7.
Dans le pub, Roxanne et Manu leur avaient commandé de nouvelles pintes. La partie encore sobre de l’esprit de Callinoé lui souffla que ce n’était pas raisonnable, mais elle s’endormit sitôt qu’il eut retrouvé la rassurante assise de son siège.
De plus, Paul avait retrouvé sa bonne humeur. Ça le rassurait.
— Vous m'en voulez beaucoup si je vous dit que j'ai décalé mon rendez-vous pour passer plus de temps avec vous ? demanda Manu avec ce qui ressemblait à une grimace d'excuse.
Roxanne leva les deux bras en signe de victoire. Manifestement, ils avaient débattu de cette possibilité durant la pause clope.
— Aucun problème, assura Apolline. Mais dans ce cas-là...
Elle essayait de reprendre une expression sérieuse mais ses joues rouges et ses yeux brillants ne trompaient pas.
— Dans ce cas-là ? répéta Manu en allongeant le coude sur la table.
Ils échangèrent ce qui ressemblait fort à un regard de flirt. Callinoé fila un petit coup de pied à son voisin sous la table et lâcha sans même se demander s'il allait bien le prendre :
— On ne trompe pas sa copine avec deux personnes différentes le même soir.
Manu écarquilla les yeux mais les filles éclatèrent de rire. Il répondit :
— T'es jaloux ?
— De ton couple ?
— De mon charme.
— Peut-être, dit Callinoé avec un clin d’œil avant de prendre une autre gorgée.
Sa sœur roula des yeux pendant que Manu et Paul essayaient de lui tirer les vers du nez. Callinoé garda le silence, il ne parlerait pas de Camille. Par contre, en effet, s'il avait eu la même gueule de séducteur que Manu, peut-être qu'il aurait une meilleure chance.
« En revenant de chez Papy Del, je lui parlerai. » décida-t-il fermement.
— Vous avez coupé Paul dans son élan ! râla Roxanne.
— C'est vrai, protesta l’intéressée. Pour la peine, c'est Manu qui va démarrer le « je n'ai jamais » !
Il prit un air outré.
— Si c'est ça... je n'ai jamais eu d'animal de compagnie !
— Mon pauvre, compatit Roxanne en buvant avec les deux autres.
— Pas tant que ça, j'arrive toujours à faire boire les autres avec ça.
— C’est extrêmement fourbe.
— Je n’ai jamais eu de relations sexuelles, embraya Roxanne.
Paul et Manu prirent une gorgée en lorgnant Callinoé qui leur offrit un grand sourire, les bras croisés derrière la nuque.
— Jamais jamais ? demanda Manu, suspicieux.
— Jamais jamais, assura Callinoé.
— Vous êtes mormons ?
Roxanne cracha dans son fou-rire, poussant Paul à s’écarter brusquement de la table, déclamant que c’était immonde sans pouvoir retenir son sourire. Callinoé fit un geste vague en direction des clients qui les regardaient, mais Manu claqua des doigts sous ses yeux pour ravoir son attention.
— Sérieux, c’est ça ? demanda-t-il.
— Mais non, dit Callinoé en souriant. J’ai juste jamais eu la possibilité d’aller jusque là.
— Mais t’as dit que tu étais amoureux, se rappela Paul avec des étoiles dans les yeux.
Elle avait sorti un bic de sa poche et traçait une flèche sur son poignet, mais ses prunelles se relevaient pour le jauger avec malice. À nouveau, les organes de Callinoé se contractèrent. Dans l’ivresse, penser à Camille avait des effets plus forts.
— Il rougit ! s’exclama Manu.
— On a tous les joues rouges, répliqua Roxanne. Fichez-lui la paix.
Elle avait réussi à dire ça avec tendresse mais fermeté, ce qui poussa Paul à arrêter Manu qui allait en remettre une couche.
Callinoé but une gorgée pour reprendre contenance. Il se fit la remarque, et ce n’était pas la première fois, que ses vagues de désirs — d’embrasser, d’enlacer, de seulement toucher Camille — vibraient jusqu’à ses molaires. C’était comme si sa bouche se languissait davantage que son sexe.
Bon, après, son sexe ne restait pas sourd bien longtemps. Il était temps qu’il pense à autre chose, et la voix de Paul le ramena au présent.
— Je n’ai jamais vu Dirty Dancing.
Roxanne trinqua avec elle sans boire pendant que les deux garçons reprenaient leur pinte.
— Lulu, résuma Manu. C’est son film préféré.
— Tabitha, une pote, enchaîna Callinoé quand le regard de Paul s’orienta sur lui.
— Et tu as beaucoup aimé, mentionna Roxanne avec un sourire immense.
— Time of my life, chanta Callinoé.
Ils parlèrent encore un moment. Combien de temps ? Callinoé n’aurait pu le dire. Paul gribouillait sur les mains de Roxanne et Manu faisait rouler les bocks entre leurs verres et ils se racontaient tout et n’importe quoi en commentant les autres clients et la décoration, en débattant sur le football, la politique, l’économie… Des sujets qu’ils traitèrent avec légèreté, sans jamais se froisser ou se disputer.
Parfois, Callinoé surprenait l’air absent d’Apolline avant que celle-ci cille et sourit pour répartir à son tour. Quand elle sortit son téléphone pour prendre une photo de leur table, il vit qu’elle reçut un message auquel elle ne jeta qu’un regard distrait. Roxanne demanda de qui il s’agissait et Paul répondit « rien d’important. »
Quand le rendez-vous de Manu l’appela, ça sonna le départ de tous.
À l’extérieur, Roxanne s’étira dans l’air relativement frais de la nuit, fendant de ses doigts écartés des lambeaux de fumée de cigarette.
— C’était une super soirée, commenta-t-elle.
— Et elle ne fait que commencer, pour moi, rappela Manu.
Elle rétorqua qu’elle n’avait qu’une envie de son côté : manger un morceau et dormir dix heures.
— Bon voyage, alors, dit Manu. C’était cool de vous rencontrer.
— Fais pas le con avec ta copine, déclara Paul en le regardant avec sérieux. Si tu tiens à elle, genre vraiment, va falloir te remettre les idées en place.
Il acquiesça.
Peut-être que ça ne changerait rien. Peut-être que Manu allait continuer à tromper Lulu avec cette autre fille sans qu’elle n’en sache jamais rien. Ou peut-être allait-il sérieusement discuter avec elle, demander plus de libertés ou promettre de lui être pleinement fidèle. Peut-être allaient-ils rompre dans deux mois ou se marier dans deux ans.
En tout cas, quand Manu les héla à l’autre bout de la rue juste pour leur crier « au revoir » une nouvelle fois, son plaisir paraissait sincère. La nuit était douce, l’ivresse agréable. Roxanne avait accroché son bras au sien et tenait la main de Paul.
Callinoé décida que ce présent léger était tout ce qui comptait.
Il était bien sympa ce petit jeu "Je n'ai jamais…". C'est le genre de jeu qui rapproche les gens, je trouve. (non pas que je suggère d'y jouer à la prochaine IRL, hein)
Que dire sur la fin… J'aime beaucoup la petite note optimiste de Calli à la fin ! La partie 2 se finit sur une note optimiste et j'ai hâte de voir ce que tu me réserves pour la suite !
A bientôt pour la partie 3 !!
PS : Calli qui chante "time of my life", j'aimerai tellement voir ça… ! :3
Fiou.
(Evitons le "je n'ai jamais" à la prochaine IRL xD)
Je trouve cette 2eme partie encore mieux que la première ! il y a cette vibe voyage, station service et aires d'autoroute, chansons dans la voiture... j'adore !
Les nouveaux persos y sont pour quelque chose ! Paul est super, mystérieuse et attachante !
quand à Manu... est-ce qu'on le reverra ? Je l'ai bien aimé, meme si les lovers qui trompent leur copine avec des prétexte minables du genre "je fais ça pour elle" c'est non è.é
Il faut dire qu'il part avec un bonus sympathie : il a le meme prénom que moi (d'ailleurs, Lulu est un diminutif du prénom de mon ex meme si personne ne l'a jamais appelé comme ça xD)(du coup je donne pas cher de leur couple)
Bref : Manu, déconne pas ! quitte ta copine a qui tu fais du mal et part sur les routes avec la team !
Lulu, d'ailleurs, si elle est jalouse, je trouve étonnant que ça passe aussi facilement que son mec traine avec des potes filles qu'elle ne connait pas.
J'adore cette histoire, légère et triste, toute douce.
Désolée pour Manu mais... on le reverra pas. Il a croisé leur route et ça s'arrêtera là. Mais tu peux imaginer mille et un scénarios pour son couple à l'avenir, ils seront valable (la belle coincidence des prénoms "xD)
Il n'est pas exclu que Lulu lui fasse une scène le lendemain, mais se retient un minimum en public. Peut-être même que c'est elle qui le quittera.
Merci beaucoup, j'espère que la suite te plaira aussi
J'ai du mal avec l'expression "les organes de Callinoé se contractèrent". Disons que les organes incluant le cerveaux, les oreilles, les glandes mammaires, la prostate et les vertèbres... Pour moi ça ne veut pas dire grand chose ^^
Je ne comprends pas Callioé. Ce n'est pas de l'amour qu'il a pour Camille mais de l'attirance, non ? Je ne vois pas comment on peut tomber amoureux de quelqu'un qu'on ne connait pas...
J'ai vraiment du mal au niveau des repères temporels. Quand Manu part, ils on passé au moins une heure ensemble, donc il doit être au moins 23h, et ils n'ont pas encore mangé ? Ou bien il est plus tôt et ils ont commencé à la bière à 16h ?
Sinon, encore une fois, j'aime beaucoup !
Clairement je dois arranger ce problème de repères temporels ! Si je les arrange deux chapitres plus tôt, ça devrait aider déjà pour ce chapitre-ci.
Hmm c'est une bonne question pour l'amour. Je me dis qu'on peut tomber amoureux de l'idée qu'on a d'une personne ; passer de l'attirance à l'amour par la force de scénarios et d'observations.
Du coup je verrais bien Callinoé persuadé d'être amoureux parce que l'attirance ce serait trop vague, trop impersonnel.
Hmm ce serait bien que j'en touche un mot dans le chapitre. Je vais voir si j'arrive à le caser
Merci encore Olek pour tes commentaires si constructifs !
Suggestions :
"« En revenant de chez Papy Del, je lui parlerai.(,) » décida-t-il fermement."
"avant que celle-ci cille et sourit (sourie) pour répartir à son tour" Pas convaincue par le "répartir" non plus...
Je l'aime plutôt ce Manu au final, sa bonne humeur est contagieuse :P (Le passage "tu es jaloux ?" "peut-être" était touchant aussi je trouve, un peu paradoxalement vu que c'était plutôt de l'humour, mais je trouve que le fait que Callinoé assume plus ou moins d'envier un peu l'autre mec, c'est... intéressant)
Je suis curieuse des petits indices que tu laisses par rapport à Apolline aussi, comme quoi elle ne serait pas si joyeuse et insouciante qu'elle en a l'air au premier abord...
En tous cas j'ai vraiment très hâte de découvrir la suite, parce que ce n'est certes pas un thriller mais ça se lit vraiment tout seul, les personnages sont super attachants et ça m'a vraiment filé le sourire pour le week-end <3 <3 (t'as vu moi aussi je mets des cœurs partout)
Ah oui non ça n'a rien d'un thriller xD Mais je préfère savoir que ça t'a filé le sourire ! C'est vraiment un beau compliment !
Merci à toi pour ta lecture. A vite pour la suite, alors :)
J'admets aussi que a partie du "je n'ai jamais", j'ai eu parfois du mal à tout comprendre (ça a nécessité quelques relectures)
On dirait que j'ai réussi ce que je voulais avec le perso de Manu, en tout cas pour l'instant les retours ne sont pas outrés ! è_é
Merci El d'avoir autant lu si vite <3
<3 A très vite
Peut-être que si un des personnages pouvaient ne pas connaître que tu glisses une explication pour les lectrices abstinentes, ce serait pas mal ;-)
Sinon j'aime toujours autant ces dialogues, ces interactions. Il ne se passe pas grand chose dans le fond, mais cela glisse tout seul. Tout sonne "vrai".
Et Callinoé en grand romantique, quelque chose me dit que cela a donné des idées à Paul... Ou je me fais des films toute seule :p
Oh j'aime quand les lecteurs se font des films <3 Hésite pas à partager ! (mais je ne répondrai rien mouhahaha)
Sinon, je trouve que c’est toujours aussi délicat dans les interactions entre tes persos. Ils ne sont pas idéalisés, pas tout gentils ou méchants, mais ils ont au contraire une épaisseur très réaliste, avec leurs défauts (manu par exemple) ou leur complexité qui se dévoile par moment (Paul).
détails
avant que celle-ci cille et sourit : sourie (subj)
il vit qu’elle reçut un message auquel elle ne jeta qu’un regard distrait : qu’elle avait reçu ?
Roxanne avait accroché son bras au sien : le sien c’est celui de callinoé ? A rappeler car il n’est pas mentionné depuis longtemps.
C'était mon défi, avec Manu, de parler d'un défaut tout en mentionnant que les choses ne sont pas toujours si simples. Si blanche ou noire