CHAPITRE 7

Par Smi

« Dois-je demander à ton avocat la permission de passer un week-end avec mes enfants »

 

Martial attaquait fort dès ce samedi matin. Il était évident que Catherine avait eu la réponse de son avocat par sms avant même qu’il ait quitté l’étude la veille au soir. Il était inutile de revenir sur le sujet. Mieux valait prendre les choses avec dérision et faire profil bas.

« Mais tu fais comme bon te semble mon chéri, tu me dis simplement ou tu comptes les amener »

Manifestement Catherine allait se placer sur le même terrain que son mari. Même si elle se voulait ironique, sa réponse n’en était pas moins sarcastique ; elle avait gagné la partie et comptait bien en profiter.

Trente minutes plus tard, les valises chargées au fond du coffre et les enfants ceinturés à l’arrière, le monospace passait le portail de la propriété, non sans une certaine nervosité affichée par son conducteur.

Martial avait réservé un Airbnb dans une somptueuse demeure ; le GPS affichait « arrivée Dune du Pilat dans 55 minutes »

Il lui fallait réfléchir aux évènements des 48 heures qui venaient de s’écouler. En  moins de deux jours, il se retrouvait sans toit et minoritaire dans son affaire. Il devrait à l’avenir  demander à son ex épouse de valider sa rémunération et pourquoi pas ses frais de déplacements.

L’idée d’avoir à se justifier pour avoir pris un repas à la carte au lieu du plat du jour le fit sourire. A l’avenir, il devrait peut être choisir entre fromage ou dessert sous peine de ne pas être remboursé. Il était dans une situation délicate, qu’il n’avait pas souhaitée et qui tournerait tôt ou tard  à son désavantage.

Il lui fallait dès à présent resserrer les liens avec ces enfants ; il n’était pas dans son tempérament de rendre coup pour coup ni de dénigrer l’attitude de Catherine dans le divorce. Il prenait sur lui. Il n’avait pas su gérer le quotidien de deux êtres qui avancent dans la vie et ne voient pas que les divergences du jour feront les différences de demain.

Il avait laissé partir à vau-l’eau leurs envies respectives, leurs attentes l’un de l’autre, pensant que les choses étaient acquises, sans se rendre compte de leurs insatisfactions respectives. Le temps avait passé, les mois, les années  s’étaient écoulés inexorablement dans un confort matériel qui avait masqué leurs désillusions.

Il avait toujours  été sincère avec Catherine et elle avait toujours été bienveillante avec lui. Respectueux de leurs engagements, ils avaient construit leur couple sur des bases solides. Courageux face aux péripéties de la vie et vaillant autant l’un que l’autre, ils avaient beaucoup misé sur leurs avenirs professionnels.

Mais la complicité des débuts n’était qu’un lointain souvenir et il fallait se rendre à l’évidence que leurs routes allaient se séparer maintenant.

Robin allait sur ses dix huit ans et Justine, sa sœur cadette venait d’avoir  16 ans. Le garçon lui rappelait sa jeunesse fougueuse par son activité physique et son caractère de touche à tout. Le père et le fils avaient été très complices dans leurs activités sportives même si leurs caractères les poussaient à se mettre en compétition dès que l’occasion leur en était donnée.

Mais depuis quelques années Martial avait cessé toute activité physique et qui plus est à l’approche de la cinquantaine il commençait à ressentir une certaine lassitude.

Avec Justine, c’était plus facile car la jeune fille était beaucoup plus douce, plus attachée à la beauté artistique qu’à la performance. Elle était en quelque sorte ce qu’il aurait voulu être, plus attentif aux autres.  Si Martial avait dû parier sur sa progéniture pour prendre la suite de son cabinet d’architecte, c’est sans aucun doute sur elle qu’il aurait misé.

Elle avait toujours la bonne vision des choses lorsqu’elle se prêtait au jeu de donner son avis à son père sur ses esquisses. Même à l’état de maquette, elle arrivait à s’imaginer dans le projet immobilier et à ressentir les volumes, la lumière, les matériaux. Elle donnait son appréciation comme si elle avait déjà vécu de l’intérieur.

Martial avait décidé de faire quelques marches actives dans les alentours de la dune de Pilat, les jeunes espérant sans mot dire mettre à mal le quadragénaire. Ils avaient déposé leurs affaires dès leur destination atteinte à Pyla sur Mer, station balnéaire à l’entrée du bassin d’Arcachon.

Ce n’était pas une coïncidence si leur point de chute était non loin de l'artère principale, le boulevard de l'Océan, bordée de belles villas en front de mer, dont la plus célèbre "Téthys" était classée aux Monuments Historiques.

Martial pouvait ainsi se rapprocher des œuvres du célèbre architecte Roger-Henri Expert  qui s’était associé au siècle dernier pour créer un cabinet s’adressant à une riche clientèle. C’était en quelque sorte sa référence et il se surprenait à rêver parfois qu’il emprunterait la même voie.

Au dernier moment, ils avaient téléchargé le tracé d’une ballade à pied qui portait comme référence « Petit Nice, Dune de Pilat » un nom féérique pour un tracé présentant de belle vues sur la réserve naturelle du Banc d’Arguin et du Cap Ferret.

A n’en pas douter, ils étaient dans la carte postale !

Chacun afficha une sérénité parfaite face à l’effort durant la première heure. Les visages ne trahissaient aucune souffrance et le mental ne semblait pas en pâtir à entendre les blagues qui fusaient de toute part.

Avec la déclivité du parcours virent les premières grimaces et Martial  fut le premier à réclamer des pauses de plus en plus fréquentes. Il profitait de ces temps d’arrêt pour engager la conversation tantôt avec Robin tantôt avec Justine. En même temps, il se faisait la remarque que son corps n’avait plus vingt ans.

Il se rendit compte que les enfants étaient beaucoup moins affectés par la séparation de leurs parents que ce qu’il aurait imaginé. L’un et l’autre avaient vécu des jours heureux en famille et, à l’aune de leur majorité ils se sentaient prêts pour ce changement dans leur vie.

Froidement, Robin avait affiché sur l’écran de son Smartphone les dernières statistiques connues en France sur le divorce. Environ 130 000 divorces pour 230000 mariage soit plus de un sur deux avait-il annoncé.

« Tu vois, on avait une chance sur deux d’avoir des parents qui reste mariés et un risque sur deux qu’ils divorcent. On gagne à tous les coup !»

Finalement, c’était peut être bien ainsi, que la génération 2.0 prenne les choses avec autant de désinvolture. Cette séparation n’avait pas l’air d’émouvoir sa progéniture plus que s’il leur avait annoncé qu’il changeait de voiture ou de métier.

C’était le moment de leur faire part de ses projets personnels et d’obtenir leurs assentiments, du moins de ne pas les braquer vis-à-vis de lui ou de leur mère. Martial savait désormais que le fil avec ses deux enfants ne serait pas rompu malgré le divorce et c’est juste ce qui lui importait à ce moment de sa vie.

Pour tout le reste il savait qu’il allait prendre deux décisions déterminantes dans sa vie . La première : se remettre au sport !

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