Il fait presque nuit lorsque j’atteins enfin la maison que je partage avec mes parents pour quelques temps encore.
Il n’existe aucune règle ou loi officielles à ce propos mais l’usage veut que les jeunes quittent le nid familial et souvent, aussi, la Cité qui les a vus grandir, rapidement après l’Éclosion de leur Graine. Beaucoup en profitent pour voyager, découvrir d’autres façons de vivre, d’autres rythmes, d’autres climats, d’autres cuisines, d’autres paysages ; au fil des rencontres, ils se forgent une idée plus précise de ce qui les intéresse, de ce en quoi ils excellent, de ce qu’ils attendent de la vie, de ce qu’ils veulent devenir et surtout, de ce qu’ils peuvent apporter à notre grande communauté, jusqu’au jour où tout s’aligne et qu’ils trouvent un nouveau foyer d’adoption. Une opportunité, une rencontre, un ciel d’orage sur une mer déchainée … L’Appel, l’adéquation, le destin, peu importe le nom qu’on lui donne ou la forme qu’il revêt : chacun possède un déclencheur qui lui est propre.
Ma mère, Yseult, a passé la première partie de sa vie adulte tout près de Insam, sur les contreforts de l’Himalaya, à étudier le riz sous toutes ses coutures : comment le cultiver, les caractéristiques dominantes de ses innombrables variétés, leurs vertus alimentaires, médicinales, énergétiques … Ses travaux sur le sujet ont grandement contribué à l’élaboration d’une espèce hybride d’un genre radicalement nouveau : à la fois plus nutritive, plus facile à faire pousser, plus résistante aux maladies comme aux facteurs climatiques, elle est aussi sans aucun danger pour l’homme, ni pour les autres espèces de riz, ni même pour l’écosystème auquel elle est venue se greffer. Ma mère a été l’instigatrice principale de la création d’un riz révolutionnaire, destiné à nourrir à court terme une large portion de la planète pour un coût écologique nul. Grâce à ce séjour au pied de l’Everest, elle est devenue avant d’avoir trente ans une figure légendaire et un modèle pour des millions de gens partout à travers le monde. C’est aussi là, accessoirement, qu’elle a rencontré mon père, Sigùr, qui s’intéressait à la formation des nuages en altitude. Là, toujours, que j’ai été conçu. Et malgré cela, quand elle parle de cette époque précieuse, de ce lieu fondateur dans sa vie, elle commence toujours son récit par : « L’air y sentait bon … »
Certains reviennent à leur point de départ après quelques mois d’errance et approfondissent l’art de leurs parents, certains, comme Senga, ne partent pas du tout, car ils savent déjà ce à quoi ils vont dédier leur existence et certains ne s’installent jamais, passant en coup de vent de Cités en Cités, des allergiques à l’enracinement que tout fascine et tout lasse, des électrons libres dont le butinage culturel est malgré tout essentiel au bon fonctionnement de notre société. On les appelle les « Voyageurs » ou les « Vagabonds » et la rumeur voudrait qu’ils tiennent officieusement le rôle de contrôleurs de l’Arbre, qu’ils soient les membres d’une guilde secrète qui servirait de contrepoids à l’omniscience de notre réseau symbiotique ; en parcourant le monde, ils auraient amassé à eux tous, dans leurs mémoires humaines, suffisamment d’informations pour pouvoir juger de la véracité des quantités affolantes de données que nous fournit l’Arbre quotidiennement. Bien sûr, ce n’est qu’une légende construite sur le mystère qui entoure ces êtres fondamentalement solitaires ; des curieux contemplatifs, pour moi, tout simplement, des indécis amoureux de la beauté des hommes et de la Terre, trop modestes pour devenir poètes, trop sujets à l’émerveillement pour se sédentariser, aimantés qu’ils sont, toujours, où qu’ils demeurent, par la prochaine miette d’étrangeté et de différence dont ils devinent devant eux, à l’horizon, les contours inédits.
Autant de tendances qui ne dissimulent en rien cette vérité que chaque trajectoire est unique. À tout instant, pour toute nouvelle seconde qui passe, une petite brique est ajoutée à la complexité de nos destins, un virage de plus sur nos lignes droites respectives.
À côté de la porte ouverte, carré de lumière chaleureuse dont le flot, jaillissant vers l’extérieur, couronne les plantes du jardin d’un liséré d’or, adossé dans la pénombre au mur de la maison, m’attend Kularanjan, un adolescent du quartier.
— Artyom ! Te voilà !
— Qu’est-ce qui t’amène, Kular’ ?
— Senga m’a envoyé te chercher … Pour te prévenir.
— Senga ? Mais … Pourquoi ne m’a-t-il pas contacté via l’Arbre ?
— Il m’a dit que tu étais occupé quand il a essayé de te joindre et il avait ensuite beaucoup d’autres personnes à qui parler. Comme il sait où te trouver à l’heure du diner, il m’a demandé de t’attendre ici.
— Bon, très bien. De quoi dois-tu me prévenir ?
— L’expédition d’Okto a eu un problème. Ils ont perdu les deux gamins qui les accompagnaient.
— Les protégés de Senga ? Mélissa et Chris ?
Kularanjan hoche gravement de la tête.
— Merde ! Et ils ont besoin d’aide pour les retrouver ?
— Pas particulièrement. L’équipe d’Okto est encore sur place et une centaine de volontaires sont partis tout à l’heure pour apporter leur aide. Personne n’est trop inquiet encore, ils se sont sans doute perdus dans les petites rues du Marais, dans les souterrains des catacombes ou du métropolitain. Peut-être qu’ils se sont endormis dans un immeuble ou qu’ils sont tombés dans un trou. On devrait les retrouver assez rapidement. Mais Senga m’a dit que tu les avais vus avec lui ce matin alors il voulait te mettre au courant.
— Il y est allé, lui ?
— Senga ? Oui, avec le groupe de bénévoles. Il se sent responsable.
Il est responsable. Et moi aussi, pour l’avoir laissé manigancer ses magouilles sans penser à la sécurité des enfants. Paris n’est pas un endroit dangereux mais cela reste une ville abandonnée, en ruines. À bien y réfléchir, y laisser traîner deux mômes sans aucune surveillance tient, sinon de la pure folie, au moins d’une méchante dose d’inconscience.
— Merci de m’avoir attendu, Kular’. Je te revaudrai ça. J’y vais aussi.
— Pas avant d’avoir avalé la nourriture que je t’ai préparée avec amour, jeune homme !
Ma mère apparait sur le pas de la porte, un tablier maculé de tâches noué autour des reins, ses cheveux noirs arrangés en un bouquet improbable d’épis et de bouclettes. Elle a au fond des yeux la lueur malicieuse des jours de fête.
— Tu peux y aller, Kularanjan. Artyom vous rejoindra après diner.
L’adolescent s’enfuit en trottinant après avoir effectué un salut militaire dont je me demande à qui il est destiné et jusqu’à quel point il est ironique.
— Maman …
— Fils, plus longtemps tu rouspèteras, moins vite tu seras à table, moins vite tu ressortiras. La moitié de la cité est à la recherche des deux petits, il n’y a aucune urgence à ce que tu joignes la battue. Tu les aideras mieux le ventre plein. Tu as vu ta tête ? Tu as des cernes jusqu’au milieu des joues. On dirait que tu as pris dix ans en 24 heures. Ralentis une seconde, Arty ! Va prendre une bonne douche, remplis-toi l’estomac, rigole un moment avec ton père et ta petite sœur, les pieds bien au chaud sous la table. Le monde sera toujours le même quand tu t’y replongeras.
— Tu crois ?
— Fais-moi confiance.
Au temps pour l’inquiétude épidémique … En voilà une au moins qui n’a pas l’air atteinte. Je lui souffle un bisou sur la joue en passant à côté d’elle et attrape au vol la petite Kaya qui, conformément à nos coutumes fraternelles, s’est précipitée pour me sauter dessus à l’instant où elle m’a entendu rentrer.
— Grand frère !
— Petite sœur !
Elle plisse ses narines.
— Tu pues !
— Et toi, tu sens bon. Le Yin et le Yang. Le Bien et le Mal. La Puanteur et le Fraîcheur. Le Géant et l’Avorton. À nous deux, Kaya, nous formons le cercle karmique de la Roue Universelle.
Elle se dégage de mes bras et me gronde sévèrement, en une imitation presque parfaite, bien que miniature, de notre mère.
— Cesse de suite ces sottises, Artyom, et débarrasse-toi moi, moi toi, toi toi … De cette épaisse carapace de crasse.
— Mon épaisse caraprasse.
— Ta crassapaisse.
— Ma turbognidole !
Kaya tend un doigt autoritaire vers la salle de bain. Je baisse le menton en signe de capitulation et quitte le ring au son délicieux de ses gloussements jobards. Du coin de l’œil, j’aperçois mon père, portant un tablier assorti à celui de ma mère, s’affairer comme un dément pour nettoyer dans son sillon tous les ustensiles de cuisine qu’elle utilise sans vraie raison valable, par pure facétie.
Décidément … Soit les Brisláan sont immunisés contre la morosité générale, soit Luciole et moi nous sommes montés la tête pour rien.
Je ferme la porte derrière moi, me déshabille et me glisse en soupirant d’aise sous le jet d’eau brûlante. À mesure que le liquide aux légères effluves soufrées vient rouler sur ma peau, je sens la fatigue et la lassitude quitter les couches extérieures de mon corps, glisser sur les muscles de mes épaules, de mon cou, de mes bras, pour venir s’installer dans mes parties centrales, dans mes os, au cœur de ma cage thoracique, entre diaphragme et colonne vertébrale, où elles accepteront de se faire oublier quelques heures, si tel est mon désir, avant de revenir collecter leur dette comme il se doit, impitoyablement. Vient toujours une heure à laquelle même le plus coulant des prêteurs ne pourra plus accorder de sursis. Tôt ou tard, je devrai payer les efforts titanesques que je produis depuis hier sans vraiment me reposer ; j’espère seulement que ce sera après avoir retrouvé les deux gamins. Sains et saufs, de préférence.
*
Quand j’arrive dans le salon, plein de l’énergie fantoche d’être propre, tout le monde est déjà attablé et mon père est en train d’énumérer les mille recettes que lui et ma mère ont essayé de nous concocter dans l’après-midi.
— Cèpes, cueillis ce matin même, sautés à l’huile de sésame et saupoudrés de miettes de ciboulette, brocolis vapeurs coupés en fines tranches qu’on a fait mariner dans une sauce à base de soja, d’alcool de riz et de gingembre pendant quatre heures, des fèves et des graines de courges pour les protéines, une salade avocat figue … Ah ! Le héros du jour !
Il tire une chaise de sous la table et me fait signe de m’y asseoir.
— Avec tous ces exploits, j’ai perdu le compte de tout ce qu’on devait célébrer ce soir. Laisse-moi réfléchir …
Il compte sur ses doigts, qu’il déplie un à un.
— Il y a l’utilisation de ta Graine. Ta première intervention devant le forum, très impressionnante ! Ton premier boulot …
Ma petite sœur piaille.
— Une nouvelle petite amie : Ver Luisant.
— « Luciole » !
— HA ! Mais tu ne nies pas que c’est ta copine !
Mon père en rajoute une couche.
— Si c’était le cas, tu aurais notre entière bénédiction : tu as vu ces jolis petits nichons ? Yseult en était verte de jalousie.
— Laisse-moi en-dehors de tes fantasmes, vieux pervers !
Je coupe court aux préliminaires amoureux de mes parents.
— Je lui ai parlé pour la première fois aujourd’hui, elle habite à Tulp, avec son mec, un certain Chayan, je …
Ma mère m’interrompt.
— Laisse-moi te dire une chose, fils. Une femme n’appartient à personne. Son cœur est un cadeau qu’elle peut offrir quand ça lui chante à qui elle l’entend. Qu’elle soit en couple ou non. Avec enfants ou pas. Son désir ni son amour ne peuvent jamais être acquis, seulement temporairement mérités. Alors ne geins pas : « Tulp gnignigni », ou : « Chayan gnagnagna » ; bats-toi comme un homme, les yeux dans les yeux, sans coup fourré, envie contre envie, et que le meilleur gagne. S’ils sont faits l’un pour l’autre, rien ne pourra les atteindre et s’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre, alors tu rends service à tout le monde en entrant dans l’arène.
— Mais ça suffit bien, dites ! Qu’est-ce qui vous fait croire que je suis amoureux d’elle ?
Ma sœur saute d’excitation sur sa chaise, la main en l’air, comme une élève studieuse devant sa maîtresse d’école. Mon père joue le jeu.
— Oui, Kaya ? Alors, quelle est la réponse ?
La petite peste se lève de table, époussète sa jupe, se racle la gorge, se lisse les cheveux en arrière avant de prendre l’air le plus faux-cul qu’on puisse imaginer. Je sais ce qui m’attend mais il est trop tard pour l’empêcher désormais. Foutu pour foutu, autant y prendre du plaisir : je prépare secrètement l’expression la plus outrée de mon répertoire pendant que Kaya se grime en une parodie grossière de jeune coq puis lance sa réplique d’une voix éprise de jouvenceau castré.
— « Je m’appelle Artyom Brisláan. Tu peux compter sur mon aide. »
Tous explosent de rire.
Beau joueur, j’offre quand même à cette joyeuse triplette de salopards la moue boudeuse qu’ils attendent de moi.
— Si c’est comme ça qu’on fête les succès dans cette famille, faudra pas s’étonner de me voir rester un médiocre dilettante toute ma vie !
Mon père prend un plat au hasard devant lui et me le passe.
— Faut nous excuser, monseigneur, on s’inquiétait pour votre modestie. Ça nous empêche pas d’être fier de toi, Arty. Prends donc quelques champignons, au lieu de te plaindre, je croyais que tu étais pressé. Et raconte à ta petite sœur ce que ça change d’utiliser sa Graine, elle attend ton récit depuis presque un an !
J’acquiesce tout en me servant une énorme assiette, soudain conscient d’à quel point ma journée m’a affamé ; incapable de me retenir une seconde de plus, je commence à m’empiffrer sans attendre les autres, goûtant à peine les aliments que j’engloutis si fort mon corps réclame du carburant.
Personne ne se formalise de mes mauvaises manières, habitués qu’ils sont à mes envies impérieuses et bientôt, tous se goinfrent comme moi, absorbés entièrement, pour quelques minutes, par la tâche vitale de ravitailler leur organisme en énergie.
*
Peu après, je me sens enfin dans de bonnes dispositions pour partager ma journée. J’ouvre la bouche pour entamer mon histoire et la referme sans rien dire. Par où débuter ? J’essaye de retracer en pensées les événements récents qui m’ont le plus marqué : l’Immersion, Iori, le gorille, le forum, Senga, Askeladd, l’angoisse, … Luciole.
Ils vont se moquer de moi mais peu importe.
— Maman, papa … Avant de commencer. Il m’est arrivé une expérience très étrange avec Luciole quand nous nous sommes parlés tout à l’heure, via l’Arbre. Je me demandais si peut-être vous aviez déjà eu vent d’un tel phénomène.
Ma mère met une main devant la bouche de Kaya, qui s’était mise à roucouler.
— Quel phénomène ?
— Quand nous étions connectés, je pouvais lire en elle … Je saisissais les nuances de son humeur sans qu’elle ait besoin de les exprimer verbalement, par un jeu de visions télépathiques. Vous pouvez faire ça, vous aussi ? C’est une fonctionnalité usuelle de la Graine ?
Mes parents échangent un regard perplexe.
Puis mon père s’étonne.
— Je ne savais pas que tu aspirais à devenir un Sceptique, Arty … Pourquoi tu ne nous l’as jamais dit ?
C’est à mon tour d’être surpris.
— Parce que ce n’est absolument pas le cas. Qu’est-ce que tu racontes ?
Un autre échange muet, interrompu cette fois par ma mère.
— Tu n’as pas inventé cette histoire ?
— Mais non. Pourquoi j’aurais fait ça ?
— Tu sais que le statut de Sceptique est une position très convoitée et très difficile à obtenir, n’est-ce-pas ? Beaucoup de jeunes se présentent pour la formation et très peu sont acceptés. Bizarrement, les conditions à remplir pour passer les épreuves d’entrée sont gardées aussi secrètes que possible et ce, dans le but avoué d’empêcher les candidats de se préparer à l’avance. Ce qui, au premier abord, semble complètement contre-productif : pourquoi ne pas donner aux prétendants les plus motivés une chance supplémentaire de rejoindre leurs rangs ? On ne sait pas exactement. Leur organisation n’a jamais donné de réponse claire et les membres élus ne caftent pas. Mais une des hypothèses les plus répandues est celle-ci qu’il faudrait pour être un Sceptique des dons naturels qu’aucune détermination ni aucun entrainement ne permettrait d’imiter. Et la rumeur voudrait que cette capacité inimitable soit précisément celle que tu viens de nous dévoiler. Naturellement, en t’entendant, nous avons cru simplement que tu avais eu vent de tout cela et que tu voulais nous jouer un tour …
Je suis abasourdi. Moi, qui m’étais toujours jaugé d’un point de vue purement intellectuel comme légèrement en deçà de la moyenne : un peu fainéant, un peu dissipé … Je serais un Sceptique en puissance ? Ces types sont considérés, au sein d’une civilisation constituée presque exclusivement de brillants chercheurs, comme de véritables génies ! Il doit y avoir une erreur.
Mon père reprend la parole.
— Tu vois, Arty, tous ceux qui possèdent tes aptitudes décrivent à peu de choses près les mêmes sensations : un courant de pensées, des couleurs, de la chaleur, des images … Et il est formidablement difficile de juger de la véracité des différents témoignages. Si cela venait à se savoir trop facilement, tous les candidats à l’académie des Sceptiques joueraient la comédie et les sélections en deviendraient d’autant plus compliquées. Alors il existe un accord tacite entre les adultes de ne pas en discuter devant leurs enfants afin d’encourager au maximum les révélations spontanées comme la tienne.
— Un accord tacite entre les adultes ? Entre tous les adultes que porte la Terre ? C’est impossible … Il y aurait forcément des fuites, des cas exceptionnels, ou simplement un jeune qui viendrait de l’apprendre comme moi et qui courrait prévenir tous ses copains. Comment puis-je ne pas être au courant d’une rumeur pareille ?
— Ainsi fonctionnent les mythes, Arty. Ils croissent en ilots, en atolls, ou comme une trainée de champignons. Dans certaines parties du monde, tous les jeunes sont au courant et personne n’y croit sérieusement. Dans d’autres, c’est une histoire qui se raconte entre adolescents, au coin d’un feu ou sous une couette, à voix basse, en se tenant les mains, un récit qui ne se transmet qu’entre êtres infiniment chers, d’amoureux à âme sœur, à petit frère, à meilleur ami, à disciple adoré, une fable qui navigue au ralenti, comme un bateau-songe sur un sommeil sans vent, dans l’inconscient collectif ; un rêve que n’osent viser que les plus téméraires ou les plus fous, mais en silence encore. Apparemment, dans cette Cité, pour ta génération, c’est un spectre famélique dont personne ne perçoit seulement les contours. Va comprendre pourquoi. Pour une raison ou pour une autre, la mayonnaise n’a pas pris. À l’inverse, il y a sans doute des contes très répandus ici, qui font partie intégrante de notre folklore et qui sont largement ignorées sur d’autres continents. Nous avons beau être une humanité unie et mélangée, connectée, amalgamée, chaque région conserve certaines spécificités qui lui sont propres.
Ma mère lève son index et vient le poser en travers de ses lèvres et de son nez, un geste que je l’ai toujours vu faire lorsqu’elle estime avoir une contribution intéressante à apporter à la conversation.
— J’ai entendu dire qu’à Ikinokoru, personne ne connaissait « La légende des 100 » !
Je recrache ma dernière bouchée de brocolis.
— Là, maman, tu me fais marcher …
— Non, je t’assure. Une majorité écrasante de la population résidant à Ikinokoru n’en a jamais entendu parler.
— Mais c’est quasiment le texte fondateur de notre civilisation !
— Oui, à Tremble et dans beaucoup d’autres Cités, il est perçu comme tel. Mais pas partout. C’est justement ce que ton père t’expliquait. Le monde est vaste, fils, encore aujourd’hui. Notre société a beau avoir favorisé de manière spectaculaire une certaine forme d’uniformité, les exceptions restent omniprésentes. C’est inévitable, je crois : cela va de pair avec la nature humaine. Un trait, d’ailleurs, dont, personnellement, je nous félicite. Qu’y’a-t-il, Kaya ?
Ma petite sœur s’était mise à geindre depuis quelques secondes et le bruit qu’elle produisait avait atteint un niveau sonore assourdissant.
— C’est quoi « La légende des 100 », à la fin ? Pourquoi tout le monde est au courant sauf moi ?
Mon père se tourne vers moi, avec un grand sourire.
— Tu la connais, Arty ?
— Évidemment.
— Alors vas-y, on t’écoute !
« La légende des 100 ». Comment ça démarre, déjà ? Je me frotte la peau du visage et du crâne avec mes paumes de mains le temps de me rappeler puis, quand les mots me viennent, je prends un air sérieux et plonge mon regard dans celui de Kaya.
— T’es prête ?
— Prête !
Dans ce cas, allons-y.
— La Terre des hommes était mourante. Je dis « des hommes », parce que la planète Terre n’était pas du tout en danger de disparaître, seulement de changer, d’évoluer pour devenir un habitat hostile à notre humaine présence d’abord, mais aussi à une grande partie de la faune et de la flore qui divertissaient de leur existence notre incontestable règne. Je dis « des hommes » parce qu’en dépit de nombreux efforts, l’égalité des genres n’y étaient guère plus qu’une aspiration contestée. Je dis « des hommes » parce qu’alors, la surface du monde, ses formes apparentes, son épaisse peau rocailleuse, était toute entière le domaine réservé de nos ancêtres tant ils étaient nombreux et turbulents : 12,5 milliards d’individus, que rien ou presque ne soudait, pullulaient sans honte sur le dos irrité de Gaïa et transformaient, consommaient, polluaient, toutes les roches, tous les bois, toutes les eaux, toutes les plantes, toutes les sources de vie ou de ce qu’ils considéraient comme de la richesse, sur lesquels ils pouvaient poser leurs mains …
J’ouvre grand mes bras en écarquillant les yeux.
— Et il n’y avait pas sur toute la planète un seul sanctuaire, si minuscule et isolé fut-il, que leur envergure démesurée ne leur permettait d’atteindre. Du fin fond de la Fosse des Mariannes jusqu’au sommet de l’Everest, en passant par les forêts, les déserts, les canyons, les fleuves de tous les continents, les Pôles nord et sud, les grottes souterraines, les îles, les glaciers, les volcans, l’Afrique qui est si vide maintenant, petite sœur … Ils étaient partout, en permanence, à changer, absorber, construire, balancer, contrebalancer, creuser, bâtir, démolir, recomposer, ensevelir, édifier, produire, dévorer ; leur mode de vie presque intégralement tourné vers ce marquage incessant d’un territoire pour la possession duquel ils n’avaient pourtant pas de concurrents suffisamment crédibles, sinon eux-mêmes, pour constituer une quelconque menace.
Kaya, ses deux rangées de quenottes blanches entrouvertes sur une bouchée de cèpes à demi mâchées, est suspendue à mes lèvres. Je me concentre pour ne pas rire de sa mine ahurie.
— La Terre des hommes était mourante et il était difficile de ne pas s’en rendre compte : des tempêtes monstrueuses ravageaient périodiquement les côtes des océans, cependant que sécheresses et inondations épuisaient le sol continental, les immeubles des mégalopoles surpeuplées fondaient progressivement sous les pluies acides tandis que leurs occupants agonisaient à petit feu de diverses dégénérescences internes, les récoltes mûrissaient et pourrissaient à des rythmes imprévisibles, perturbées par le climat violent et versatile, la pollution omniprésente, la radioactivité, les espèces animales disparaissaient les unes après les autres, criblant les écosystèmes de trous en cascades, trop vite pour que l’évolution trouve des remplaçants capables de combler les rôles abandonnés : le fonctionnement de l’organisme tout entier s’altérait, à une vitesse vertigineuse pour un corps de taille astrale.
Je reprends ma respiration et ma petite sœur m’imite, sous l’œil amusé de mes parents.
— Les hommes de cette époque se définissaient par appartenances concentriques. Leurs origines, leurs nationalités, leurs religions, leurs convictions politiques, leurs générations, leurs cultures, leurs centres d’intérêts, leurs amis, leurs familles, leurs couples. Des cercles plus ou moins bien alignés les uns sur les autres qui parfois, rarement, par un hasard heureux, se chevauchaient un peu mais qui, la plupart du temps, étaient surtout la cause de conflits interminables et d’écartèlements insolubles. De fait, tous étaient en guerre permanente, contre les autres et contre eux-mêmes. Les pays, les villes, les quartiers, les résidents d’un même immeuble, les frères et sœurs, les différentes factions, alliances, clans, associations, les confréries, congrégations, communautés, fédérations, les syndicats, les unions, les comités, se livraient une lutte sans merci alternativement économique, dogmatique ou militaire, quand ce n’était pas les trois à la fois, toujours à la recherche d’une mainmise supérieure sur un environnement chaque jour plus vaste. Et pourtant …
Je m’arrête là pour créer un petit effet de suspense, tout spécialement concocté pour Kaya, qui me fait le plaisir de trépigner d’impatience tandis que je mâchonne avec une lenteur calculée mes tomates.
— Pourtant, petite sœur, presque tous faisaient absolument de leur mieux. Comme toi et moi, ils étudiaient dans l’espoir de devenir meilleurs. Comme toi et moi, ils rêvaient de paix et de douceur, de siestes au soleil allongés dans l’herbe, à s’étirer en croquant à pleines dents des prunes rouges juteuses, de longues discussions érudites et plaisantes avec leurs camarades, de joie et d’harmonie. Transportés dans le monde d’aujourd’hui, une immense majorité d’entre eux se seraient intégrés parmi nous sans le moindre remous. Seulement, à être trop serrés, trop comparés, trop pressés, trop chahutés, trop trompés les uns contre, entre, avec, pour et par les autres, ils en avaient perdu l’espoir, l’énergie et le désir de voir les choses aller réellement bien. Rares subsistaient ceux qui parvenaient à garder en vue, à travers le maelström des obstacles et contraintes quotidiennes, le salut de l’espèce et du monde.
Sur la table, tous les plats sont vides, à l’exception de l’assiette de Kaya qui n’a toujours rien avalé depuis le début de mon récit. Ma mère profite d’une petite pause dans ma narration pour rappeler la petite à l’ordre.
— Fillette, au cas où tu ne l’aurais pas encore noté : on ne mange pas avec nos oreilles. Tu as une minute pour finir tes champignons. Sinon je demande à Artyom de s’arrêter de parler jusqu’à la fin du repas et tu ne sauras jamais comment s’achève l’histoire.
Ma sœur opine du bonnet et dévore ses restes sans rouspéter. Mon père va chercher les desserts en cuisine. Puisque tout est sous contrôle, je reprends là où j’en étais.
— C’est dans ce contexte chaotique et désespéré que le Fléau a fait son apparition. De nombreux experts de l’époque prévoyaient depuis longtemps la venue d’un virus grippal qui mettrait à mal l’humanité mais aucun d’entre eux, même parmi les plus pessimistes, n’avait seulement effleuré l’ampleur de la catastrophe qui s’est abattue sur nos ancêtres. Cette maladie était terrifiante à tous points de vue : effroyablement contagieuse, elle tuait en l’espace de quelques jours tout ce qu’elle touchait. À peine infecté, ta peau se mettait à s’effriter sous tes doigts, comme une feuille morte laissée à sécher au soleil, tes dents et tes os se fissuraient au moindre choc, tes organes internes cessaient de fonctionner et l’énergie dépensée par ton corps pour essayer de palier toutes ses déficiences désastreuses consommait à une vitesse ahurissante ta graisse et tes muscles, ne laissant de toi, pour tes derniers instants de vie, qu’un squelette hagard flottant dans les vestiges piteux, en haillons parcheminés, de ton épiderme grisâtre souillé du sang noir qui, à n’en plus finir, s’écoulait de …
— Artyom !
Je cligne des paupières et découvre le visage horrifié de Kaya.
— Oh ! Excusez-moi … Je me suis laissé emporter. Excuse-moi, petite sœur, je ne voulais pas te faire peur. Ce que j’ai dit n’est même pas vrai. En réalité, on ne sait quasiment rien du Fléau, si ce n’est qu’il a tué un nombre incalculable de gens.
Ma mère me fusille du regard.
— Et si tu en venais aux 100 plutôt que d’inventer des symptômes macabres à cet horrible virus ? Je te rappelle que tu es pressé.
— Oui, désolé, je vais faire ça.
Mon père revient avec les bras chargés d’une corbeille de fruits, d’un plat à tartes et d’un moule à gâteaux, tous débordants de mets alléchants.
Il est temps d’en finir.
— Les premières épidémies ont surgi en Centrafrique, quelque part au large de l’Oubangui, dans des régions reculées et pauvres, exsangues d’avoir été trop pillées par les gouvernements locaux et internationaux, frappant des villages dont la population entière mourait avant d’avoir eu le temps de faire venir un médecin pour examiner les premiers malades. Ensuite, le mal s’est répandu au grand galop dans toutes les directions, comme s’il était porté par tout être et toute chose, par le vent, la pluie, les rivières, par les roues des camions et les sandales des nomades, par les animaux, les moustiques, par la mort elle-même, tant les cadavres restaient contagieux une durée interminable. En moins de deux semaines, le Fléau a atteint coup sur coup les trois grandes villes du coin : Nyala, N’Djamena et Bangui ; à ce stade, les africains lui avaient déjà trouvé un sobriquet fatidique : Tîa bêkü, Sans espoir. Persuadés à juste titre de l’impuissance des autorités, les citadins terrorisés se sont enfuis en abandonnant tout, au sein d’une pagaille inimaginable, une mêlée meurtrière, privée de raison et de sens : la mort était déjà parmi eux. À partir de là, notre maîtrise du déroulement des événements perd en acuité. La panique a traversé le monde entier comme une trainée de poudre tandis que des foyers d’infection se révélaient partout et s’épanouissaient sans limite perceptible. Ni la chaleur, ni le froid, ni l’humidité, ni les antibiotiques, ni les vaccins, ni même la quarantaine ne ralentissaient la progression de la maladie. Les pouvoirs en place ont déserté les uns après les autres. Le Fléau n’épargnait pas plus les puissants que les misérables ; tous étaient rendus à leur égalité première par l’imminence inévitable de leur trépas. Certains se sont refermés sur eux-mêmes, essayant de se cacher, dans des bunkers, au milieu de la nature, agressant quiconque s’approchait trop près, quand d’autres se sont ouverts à leurs semblables, profitant de leurs familles, de leurs amis, leur disant ce qu’ils avaient toujours gardé au fond du cœur, ou partant à la rencontre d’inconnus, au mépris des risques, par amour de l’humain … Cela n’a fait aucune différence : tous sont tombés, tôt ou tard. La Terre des hommes était mourante, petite sœur ; personne n’allait survivre.
Dans le silence que je laisse s’installer, je perçois le murmure si familier, si rassurant, des feuilles de peupliers agitées par le vent, une douce brise, en baiser sur leurs limbes, qu’elles accueillent dans un soupir pur de plaisir, une caresse à nos tympans qui vient nous rappeler la sérénité merveilleuse qui habite notre existence actuelle et la chance que nous avons d’être nés si récemment.
— Du moins, c’est ce que tous ont cru durant la Décennie Chaotique. 10 années pendant lesquelles notre espèce résignée s’est contemplée périr, ignorant qu’aux quatre coins du monde les pousses immatures de la renaissance perçaient lentement le béton des gravats à la poursuite d’un ciel à nouveau fécond.
— Les 100 !
— Les 100. Bravo, Kaya ! Des femmes et des hommes de toutes les origines et de tous les âges, de toutes les confessions et de tous les milieux, qui n’avaient en commun que leur amour improbable pour notre espèce défectueuse, une volonté inébranlable et la recherche. Tous n’étaient pas laborantins ou universitaires de formation, la plupart vaquaient à des occupations sans le moindre rapport avec la science dans leur vie précédente mais l’apparition du Fléau les avait aiguillés sur ces rails-ci, ceux de la résistance. Ensemble, sans jamais se rencontrer, profitant du réseau mondial de communication d’un Internet agonisant, ils ont imaginé et conçu une réponse au virus, une modification radicale de notre organisme destinée à nous immuniser définitivement contre ses effets néfastes. Tu devines de quoi je parle ?
— De … La … Graine ?
— 10/10, petite fille. Une vraie championne ! Eh oui, les 100 seraient les inventeurs de l’Arbre ; 100 inconnus notoires, devenus chercheurs de génie par nécessité. Mais la Légende ne s’arrête pas là. Comme tu le sais sans doute, la symbiose avec la Graine ne fonctionne que si celle-ci est injectée au nourrisson pendant le deuxième mois de grossesse de sa mère. Passée cette courte période, l’implant est systématiquement rejeté par notre corps. Il n’y a pas la moindre exception à cette règle. Tu comprends ce que cela signifie ? Les 100 avaient trouvé un moyen de sauver l’espèce humaine de l’extinction mais pas de se sauver eux-mêmes, ni aucun de leurs congénères déjà nés. Là, et dans la suite de leurs actions, réside leur réel héroïsme : bien que se sachant condamnés, ils sont partis sur les chemins prêcher la bonne parole à toutes les femmes qu’ils rencontraient, leur expliquant précisément comment fonctionnait leur invention et quelles en seraient les conséquences pour leur enfant, insistant sur le fait que les parents devraient apprendre le plus de choses possibles à leur rejeton, dès leur naissance, car il finirait vite orphelin, les encourageant à accepter ce sacrifice fatal de rejoindre les communautés, où la maladie se répandait plus rapidement mais où les mômes pourraient au moins compter les uns sur les autres lorsqu’il ne resterait plus qu’eux. Imagine, si tu le peux, la difficulté de leur tâche ; l’incrédulité et l’hostilité qu’ils ont dû affronter. Imagine les abîmes de désespoir desquels ils ont dû s’extirper chaque fois qu’ils remarquaient un ventre trop rond, signe indéniable qu’ils arrivaient trop tard, parfois seulement de quelques semaines, pour protéger le bébé d’une mort certaine. Combien de larmes de rage et d’impuissance ont-ils dû refouler pour mener à bien leur apostolat ? Combien de nuits prostrés en boule sur leur matelas, à s’enfoncer les ongles dans les paumes et les dents dans la pulpe des lèvres pour ne pas hurler de frustration ? Pourtant, ils l’ont fait. Après des débuts d’une difficulté infernale, leur message s’est popularisé et une véritable révolution s’est mise en place. Envers et contre tout, alors qu’ils continuaient à tomber comme des mouches, les survivants se sont rassemblés en-dehors des vieilles villes pour poser les fondations de nos Cités actuelles, aux carrefours de routes secrètes, formant une sorte de réseau alternatif de déplacement, qu’empruntaient à la dérobée des millions d’exilés. Tous fuyaient aveuglément leur pays d’origine, mus par cette fausse certitude qu’il existait forcément un ailleurs où la situation serait moins affreuse. Après quelques mois d’errance indigente, à constater sans cesse que l’horreur régnait partout, peu conservaient leur désir de rester vivants à tout prix. Alors quand ces expatriés tombaient sur l’un de ces nouveaux chantiers, fourmillant d’une activité presque joyeuse, la plupart ne tentaient même pas de résister à l’appel des sirènes. Ils rejoignaient cette foule pestiférée, aberrante de dynamisme, et participaient à la construction d’un avenir qu’aucun d’entre eux ne verrait jamais. C’est ce que nous avons appelé plus tard le Grand Mélange. Aucun voyageur n’était repoussé, aucun membre procréateur de l’espèce laissé pour compte. Les embryons recevaient tous une Graine et à mesure que leurs géniteurs succombaient au Fléau, la moyenne d’âge de la population mondiale rajeunissait à vue d’œil.
Je m’arrête là, hors d’haleine, et pose une pommette sur mes phalanges repliées. Je suis vidé. Sceptique, je ne sais pas, mais, en travaillant mon endurance, j’ai un avenir tout tracé chez les troubadours ! J’attrape une mandarine et la fais tourner sur la table devant moi, pour gagner un peu de temps.
— C’est fini ?
Kaya me jauge, un air méfiant caricatural imprimé sur sa face juvénile.
Je pousse un long soupir.
— Presque. Pour une raison inconnue, après dix ans de frénésie, le Fléau a perdu en virulence. Il tuait toujours tous ceux qu’il infectait, les enfants de la Graine exceptés, mais il semblait moins prompt à sauter sur tout ce qui bougeait. Peut-être était-ce simplement une illusion, due au fait qu’il ne restait plus grand monde à envenimer. Comparés aux millions de décès par jour qu’on comptait au début de la décennie, les quelques macchabés hebdomadaires paraissaient quasiment acceptables, ou normaux … Voire dérisoires. Mais les membres de l’ancienne civilisation avaient beau ne plus mourir qu’un par un, leur extinction totale restait absolument inéluctable. Ceux parmi les 100 qui vivaient toujours s’alarmaient à la perspective de s’éteindre trop tôt : les plus vieux Symbiotes, les représentants du futur de notre espèce, nos arrières-arrières-arrières-grands-parents, n’avaient pas atteint leurs 5 ans, aucun ne s’était Éveillé ; ils étaient bien loin d’être capables de survivre par eux-mêmes et bien plus encore de comprendre jusqu’aux bases des technologies incroyables à leur disposition. Les 100 étaient hantés par l’idée de ne pas pouvoir nous transmettre l’intégralité de leur savoir et leurs craintes se sont révélées fondées. Le dernier d’entre eux a contracté la maladie en l’an 7 du nouveau calendrier ; trois jours plus tard, l’être humain le plus âgé vivant sur Terre avait 9 ans, c’était une jeune fille nommée Aubépine, notre ainée à tous. Elle et les millions d’autres bambins qui, à travers le monde, sortaient tout juste de la prime enfance se sont élevés presque seuls avec, comme unique tuteur, l’appui de l’Arbre, que leurs parents avaient gavé de connaissances et auquel ils se connectaient grâce aux sensilles. Une interminable année supplémentaire s’est écoulée avant la première Éclosion … Mais tout ceci est une autre histoire. La nôtre se conclut avec la disparition du Centième. Voilà, petite sœur, « La légende des 100 ». C’est l’oraison funèbre clamée en l’honneur de ceux qui ont donné aux derniers habitants d’un monde moribond leur première et ultime mission commune, celle d’offrir l’occasion à la génération suivante d’exister, d’abord, puis de dépasser en intelligence, en débrouillardise et en bonté toutes les précédentes.
Là-dessus, j’attrape ma mandarine d’un geste grandiose de conquérant, puis entreprend de l’éplucher, avec toute la concentration qu’exige une affaire de cet ordre.
Mon père me donne une légère tape sur l’épaule.
— Très jolie version, Arty. Détaillée, imagée. Ça t’embête si je l’ajoute aux rayons Mythologie de l’Arbre ?
— Non, bien sûr, je t’en prie. Merci papa. Content que ça t’ait plu.
Je suis flatté.
Ma sœur est moins heureuse.
— Attendez … Il y a d’autres versions ? Ce qu’a dit Artyom n’est pas avéré ?
— Non, ma chérie, c’est une légende, ce n’est pas l’Histoire.
— Mais alors que s’est-il passé, en vrai ?
— On ne sait pas. Artyom a parsemé son récit de tout ce dont nous sommes sûrs : que la Terre devenait lentement inhabitable pour l’homme quand un terrible virus s’est abattu sur l’Afrique, que tous les peuples, toutes les races, sont partis en exode pour s’entremêler au point de gommer complètement les lignes arbitraires qui avaient auparavant une importance, que des Cités nouvelles ont été créées en dehors des anciennes villes qui ont été, elles, laissées à l’abandon et, enfin, que nous sommes les descendants d’une société pensée par des enfants. Cette partie-là est absolument confirmée : en l’an 14 de notre ère, la moyenne d’âge mondiale était de 11 ans. Deux de moins que toi ! Tu imagines ? Tu aurais été une adulte, à l’époque, responsable de la sécurité et du bien-être de toute une tripotée de morveux. Tu crois que tu aurais été capable de t’en tirer ?
Tout en suivant avec intérêt l’échange entre mon père et Kaya, je me goinfre de desserts ; je vais avoir besoin d’énergie ce soir ; la nuit promet d’être longue.
Quand j’estime avoir fait suffisamment de provisions, j’attends une pause dans leur dialogue pour remercier tout le monde et m’éclipser. Ma petite sœur, momentanément à court d’idées de réformes pour le monde imaginaire peuplé de chiards qu’elle dirigerait, m’en donne l’occasion rapidement. Je saute dedans à pieds joints.
— Intervention ! Il faut que j’y aille, moi. Merci pour tout, c’était délicieux. Merci papa, merci maman. Merci Kaya de m’avoir écouté si attentivement. Vous êtes les meilleurs ! Bonne soirée et dormez bien. Je pars à la recherche des mioches perdus. Fin de l’intervention, reprenez là où vous en étiez.
Ayant dit, je me propulse à grandes enjambées hors de la maison, accompagné par les encouragements et rigolardes assurances d’affection de ma famille.
Dehors, j’essaye tout de suite de joindre Senga. La connexion s’établit dans la foulée et une vision s’impose immédiatement à moi : un marécage boueux, bouillonnant d’énergie contenue, dont la surface trompeusement plane est percée çà et là de grosses bulles balourdes qui éclatent au ralenti.
Je décide de ne pas jouer la comédie.
— Vous ne les avez pas trouvés.
Mon ami répond d’une voix préoccupée qui colle parfaitement avec son paysage intérieur, comme s’il commentait les images d’un reportage sur lui-même.
— Non. Comment le sais-tu ?
— Je t’expliquerai plus tard. Où es-tu ?
— Au Champ-de-Mars. Ramène-toi, petit homme, on a besoin de ton aide ici. Je commence à paniquer.
— J’arrive, mec. On va les retrouver, ne t’inquiète pas. Je suis là dans 40 minutes.
— À tout de suite.
J’accélère le pas en direction du mycoport, heureux et impatient malgré les circonstances : c’est la première fois que je vais voir Paris de nuit, la première fois que je serai seul dans ses rues, au milieu des décombres de la gloire ambigüe, violente, archaïque et majestueuse de nos ancêtres, à m’orienter grâce aux vieilles cartes de l’Arbre imparfaitement actualisées par l’équipe d’Okto et j’en éprouve une hâte terrible. Maintenant que j’utilise ma Graine, un univers nouveau s’ouvre à moi, plus libre, moins dangereux, moins solitaire : à tout instant, où que je sois, je suis relié à 400 millions de mes frères et sœurs, tous traversés par la même sève et portés par le même objectif que moi, chacun d’entre eux prêt à venir me porter secours si un malheur m’arrivait.
Partout où je pose le pied, c’est l’humanité entière qui m’accompagne.
Des frissons d’excitation me parcourent l’échine, de mon coccyx à mes cervicales par vagues montantes et descendantes. Ma peau et mes muscles fourmillent d’énergie et mes yeux écarquillés semblent percevoir les choses avec plus de précision que jamais. Je pars à l’aventure !
J’exulte dans l’air du soir ; ma voie est toute tracée. Au diable les Sceptiques ! Comme Iori, comme Shandia, comme Grant avant eux, je vais emmener les miens là où ils ne sont jamais allés ; comme eux, sans la moindre violence, sans la moindre arrogance, sans le moindre désir de possession, je vais conquérir le monde.
*
— Artyom !
L’interjection me cueille en pleine rêverie d’odyssée fantastique, dans un état hétéroclite d’introspection alerte. Foudroyé au cœur de cette absence attentive, je me retrouve à ne sursauter qu’à moitié, si bien que quand Maxwell arrive à ma hauteur, je suis encore bloqué dans une position étrange et ridicule, à mi-chemin entre une posture de combat martial et une autre de terreur de théâtre. Miséricordieux, le biomécanicien en chef de la Champignonnière ne commente pas ma couardise passagère. C’est à peine si je distingue, dans l’obscurité ambiante, un mince sourire narquois soulever d’un rien un coin de sa bouche.
Il me donne une rude accolade, écrasant avec un entrain bonhomme mes épaules entre ses doigts calleux.
— J’ai bien cru que tu ne viendrais pas !
Un peu par nature et un peu par vocation, il parle comme d’autres crient. Sa voix formidable, si forte et si profonde qu’il pourrait assommer un buffle d’un mot bien placé, est la seule que je connaisse qui soit capable de rester audible quand des Spores sont propulsées, par-dessus le bruit assourdissant que produisent leurs organes catapulteurs lorsqu’ils explosent.
Je lui rends son salut en me massant un tympan que j’espère intact.
— Maxwell, vieil ogre ! Tu m’attendais ?
— Et comment ! Tu sais bien que je ne rate jamais l’Allégeance d’un de mes petits.
L’Allégeance ! Ça m’était totalement sorti de la tête !
— Je pensais que tu serais là dès les premières lueurs du jour, étant donné ta soif d’indépendance … Mais non. J’étais sur le point de tout remballer, dis. Tu voulais te faire désirer, mon cochon ?
Je reste silencieux une seconde de trop. Le colosse fait un pas en arrière pour me dévisager et tique devant mon air interdit.
— Ne me dis pas que tu avais oublié ?
Une expression de douleur traverse ses traits et je manque de tomber dans le piège ; avec son regard franc et sa bonne trogne de gentil géant, il aime faire croire qu’il a l’âme pure et délicate d’un simplet alors qu’il est en réalité le plus malicieux des roublards. Je rentre dans son jeu.
— Chef … J’avais complètement zappé !
— Sérieux ?! Même pas une petite intuition du genre : « J’ai la déplaisante impression de négliger un détail ! » à l’heure du goûter ?
— Rien de rien, Max’. Le vide intersidéral.
— Merde …
— Pour te dire la vérité toute entière, je croyais que t’étais mort.
— Non !
— J’te jure.
— Merde …
Maxwell secoue la tête en faisant une grimace dépitée.
— Décidément, l’Éveil, ça te change un homme. Voilà que le petit Artyom se met à faire des blagues …
Après avoir haussé ses larges épaules en signe de capitulation devant la fatalité, il fait demi-tour et s’éloigne de moi.
— Viens, gamin, ta bécane t’attend !
Je lui emboite le pas avec entrain et nous nous enfonçons rapidement dans le capharnaüm labyrinthique qu’est la Champignonnière. À suivre son imposante silhouette de minotaure dans ce dédale en grappes fluorescentes, je me fais l’effet d’un Thésée des temps modernes. Partout autour de nous, du sol jusque loin au-dessus de nos têtes, de larges amas de moisissures globoïdes, allant de la taille d’un poing serré à celle d’un petit éléphant, s’agglutinent les uns sur les autres. Il y en a de toutes sortes, des opaques, des grumeleux, des trapus, des ovales, des marbrés, des spongieux, des flasques et des vaillants mais seules les sphères parfaites, translucides et bioluminescentes caractéristiques des Spores nous intéressent. C’est grâce à leur lumière que nous parvenons à nous orienter dans la pénombre environnante et grâce à leur formidable adaptabilité que je vais pouvoir voler jusqu’à Paris ce soir, avalant les 200 km qui m’en séparent en moins d’une demi-heure. Maxwell donne un léger coup du revers de la main dans la membrane distendue de chacune de celles qu’il dépasse, pour en tester la turgescence ; il maugrée au passage des commentaires fleuris sur leur état.
— Toute mollette, la vilaine. On n’en tirera rien avant plusieurs heures.
— Et celle-là ! Enflée comme les bourses de Papy Hans le jour où il s’était approché trop près de ce petit vicieux de bouquetin. Il faudra que je pense à y mettre un coup de canif.
— Mmh ! Pas loin. Mais j’aime pas trop sa couleur. Je t’ai toujours vu plus bleuâtre, comme gars, nan ? Je me trompe ?
Je me laisse guider par le biomécanicien à travers cette jungle caverneuse aux parois en bulbes végétaux, admiratif de l’extraordinaire créativité décorative dont sait faire preuve la nature. Signe flagrant du nombre inhabituellement élevé de départs récents, le plafond du tunnel, une profusion de champignons arrangés par le hasard virtuose en élégantes figures géométriques, est truffé de larges cavités aux contours visqueux au-delà desquels je distingue, en plissant les yeux, les formes en pointillés des constellations voisines. Tous les trous pointent légèrement vers le nord-ouest, vers l’antique capitale, où a été catapultée tantôt une volée de bénévoles.
Au moment où je m’interroge sur la possibilité qu’il n’y ait plus de Spore disponible pour moi, Maxwell s’immobilise et hurle à pleine puissance.
— JE L’AI !
Derrière nous, j’entends une déflagration assourdissante lui répondre en écho. Sans doute les gonades de son grand-père qui viennent de décoller, excitées par les répercussions sismiques de son cri. Étant donnée l’extrême tumescence qu’on leur avait vue, elles doivent déjà être à mi-chemin de la troposphère. La pensée est cocasse. Mais, par retour de miséricorde, je glisse sur sa mine déconfite et garde pour moi l’idée des testicules de son aïeul propulsés en orbite par le son de sa voix.
— Celle-là ?
Je désigne une boule d’1m50 de diamètre dont la surface est parcourue de reflets cyan aux trajectoires imprévisibles.
— Elle te plait ?
Je pose ma main dessus, la membrane est souple, à un stade idéal pour le court trajet qui m’attend. Au-dessus de la sphère, la Spore elle-même semble elle aussi parfaitement adaptée à ma taille et ma morphologie. Impatient à l’idée de l’essayer, je vais pour sortir une paire de sensilles de ma sacoche mais Maxwell retient mon geste.
— Tu n’as plus besoin de ça, maintenant. Tu n’as qu’à tendre ton esprit vers elle. Si vous êtes compatibles, vous vous reconnaîtrez immédiatement et vous n’aurez plus qu’à vous porter mutuellement Allégeance pour être unis à tout jamais. Tu pourras la faire venir à toi depuis l’autre bout du monde.
J’acquiesce distraitement, déjà absorbé dans ma tentative de repérer la présence de cette Spore parmi les racines de l’Arbre. À peine ai-je fermé les yeux qu’elle est devant moi ; je reconnais ses couleurs, ce sont les miennes. L’Allégeance a déjà eu lieu. Nous voilà amarrés. Un nom s’impose à ma conscience : Foam. Je lui transmets le mien, bien que ce soit sans doute aussi inutile qu’envoyer un message embouteillé dans le vide intersidéral ; les Spores ne sont pas intrinsèquement douées d’intelligence. Cependant, en rejoignant la symbiose originelle qui nous lie à nos Graines, elles s’animent d’une vie embryonnaire, d’un mouvement intérieur aussi indéniable que mystérieux. On sait par exemple qu’elles absorbent les rêveries de leurs passagers et qu’elles les ressassent interminablement, sous la forme de réactions chimiques d’une complexité invraisemblable, tout au long de leurs cycles de renaissance perpétuelle. Mais pour en faire quoi ? Rien, à première vue, sinon des vagues de poésie et d’imaginaire qu’elles hébergent par intermittence dans leur sensible chair sous la forme de reflets mouvants. Conrad, un ami de mon père, a fait de leur étude sa spécialité, au point d’être capable de déduire le caractère d’un homme aux dessins qui courent sur l’enveloppe de sa Spore.
Maxwell me touche l’épaule.
— Alors ? C’est fait ?
— Oui, c’est incroyable !
L’évidence immédiate de ce nouveau lien, pourtant si fort, qui m’attache aussi bien aux miens qu’à tout l’écosystème qui nous entoure, et à la Terre aussi, est bouleversante. Foam est venue s’arrimer à mon esprit comme la pièce manquante d’un puzzle, dans une adéquation irréprochable. Je la sens au fond de moi sous la forme d’une présence discrète mais attentive dont l’unique désir est de me simplifier la vie.
Je me tourne vers Maxwell.
— C’est toujours aussi f…ort ?
Je trébuche sur le dernier mot, médusé d’entendre des sanglots dans ma propre voix. Le biomécanicien me regarde avec tendresse, les yeux pétillants de joie.
— Non, gamin. En général, ce n’est qu’une petite répercussion du séisme qu’est l’Éclosion … Mais tu as une histoire particulière. Tu as pris presque un an pour t’Éveiller complètement. Parce que tu refusais de t’en servir, ta Graine n’en était pas moins là, à te soutenir de toutes ses forces dans ta volonté d’être toi. C’est là leur principale fonction : faire de nous les êtres les plus différents les uns des autres que possible. Ton acte de résistance contre les pratiques habituelles a paradoxalement fait de toi un symbole parfait de notre société, l’archétype distingué ; un artiste, quoi.
— Un artiste, moi ?
— Tu ne crois pas ?
— Mais je n’ai jamais rien créé …
Maxwell fait une grimace.
— Le matériel a moins d’importance qu’auparavant, gamin. L’art florissant de notre ère, c’est l’individualité ! D’ailleurs, tu as été assez retenu comme ça par le vieillard ankylosé que je suis. Il est grand temps que tu reprennes ton chemin. Je te rappelle que tu es pressé.
Les Spores en attente sont constituées de deux parties : le propulseur et le projectile, la Sphère et la Tête. La Tête est éjectée dans les airs lorsque la Sphère explose. Les débris de cette dernière serviront de fertilisant pour les Spores suivantes, dans les mycoports ou aux relais de rebonds les plus fréquentés. La Tête, qui tient lieu de cabine de pilotage, est composée d’un dense tapis de mousse qu’entoure une vacuole dont les deux membranes plasmiques, déjà elles-mêmes extraordinairement robustes et élastiques, sont séparées par une couche d’un épais liquide lipidique capable d’absorber tous les chocs. L’ensemble est capable de changer de forme d’une simple instruction de son occupant, afin de mieux pénétrer dans l’air, de planer plus longtemps, ou encore d’atterrir le plus confortablement possible.
Selon la fertilité du terrain où elle atterrit, il faut entre 4 et 24 heures à une Tête pour reconstituer une Sphère et lui faire atteindre son degré maximal de turgescence, grâce auquel elle peut parcourir jusqu’à 3000 kilomètres en un seul bond. Ernesto Nniebla, reconnu pour ses recherches sur le sujet, a confié à l’Arbre avant de mourir un reportage passionnant au cours duquel il montre comment il a réussi à faire le tour du monde en 5 jours à l’aide de ce moyen de transport.
De sa main droite, Maxwell saisit un ensemble robuste de filaments qui font un genre de barbichette à Foam et tire vers le bas pour attirer sa Tête jusqu’à moi.
— Grimpe donc, Artyom, elle est calibrée au poil pour Paris.
Je prends appui sur un champignon solide et préviens Foam que je vais entrer en elle. Une fine ouverture apparaît dans son enveloppe et je me faufile à l’intérieur. Alors que je m’installe sur le tapis moussu et qu’il épouse les formes de mon corps, la cicatrice de mon passage s’estompe déjà, réparée par les bactéries hyperactives de la Spore. Plus que jamais, tandis que le végétal s’arrange autour de moi de façon à me protéger du monde extérieur, le rituel me fait songer à un retour dans le ventre maternel.
Maxwell tapote à la surface de mon cocon.
— Prêt au départ ?
— Prêt.
— Alors c’est quand tu veux.
Avant de donner les instructions, je joins mes mains devant mon visage, dans le geste de prière qu’adressaient les anciens bouddhistes à leur dieu.
— Merci beaucoup, Max ! Merci de m’avoir attendu et de m’avoir présenté Foam.
Le biomécanicien rugit.
— FOAM ! Tu lui as déjà trouvé un nom. Fouchtra, t’es un rapide, toi ! De rien, Artyom, merci à toi, c’était une magnifique Allégeance. J’aurais raté ça pour rien au monde.
Il met une grande claque sur ma Sphère, comme il aurait pu le faire sur le cul d’une jument.
— Allez ! Du vent, gamin !
Je donne le signal à ma Graine, qui le relaie à Foam, qui explose et me propulse dans les ténèbres.
Merci pour la réponse à mon précédent commentaire ça a été un plaisir de lire les premiers chapitres que j' ai dévoré les deux derniers et c est la troisième fois que j' écris ce message car j' ai fais des fausses manip, oups j' espère que ça va fonctionner cette fois.
Contente d avoir suivi les aventures d Arty et sa bande, fait parti de leur monde partagé leurs fous rires leurs questionnements.
J' aime beaucoup ta façon d'écrire, les personnages sont vraiment vivants ont ressens bien les différentes relations, l'interactions ,la complicité qu il y a entre certains personnages ( Arty et Senga,Arty et Kaya....) les émotions qu ils ressentent ( Arty et Luciole....),et impressionnant ce virus....
Et je me serai bien incrustée à leur table, il avait l air trop bon leur repas d'ailleurs ça m'a donné faim.
Du coup la sortie du roman est prévue pour quand? car j' ai hâte de connaître la suite des aventures d Arty, Luciole, Senga Kaya et les autres, de savoir ce qu il est arrivé à Mélissa et Chris?
J aime bien aussi ton travail de photographe tout comme celui de ta compagne Vanyda( fan depuis le tome 1 de l immeuble d en face, et j' adore la série un petit goût de noisette) c est d ailleurs grâce à elle que j'ai découvert ton travail.
Bonne soirée 🌠 en famille.
C'est bien Julie ?
Merci d'avoir tout lu et d'avoir aimé, ça fait plaisir ^^
Ravi que l'univers te plaise à ce point.
Moi aussi, j'aime le boulot de Van :)
Aucune idée pour la sortie du roman. J'attends les réponses des éditeurs ... ^^ je vous tiendrai au courant :)
Bonne soirée à toi !
Oui c est ça c est Julie.
Contente que tu ai apprécié mon commentaire 😁.
Ahahah va falloir que je patiente alors pour la suite, en tout cas c est chouette de lire un livre qui n'est pas encore sorti (c est le lire en avant première), mais ça ne saurait tarder je pense 😁.
Ok j attends des nouvelles, j espère que ça marchera avec les editeurs de toutes façons je penses que tu en parleras sur Instagram ou Facebook 😁. Alors bonne continuation pour la suite et merci pour les moments d évasions aussi bien à travers ton livre que tes photos 😁.
Bonne journée.