Chapitre 7 : La neige

 

Un vent froid mais revigorant vint ébouriffer les boucles d’Angelus. Il se redressa avec un sourire, pas mécontent d’atténuer la chaleur de l’effort. Autour de lui retentissait une activité effrénée. Les pioches et marteaux œuvraient dans les mains d’hommes fatigués mais motivés. L’hiver approchait à grands pas et il fallait de toute urgence construire des bâtiments capables d’abriter tous les colons.

— C’est l’heure de la pause ! annonça gaiement Amaya, arrivant les bras chargés de victuailles.

Abram sauta sur la miche de pain qui passait sous son nez pour l’engloutir, imité par ses camarades. Le martèlement des outils fut remplacé par la mélodie des rires. Un nouveau sourire naquit sur les lèvres d’Angelus en les voyant tous heureux ainsi.

— Viens, souffla Amaya.

Elle l’entraîna à l’écart du village en construction pour une balade. Ils longèrent la rive du lac où ils avaient élu domicile depuis peu.

— Cet endroit est magnifique, commenta la jeune prêtresse, parfait pour y élever nos enfants.

Angelus acquiesça avec un air serein. Depuis qu’ils s’étaient installés sur leur terre d’accueil, un sentiment puissant l’habitait. Des bouffées de bonheur qui le prenaient sans prévenir, l’emportait dans leur doux élan. Il avait l’impression de flotter. Après ces années difficiles, ce sentiment était délicieux. La lutte était presque achevée. Le bonheur était là, à portée de main, offert par les dieux. Il avait l’intention de chérir ce présent tout au long de sa vie.

— Maître !

Il tourna la tête vers Magnon qui arrivait en courant, revenant d’une patrouille qui avait duré plusieurs jours.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Le trion prit quelques secondes pour reprendre son souffle.

— La région… est habitée…

— Comment ça ?

— Une ermite vit à quelques lieues d’ici, on lui a parlé.

— Vraiment ? Je pourrais la rencontrer ?

— Sans doute… mais ce n’est pas tout. On a trouvé une maison en remonta la rivière vers les montagnes, mais son habitant n’était pas présent.

— Un autre ermite ?

— Justement… la première nous a affirmés qu’il n’y avait personne dans les environs à part elle… en tout cas la maison a l’air récente.

— Ce n’est pas bien grave, avança Amaya, nous ferons sa connaissance en temps voulu.

— Oui mais… cette maison, elle était très étrange… fit Magnon.

Un voile glacial s’était posé sur les traits d’Angelus.

— Cette région était censée être inhabitée, personne n’y était recensé, remarqua-t-il. Qui viendrait s’y installer sinon des Maudits fuyant le jugement céleste ? Beaucoup se cachent dans les régions reculées.

— Pas de conclusion hâtive, tempéra Amaya. On rencontrera cette personne – ou ces personnes – et on verra bien si ce sont des Maudits.

Angelus sentait comme une lourdeur sur ses épaules. Il espérait se tromper.

— Et l’ermite que vous avez croisée, ce n’est pas une Maudite ?

— Non, non.

— Comment pouvez-vous en être sûrs ?

— Elle est… vous verrez quand vous la rencontrerez. En tout cas elle est herboriste, ça pourrait nous aider.

Angelus hocha la tête.

— S’il s’avère que des Maudits résident ici, croyant échapper à la justice des dieux, nous devrons les rendre au Sinistre.

Le sourire d’Amaya avait disparu. Elle baissa la tête. Magnon hocha la sienne avec détermination.

— La pause est finie, lança Angelus. Retournons au travail. Va te reposer Magnon, merci pour ce compte-rendu.

Le jeune prêtre rebroussa chemin, tout sourire avait disparu de son visage. Il avait un mauvais pressentiment.

 

*

 

— Et tu l’as tué ?

Conan hocha gravement la tête. Devant lui, Maxima et Adhara échangèrent un regard. En revanche, et c’était étrange, l’Ombre n’était pas présent.

— Tu as laissé les corps tels quels ? fit la voix rauque de Bénen qui se tenait un peu en retrait.

— Je les ai rapidement cachés, mais oui…

— Quelle merde, commenta Maxima. Bonjour la discrétion.

Conan baissa les yeux. Malgré tous les efforts qu’il déployait pour paraître assuré, il était difficile de garder son sang-froid face aux regards perçants des dirigeants de la Faction Étoilée. Il n’avait presque pas dormi sur le chemin du retour et était arrivé épuisé à la Cité des ombres. Quand il avait résumé ce qui s’était passé à Maxima, elle l’avait immédiatement emmené dans le bureau de la princesse.

— Pourquoi nous ont-il trahis ? grinça Bénen.

— Je pense que la Faction Argentée m’est opposée, avança Adhara. Sans doute à cause de l’incident de Valerance. Néanmoins je ne pensais pas qu’ils oseraient déclencher ouvertement des hostilités.

— C’est vraiment con de se faire la guerre entre rebelles, cracha Maxima. À se taper sur la gueule entre nous, on va jamais réussir à atteindre Triliance.

— Dans tous les cas je crois que les représailles leur auront suffi pour l’instant, déclara la princesse en se levant.

Ses yeux dorés se fixèrent sur Conan qui ne put s’empêcher de frémir.

— Je te félicite. Tu as su survivre à une attaque nocturne et éliminer un ennemi. Ta rapidité de réaction est admirable, seule la discrétion a été négligée, mais pour une première c’est très bien.

Un sourire étira les lèvres charnues d’Adhara. Le jeune garçon retint le sien. Il n’avait pas mentionné son échec au test vipère.

— Tu vas donc cesser d’être un novice. Félicitation, tu deviens officier. Je n’ai pas encore décidé quel sera ton grade précis mais sache qu’il sera à la hauteur de ton potentiel.

Une excitation tendue envahit Conan.

— Merci. Je vous promets de ne pas vous décevoir.

— J’y compte bien. Maintenant, va te reposer.

Il s’inclina légèrement et sortit sous le regard fier de Maxima. Il fut heureux de sa promotion jusqu’à ce qu’il se soit couché. Là, malgré son corps harassé, ses paupières refusèrent de se fermer.

Conan se tournait et se retournait dans la pénombre, l’angoisse croissait en lui. Une voix susurrante se faufila dans la pièce pour venir chatouiller ses oreilles.

La voix de sa première victime.

— Il avait une famille, sans doute. Peut-être des enfants… Des enfants qui verront le cadavre de leur père…

Conan enfouit sa tête sous son draps de lin mais la voix s’insinua dans sa couche pour venir murmurer au plus près de lui.

— Tu te rends compte ? Tu te rends compte ? Tu es un monstre Conan… tu tues tout le monde… moi…

— Tais-toi.

Il fut pris de tremblement.

— Tes parents…

— Tais-toi !

— Et cet inconnu que tu as massacré…

Les soubresauts engloutirent le corps de Conan. Il lança son bras en un geste désespéré pour chasser cette voix acérée, mais ne parvint qu’à repousser ses draps.

Asha apparut au-dessus de lui comme si le soleil avait soudain éclairé la pièce.

Elle était maigre et terriblement pâle. Ses lèvres violacées se tordaient en un rictus provocateur tandis que ses yeux ternes la noyaient de leur vide horrifique.

— Tu es un monstre, tu ne devrais pas être en vie…

— TAIS-TOI !

La vision lui martela la poitrine. Ce contact fit naître un puissant frisson qui traversa Conan. Le poings d’Asha était glacé, sa peau sentait la charogne.

— Pourquoi tu es en vie et pas moi ?!

Les muscles tendus à se rompre, le jeune garçon ne pouvait même plus parler. Son visage horrifié dut plaire au spectre d’Asha qui émit un son aigu et éraillé. Ce rire dissonant vint frapper les oreilles de Conan par vagues assassines. Cela produisit comme un choc au jeune rebelle qui bondit de son lit avec un cri de rage. Il repoussa Asha et attrapa sa spata.

Le fantôme hurla et voulut se défendre mais il ne put rien faire contre la lame qui lui transperça la poitrine pour venir le clouer au lit.

Conan cessa de bouger quand il croisa le regard de son amie. Ses prunelles abyssales exprimaient la plus pure terreur. Elles lui renvoyaient l’image d’un monstre.

La voix d’Asha se perdit en un gargouillement inhumain tandis que tout son corps se nécrosait à vue d’œil. Une main aux os saillants se leva et caressa d’acide la joue de Conan avant de fondre en fragments de chair noirâtre.

À la place du spectre, une immense flaque de sang imbibait la couche.

Un silence puissant s’écrasa dans la moiteur cruelle de la pièce.

 

*

 

Timides, ils dansaient dans les airs. Ils étaient des milliers, comme des étoiles cotonneuses tombées du ciel. Ils semblaient chanter une mélodie presque inaudible et la forêt semblait s’être tue pour les écouter. Ils batifolaient et jouaient dans l’atmosphère ouatée. Ils étaient légers, si légers, pourtant leur ballet innocent les attirait irrésistiblement vers la terre qu’ils embrassaient avant de s’y fondre.

Asha laissa un flocon se poser sur sa paume et le regarda se déliter pour ne laisser qu’une petite goutte d’eau glacée. Petite, elle s’était souvent demandé pourquoi ces petits bouts de nuages paraissaient tant tenir à rejoindre la terre, quitte à mourir à son contact. Elle n’avait toujours pas trouvé la réponse.

Lorsqu’un autre flocon vint effleurer ses doigts, Asha l’en chassa d’un souffle et talonna Nuit. La jument reprit sa marche lourde, traînant derrière elle une remorque de fortune contenant les restes d’un auroch. C’était le quatrième qu’Asha avait tué, elle estimait que ce serait suffisant. De toute façon, elle ne pourrait plus traverser le col une fois enneigé.

Les deux voyageuses épuisées arrivèrent enfin chez elles. Le toit de la maison était recouvert d’une fine couche de neige. Cette vision délicate prenait un aspect irréel dans l’étrange silence des flocons virevoltants.

Malgré ses épaisses cernes, Asha esquissa un sourire.

 

*

 

Le froid, le froid me pique. La neige me recouvre, je vais disparaître. Depuis qu’elle m’a abandonnée dans la forêt, je redoute ce moment. Il ne faut pas que je sois effacée. Je dois retourner dans les mains de mon créateur. Je le sens s’estomper, lui aussi.

La neige, acérée, me mord et me recouvre.

 

*

 

Le bruit de la flèche pénétrant le centre de la cible fut étouffé par les flocons. Quelques morceaux de neige tombèrent du rond de toile alors qu’il vibrait. Keira soupira, un petit nuage s’échappa de ses lèvres. Le terrain d’entraînement des Hekaours était vide, tout le monde avait préféré se tasser autour des feux.

Elle banda de nouveau son arc et tira. Elle toucha le cercle de charbon noir qui marquait le centre. Elle n’aimait pas la neige. La neige lui rappelait Asha. Asha qui n’avait pas donné de nouvelles depuis des mois. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle était en vie. Elle luttait pour ne pas se dire qu’elle l’avait abandonnée. Qu’elle l’avait trahie.

Une nouvelle flèche siffla. Les flocons continuaient de tomber autour d’elle. Prise dans ses pensées amères, elle ne vit pas l’intrus arriver. Elle sursauta quand des pas retentirent derrière elle et fit volte-face, pointant son arme sur la personne en question.

Daïré leva les mains d’un air amusé.

— Ne t’inquiète pas, je ne suis pas un envahisseur.

Keira baissa son arc et fit un signe de tête respectueux en direction de l’Arsalaï.

— Je suis désolée…

— Pas de problème, tes réflexes sont impressionnants.

Daïré fit quelques pas en avant, d’un air détendu et nonchalant.

— Cela dit, je suis un peu déçue.

Elle jeta un œil aux cibles hérissées de flèches.

— Je pensais pouvoir être tranquille ici.

— Pour… pour quoi ?

L’Arsalaï passa une main dans ses courts cheveux châtain, le regard vague.

— Pour m’entraîner.

Keira la dévisagea. Les membres d’un Ordre n’étaient pas censé acquérir le savoir d’un autre. Néanmoins, elle ne possédait pas la position nécessaire pour reprendre la jeune femme, ni l’envie d’ailleurs. Après tout, elle avait gardé pendant des années le secret d’Asha espionnant les leçons d’Ealys et Kurtis.

Asha…

— Ça te dérange si je t’accompagne dans ta session de tir ? s’enquit Daïré.

Ses yeux verts semblaient traverser Keira, qui hocha la tête, déstabilisé.

— Parfait !

L’Arsalaï alla chercher un arc dans la réserve, quelque pas plus loin, avant de revenir pour le bander. Sa flèche n’atteignit pas le centre de la cible, mais elle n’en fut pas loin.

— Tu es douée… remarqua Keira.

— Disons que je suis une habituée des entraînements clandestins. Et j’ai ma petite technique.

— Quelle est elle ?

Daïré lui glissa un regard indéchiffrable avant de décocher un nouveau projectile.

— Imaginer que je tire sur des personnes que je n’aime pas.

— Que tu n’aimes ? Au point de les tuer ?

— Non, mais ça me donne un peu de motivation. C’est cathartique.

Keira la considéra, à la fois gênée et intriguée.

— Et… à qui penses-tu ?

L’Arsalaï parvint à planter sa flèche dans le cercle central.

— Saoirse, par exemple, souffla-t-elle.

La Hekaour eut un mouvement de recul, muette.

— Fais pas cette tête, c’est pour me passer les nerfs, c’est tout. Je pense à Aedan, parfois, aussi.

— Qu… quoi ?

Daïré lui administra une petite bourrade.

— Rho, me dis pas que t’as jamais souhaiter étrangler ton daron.

— N… non…

— Ah ? Gentille fifille.

— Je… je m’entends très bien avec mon père. Il m’inspire pour donner le meilleur de moi-même.

— Tant mieux pour toi. Moi ça fait genre deux ans que je lui ai pas parlé.

L’Arsalaï émit un petit rire à cette dernière phrase, un rire acéré. Keira ne sut quoi répondre. La mère de Daïré, Angarad, avait péri quelques années auparavant, d’une manière dont personne n’avait le droit de parler. La jeune Hekaour en avait été affectée, puisqu’elle avait été proche de son fils, Dâlan, mais elle n’avait jamais pu se confier. Elle fut caressée par l’envie de le faire, maintenant. Mais quelque chose l’en dissuada.

— Tu peux me montrer ta technique pour tirer ? reprit Daïré.

— Heu… oui…

Les mots coincés au fond de sa gorge la brûlèrent. Ils lui rappelèrent son secret. Asha était vivante, mais elle devait voir tous les jours le tristesse sur le visage de son père, percevoir celle, aiguë, de Kurtis, trouver Ealys pleurant dans un coin de la maison dès qu’elle cessait de se tuer à la tâche.

Asha.

Elle tira, la flèche se perdit dans le blanc dur de l’hiver.

Elle détestait la neige.

 

 

*

 

Lohan maugréa en retirant sa botte trempée d’une congère. Il serra sa cape autour de lui et jeta un regard assassin au paysage désespérément blanc. S’il y avait bien une chose qu’il détestait sur le continent du nord, c’était l’hiver, ses températures bien trop basses, et la neige.

Cinq ans auparavant, il avait commencé la vie sur la terre, fraîchement recruté par Adhara. C’était là qu’il avait marché pour la première fois sur cet étrange manteau blanc, ce qui avait déclenché l’hilarité de celle que l’on ne nommait pas encore la princesse. Il en gardait un très mauvais souvenir.

— C’est fini, chef.

Lohan darda un regard sombre sur son subordonné. Depuis qu’il avait été rétrogradé, il dirigeait une petite équipe de bûcherons chargée d’approvisionner la Cité des ombres. Il savait qu’Adhara avait voulu choisir pour lui le poste qui lui plairait le moins, et elle avait visé juste. Rien n’aurait pu être plus pénible pour lui que de rester toute la journée dehors en plein hiver. D’autant plus qu’il était encore plus difficile de se faire positivement remarquer dans ces conditions. Il n’était pas près de retrouver la chaleur de la Tour et des bras de la princesse.

— Alors on rentre, grinça-t-il en vérifiant vaguement que leur quota du jour était rempli.

Malgré la blancheur éclatante de la neige, les ombres s’étiraient convulsivement sous ses pieds. Il lui avait fallu des années pour apprendre à les maîtriser, mais sa nervosité actuelle n’avait eu besoin que de quelques semaines pour les rendre de nouveau sauvages. Ce qui l’irritait encore plus.

Lohan soupira et son souffle se transforma en nuage. Il commençait à sérieusement regretter d’avoir  quitté son navire pour rejoindre la Faction Étoilée.

En revanche, il ne pouvait regretter d’avoir aidé Asha.

 

*

 

Tassés les uns contre les autres, les villageois fixaient le feu dans un silence entrecoupé de murmures. Le froid avait saisi leur petite vallée et ils s’étaient tous réfugiés dans le seul bâtiment dont la construction était totalement achevée : le temple pyramidal qui servait de maison communale.

Angelus sommeillait devant la grande cheminée, la tête posée sur l’épaule d’Amaya, quand une voix s’éleva derrière lui.

— Lucio ! Referme la porte tout de suite !

Un vent froid vint le frapper et lui arracher un frisson. Il tourna la tête vers l’entrée. Celia, la mère de Lucio, fonça sur son enfant d’un pas furieux.

— Je ne le répèterai pas ! gronda-t-elle.

Le garçonnet dont le bras était désormais guéri lui servit un regard suppliant.

— Mais il a arrêté de neiger…

— Et alors ?!

— Je veux sortir jouer…

Il prit le bref silence de sa mère pour un assentiment.

— C’est non ! lança Magnon depuis une table.

Son jeune frère se mit à sautiller.

— Steuplaît, steuplaît, steuplaît, steuplaît, steuplaît !

— Moi aussi je veux jouer dehors ! s’exclama un de ses camarades.

— Alleeeeeeez !

— Bah, pourquoi pas, fit Abram. Mieux vaut ça que de supporter vos jérémiades.

Il n’avait pas fini sa phrase que tous les enfants étaient sortis. Des rires et des cris émerveillés attirèrent les adultes dehors. Le lac face à eux était une immensité lisse et pâle tandis que le reste du décor n’était que bosses blanches et arbres drapés de neige.

Amaya rejoignit Angelus et lui prit la main, couvant d’un regard attendri la dizaine d’enfants libérés qui s’appliquaient à laisser leur trace partout sur le manteau immaculé. Abram vint se joindre à eux et déclencha une bataille de boules de neige qui attira de nombreux combattants parmi les plus âgés. La neige était rare sur la côte, ils n’en avaient jamais vu autant.

— Viens, l’enjoignit Amaya.

Il secoua la tête.

— Ce n’est pas trop mon truc, tu sais bien. Je préfère vous observer.

Elle haussa les épaules avant de se mêler au combat joyeux.

Soudain, un cri immobilisa l’assemblée. Toutes les têtes se tournèrent vers un petit groupe qui s’était aventuré au plus près du lac. Lucio, qui avait vraisemblablement fait quelques pas sur la glace, venait de la voir se briser sous ses pieds. Heureusement, l’eau ne lui arrivait même pas aux genoux. Il eut un rire de soulagement vite calmé par sa mère qui le traina à l’intérieur.

— On ne peut jamais te laisser sans surveillance, c’est insupportable ! Puisque tu ne veux jamais écouter, tu vas rester ici jusqu’à demain.

— Mais…

— Et ne me fais pas répéter !

Des larmes de crocodile vinrent effleurer les yeux du garçonnet, mais sa mère ne céda pas. Il se tourna en dernier recours vers Angelus qui dut retenir un sourire amusé.

— Tu dois comprendre que désobéir est dangereux pour toi, dit-il en s’approchant.

Lucio baissa la tête.

— Mais je voulais juste m’amuser…

— Ça ne change rien. Tu dois toujours être prudent et écouter les adultes.

Celia soupira en entendant sa fille l’appeler au dehors.

— J’y vais.

— Je le surveille, annonça Angelus.

Elle le remercia d’un hochement de tête de repartit affronter l’ardeur de ses enfants.

— J’ai froid aux pieds, fit Lucio. Y a plein d’eau dans mes chaussures.

— Il faut tout de suite les enlever alors !

Ses bottes épaisses et ses chaussettes furent posées près du feu alors qu’il tendait ses orteils vers sa chaleur bienfaisante.

— Tu sais, murmura-t-il après un moment de silence, je voudrais devenir comme toi plus tard.

Un sourire traversa l’expression du prêtre.

— J’en serai ravi.

— C’est vrai ?

— Bien sûr.

Lucio balança ses jambes, enthousiaste.

— Il parait qu’il faut aller à Triliance pour devenir prêtre.

— Oui, il faut étudier un minimum de trois ans à l’Académie.

— C’est grand, Triliance ?

— Bien plus que ce que tu pourrais imaginer.

— C’est plus grand que Pusilla ?

— Oui, et même Tessela.

Le garçon ouvrit de grands yeux.

— Au centre de la ville se trouve la Grande Pyramide, un bâtiment aussi grand qu’une montagne. Il se trouve à l’endroit où l’Adepte a animé sa première cérémonie après que le Miracle a fait réalisé à l’humanité l’existence des dieux et la nécessité de les prier.

— Ouah… J’espère que je verrai ça un jour !

— J’espère aussi, à ton avis quels sont les trois principales qualités d’un prêtre ?

— Heu…

Lucio fronça le nez.

— La force… la gentillesse ?

— Mmmh, en quelque sorte. Et la troisième ?

— Je sais pas…

— Ne t’inquiète pas, c’est normal. Je vais te donner la réponse : les trois qualités principales d’un prêtre lui sont donné par les dieux eux-même. La Mère est la déesse de la Vie, la Père le dieu du Jugement, le Sinistre le dieu de la Mort. La Mère est amour, le Père justice, le Sinistre absolu. Ainsi,  quand un prêtre communie avec la Trinité, la Mère lui offre la bienveillance, le Père le discernement, et le Sinistre l’égalité.

Les prunelles de Lucio brillaient.

— Tu crois qu’ils me donneront tout ça ?

— Si tu es sérieux et que tu as la Foi, oui.

— J’ai la Foi !

 

*

 

Kurtis s’employait à méditer quand la neige commença à tomber. Absorbé par les ondes spirituelles qu’il tentait de décrypter, il ne s’en rendit compte que quand ses cheveux furent recouverts d’une fine couche de flocons. Il ouvrit les yeux sur la terre qui pâlissait, sa main se leva pour trouver sa chevelure cotonneuse et humide. Il se leva et épousseta ses vêtements. Le cercle de méditation était à peine perceptible et ses chaussures étaient trempées, il décida donc de rentrer dans sa petite cabane.

Là, près du feu, il se laisse emporter par la vision des flocons batifolants. Les premières neiges avaient toujours été pour lui une période de jeux avec ses sœurs. En particulier Asha qui adorait ça. Kurtis se rappelait d’un jour lointain où elle avait voulu se faire une robe de flocons. Malheureusement cette tenue avait vite fondu et la petite fille, déçue, était allée bouder dans les bras de Séla.

Le jeune garçon se recroquevilla sur lui-même, les larmes vinrent à ses yeux comme c’était souvent le cas depuis le début de sa retraite. Le silence du paysage enneigé l’enserrait, il décida de s’en libérer en chantant.

Viens, mon enfant, au creux de mes bras. Mon visage sera…

Les pleurs redoublèrent. Les paroles de la comptine de sa mère lui étaient spontanément venues, mais elles ne le rendaient que plus triste.

Le toit de ta maison…

Alors que le visage indistinct d’une mère qu’il avait à peine connue emplissait ses pensées, il sentit un écho venir le percuter. Il se tendit, étirant ses sens intangibles. Là, à quelques pas, un écho diffus qu’il avait déjà vaguement repéré semblait soudain s’être densifié. Jusqu’alors à peine perceptible, il résonnait dans son âme comme un gong. Kurtis n’aimait pas espionner le passé des autres, mais Moïa elle-même lui avait dit que c’était nécessaire. Alors il s’immergea dans ce souvenir qui l’appelait.

La peau qu’il vêtit n’était pas étroite comme celle d’Aedan, mais ample et confortable. Il sentit aussitôt une résonance entre lui et l’esprit qui lui avait laissé cette trace. Il comprit vite pourquoi quand une voix aiguë l’appela.

Séla ! Séla, attends-moi !

Il faillit sortir de la perception en voyant son père, à peine âgé d’une dizaine d’années, se précipiter vers lui. L’image de ce petit garçon aux cheveux ébouriffés et à la mine espiègle le rendit difficilement reconnaissable, mais ses yeux bleu sombre et ses cheveux d’un noir dense ne pouvaient tromper.

Tu es trop lent, Dan, râla Séla qui devait avoir une douzaine d’années au vu des deux petits seins qui émergeaient de son torse. On a pas beaucoup de temps, je te rappelle.

Le garçon arriva jusqu’à elle légèrement essoufflé, mais fut pris d’un regain d’énergie lorsqu’il la vit soulever difficilement une pierre. Il tendit le cou par-dessus son épaule pour observer la cache qu’elle venait de dévoiler.

— Montre-moi, montre-moi !

— Deux secondes !

Elle se saisit d’un petit paquet de tissu sale qu’elle défit religieusement. Les objets brillants qu’il contenait firent pousser une exclamation au jeune Aedan.

— C’est trop beau !

Kurtis reconnut des boucles d’oreilles humaines serties de pierres précieuses.

Où t’as eu ça ?

Un sourire fier étira les lèvres de la jeune fille.

C’est Var qui me les a vendus contre une simple corne d’auroch que j’ai chipée dans la hutte des Hekaours.

— Var ? C’est qui ça ?

— Mais tu sais, je t’en ai déjà parlé ! C’est le voleur humain qui se cache aux abords de notre territoire.

— Tu es allée aussi loin toute seule ?!

— Bah oui.

— T’es trop forte ! T’aurais dû être Hekaour ! Tu parles déjà l’helmët en plus !

— Ah non merci ! Les Hekaours sentent le crottin de cheval !

Aedan fronça les sourcils. À cet âge, il devait être apprenti cavalier.

— Ouais bah les Arsalaïs ils savent pas grimper aux arbres et tirer à l’arc d’abord !

Séla se mit à rire.

— C’est bon que je te charrie !

Son ami fit la moue.

— Allez, ça vaut bien une petite pique.

Elle brandit les boucles d’oreilles sous son nez.

D’accord, bougonna-t-il.

Un petit sourire se glissa sur ses lèvres.

— Tu me feras rencontrer Var ?

— Bien sûr ! Il est parfois difficile à comprendre, mais il est très marrant.

Aedan prit un air pensif.

— Mais ce n’est pas interdit de parler aux humains ?

— Depuis quand tu te préoccupes de ce qui est interdit ?

Le garçon prit un air fier.

— T’as raison. De toute façon on ne fait rien de mal.

Kurtis perdit le souvenir à cet instant-là, englouti par le flot de ses propres pensées. Il reprit conscience face aux flocons qui dansaient toujours sous le ciel blanc. Son cœur battait la chamade. Jamais il n’avait réussi à s’immerger dans une scène aussi lointaine mais surtout, jamais il n’aurait pu imaginer que sa mère avait transgressé une loi sacrée en parlant avec un humain clandestin. Il avait toujours eu l’image d’une Séla sage et tendre, il n’aurait pas cru qu’elle avait pu être si espiègle. Il brûlait de connaître la suite, mais cette impatience rendait la méditation impossible. Il décida donc de faire une sieste en espérant que le sommeil apaiserait son esprit.

Il somnola plus qu’il ne dormit. Dans ses rêves, les visages de Séla et d’Asha se mêlèrent. Une voix de femme parla en helmët à un homme. Ses mots étaient étrangement doux.

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Guimauv_royale
Posté le 30/08/2020
Coquilles

- Maintenant vas (va) te reposer.
- Une vois (voix) susurrante se faufila
- Ils était (étaient) des milliers
- Asha laissa un flocon se poser dans sa peau (paume)
- Il serra sa cape autour de lui et jetant (jeta ?) un regard assassin au paysage désespérément blanc
- Cinq (ans) auparavant, il avait commencé la vie sur la terre,
- qu’Adhara avait voulu choisir pour lui le post (poste) qui lui plairait le moins
- pour observer la cache (tache) qu’elle venait de dévoiler.
- Il brûlait (d’envie) de connaître la suite


Remarque

- - Dans tous les cas je crois que les représailles leur auront suffi pour l’instant, déclara la princesse en se levant.
Ses yeux dorés se fixèrent sur Conan qui ne put s’empêcher de frémir.
- En tout cas je te félicite. (Répétition de “en tout cas”)

- Jusqu’à lors à peine perceptible, il résonnait alors dans son âme comme un gong. (Répétition de ‘’alors’’)

- Jamais il n’avait réussi à s’immerger dans une scène aussi lointaine mais surtout, jamais il n’aurait pu imaginer que sa mère avait transgressé une loi sacrée en parlant avec un humain clandestin. Il avait toujours eut l’image d’une Séla sage et tendre, jamais il n’aurait cru qu’elle avait pu être si espiègle. (Répétitions de ‘’jamais’’)
AudreyLys
Posté le 31/08/2020
Merciiiii
_HP_
Posté le 19/07/2020
Hi !

Si t'en as marre de ce job, Lohan, tu sais que t'as qu'à aller voir Asha ? 🙄 Bon après je garantis pas que ça t'aidera à te réconcilier avec Adhara, mais au pire, c'pas très grave... 🤷‍♀️
Kurtis est super touchant, ça doit être vraiment dur pour lui, tout seul, avec tous ses souvenirs... :(
J'ai très hâte de voir comment va se passer la rencontre entre Asha et les voyageurs, j'espère que ça va bien se passer 🤞

• "La martèlement des outils fut remplacé par la mélodie des rires" → le martèlement
• "Des bouffées de bonheur qui le prenait sans prévenir, l’emportait dans leur doux élan" → prenaient / emportaient (les bouffées de bonheur ^^)
• "Une ermite vit à quelques lieux d’ici, on lui a parlée." → je crois que c'est 'parlé' ^^
• "la première nous a affirmés qu’il n’y avait personne dans les environs" → affirmé
• "Qui viendrait s’y installé sinon des Maudits fuyant le jugement céleste" → installer
• "Et l’ermite que vous avez croisé, ce n’est pas une Maudite" → croisée
• "La pause est fini, lança Angelus" → finie
• "Il fit pris de tremblement" → 'fut', je suppose ^^ / tremblements
• "Le poings d’Asha était glacée, sa peau sentait la charogne" → poing / glacé
• "Une main aux os saillant se leva et caressa d’acide la joue de Conan" → saillants
• "Les deux jeunes femmes dormaient ensembles depuis le départ" → ensemble
• "Je voulais te proposer une petite ballade, vu qu’on a quartier libre" → balade
• "Vas-y, souffla Keatys avec clin d’œil." → "avec un clin d'oeil", peut-être ? ^^
• "Cinq auparavant, il avait commencé la vie sur la terre" → cinq quoi ? ^^"
• "En revanche, il ne pouvait regretter d’avoir aider Asha." → aidée
• "Alleeeeeeer !" → je crois que c'est "alleeeeeeez" ^^
• "Des rires et des cris émerveillés attirent les adultes dehors" → attirèrent ^^
• "le reste du décor n’était que bosses blanche et arbres drapés" → blanches
• "La neige était rare sur la côte, ils n’en avait jamais vu autant" → "ils n'en avaient" ou "il n'en avait" ^^
• "Ce n’est pas trop mont truc, tu sais bien" → mon truc
• "un rire de soulagement vite calmé par sa mère qui le traina à l’intérieure" → intérieur
• "J’ai froid au pieds, fit Lucio. Y a plein d’eau dans mes chaussures" → "au pied" ou "aux pieds"
• "Ses bottes épaisses et ses chaussettes furent posées très du feu" → 'près du feu', je suppose ^^
• "Mais il faudra attendre que deux autres personnes veulent entrer" → je crois que c'est "veuillent"
• "Alors que le visage indistinct d’une mère qu’il avait à peine connu" → connue
• "Jusqu’à lors à peine perceptible, il résonnait alors dans son âme" → jusqu'alors
• "à peine âgé d’une dizaine d’année, se précipiter vers lui" → d'années
• "râla Séla qui devait avoir une douzaine d’année au vue" → d'années / au vu
• "Elle se saisit d’un petite paquet de tissu sale qu’elle défit religieusement" → petit
• "Aller, ça vaut bien une petite pique" → allez
AudreyLys
Posté le 29/07/2020
Hi !
XD oui il peut
Oh la la y a plein de coquilles ! Je prends note merci ! (о´∀`о)
Alice_Lath
Posté le 18/05/2020
Y'a pas mal de coquilles dans ce chapitre haha, des participes passés remplacés par des infinitifs, la coquille de "ballade" -> c'est ballade pour un chant, balade pour une promenade et quelques petites choses encore huhu rien de bien grave
Oooh, bientôt la rencontre Asha/Angelus/Amaya alors, ça devrait bien se passer puisqu'ils ignorent tout de l'existence des Sylviens, donc bon. Quoiqu'avec son tatouage... Mmmmh, je préfère me dire que ça se passera bien huhu. Et Lohan qui prend cher, en même temps, je comprends la princesse, il fait pas très fiable d'un coup.
AudreyLys
Posté le 18/05/2020
Pour que ça te dérange c'est que doit y en avoir beaucoup x) désolée
JEDISRIEN
Lohan bûcheron c'est le feu tu trouves pas XD ?
<3
Alice_Lath
Posté le 18/05/2020
Weeeesh, le respect est mort là pour le coup hahahahahaha bordel, je suis morte
El
Posté le 19/04/2020
Ouch.
Les gens qui se croisent, j'aime pas trop beaucoup ça.
Y a un truc que je comprends pas : ils ont vu 2 ermites, ou ils ont juste vu Asha et une maison "neuve" ? è.é
Et ces souvenirs..... ça pue aussi cette histoire d'humains clandestins éoè
Lohan bûcheron... je me demande quand est-ce qu'il va se tailler pour de bon x)
AudreyLys
Posté le 19/04/2020
^^
Ils ont vu juste la maison, elle était à la chasse quand ils sont passés. Je croyais l'avoir dit pourtant, je devrais repreciser ?
yep
XDD JEDISRIEN
El
Posté le 19/04/2020
Je sais pas, je devais pas être attentive à ce moment-là éwè
Sorryf
Posté le 10/02/2020
Bon... J'ai encore lu ce chapitre dans des conditions pourries, je risque d'avoir loupé plein d'indices et d'infos, mais ça veut pas dire que ça manque de clarté !
Deux ermites dans la zone ? La première ne peut être que Asha, mais l'autre ? une herboriste ? hmmm... je vois pas T.T

En tout cas je suis partagée entre trouver rassurant que Asha soit pas complètement seule, d'autant que Amaya et Angelus ont l'air okay, et angoisser un peu. J'espère que le voisinage se fera dans la paix et le respect :x

"Cinq auparavant, il avait commencé la vie sur la terre, fraîchement recruté par Adhara. C’était là qu’il avait marché pour la première sur cet étrange manteau blanc," -> il manque des mots xD
"le temple pyramidale" -> Pyramidal
"La pause est fini," -> finie

J'ai repéré quelques autres fautes d'accord mais j'avais rien pour noter, une petite relecture et c'est bon.

Je suis intriguée par ce nouveau perso du flashback, Var le voleur humain.
La partie sur la neige avec Asha était super belle !
Lohan qui se retrouve bucheron et Conan qui monte en grade... ça craint xD
AudreyLys
Posté le 10/02/2020
Ah mince, courage !
Mais si, tu sais, une herboriste... une herboriste qui est responsable du bébé qui se tape l'incruste dans le ventre d'Asha....

Dans la paix et le respect... *toussote*

Merci pour les coquilles ! Pas de problème si tu les as pas toutes mises.

Ah... moi je suis beaucoup intriguée par lui XD c'était un partie une partie impro du coup je sais ps du tout ce qu'il se passe avec lui à part que ça finit pas très bien
N'est-ce pas XD

M
AudreyLys
Posté le 10/02/2020
(mdr le message qui se poste tout seul)

Je disais donc merci pour ta lecture et ton com' Sorryfounette
Sorryf
Posté le 10/02/2020
Oh non... pas elle T.T
j'y ai pensé en plus, mais j'ai eu un doute il me semblait qu'elle était morte T.T
AudreyLys
Posté le 10/02/2020
Si si, elle.
C’est sa mère qui est morte, en fait.
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