Chapitre 7

Notes de l’auteur : Des mois et des mois que je ne savais pas comment tourner ça... C'est finalement sorti (merci le nano) mais je ne suis quand même pas hyper satisfaite... Bref, bonne lecture !

Anaëlle et lui étaient attablés devant l'éternelle bouillie que servait toutes les auberges de l'empire, où qu'elles se trouvent. Une constante qu'il était appréciable de retrouver : au moins, on savait ce qu'on allait manger le soir. Une autre constante, surtout en cette période de mariage ducal, était la présence de musiciens jouant un air en guise de paiement pour leur repas. Ceux de cette soirée devait venir de l'Est, au vu de leur répertoire.

Pour en revenir à Anaëlle, elle avait été étrange toute l'après-midi. Et à peine arrivée, elle s'était enfermée dans la pièce qu'ils partageaient pour prendre un bain, le laissant s'occuper de tout le reste. Désormais, elle jouait avec sa bouillie, traçant des cercles à la cuillère sans rien manger.

— Il y a quelque chose qui ne va pas ? S'enquit-il après cinq minutes de ce traitement.

Elle sursauta violemment et jeta un regard à la ronde comme si elle s'attendait à être attaquée.

— Non, heu... suis fatiguée, je crois...

— Alors mange et va te coucher, lui conseilla-t-il, se donnant l'impression d'être une mère s'occupant de son petit.

Elle hocha la tête et prit courageusement une bouchée de nourriture. Puis une autre. Elle allait entamer la troisième quand la porte s'ouvrit et que quelqu'un s'exclama :

— Que personne ne bouge ! Où est le responsable de cet établissement ?

Les clients se figèrent.

— C'est... c'est moi. Pourquoi faire ?

Un petit homme sec s'avança vers les nouveaux venus.

— Caporal Nilsen, monsieur, se présenta l'arrivant. De la garde impériale. On nous a signalé une bande de malfaiteurs dans le coin, on a reçu l'ordre de vérifier tous les endroits possibles où ils auraient pu se réfugier.

Le caporal sortit de sa poche une flopée de documents à l'air officiel.

— C'est bon, c'est bon, bougonna l'aubergiste. Faites votre boulot.

Le groupe de soldats investit la salle. Deux d'entre eux restèrent à surveiller les clients tétanisés pendant que le reste montait fouiller les chambres.

Suivit un fracas de bottes, de portes qui claquent, et d'éclats de voix indéfinissables. À un moment, l'un des gardes descendit réclamer une information au patron, qui remonta avec lui. Dimitri se faisait-il des idées, ou bien il les avait désignés au passage ? Mais pourquoi eux ? Ils n'avaient rien fait !

Il se rendit compte qu'il se rongeait les ongles quand une vive douleur le détourna un moment de ses pensées. Il avait tiré trop fort et maintenant il saignait.

Tient, voilà les soldats qui redescendaient... Ils allaient pouvoir s'excuser de la gêne et disparaître dans la nuit à la recherche d'autres voyageurs à persécuter.

Malheureusement pour Dimitri, ses rêves ne se réalisèrent pas.

— Bonsoir ! Vos noms, prénoms, lieux de résidence et raisons du voyage, s'il-vous-plaît ?

La soldate prononça le tout d'un ton ennuyé au possible ; il se demanda combien de passants ils avaient interrogés ce jour-là.

— Dimitri Makovsky, messager des comtes de Gadaxan. (Il lui montra son insigne, puis désigna Anaëlle.) Je l'accompagne chez les Ducs des Sables.

— Vous l'accompagnez ? releva la femme, soudain plus alerte.

— Oui. Elle, heu.... (Il hésita sur la manière dont il devait le présenter.)

— J'ai été offerte à la Duchesse, expliqua simplement l’intéressée. Pour son mariage.

La garde fit une drôle de tête.

— J'ai tous les papiers avec mes affaires dans la chambre, compléta le messager.

— Montrez-moi ça.

Elle l'accompagna à l'étage. La pièce qu'ils occupaient avait été retournée ; les flacons d'Anaëlle s'étalaient en désordre sur son lit et on avait sorti les lettres de sa besace. Cependant, le sceau de Gadaxan n'avait pas été brisé : on ne les avait donc pas lues. Ou alors, ils étaient doués pour l'espionnage.

Il trouva son ordre de mission dans le paquet et le donna à la soldate. Elle le parcourut rapidement avant de lui rendre.

— Ça me semble en ordre. Mais quand même, c'est le cadeau de mariage le plus étrange dont j'ai entendu parler. Une parfumeuse !

— J'imagine que ça peut être utile, répondit prudemment le messager. Dites, il va y avoir encore plus de passage avec ce mariage, non ?

— M'en parlez pas ! Notre bataillon est en patrouille juste pour sécuriser la zone pour laisser passer les invités et les marchands.

— Sécuriser la zone ? répéta Dimitri en fermant la porte derrière lui.

— Vous connaissez pas l'histoire ? S'étonna-t-elle. Y a eu une attaque y a un mois au niveau du passage du Tener. Une bande d'esclaves en fuite est tombée sur un convoi de fer et ils ont dû se dire qu'ils allaient pouvoir le revendre facilement. On les a chopés une semaine plus tard avec leur vol et on les a pendus à Sabienna. Ils ont dit qu'ils appartenaient à une sorte de rébellion.

— Ah oui, on m'en avait parlé.

— En tout cas, si vous voulez mon avis, ils vont pas se pointer à nouveau, pas pendant la noce, assura-t-elle. (Elle salua un collègue suivant un marchand. Dimitri crut entendre parler de frais de douanes mal réglés.) Le Duc a sa propre garde et ce sont pas des rigolos. Plus le détachement du palais, et les soldats privés, et tout et tout. Vous avez pas à vous en faire pour votre patronne. Elle vient, non ?

— Évidemment. C'est la sœur du marié.

— Elle aurait pas pu emmener son elfe avec elle, dans ce cas ? Ç’aurait été plus prudent, non ?

— Que voulez-vous qu'il lui arrive ? répliqua Dimitri sèchement. Je fais mon travail correctement.

— Oh, pardon ! C'est pas ce que je voulais dire ! se récria la soldate rougissante.

Ils étaient de retour dans la salle. Les autres voyageurs avaient repris leurs occupations et on ne faisait pas attention à eux.

— Ce sera bon, merci monsieur. Si jamais vous entendez parler de quoi que ce soit, n'hésitez pas à nous le signaler, nous ferons le nécessaire !

— Merci et bonne soirée !

Il rejoignit sa place, en face d'Anaëlle qui eut un coup d’œil curieux pour lui.

— Je t'expliquerai.

Enfin, il lui expliquerait une version qui n'incluait pas d'esclaves en fuite ou de réseau rebelle. Il était quasiment certain que si ni Nelia ni la garde n'en avaient parlé devant elle, c'était qu'il y avait une raison.

Finalement, le troupeau de soldats quitta l'auberge. L'ambiance se détendit immédiatement ; les musiciens entamèrent une chanson rapide et quelques clients se mirent à danser.

— Bon, je vais me coucher, annonça Anaëlle. Bonne nuit.

— J'y vais aussi. (Il revit soudain l'étalage de flacons.) Au fait, ils ont fouillé tes affaires aussi.

Elle s'immobilisa.

— Ils ont touché mes produits ?

— Je crois bien. C'est tout en plan sur le couvre-lit.

Elle jura entre ses dents et se détourna pour grimper les escaliers à toute allure. Intrigué, il la suivit. Qu'est-ce qu'elle transportait de si important pour provoquer cette réaction ?

Il le retrouva agenouillée devant son lit, manipulant avec précaution de fines bandelettes.

— À quoi est-ce que ça sert ?

Elle sursauta et se retourna.

— Ce sont des bandes pour associer les parfums, expliqua-t-elle. Je mets le parfum que je veux tester, et je peux l'associer avec d'autres bandes parfumées à autre chose pour voir ce que ça donne. (Elle les rangea dans un pochon.) Vous m'expliquez pourquoi ils ont jugé utile de retourner toute la pièce comme si je cachais de l'alcool de contrebande à la place de l'extrait de rose ?

— Sécurisation pour le mariage. Il y a eu une attaque il y a un mois.

— Une attaque ? De qui ?

— De quoi, plutôt. Un convoi de minerai en provenance des montagnes. On a attrapé les coupables. Ils se planquaient aux Sables.

— C'est stupide, jugea-t-elle en se redressant. Je veux dire, s'ils veulent du minerai, ils peuvent toujours aller le chercher à la source. Pas besoin de se mettre en danger pour ça. Et puis, qui reste dans le coin où il a commis son vol ? Leur premier réflexe ç'aurait dû être de filer sur une autre île, non ?

Cet esprit pratique se révélait surprenant. Il lui adressa un regard étrange. Elle s'en rendit compte et baissa la tête, faussement passionnée par le reste de son bazar à ranger.

— Je disais ça comme ça, hein.

— Évidemment. D'ailleurs, si tu avais voulu m'assassiner, tu aurais pu le faire ce midi à la pause, pour balancer le cadavre dans le Tener.

Elle ricana. Il jugea bon de changer de sujet.

— Je ne pensais pas que tu promenais autant de choses. La comtesse se parfume toujours de la même manière, non ?

Du moins, il n'avait jamais noté de différence notable entre deux visites.

— Il y a pas que des parfums que je sais faire. (Elle cachait mal sa fierté.) J'ai de quoi fabriquer des huiles pour soigner ses cheveux, et empêcher les rides, et assombrir le regard...

— D'accord, d'accord, coupa précipitamment Dimitri, peu enclin à subit toute une liste d'artifices féminins.

Déesse merci, il n'était pas une femme, et celles qu'il connaissait n'utiliseraient jamais quoi que ce soit pour assombrir leur regard... Comment était-ce possible, au fait ? Anaëlle eut une moue de dédain, comme si elle prenait personnellement cette attaque à la coquetterie. Elle semblait attachée à son travail, réalisa-t-il. Les flacons odorants, c'était son univers, autant que lui et les chevaux. Il se surprit à espérer qu'elle puisse conserver cela chez les Ducs des Sables.

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Xendor
Posté le 31/10/2020
Coucou Claire ! C'est vraiment bizarre cette affaire d'esclaves qui se sont rebellés. D'ailleurs, je n'ai pas non plus compris pourquoi les deux ont été balancés. Enfin, Dimitri a sauvé le truc mais quand même, il y a un truc qui cloche. J'ai de plus en plus l'impression que notre ami de l'interlude à quelque chose à voir avec tout cela. D'ailleurs, je rejoins Dimitri pour dire qu'Anaëlle a de la suite dans les idées. Enfin, on verra bien :)
ClaireDeLune
Posté le 20/10/2022
C'est une maline, il faut bien ça dans sa situation !
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