cercle de téléportation, identique à celui de la Tour des Dragons, étant inscrit sur le sol. La moitié des professeurs s’écroule sur le sol, complètement vidés de leur énergie, et les autres semblent complètement épuisés.

Nous sommes rapidement pris en charge par les gens du duché de Contetin qui attendaient notre arrivée. Après une bonne nuit de repos au château, nous repartons en chariot, direction une petite ville proche de la forêt. Beaucoup d’élèves se plaignent du froid, mais cela ne semble pas toucher les enseignants qui ignorent leurs plaintes. Finalement, après seulement 2 jours de voyage, dormant à chaque étape dans des auberges, nous arrivons à destination de Darbodie. C’est un gros bourg, ceint d’une épaisse muraille en bordure d’une forêt de chênes très ancienne.

Après le déjeuner, c’est Emilia Lafroge qui nous conduit, par petits groupes de dix, toujours entourés des gardes sous la futaie. L’ambiance est pesante et surtout, les lieux sont étrangement silencieux, pas un chant d’oiseau, pas un bruissement d’insecte, juste le bruit de nos pas. Après quelques minutes de marche, un être tout vert sort d’un buisson et semble aussi surpris que nous de cette rencontre. Notre guide réagit la première et lance une flèche de feu qui atteint l’être en pleine poitrine. Ce dernier s’écroule en criant, avant d’être touché par un deuxième trait, celui-ci lancé par un professeur. C’est ensuite une pluie de feu qui s’abat sur lui, chaque élève utilisant un sort.

Je suis le seul à n’avoir pas tiré, ne trouvant pas ce gobelin particulièrement menaçant. Une odeur très désagréable de viande grillée avariée se répand dans l’air pendant que tout le monde rit de bon cœur pour exorciser sa peur. Après cette première rencontre, le groupe tue encore 2 gobelins avant de rentrer. J’avoue être assez écœuré par ce massacre, mais cela vaut toujours mieux que de tirer sur des humains. 2 autres groupes de 10 élèves partent après, pendant que nous avons quartier libre dans le bourg.

Le jour suivant, nous sommes à nouveau les premiers à entrer dans la forêt, mais l’ambiance a complètement changé. Les élèves rigolent entre eux, font des paris sur qui sera le premier à tuer un gobelin. Les gardes et les professeurs sont également plus détendus, car il semble que cette journée sera identique à la première. C’est ce que je pensais aussi, avant d’entendre un cor de chasse. Tout le monde s’arrête, surpris par ce bruit, se demandant à quel groupe il peut bien appartenir. Après quelques secondes, nous entendons des bruits de pas se rapprochant, comme si une centaine de personnes se rapprochait de nous ! Puis, c’est l’attaque !

Des dizaines et des dizaines de gobelins sortent des fourrés et foncent vers nous, comme si leurs vies n’avaient pas d’importance. Les gardes font de leur mieux, bientôt rejoints par les magiciens, mais leur nombre semble sans fin et petit à petit, l’endurance de tous les membres de notre groupe s’épuise. J’essaye de faire de mon mieux pour ne pas me faire déchiqueter vivant par leurs griffes, mais un garde tombe bientôt sous leurs coups, puis un autre, et la débandade commence. En l’espace d’une minute, c’est du chacun pour soi. De mon côté, je suis bloqué au pied d’un arbre, avec mon compatriote Jean, Nicolas, Emilia et Frédéric III. Nous souffrons tous de blessures plus ou moins graves. Le plus dramatique, c’est qu’il nous est impossible de rejoindre l’orée du bois, la masse des ennemis étant trop importante et nous bloque le passage. C’est alors que j’ai une idée et je leur annonce, criant pour me faire entendre à travers le vacarme ambiant :

  • Je vais lancer un sort d’eau. Dès que ce sera fait, foncez dans la brèche.

Ils me regardent tous comme si j’étais devenu fou, ne voyant pas comment cela peut les aider, mais je n’ai pas le temps de leur expliquer. Après quelques secondes de concentration, je crée une immense flaque d’eau, qui avec le froid se transforme en verglas. Les gobelins, étant pieds nus, sont incapables de se maintenir debout et tombent comme des quilles au bowling.

Je suis à bout, incapable de lancer un seul sort supplémentaire, mais j’arrive encore à me mouvoir et nous tentons de quitter les lieux le plus rapidement possible, faisant attention à ne pas tomber à notre tour. Alors que je pensais que nous allions nous en sortir, les gobelins étant derrière nous, une silhouette masquée, un cor autour du cou et une fiole dans la main gauche, nous barre le passage. Notre garde s’élance, mais l’humain qui nous fait face dégaine sa rapière et le désarme avec une facilité déconcertante. Il l’assomme dans le même mouvement, avec le pommeau de son arme. Le prince prend alors la parole, sa voix est empreinte de majesté :

  • Je suppose que vous êtes venu pour moi.

L’assassin fait une révérence moqueuse :

  • En effet, Votre Majesté Frédéric III de Pendragon. Puisque les gobelins n’ont pas rempli leur office malgré ce cor magique, je vais être obligé de tous vous assommer. Je ne dois pas laisser de trace de mon passage, les monstres pourront s’occuper de vous et…

Il n’a pas le temps de finir sa phrase, qu’Emilia, puisant dans ses dernières réserves, lui envoie une flèche enflammée qu’il évite à une vitesse stupéfiante. Je pense qu’il a pris une potion de vitesse, juste avant de nous barrer la route, ce qui est malin de sa part. La magicienne s’écroule inconsciente, vaincue par la fatigue, ne restant plus debout que les 3 élèves, moi y compris. Je vois bien à quel point la situation est sans issue, si je ne prends pas de décision radicale. Je me tourne vers mes camarades et je leur indique, d’un ton fatigué :

  • Surtout, pas un mot de ce que vous allez voir ici.

Mes 2 compagnons me regardent comme si j’étais devenu fou. Je dégaine mon arme à feu, indiquant simplement à l’homme qui nous fait face :

  • Tu ne me laisses pas le choix.

Je remonte le cran de sécurité et tire une première balle, qui touche son épaule, ma fatigue jouant sur ma précision habituelle. Surpris par mon attaque qu’il ne comprend pas, le bruit de la détonation étant réduit par le silencieux, il grimace de douleur et s’élance vers moi. La seconde balle le touche au ventre, mais il est emporté par son élan et tombe sur moi. C’est donc à bout touchant que je l’achève de 2 autres tirs avant de me dégager du corps inerte. Je suis couvert d’un sang qui n’est pas le mien et fortement nauséeux, car c’est la première fois que je tue des êtres humains.

Frédéric III et Nicolas ne font pas de commentaire sur ce qu’il s’est passé, sans doute trop choqués. C’est donc en silence que nous attendons les secours qui arrivent peu de temps après. Nous sommes rapidement soignés par des prêtres du Dieu Renaissant. Leur pouvoir divin est assez efficace, car après une bonne nuit de sommeil, je suis à nouveau en pleine forme, du moins physiquement.

Je sais que je n’avais pas le choix de tuer cet homme, mais il me faudra du temps avant de pouvoir l’intégrer totalement. Je n’aime vraiment pas ôter la vie, que ce soit celle de créatures et encore moins d’êtres humains. Je viens d’un monde beaucoup moins impitoyable. Même si, venant d’une famille de militaires, je sais que la Terre n’est pas vraiment un monde en paix, une vie reste quelque chose de précieux. Je ne veux pas devenir comme ces nobles, incapable d’éprouver de la pitié.

De plus, j’ai peur d’avoir mis en péril mon identité de Robert Tillsman, en utilisant une arme terrienne. Les 2 nobles ne doivent surtout pas raconter comment j’ai tué cet assassin. Si c’est le cas, je serai forcé de quitter l’école de magie. Il existe un protocole pour exfiltrer, un espion qui aurait grillé sa couverture, comme je viens, peut-être, de le faire. C’est pourquoi, quand on me convoque avec Nicolas et Frédéric III, je m’y rends avec beaucoup d’appréhension.

Mais heureusement, mes 2 compagnons jouent le jeu, indiquant que l’assassin a été tué par des gobelins, ce qui est l’explication la plus simple aux différents évènements. J’ai de la chance que les autopsies médico-légales n’existent pas dans ce monde. Son corps, pour raisons religieuses, a déjà été brûlé en même temps que les 2 gardes ayant succombé sous les griffes des gobelins.

Cette affaire clôt l’expédition dans le duché de Contetin et, alors que je me repose dans la chambre qui m’a été mise à disposition suite à mes blessures, attendant l’heure du départ, on frappe à la porte. Il s’agit d’Emilia qui rentre, la tête basse :

  • Je tiens à m’excuser pour ce qui s’est passé, j’étais censé vous protéger et tu m’as sauvé la vie à 2 reprises. En lançant ton sort, puis avec l’homme qui nous a barré la route. Je sais qu’il est impossible qu’il ait été tué par de simples gobelins, mais si les autres ont menti, ce doit être à ta demande, alors, je n’ai rien dit non plus.

J’ai devant moi une jeune fille intelligente et je lui réponds en souriant :

  • Nous sommes quittes alors.

Mon interlocutrice secoue la tête et m’annonce :

  • Pas du tout, je te dois la vie et une Lafroge rembourse toujours ses dettes, d’une manière ou d’une autre.

Et sur cette phrase énigmatique, elle quitte ma chambre. Je me contente de hausser les épaules et je me recouche sur le lit, mais à peine endormi, l’on frappe de nouveau à la porte. Cette fois-ci, c’est Nicolas qui fait son entrée et qui m’annonce, d’un ton très sérieux :

  • Je voulais juste te remercier, tu es vraiment mon meilleur ami. Tu n’arrêtes pas de me venir en aide.

Je me retiens de justesse de soupirer, je n’ai jamais voulu l’aider, c’est du simple hasard. Après de nombreux remerciements et serments comme quoi il sera mon ami pour toujours, il quitte enfin les lieux. Épuisé par toutes ces discussions, je ferme les yeux, mais pour une troisième fois, un invité indésirable entre ! Et ce n’est rien d’autre que le prince en personne !

Je peux voir un bref instant 2 gardes royaux devant la porte avant qu’il ne prenne la parole, m’expliquant leur présence :

  • Mon identité a été dévoilée, les gardes du Palais me protégeront dorénavant.

Je me contente de hocher la tête, me fichant bien de tout cela. Il doit le sentir, car sa prochaine phrase va droit au but :

  • Comment as-tu lancé ce sort ? Tu n’as même pas utilisé ton cristal.

Je soupire, car j’étais certain qu’il allait évoquer la question. Je commence par lui expliquer :

  • C’est mon grand-père qui…

Il m’interrompt en criant presque :

  • Arrête avec ton grand-père…

Puis il se reprend et me propose d’un ton tout bas :

  • Écoute, je comprends que tu veuilles garder ton secret, c’est toi que cela regarde, mais si un jour, tu dois en parler à quelqu’un, pense à moi, d’accord ?

Sans attendre ma réponse, il quitte la pièce et je peux enfin me reposer. Le voyage du retour via le cercle de téléportation se passe sans évènement notable et un autre mois s’écoule.

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Z....
Posté le 12/04/2025
Bonjour !

L'histoire est super bien menée, mais il y a quelques incohérences du côté de la famille de Robert. On ne sait plus s'il a une grande sœur et un petit frère ou inversement, les deux étant mentionnés. Sinon, histoire passionnante !
Florian ANDRE
Posté le 15/04/2025
Bonjour, tu as raison, ce n'est pas clair, j'ai également repris ce chapitre.
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