Chapitre 7 : H. Italique

 

Chapitre 7 : La sorcière du puits

 

Évangile de Dédale, chant numéro 8, verset 4

 

« ' Iilaaha dit à Dédale :

« La vie des femmes et des hommes doit être réglée avec attention.

Les enfants grandiront ensemble sans différence de sexe dans de grandes habitations où des hommes de garderie s’occuperont d’eux. Ils pourront recevoir les visites de leur mère et même recevoir des cours particuliers si celles-ci le désirent.

À partir de six ans, les enfants seront divisés et recevront des apprentissages différents : les garçons apprendront le tissage, le modelage, la couture, le laboure, la traite, la tonte du bétail et la cueillette de l’algue shifa ; les filles apprendront l’escrime, la lecture, l'écriture, l’histoire, la navigation, la politique et les mathématiques. Les cours de cuisine et d’hygiène seront effectués en commun.

À l’apparition de leurs premières menstrues, les filles seront considérées femmes et quitteront la maison de l’enfance. Elles choisiront un métier, rentreront en apprentissage chez une tutrice chez qui elles vivront jusqu’à atteindre l’indépendance.

À leurs quatorze ans, les garçons passeront le rite de passage de l’enfance à l’état d’homme. Ils seront choisis par une femme qui se chargera de les initier au rite de l’amour avant que celle-ci ne soumette à Dédale un projet d’avenir adapté. Cette proposition doit être faite avec bienveillance, de façon à s’adapter aux aspirations et aux capacités du jeune garçon et pour servir au mieux la communauté.

Les garçons incapables de mener à bien leur obligation charnelle rejoindront la caste des impuissants qui se charge de la culture et de la cueillette de l’algue shifa et resteront à l’écart des affaires érotiques de la cité. Ils seront sous la tutelle de Portail le reste de leur vie.

Une fois indépendants, les hommes et les femmes vivront séparés ; les femmes dans des maisons indépendantes et les hommes de préférence en communauté. Ils pourront se fréquenter au temple, puis dans des lieux plus profanes : au marché l’après-midi et le soir dans les auberges de plaisir prévues à cet effet. Il sera mal vu de fréquenter une personne exclusive, comme de ne pas participer à ces rassemblements sociaux. »

*

À l’intérieur du temple de la Vie, les visiteurs étaient nombreux et bruyants comme une nuée de moucherons. Lactae espérait pouvoir accéder aux archives immédiatement, mais pour cela, elle avait besoin de la signature de Dédale... et Dédale était en train de présider un procès. La petite mère de la naissance s’approcha, s’appuya à l’une des énormes colonnes pour observer la scène et son nez se plissa, dérangé par les effluves de myrrhe et de sang.

Le matin même, on avait sacrifié une chèvre prégnante, symbole de fortilité, et son corps reposait encore sur l’autel situé derrière Dédale, entouré de vins sucrés et de plats de dattes. La grande mère était installée sur son trône d’ajoncs tressés, encadrée des squelettes agenouillés de deux gnous, et impassible sous son masque, elle ne faisait rien pour calmer la foule frémissante de haine dont Lactae sentait le désir de mort palpiter. Elle remarqua la Capitaine de la garde, Murène, debout près de l’estrade, ainsi que deux silhouettes installées un peu à l’écart. Elle reconnut Gaspard et Balthazar, qui fixaient l’accusé, assis sur une chaise, lourdement menotté et le visage serré dans un sac.

— Après avoir quitté son dortoir, l’accusé a remonté vers le nord de la ville en évitant l’artère principale, puis s’est introduit pas la fenêtre de sa victime, avant d’essayer de la violenter, afin de répéter le pêché primitif que l’homme a perpétré à l’encontre de la femme.

L’assistance frémit de plaisir et d’indignation pendant que Dédale continuait :

— Heureusement, notre sœur s’est réveillée à temps pour mettre fin à ses agissements et le faire prendre par la garde.

Lactae écouta la fin du procès avec attention, les lèvres pincées, mais ne fit rien quand la foule, hommes et femmes confondus, se précipita sur le prisonnier, après que Dédale eut rendu son jugement selon les grands principes. Alors que l’homme était emmené dans la cour du fort où il serait lapidé, Dédale ôta tranquillement son masque pour le confier à l’une des esclaves pâles du temple, puis remarqua Lactae et la rejoignit en s'appuyant sur sa béquille :

— Une bien triste affaire en vérité… C’est dans des moments comme ceux-ci que l’on reconnaît la grande sagesse d’Iilaaha. Comment pourrait-on confier des responsabilités à des êtres qui se laissent dominer par leur désir sexuel ?

L’am saghira de la naissance remarqua que Balthazar et Gaspard n’avaient pas suivi la foule et avaient les yeux braqués sur elles. Dédale avait parlé juste assez fort pour qu’ils puissent entendre.

— Etes-vous certaine qu’il soit vraiment coupable ?

— Que veux-tu dire ?

— Je ne sais pas, avons-nous des témoignages autres que celui de la victime ? C’est le troisième homme qui tente de s’en prendre à elle et finit ainsi. Je ne dis pas qu’il n’est pas coupable, mais il arrive que certaines femmes soient plus exclusives qu’il n’est raisonnable et puissent mentir pour se venger d’un amant qui se détourne et en préfèrent une autre. Les hommes sont des êtres frustes et facilement manipulables, il est aussi de notre devoir de protéger leur candeur. Cependant, je me doute que lors de votre jugement, vous aviez déjà pris en considération tout cela.

Dédale se mit à glousser et prit Lactae par le bras :

— Ma chère, tu es si profondément vertueuse...

Lactae eut très envie de se dégager, mais se contint et indiqua d’un geste de la main le jeune garçon et l’adulte qui attendaient.

— Je crois qu’ils étaient là avant moi, et je n’ai besoin que d’une autorisation pour accéder aux dossiers de Lulla et aux archives.

L’amy kabira de la vie haussa les épaules :

— Ils attendront, l’assassinat de Lulla est prioritaire. Suis-moi, ses affaires sont déjà aux archives, vu qu’on a libéré son espace pour sa remplaçante.

La grande mère entraîna Lactae dans des couloirs qui menaient à une antique bibliothèque qui n’avait rien de la majesté de la salle principale : les étagères de bois se courbaient sous le poids de vieux manuscrits et de rouleaux de parchemin jauni. Lactae les parcourut des yeux ; il n’y avait pas une seule fiction dans cette pièce, uniquement des livres de comptes, des rapports de mission, des généalogies, des inventaires de rapines...

— Les affaires de Lulla sont ici.

Dédale décrocha une des torches du mur et alluma deux chandelles sur un petit bureau où s’entassait une belle pile de registres. Lactae lut les inscriptions gravées sur les tranches et fronça les sourcils :

— Il n’y a que ça ?

— Oui, ce sont les inventaires complets de ce que nous avons emmené comme richesses quand nous avons débarqué sur cette île, tout ce que nous avions accumulé sur le continent, plus le résultat de nos premières rapines.

— Et pourquoi Lulla avait-elle besoin de ça ?

Dédale posa une fesse sur le bureau et hésita :

— Lulla était à la recherche de quelque chose.

— Une carte.

Les yeux de l’amy kabira se plissèrent et les flammes des chandelles firent briller les piécettes d'or qui ornaient ses cheveux tressés.

— Hé bien, hé bien, je vois que tu es déjà au courant. Les nouvelles vont vite, on dirait.

— Pensait-elle retrouver la trace de cette carte au milieu de ces registres ?

— La carte que recherchait Lulla a été confiée par l’apôtre Portail elle-même à l’apôtre Dédale, et cela au moment où elle a définitivement disparue ; c’est-à-dire au moment où notre peuple, affaibli par les Euphrates, a été vaincu par les Sombres, est entré en exode vers la Grèce, puis a traversé la mer.

Lactae resta muette. Une carte offerte par Portail ? Parlait-on toujours de la carte que cherchait Lù ? Elle avait dit qu’il s’agissait de quelqu’un de sa famille… Dans ce cas, se pouvait-il que Lù soit de la même famille que la prophétesse ? D’une branche restée sur le continent ? Ou bien la nouvelle 'am saghira était une menteuse ? Dédale la fixait et semblait deviner ce qui se passait dans sa tête. Elle continua :

— En attendant, cette carte n’a jamais été retrouvée et elle ne fait pas partie des butins cités. Il est possible qu’elle ait été perdue au cours du voyage, ou bien qu’elle ait été dissimulée dans l’un des objets recensés à bord.

— Cela signifie-t-il que le trésor était caché sur le continent ?

— Non, cela signifie que ce trésor est un don d’Iilaaha elle-même et que c’est cette carte qui a mené notre peuple sur cette île.

— Le trésor serait donc cette île ? Après tout l’algue shifa est...

— Non, ce n’est pas ça. Il existe bien un trésor, c’est ce que dit la légende, en tout cas : l’am saghira devenue la toute première Dédale a fini par arriver sur l’île, mais c’était alors une femme âgée. La carte menait à l’île, puis au trésor. On dit qu’elle l’a cherché, qu’elle l’a trouvé, mais que finalement, elle ne s’est pas sentie d’utiliser son pouvoir. Elle l’a laissé dans sa cachette, a dissimulée la carte, sans doute dans se temple, dans l’objet qui l’avait dissimulé, et son secret s’est perdu au fur et à mesure que les siècles passaient.

— Elle s’y trouverait encore ?

— Il n’y a pas de meilleure piste en tout cas, mais les registres contiennent des milliers d’objets, ce serait un travail de fourmi de les trouver et les inspecter tous.

— Cependant, c’est ce que faisait Lulla... Il doit bien y avoir une bonne raison, se pourrait-il qu’on l’ait tuée pour qu’elle ne trouve pas cette carte ?

— Pour être franche, je pense que Spirale l’a fait assassiner. Cette carte ridicule doit être tombée en poussière depuis longtemps maintenant.

— On a aucune idée de ce que peut être ce trésor.

Dédale hésita à répondre, ce qu’elle finit par faire avec une certaine réticence :

— Il y a déjà eu des bruits… des rumeurs… qui évoquent une version du Livre qui serait plus ancienne. La version dictée directement pas la première apôtre, qui ne serait pas exactement la même que la notre. Mais l’idée même de ce livre est une hérésie.

— Effectivement. Lulla pensait-elle que les impuissants auraient un traitement différent dans ce prétendu livre.

— C’est ce qu’elle croyait en effet.

— Et vous la laissiez faire ?

— Et pourquoi pas ? Ce livre et cette carte n’existent pas et pendant qu’elle cherchait, je ne l’avais pas dans les pattes.

Lactae ne répondit pas ; Dédale la dévisageait fixement :

— Que penses-tu de Larifari ?

La petite mère dut se concentrer pour ne pas exprimer son exaspération : elle détestait quand on essayait de lui soutirer des informations contre son gré et de plus, elle n’avait pas de réponse claire à cette question.

— Je ne pense pas que Larifari ait tué Lulla.

— Vraiment... Est-ce basé sur une simple prémonition ? As-tu tellement confiance en elle ?

Les yeux de toutes les couleurs de Dédale brillaient à la lueur des bougies. Lactae pensa à Portail, qui était très vieille et à Spirale qui n’était plus aussi vive qu’autrefois bien qu’elle garde tout son charisme. Il y aurait probablement un jour où Larifari et elle-même siégeraient ensemble aux côtés de Dédale et cette dernière n’avait aucun intérêt à ce que les grandes mères de la mort et de la naissance s’entendent trop bien. Elle affronta sans broncher le regard de l’amy kabira :

— Larifari est terrifiée par l’enfer, alors elle ne commettrait pas un péché qui l’écarterait à jamais du jardin des délices. C’est pourquoi je pense qu’elle n’a pas commis ce meurtre, mais il est possible que cela ne soit que naïveté de ma part.

Elle fut soulagée quand Dédale la laissa éplucher les registres seule. Il y avait là des milliers et des milliers d’objets.

*

La fille qui saigne était assise au centre de la pièce et tous les regards étaient posés sur elle.

— Qu’est ce que c’est que ce bordel encore ?

Spirale avait croisé ses bras sur sa poitrine maigre, l’air revêche.

— Vous croyez qu’on a que ça à faire de pêcher des pâles douteuses pour les héberger dans nos cales ?

Larifari gronda, mauvaise :

— Moi je voulais la zigouiller proprement, mais la nouvelle veut pas. On a dû la traîner dans tout le marais, alors qu’on avait croisé des jumbees et heureusement qu’on a pas eu davantage de pertes, sinon je les aurais balancées toutes les deux par-dessus bord.

Elles étaient cinq, dans les tréfonds de Mumit, le temple de la mort : Spirale, Larifari, la pâle prisonnière, Mangouste, l’accordéoniste rousse qui était aussi seconde sur la galère et Lù. Cette dernière eut un geste agacé.

— Ce n’est pas n’importe quelle pâle.

— Ah ça non, pourquoi ne leur montrerais tu pas le petit tour que nous avons remarqué ? grogna Larifari.

— Quel petit tour ? demanda Spirale.

Lù soupira, mais acquiesça. D’abord, Larifari s’avança vers la prisonnière, consciencieusement attachée sur une chaise et les yeux de nouveau dissimulés. Elle approcha sa main de la sienne et s’arrêta à quelques centimètres de sa peau avant de reculer. Puis elle arpenta la pièce, mais malgré le bruit de ses pas, la prisonnière ne bougea pas d’un pouce, la tête résolument tourné vers la droite, en direction de Lù.

— À toi maintenant.

Lù se déplaça vers la gauche et automatiquement, le visage aveugle de la pâle pivota dans sa direction. Quand elle revint sur ses pas, la fille la suivait toujours de son absence de regard et au moment où Lù s’approcha d’elle pour la frôler, ses doigts frémirent et très doucement, elle accrocha son auriculaire au sien.

— Je ne sais pas ce qu’elle lui fait, mais d’une façon où d’une autre, cette fille se sent attirée par notre nouvelle 'am saghira.

Lù lâcha le doigt de la pâle, enfonça profondément les mains au fond de ses poches et s’adressa à Spirale :

— Je comprends la méfiance qui l’entoure vu la situation où nous l’avons trouvée, mais elle semble être liée à moi d’une façon ou d’une autre, et comme l’avaient dit les pêcheuses qui nous ont prévenu de ce village de païennes : les menstruations de cette fille sont permanentes depuis que nous l’avons dénichée. Reste à voir si cela ne s’arrête effectivement jamais. Je demande l’autorisation pour dégager son visage, puis de lui rendre sa liberté de mouvement, sous ma surveillance.

Pendant que les autres réfléchissaient, elle ajouta :

— Pourquoi aucun de nos esclaves pâles ne parlent le langage des signes ?

— On les esclavagise trop jeunes pour ça. Ceux qui sont plus grands ne se font pas à la servitudes et sont dangereux, précisa Mangouste.

Spirale s’appuya contre le sarcophage de glaise où reposait Lulla :

— Commençons par regarder ce qui se cache sous ces bandelettes.

Lù s’approcha et les doigts de la pâle s’agitèrent. L’am saghira de la vie défit un nœud et déroula la longue bande de tissus dont s’échappèrent rapidement d’épaisses boucles de cheveux turquoise sombre. Les grands yeux jaunes bordés de cils bleus se plissèrent péniblement en retrouvant la lumière puis se levèrent vers Lù. Le côté droit du crâne était impeccablement rasé et le visage très doux, peu fortile.

— Est-ce que vous lui avez fourni des linges ? demanda la prêtresse de la mort.

— Oui, mais cela semble l’avoir perturbée plus qu’autre chose. Dans le tanafas, les pâles n’ont pas besoin de se laver.

Lù écoutait la conversation tout en observant les mains de la prisonnière : les ongles étaient coupés courts et des tatouages dessinaient des tourbillons de points bleus sur ses paumes. Elle s’accroupit devant la jeune fille et se tapa la poitrine :

— Lù, c’est mon nom.

Tu es comme moi.

La prisonnière fronça son petit nez et quelque chose souffla à Lù que sur ce dernier point, nul mot n’avait besoin d’être prononcé. Elle ignorait comment la pâle s’y prenait, mais elle n’avait aucun doute sur le fait qu’elle avait été reconnue.

— Elle est plutôt bien grasse pour quelqu’un qui mangeait de la viande pourrie au fond d’un puits, non ? grogna Larifari en croisant les bras sur sa poitrine.

Lù s’abstint de répondre. Le crâne rasé impeccablement, les ongles courts, les règles ininterrompues et un corps non affecté par le jeûne... Tout cela désignait un être figé dans le temps, donc un Pilier. Restait à savoir de quoi ce Pilier était capable.

— Je la détache, annonça-t-elle d’un ton sans appel.

— Pas sans mon autorisation, répliqua Spirale.

— C’est moi qui l’ai trouvée.

— C’est mon bateau, et tant que tu ne seras pas Grande Prêtresse, tu dois m’obéir.

— Elle est inoffensive.

Spirale fronça les sourcils :

— C’est une pâle et les pâles ne se mêlent pas à nous, sauf quand nous les volons très jeunes à leur famille. Celle-là était enchaînée ; à tous les coups, sa tribu a été massacrée lors d’un rapt dans le tanafas et elle ne doit ressentir que de la haine pour les brunes comme nous. De plus, vous l’avez trouvée dans un des sanctuaires maudits d’Iiblis.

— Où elle était prisonnière. Réfléchissez ! 'Iilaaha ne se penche-t-elle pas sur les plus humbles ? Cette fille qui saigne porte sur ses épaules le combat contre le péché primitif, et c’est pour cette raison que les Djinns veulent la sacrifier. Il est de notre devoir de la protéger !

Larifari intervint :

— Nous ne sommes pas encore sûres qu’elle saigne en permanence : il faut vérifier ça.

La seconde soupira :

— Laissez Lù s’en charger, elle est l’am saghira de Dédale. S’il lui arrive quelque chose, ce ne sera pas de notre faute.

Spirale hésita avant de rendre son jugement :

— S’il arrive le moindre problème, tu la ramènes tout de suite dans la réserve ! Me suis-je bien fait comprendre ?

Larifari haussa les sourcils :

— Pourquoi pas dans le fort de Dédale ? C'est Lù qui l'a trouvé, elle n'a qu'à l'embarquer.

— Parce que je ne laisse rien à Dédale, pas même une pâle bizarre.

Lù haussa les épaules et la pâle pencha la tête sur le côté, interrogative. Lassée de toutes ces complications, Spirale quitta la pièce pour remonter dans sa cabine. Qu’est ce que c’était que toute cette histoire encore ? Elle n’avait pas besoin de ça au moment où elle terminait les derniers préparatifs de l’enterrement de Lulla. Elle pénétra dans ses appartements, et c’est quand elle voulut s’installer sur son fauteuil qu’elle réalisa que quelqu’un y était déjà.

Et cette personne était nue.

*

Dédale avait surgi de l’ombre sans un bruit.

Un instant plus tôt, il n’y avait personne ; Balthazar et lui étaient seuls dans le temple, au seuil d’un long couloir obscur gardé par deux statues à tête de buffle et soudain, elle avait été là. Sa peau de terre cuite et ses yeux d’émail peint luisaient sous la flamme lascive des torches comme sur les idoles qui l’entouraient. Elle s’appuya sur sa béquille et tous les colifichets d’or et d’os qui parsemaient sa chevelure tintinnabulèrent les uns contre les autres.

— Tu es encore là ? Tu es bien persévérant.

— Je ne partirai pas sans avoir pu vous parler.

Elle renifla :

— Qu’il en soit ainsi, alors. Suis-moi.

Elle sourit et alors que Balthazar engageait son fauteuil roulant dans le sillon de Gaspard, elle se retourna, une moue dédaigneuse posée sur ses traits sévères.

— Non, pas lui ; juste toi.

— Pourquoi, quel est le problème avec lui ?

— Si tu as besoin du soutien moral d’un enfant handicapé pour exposer tes arguments, alors je ne vois pas pourquoi je prendrais la peine de t’écouter.

Gaspard lança un regard sombre à Balthazar qui lui répondit par un sourire mi-figue, mi-raisin. L’impuissant suivit l’étrange claudication de Dédale jusque dans une grande chambre où une fenêtre en demi-lune donnait sur la falaise contre laquelle s’écrasait l’océan. La grande mère de la vie était visiblement lasse, car en pénétrant dans ses appartements, elle alluma quelques bougies au pied d’une statue d’Iilaaha — une silhouette de femme dont le visage était dissimulé par des vagues—, se versa un verre de vin et boita sans grâce jusqu’à une ottomane où elle s’allongea.

— Tu peux te servir, si tu veux.

Gaspard observa la carafe remplie du liquide rouge et épais ; le cristal lui renvoya son image et l’homme qu’il contemplait avait l’air inquiet. Il n’avait jamais bu de vin ; il n’avait jamais été seul... avec elle. Tout allait de travers : il n’avait jamais été prévu qu’il affronte Dédale sans Balthazar et il savait d’avance que tout ce qu’il lui dirait, seul, ne servirait à rien. Cette pièce était sa chambre et bizarrement, il ne lui serait pas venu à l’esprit que ce soit là qu’elle l’emmène. Il détailla l’ottomane au tissu râpé, le lit d’une simplicité d’ascète, la table garnie d’une coupe de fruits, la statue, la carafe de vin, et enfin l’imposante bibliothèque remplie d’ouvrages dont les tranches illuminées d’or brillaient par intermittence, selon les caprices des bougies.

— Vous possédez beaucoup de livres.

— Beaucoup trop, tu peux en prendre un si tu veux. Ce sont des pièces uniques, copiées à la main du temps où notre peuple vivait sur le continent.

Gaspard pensa à toutes les heures que Balthazar dépensait pour lui faire déchiffrer des ouvrages fort simples. Il mentit :

— Je ne sais pas lire.

— Non, bien sûr que non. Suis-je idiote !

Dédale but une gorgée de vin et ferma les yeux ; Gaspard finit par se servir un verre, à la fois par curiosité et par défi. Il observa le liquide avec méfiance, en laissa glisser une gorgée sur sa langue et grimaça. Il était terriblement vulnérable sans la présence de Balthazar à ses côtés et était toujours étonné que les autres humains ne s’en rendent pas compte. Quand il déglutit enfin, il réalisa que l’amy kabira l’observait entre ses cils :

— Alors ? Qu’est-ce que tu attends de moi mon garçon ?

— Vous le savez déjà.

— Ne sois pas ridicule.

— Et pourquoi pas ?

— Parce ce qu’en matière de guerre, d’argent et de politique, on ne peut faire confiance à un homme. Et je le crois volontiers, pas seulement parce qu’Iilaaha nous met en garde, mais parce que mon expérience m’a toujours montré que c’était vrai.

— Est-ce que vous faites référence à mon père ?

Puisqu’être là ne pouvait pas faire avancer sa cause, autant poser des questions qu’il ne pourrait peut-être plus jamais prononcer. Dédale se renfrogna, ses yeux à la couleur indéfinissable lancèrent des éclairs et elle fit tourner son vin dans son verre, plus par nervosité que pour en sentir l’arôme.

— Ne me parle pas de lui, je supporte déjà suffisamment ce faux jeton.

— Je ne suis pas responsable de ce qui s’est passé entre vous deux.

La grande mère lui lança un regard noir :

— Non, tu es coupable d’avoir défié l’autorité de la Déesse, le jour de ta cérémonie. Tu avais le meilleur parti possible pour me donner une héritière, mais tu n’en as pas voulu et tu en payes maintenant le prix. Et moi également, pour ne pas avoir été plus ferme avec toi quand j’en avais l’occasion. Il n’y a pas de retour en arrière pour les impuissants, mon fils, et même si je le voulais, je ne pourrais rien faire pour toi.

Gaspard posa brutalement le verre sur la table qui se constella de gouttelettes :

— De quel droit auriez-vous été plus ferme avec moi ? Moi que vous n’avez même pas reconnu ? On dit que par peur de déplaire à ma grand-mère, Portail a bien voulu fermer les yeux et me déposer directement dans l’orphelinat paternel sans passer par l’inscription dans les registres généalogiques.

Dédale tourna la tête vers lui et pendant un instant, elle ne fit que le contempler. Elle chercha ses mots :

— Je sais que tu es en colère. Je comprend. Mais essaye de te mettre à ma place... J’avais seize ans, j’étais ambitieuse, douée et en toute franchise, j’avais infiniment plus envie de faire la guerre que de pouponner. Et surtout, surtout, jamais je n’aurais rien fait qui aurait pu attirer l’opprobre sur ma mère. Cependant... tu sais, quand tu es né...

Elle tendit les mains, comme pour tenir un minuscule corps invisible :

— Tu étais si petit... un tout petit humain avec déjà plein d’expressions. On ne peut pas dire que tu étais très beau, tu sais... Tout rouge, tout fripé. Je n’ai pas eu le temps de te garder longtemps. Dès qu’elle a vu que tu étais un garçon, ta grand-mère s’est occupée de tout, mais dès le premier instant, j’ai été frappée par ton regard et j’ai su qu’il ne tromperait personne. Tu as mes yeux. Je t’ai fait... mais... si seulement tu avais été une fille.

Gaspard avait besoin d’air frais et s’approcha de la fenêtre. Sur la façade de la citadelle, deux rigoles émergeaient dont coulait le sang des sacrifices. L’air avait des relents putrides de poisson et de pourriture.

— Mon enfant, je t’ai fait venir pour une bonne raison. Il faut que tu cesses ce que tu es en train de faire avec ce garçon, car bientôt je ne serai plus en mesure de te protéger.

— Qu’est ce que ça veut dire ?

— Ça veut dire que les gens qui m’entourent ne peuvent pas me regarder envoyer paître éternellement un jeune homme qui s’oppose à ma volonté sans le punir. Ils diront que je suis faible avec toi parce que tu es mon fils et une grande mère doit traiter tous ses sujets de manière égale. Je ne sais de quelle façon tu as pu envoûter Lulla, mais je ne suis pas du genre à pouvoir être achetée.

— Pourquoi ne pas simplement m’accorder ce que je demande alors ?

Dédale eut un rictus :

— Ce serait parfait, hein ? Non, impossible, mon fils. D’abord parce que je ne le désire pas. Ensuite... parce qu’en t’accordant cette faveur, je mettrai encore plus les regards sur nous et cela te mettrait en danger.

— Qui pourrait me vouloir du mal ?

Le rictus de Dédale se mua en un sourire triste et fatigué :

— Parce qu’il y a longtemps, mon fils, j’ai tué l’enfant d’une autre. Réfléchis bien à cela et dis-toi que je connais bien mieux que toi les chemins retors de la haine et de la vengeance.

Gaspard se pencha au-dehors, le ventre brutalement contracté par un spasme de dégoût. En contrebas, la falaise se finissait sur un sable humide, englué de pourpre, que des vagues venaient lécher. Au milieu des charognes de gnous et de chèvres se trouvait le corps de l’homme qu’on avait lapidé plus tôt ; trois hyènes se disputaient ce morceau de choix.

*

Il y avait bien du monde ce soir-là, au Bâton de berger et Larifari, Lù et leur nouvelle protégée avaient dû se tortiller parmi la foule afin d’atteindre une petite table ronde, cachée dans un coin où l’on ne dévisagerait pas trop cette fille dodue à la peau blanche comme de la crème fraîche. Celle-ci était actuellement en train de renifler suspicieusement le pot de bière qu’on lui avait mis entre les mains ; elle finit par tremper sa langue dedans avant de laper furieusement avec un sourire ravi.

Ravi, c’est ce que n’était pas Larifari, qui regardait leur invitée avec les sourcils froncés. Comme si elle n’avait que ça à faire de pouponner alors qu’elles avaient sur les bras un meurtre et une chasse au trésor. Elle avala la moitié de sa propre boisson à la régalade et la pâle la regarda faire avec des yeux ronds, la bouche un peu ouverte, visiblement très admirative.

Remarquablement placé sur le vieux port, le Bâton de berger était une auberge de plaisir fort honnête : la salle était bien propre, pour une fois, et l’odeur salée de la mer contrastait avec la douceur de la cire d’abeille qui avait fait luire les parquets. Sur les petites tables où tous se mêlaient, on faisait tourner les jeux de cartes et des bières plutôt gouleyantes si on en croyait l’engouement du public.

— Lù... Lù... Répète après moi.

— Uù... Hùu... esquissa difficilement la pâle en voyant sa voisine se tapoter la poitrine.

Larifari secoua la tête :

— Les pâles qui vivent dans le tanafas n’ont pas pour habitude d’utiliser leurs cordes vocales. Lui apprendre le langage va être un enfer.

Comme pour lui signifier sa bonne volonté, la jeune fille tapota l’épaule de Lù en articulant son drôle de « Hùu », puis se montra elle-même et au lieu de prononcer un nom, dessina un étrange signe dans les airs que Lù et Larifari observèrent avec perplexité.

— Woh, on dirait un peu un H ?

— Oui, mais penché, comme s’il était en italique.

— Itaquoi ?

— Rien, un terme qui vient pas d’ici, ça veut dire que la lettre est penchée.

Et pour être franche avec elle-même, Lù ne savait pas si l’italique avait déjà été inventé sur cette planète, ni même si elle le serait un jour. Larifari posa son menton dans sa main et murmura :

— On a qu’à l’appeler comme ça pour le moment, c’est pas si mal Italique.

Elle répéta plusieurs fois le mot en effectuant le tracé en l'air et la pâle fit signe qu’elle avait compris. Larifari aimait de moins en moins ça :

— Hé, Madame la toute contente d’avoir un petit chiot à dresser, n’oublie pas qu’on ne sait rien de son passé. La probabilité que sa famille ait été assassinée ou vendue par des femmes comme nous est très forte, alors surveille tes arrières, histoire qu’elle ne te plante pas un couteau dans le dos.

C’est à ce moment que deux jeunes garçons s’approchèrent. Ils n’étaient pas très vieux, une petite vingtaine d’années, et ils les saluèrent poliment avant de leur proposer une partie de « Salamandre et bigorneaux », mais aussitôt Lù eut l’air ennuyée et refusa de les laisser s’asseoir à leur table.

— C’est la troisième fois ce soir. Qu’est-ce que tu leur reproches à ceux-là ?

La petite mère de la vie fit la moue :

— Je ne leur reproche pas grand-chose, si ce n’est de me tenter. Je l’ai déjà dit, je suis une femme fidèle.

Larifari grogna :

— Je préfère te mettre en garde : ce que tu fais avec ton compagnon est très mal vu. En dehors de la cérémonie, nul n’est obligé d’avoir des rapports avec quelqu’un qu’il n’aime pas, mais il y a l’embarras du choix. Tu es 'am saghira et tu dois faire comme les autres, donner l’exemple, tu ne viendras pas pleurer s’il t’arrive des bricoles.

— Puisque tu es si prompte à faire la morale, tu n’as qu’à commencer, toi !

— J’allais le faire, figure-toi.

Larifari se leva sous le regard perplexe de la toute nouvellement nommée Italique, et se faufila entre les flibustières et les manants qui avaient enfilés pour l’occasion leurs fripes les plus en vogue et les moins tâchées. Il lui fallut moins d’une minute pour disparaître à l’étage avec un boulanger peu farouche et nul sauf eux ne put rapporter exactement ce qui s’y passa, mais ce qui est sûr, c’est qu’après s’être allongée près de son plan du soir, Larifari dormit comme un loir pendant quatre heures avant que sa vessie ne se rappelle brutalement à elle.

En grognant, elle tâta sommairement sous le lit pour constater qu’on avait oublié d’y mettre un pot de chambre, ce qui la força à sortir de sous les draps pour s’habiller à l’aveuglette. Il était 5 heures du matin et en quittant la pièce, elle savait qu’elle n’y reviendrait pas. L’escalier ne grinça pas d’une latte quand elle descendit au rez-de-chaussée vide, pas plus que la porte quand elle la referma derrière elle.

Elle inspira avec satisfaction l’air salé de la nuit, sauta de la grève sur la petite plage en contrebas, baissa son pantalon et urina dans le sable avec soulagement. Elle était en train de contempler l’alignement de barques peintes de scènes macabres qu’on avait préparées pour la cérémonie du lendemain, quand une voix la sortit de ses pensées :

— Hé dégueulasse ! Tu pisses vraiment n’importe où ma parole.

Elle releva la tête pour voir que Lactae l’observait depuis la grève, les bras et la besace chargés d’épais volumes jaunis. Mal à l’aise, mais la vessie vide, Larifari remonta son pantalon et répondit d’un ton plus agressif qu’elle ne l’aurait voulu :

— Qu’est ce que tu fous là ?

— J’ai récupéré les affaires de Lulla, mais il y a beaucoup de travail, je ramène tout dans mon phare.

Comme pour appuyer ses dires, elle sauta le muret et se dirigea vers son propre moyen de navigation, une petite barque verte et rouge à la peinture écaillée qui attendait sagement sur le sable, allongée sur le flanc.

— Tu me donnes un coup de main ?

Le museau toujours renfrogné, Larifari la suivit et enleva ses bottes en même temps que Lactae qui lui jeta un œil perplexe :

— Qu’est-ce que tu as ? Tu fais encore la gueule ?

— … 'Fais pas la gueule.

— La gamine sur le bateau à qui j’ai sauvé la vie, c’était toi ?

— Tu veux dire, la gamine qui nous a fait chavirer parce qu’elle n’obéissait pas ? Ouais, c’était moi. Ravie que tu t’en souviennes, finalement.

Leurs orteils s’enfoncèrent dans le sable alors qu’elles alliaient leurs efforts pour pousser la barque jusqu’à l’eau. Lactae jeta un coup d’œil à sa compagne : elle portait son habituelle chemise noire qu’elle ne prenait jamais le temps de boutonner et un pantalon à rayures couleur vert d’eau. Son nuage de boucles couleur lila, pas coiffé, encadrait un regard globuleux et furibond. La petite mère de la naissance soupira. Comme si elle avait besoin de ça maintenant !

— Lari ?

— Hum ?

La barque glissa doucement parmi les vagues et Lactae la retint par un bout qu’elle avait lesté.

— Comment est morte ta mère ?

Elle savait que sa camarade était devenue orpheline très jeune, c’était de notoriété publique, mais elle n’avait jamais cherché à en savoir plus. Après tout, la vie de pirate n’était pas exempte de danger. Ses orteils remuant le sable humide que venaient tremper les vagues par intermittence, Larifari hésita et puis finalement, se décida à raconter :

— C’était juste après ma naissance. Elle était quartier-maître sur un galion renommé l’Amiral Yvette, qui avait été volé à des sombres pratiquant le commerce des pâles dans le détroit et c’était pendant ce même genre de belle affaire que ma mère a eu ses premières contractions. L’équipage poursuivait un navire marchand depuis deux jours, qui revenaient du Pérou, les cales remplis de soies et c’est au moment où je me suis dit que c’était le bon moment pour sortir que l’équipage de ma mère s’est lancé à l’abordage. Dans l’idéal, la capitaine des sombres aurait simplement dû se rendre, mais ça ne s’est pas passé comme ça et il y a tout de suite eut du grabuge. Beaucoup plus tard, la Capitaine Cougnette est venue me raconter l’histoire, me dire comment maman avait été impressionnante. Elle disait qu’elle avait tellement mal avec les contractions qu’elle beuglait comme un putois et que rien que sa gueule et ses glapissements, ça faisait fuir l’ennemi qui préférait passer par la planche. Elle m’a accouchée en tirant sur les marines ennemies, accroupie au-dessus d’un énorme tonneau de poissons et j’ai eu ma première expérience du monde en me ramassant la tête la première sur plusieurs milliers d’anchois. Quelques minutes plus tard, c’est elle qui a décapité la Capitaine des sombres et la bataille s’est terminée comme ça, avec ma mère qui brandissait la tête ennemie d’une main et me tenait contre elle de l’autre sous les hourras. Putain, j’aurais aimé pouvoir me souvenir de ça.

La lune se reflétait sur les vagues lascives et Larifari regardait ses pieds enfouis dans l’eau pendant que Lactae attendait la fin de l’histoire.

— Elle est morte trois jours plus tard, d’une infection à la con liée à l’accouchement. On a jeté son corps dans la mer et quand le bateau est rentré au port, bien repu de toutes les soies qu’il avait volées, j’étais déjà orpheline. Voilà.

— Je suis désolée, Lari.

La petite mère de la mort se renfrogna :

— C’est comme ça. Je la connaissais pas, ça a été moins dur que pour toi.

— Je ne sais pas, la mienne ne s’occupait pas vraiment de moi, elle me donnait juste des cours d’escrime privés de temps en temps. Et puis elle s’est pris une balle au tout début de la guerre contre les sombres ; c’était avant que je puisse devenir son apprentie ou quoi que ce soit.

— Ouais, c’est pas l’idéal non plus.

Elles se regardèrent en chien de faïence. Les nuages qui filaient devant la lune faisaient encore plus de taches sur le visage grêlé de Lactae. Larifari hésita :

— Pourquoi tu m’as rembarrée devant la nouvelle ?

Lactae termina d’installer les livres dans la barque avant de répondre :

— Je te l’ai déjà dit : tant que le meurtre de Lulla n’est pas résolu, je ne fais ami ami avec personne.

— Tu me soupçonnes ?

— Je ne t’exclus pas.

— Tu veux que je te casse la gueule ?

— Essaie donc.

Lactae bondit en arrière avant que le poing de Larifari lui touche le visage et lui faucha les jambes d’un coup de pied. La petite mère de la mort faillit se rétablir avant d’être au sol, mais Lactae la re-frappa en plein vol et Larifari s’enfonça de toute sa longueur dans le sable humide. Il fallut quelques secondes avant de réaliser ce qui lui était arrivé, puis elle grogna :

— Mon pantalon était propre.

Lactae s’accroupit à côté d’elle et baissa son menton en direction de son visage.

— C’est faux. Tu ne me soupçonnes pas, toi ?

Les grands yeux jaunes de Larifari s’écarquillèrent :

— Bien sûr que non ! T’es une 'am shagira d’Iilaaha. Tu peux pas ignorer que ceux qui tuent une future prêtresse brûleront en enfer !

Un sourire ironique perla sur les lèvres de la petite mère de la naissance.

— Pourquoi tu te moques ?

— Je ne me moque pas.

— Si !

— Bon d’accord.

Des vagues molles vinrent baigner Larifari dans un centimètre d’eau glacée et elle glapit. L’eau faisait danser ses boucles autour de son visage, Lactae riait, et à l’horizon, l’aube posa ses premiers chatoiements sur l'océan.

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Nathalie
Posté le 12/11/2022
Bonjour Gueule de Loup

J'aime toujours autant. Les personnages se développent. L'histoire s'intensifie. J'avance avec eux. Je vibre avec eux. C'est un beau moment de lecture pour moi.
Elia
Posté le 26/08/2019
Je commence à vraiment apprécier Larifari et le récit de sa naissance, quelle classe xD il est dommage que finalement, ce soit l'infection qui ait tué sa mère, mais franchement, c'est épique !
Par contre, je suis un peu perdue, Lactae est un peu partout, non ? J'ai loupé un épisode (c'est possible ^^), comment fait-elle pour se retrouver un coup avec Dédale, un coup avec Larifari ? D'ailleurs j'aime vraiment ces suspicions entre elles, et la volonté de Lactae de se préserver et de toujours surveiller ses propos !
GueuleDeLoup
Posté le 30/08/2019
Pour Lactae, c'est parce que les différentes scènes ne se déroulent pas simultanément. Donc dans la scène 1, Lactae est avec Dédale et étudie les manuscrits alors que dans le dernier, elle rentre chez elle. Le temple de Dédale est sur la falaise et Lactae se trouve à la fin sur le port. Ça me parait jouable à pied ;)
Elia
Posté le 30/08/2019
Aaaaaah d'accord je saisis mieux ! :p
Aliceetlescrayons
Posté le 26/03/2019
Coucou,
je suis toujours sous le charme de ton univers (tellement fouillé) et de ton histoire (délicieusement complexe).
Je me pose néanmoins une question : pourquoi Lù a-t-elle ramenée la pâle à Spirale et non à Dédale directement? Ok, Larifari et elle travaillait ensembles sur ce coup-là mais j'avais quand même nettement l'impression que Lù partait en mission avec la bénédiction de Dédale. D'où mon étonnement (d'autant plus que Spirale semble vouloir garder la main sur la pâle. D'après quelle autorité?)
Sinon, pour rester dans le pinaillage, j'ai trouvé la transition entre la scène où Spirale rentre dans ses appartements et Dédale qui trouve Gaspard et Balthazar devant sa porte un peu brutal. En fait, comme Dédale n'est pas identifiée tout dde suite, j'ai cru une seconde que la scène précédente continuait.
Par ailleurs, je trouve super intéressante et touchante la relation mère-fils qu'on voit se jouer entre Dédale et Gaspard... 
GueuleDeLoup
Posté le 26/03/2019
Merci beaucoup LAice et désolée du temps que j'ai mis à répondre ^^.
Alors pour répondre à ta question, Lù a trouvé la pâle, mais l'opération en elle-même est plutôt organisée par Larifari, donc l'ensemble dépend de Spirale. Mais je peux appuyer un peu dessus pour que ce soit plus clair ^^
Je jetterai aussi un oeil sur la transition dont tu parles. je pense faire toute mes corrections sur la partie un une fois que j'aurai posté toute la partie 1 (encore un chapitre!)
Sorryf
Posté le 25/03/2019
J'ai lu ton chapitre, et j'ai aussi lu l'intro ! du coup oui, je fais le rapprochement très facilement entre celle qui parle a la première personne dans l'intro et la captive de ces deux derniers chapitres. En meme temps c'est facile, c'est tout frais et en plus tu m'as guidée en me posant la question :D mais je pense que c'est assez clair.
J'aime beaucoup la relation entre Lactae et Larifari. Comme elle lui dit "en fait c'était toi ?" tranquilou, alors que pour l'autre c'était si important ! Puis ce paragraphe super classe sur la mère de Larifari (je l'avais déjà lu dans les extraits du Parathon), c'est vraiment super bien écrit.
Italique... un personnage bien mystérieux. J'aime bien la manière dont Lù lui a choisi son nom.
Je trouve classe que Dédale (une ancienne Dédale, on est d'accord ? meme avec l'intro j'ai encore un peu de mal avec les grandes mères) ait trouvé le trésor mais l'ai laissé là ou il était. Je me demande ce que ça peut être. Un truc de pouvoir, donc, pas seulement une montagne de fric.
Sinon, j'ai repéré un "grès" au lieu de "gré", un "quand les volons" au lieu de "quand nous les volons" et dans le dialoque entre Gaspard et sa mère un "pût" au lieu de "pu", je crois. (j'espère queça t'aide... j'ai noté ça sur un bout de papier dans le train, du coup j'ai pas les phrases exactes)
GueuleDeLoup
Posté le 25/03/2019
Eeeeeeet deux mois plus tard, je réponds à mes coms.... Désolée c'est la faute au déménagemeeeeeeennnnt T-T
 Merci beaucoup pour ta lecture du coup, et pour être allé jeter un oeil à l'intro. Ca me fait bien plaisir que tu aimes la relation entre Lactae et Larifari, moi aussi j'aime leur alchimie, meêm si c'est beaucoup plus facile de diriger Larifari que Lactae de ce point de vue là. 
 
Quand à Italique, c'est aussi un perso qu'on connait déjà de Ville noire donc c'est amusant pour moi, entre les lecteurs qui se disent: "C'est qui cette meuf" et ceux qui se disent "Aaah d'accord, c'est de là qu'elle vient". 
Voili voilou, je m'amuse bien. Merci pour la boulette à corriger ^^
Elga
Posté le 02/06/2019
Salut Gueule de Loup!
 me revoilà enfin après une longue absence. J'avais hâte mais il me fallait du temps devant moi pour lire et faire un commentaire.
J'avais beaucoup aimé le chapitre précédent, mais je n'ai pas commenté parce que le temps a passé. Je me rappelle simplement la scène de combat sur le bateau... je suis admirative.
En fait, je suis une vraie fan de ton histoire et de ton style. C'est rare que je sois à ce point emportée dans un récit, même publié alors je te tire mon chapeau.
Maintenant des remarques en vrac: 
J’aime toujours autant le retournement de situation et l’humour qui en découle, comme dans ce genre de phrase : « Comment pourrait-on confier des responsabilités à des êtres qui se laissent dominer par leur désir sexuel ? »
La carte: voilà qu'elle intéresse plus de perso que Lù; ça se corse et ça me plait.
Jusque là, je me trouvais un peu perdue dans les personnages à mesure que j'avançais dans ma lecture. Je sais que d'autres t'ont fait la remarque; mais je mon côté je me disais que c'est parce que je ne lisais pas d'une traite et surtout parce que je n'ai pas la version papier qui permet plus facilement de revenir en arrière pour se repérer. Bref, en tout cas, dans ce chapitre je m'y suis bien retrouvée. ça repose les personnages et leur rôle, c'est bien vu. J'ai du mal maintenant avec les persos masculin: Gaspard, Melchior, Balthazar, j'ai du mal à les situer à me rappeler leur rôle. EN regardant en arrière, je me suis rappelé qui est Mlechior et je me demande si c'est le père de Gaspard. Je ne sais pas si c'est dit.
Je trouve très puisants tous ces fils narratifs qui s’entremêlent, la naissance de Gaspard, le mystère de la pâle qui saigne, l'idée toujours que Lù vient d’une autre planète... encore une fois je suis admirative de la manière dont tu parviens à tirer tous ces fils.
Une petite question et remarque: je ne sais pas vraiment si ça me dérange, mais tu laisses Lù avec une personne nue puis on la retrouve dans l'auberge. Je m'imagine que la personne est Taïriss mais je pose la question parce que si je me suis trompée c'est qu'il y a peut-être quelque chose à éclaircir.
Enfin, question ultime avant les coquillettes ramassées de ci de là. Je ne sais pas tout de toi et peut-être as-tu déjà répondu à la question mais as-tu déjà essayé de te faire publier à compte d'éditeur! Je ne dis pas ça parce que je suis aveuglée par l'amour pour ton histoire mais parce que je trouve vraiment que tu as du talent! 
Lactae éspérait à espérait sans accent au début.
après que Dédale eu rendu son jugement à eut
L’am saghira de la naissance remarqua que Balthazard et Gaspard à Balthazar
Cela pouvait-il toujours être la même carte que celle que cherchait Lù ? à je trouve la phrase un peu lourde niveau rythme. Peut-être le « toujours » peut-il être déplacé ?
je pense que Spirale l’a faite assassiner à l’a fait assassiner (mon beau père me reprends souvent pour cette faute ; la raison en est l’infinitif qui suit le participe passé)
contre son grès à gré
C’est une pâle et les pâles ne se mêlent pas à nous sauf quand les volons très jeunes à leur famille. à nous les volons
Suis-je idiote ? à comme ça n’est pas vraiment une question, peut-être pourrais-tu mettre un point d’exclamation à la place ?
Ne soit pas ridicule. à ne sois pas
Je t’ai fais... mais... à je t’ai fait
Sur la façade de la citadelle, deux rigoles émergeait dont coulait le sang des sacrifices. à émergeaient
je t’ai fais venir pour une bonne raison. à fait
Je ne sais de quelle façon tu as pût envoûter Lulla, à pu
Lù n’avait aucune idée de si l’italique avait déjà été inventé sur cette planète à la formulation est bancale je trouve « ne savait pas si » irait peut-être mieux.
probabilité que sa famille ait été assassinée où vendue par des femmes comme nous à ou
tu n’as qu’a commencer, toi à qu’à
Larifari dormi comme un loir pendant quatre heures à dormit
Tu veux dire, la gamine qui nous à fais chavirer parce qu’elle n’obéissait pas ? à qui nous a fait
à bientôt, j'ai vu que les chapitres suivants sont plus courts, j'espère prendre vite le temps de les découvrir,
 bisouilles
Gaëlle/Elga 
 
 
GueuleDeLoup
Posté le 02/06/2019
Coucou Gaëlle!
 
Merci beaucoup pour ce commentaire qui me va droit au coeur et merci beaucoup pour toutes tes remarques! Ca va bien m'aider <3 Surtout que j'ai prévu de revoir un peu toute la partie un, maintenant que j'ai des avis! C'est parfait!
Il faut effectivement que je fasse quelque chose pour tout ces personnages que le lecteurs ont du mal à retenir.
Et pour répondre à ta question, oui, Melchior est bien le père de Gaspard.  Et c'est bien Spirale qui couche avec lui.
J'aime eaucoup ta théorie selon laquelle Lù viendrait d'une autre planète. Rach pense qu'elle vient plutôt du futur ;). La réponse arrivera dans les premiers chapitres de la partie 2, il faut que les choses avancent.
Concernant l'Edition, j'ai prévu d'auto-éditer mes romans pour le moment. Disons que je  n'ai pas envie de faire de l'écriture un travail, ni une contrainte et que je ne veux pas être limitée par un Editeur tant que j'écris des romans qui sont tous connectés les uns aux autres. Quand j'aurai fini mon "cycle" de romans, j'essayerai peut-être. En tout cas merci pour cette remarque, elle me fait cvraiment plaisir <3
Jowie
Posté le 02/06/2019
Hey Loup, je passe par ici entre deux sessions de révisions !
Je continue à baver devant toutes les descriptions/explications que tu nous fournis sur cette incroyable culture que tu as inventée !
Il semble qu'il y a comme plusieurs dimensions qui relient tes différentes histoires, non ? Genre avec la peau pâle qui vient de Ville Noire et Lù qui vient d'un endroit où l'italique existe. Est-ce que Lù vient également de Ville Noire? Mais comment a-t-elle atterri ici ? (le cerveau de Jowie explose)
Purée la naissance de Lari est on ne peut plus épique ! Par contre, la mort de sa mère est tellement dommage, mais assez réaliste finalement !
Juste une question de boulet parce que je crois que je me suis emmêlée les pinceaux avec les petites mères. Lù remplace Lulla, qui était petite mère de la naissance. Larifari est petite mère de la vie. Lactae est petite mère de la mort. Est-ce que c'est juste où est-ce que je dois retourner à l'école des boulets ? xD
<br />
Petites remarques:
j’ai été frappé par ton regard → frappée
Gaspard, je t’ai fais venir pour une bonne raison → fait
tu as pût envoûter Lulla → pu
Larifari dormi comme un loir → dormit
à touti !
Jowie
<br />
GueuleDeLoup
Posté le 02/06/2019
Merci ma Jojo
 
Haha je m'amuse beaucoup à lire tes théories. Alors pour répondre, Ville Noire se déroule plusieurs centaines d'années après Le Livre des Vérités donc cet univers n'a pas d'incidence sur ce que tu est en train de lire ^^. La pâle est vraiment originaire de cette dimension. Quand à Lù, elle vient effectivement d'un "ailleurs. Tu auras la réponse au début de la partie 2. 
Et concernant les grande mères et les petites mère, il faut vraiment que je fasse quelque chose car tout le monde se mélange:
La naissance: Portail (la vieille femme très grosse) /petite mère: Lactae
La vie: Dédale (femme dépoilée avec une jambe en moins et beaucoup de cheveux nattés) / petite mère: Lulla Lù
La Mort: Spirale ( femme immense et maigre avec très longs cheveux rouges) / petite mère: Larifari
 
Merci beaucoup pour les coquillettes, je vais bientôt me faire une grosse opération corrections!
DEs poutoux
 
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